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Marius Dossou-Yovo sur la protection des données à caractère personnel: « …développer des mécanismes juridiques protecteurs des droits de l’individu »
Publié le vendredi 23 juin 2017  |  Le Matinal
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© Autre presse par dr
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Formidable outil de communication, l’internet s’impose à tous, surtout avec l’avènement des réseaux sociaux qui offrent d’énormes avantages. De la même manière, il constitue un espace de vulnérabilité pour l’internaute. Pour remédier à l’usage frauduleux des données à caractère personnel collectées sur internet, l’expert en droit du cyberespace et des médias Marius Janvier Dossou-Yovo suggère le développement des mécanismes juridiques protecteurs des droits de l’individu. C’est dans la troisième partie de sa réflexion.
Pour remédier à l’usage frauduleux des données à caractère personnel collectées sur internet, il convient de développer des mécanismes juridiques protecteurs des droits de l’individu. Ils sont certes nombreux avec un champ d’efficacité toujours aussi aléatoire que l’appréhension d’un cyber délinquant.
La notion de « droit à l’oubli » a pris corps dans une note relative à l’affaire Landru de 1965 où le professeur Gérard Lyon-Caen l’invoque comme fondement juridique possible d’une action intentée par une des maîtresses de Landru, qui demandait alors réparation du dommage que lui aurait causé un film de Claude Chabrol relatant une ancienne liaison. Le juge fonde alors son argumentaire sur une autre notion non moins éponyme, la « prescription du silence », pour finalement rejeter la demande au motif que la requérante avait elle-même publié ses mémoires. Mais cette approche n’a pas fait florès. C’est ainsi que dans une autre décision dite Madame Filipacchi et Cogedipresse, la notion de droit à l’oubli a été consacrée en droit positif français. Ainsi, dans cette décision, le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est appliqué à consacrer une nouvelle liberté publique : « Attendu que toute personne qui a été mêlée à des évènements publics peut, le temps passant, revendiquer le droit à l’oubli ; que le rappel de ces évènements et du rôle qu’elle a pu y jouer est illégitime s’il n’est pas fondé sur les nécessités de l’histoire ou s’il peut être de nature à blesser sa sensibilité ;
Ce raisonnement du juge est fondé, surtout dans une démarche qui tend à la protection des données à caractère personnel. Il trouve son fondement dans des institutions juridiques assez connues que sont par exemple la réhabilitation et le pardon. En effet, il n’est pas juste de reprocher à une personne, ad vitam aeternam, ses caprices de jeunesse ou encore des déviances qu’il aurait commise dans son passé à l’image d’un forçat qui trimbalerait le boulet attaché à ses pieds.
L’intérêt d’un droit à l’oubli réside certes dans sa formalisation mais encore plus dans son effectivité sur internet.
La complexité de la mise en œuvre du droit à l’oubli sur internet est symbolisée par cette déclaration de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste (Arcep), « Le droit à l’oubli fait ainsi l’objet d’une consécration assez théorique, et en réalité son caractère de liberté publique ne lui confère qu’une force illusoire de garantie. Actuellement, ni la loi française ni les directives européennes ne permettent d’instaurer un véritable droit à l’oubli. Il ne s’agit sur Internet pour le moment que d’un principe de conservation des données à caractère personnel limité dans le temps. Il reste encore beaucoup à parcourir avant de permettre à l’internaute de devenir le seul archiviste de son histoire personnelle. Les nouveaux droits liés à la généralisation de l’Internet rendent nécessaire la recherche d’un niveau supérieur de protection : il est désormais indispensable de passer de l’encadrement de la collecte des données personnelles à la consécration d’un véritable droit à la « mort virtuelle ».
La lettre de l’Arcep est empreinte d’un pessimisme qui pourrait laisser croire que pour le droit à l’oubli, l’internet est un obstacle rédhibitoire. Mais une législation sur la société de l’information gagnerait à formaliser ce droit qui pourra toujours être évoqué pour protéger des droits de la personne. Le danger réside plutôt dans le silence de la loi. Il s’agira comme l’affirme Türk (A) de « retraduire une fonction naturelle, l’oubli, qui fait que la vie est supportable ».
Nous pensons, à l’instar de Chateauraynaud, que le sujet de la protection des données personnelles dans l’espace cybernétique est inscrit dans un « champ de forces » international au sein duquel sont imbriqués des éléments hétérogènes. Il peut s’agir de textes de régulation (des lois, des règlements et des normes techniques), d’artefacts technologiques (des matériels et des logiciels), d’intérêts et de modèles industriels et socioéconomiques, de discours médiatiques, de pratiques d’entreprises ou de pouvoirs publics .
Dans ce contexte, les institutions nationales et les mécanismes de protections au niveau national, communautaire et régional doivent être mis à contribution. Il nous semble que dans ce magistère, la Commission nationale de l’informatique et des liberté (Cnil) ne prend pas assez la place qui est la sienne. Pour qu’elle joue pleinement son rôle, elle doit cesser d’être une excroissance de l’appareillage du pouvoir exécutif mais une autorité administrative indépendante avec réelle indépendance organique et fonctionnelle.
La réflexion sur la protection des données à caractère personnel dans le cyberespace relève d’une aporie. Certes. Mais, il y a lieu de reconnaître que le droit du cyberespace est lui-même en construction après les nombreuses controverses sur l’opportunité voire la nécessité de faire intervenir la règle de droit. Dans ce contexte, le droit positif qui est à près silencieux sur l’encadrement des activités dans cet espace, a besoin d’être dynamisé par l’adoption de plusieurs textes de loi sur la société de l’information, la cryptologie, la signature électronique, l’archivage électronique, la cybercriminalité, l’horodatage, la cybersécurité, etc.
Le projet de code du numérique en République du Bénin est une initiative à saluer. Mais à terme, la mise en place d’un cadre juridique pourrait ne pas être la mesure prophylactique attendue si le besoin de développement qui sous-tend ce texte occultait les aspects liés à la protection des droits fondamentaux de la personne qui devraient être le point centrifuge de toute réforme dans ce secteur.
Ce texte devrait mêler de manière indissociable la protection des libertés et des droits de la personne avec la finalité économique.

Marius Janvier Dossou-Yovo
Docteur en droit privé/ Enseignant Chercheur
Expert en droit du cyberespace et des médias
Secrétaire Général Adjoint de la Haac
Tél : +229 95967257
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