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Politique et genre au Bénin : A la découverte de la femme-maire de Pèrèrè, Mariétou Tamba
Publié le mercredi 28 juin 2017  |  Matin libre
Mariétou
© aCotonou.com par Didier Assogba
Mariétou Tamba, maire de Pèrèrè.




Seule femme élue sur les 77 maires du Bénin, Mariétou Tamba, maire de la commune de Pèrèrè a su mettre sa vie personnelle entre parenthèses pour s’imposer dans le monde politique longtemps dominé par ses congénères masculins. Comme tant d’autres femmes, Mariétou Tamba a un parcours de militante édifiant qui l’a contrainte souvent à se comporter comme un homme. La politique n’est donc plus un bastion masculin, fera remarquer cette femme outillée par Rifonga et autres organisations de la société civile. Cette élue de l’alliance Soleil est devenue maire de Pèrèrè avec le soutien des élus Fcbe. Comment est-elle traitée dans ce monde qui, pour beaucoup, n’est pas le sien? Que comprendre de sa vie de militante et de ménage ? Lisez l’entretien…

Le chemin a été long et le parcours jalonné d’épines mais à l’arrivée vous êtes élue maire de la commune de Pèrère, une commune où la femme n’a toujours pas encore le pouvoir de décision. Qu’est-ce que cela vous fait aujourd’hui d’être femme maire à la tête de la commune?

Est-ce que je peux dire que j’ai un sentiment particulier. Je ne pense pas parce que parfois je me considère comme un homme aussi. Le fait que je sois parmi les hommes à des moments donnés je me dois de me comporter aussi comme eux pour pourvoir m’imposer puisque ce n’est pas souvent facile d’être au milieu des hommes. En tant que femme, la vision que nous avons, l’homme ne l’a pas et pour lui faire comprendre certaines choses, c’est-à-dire faire partager sa vision, c’est souvent difficile. C’est pour cela qu’il faut parfois agir comme eux-mêmes pour faire passer sa vision.

Très peu de femmes osent embrasser une carrière politique ou encore prendre le devant des choses. Mais vous, vous l’avez fait. Dites-nous brièvement quel a été votre parcours jusqu’ici ?

Ce n’est pas facile et il faut avoir le courage pour s’engager en politique. Parce qu’en politique beaucoup de choses se disent. Il y a surtout des choses qui n’existent mais qu’on propage dans l’opinion ne serait-ce que pour diffamer et dénigrer. Si moi j’ai osé et parvenir à me faire élire maire de la commune de Pèrèrè, c’est d’abord pour montrer à mes sœurs qu’aller à l’école reste une bonne chose ; s’engager pour atteindre ses objectifs est encore meilleur. On le peut quand on a la volonté. Il ne faudrait plus trop compter sur l’appui des hommes d’abord. C’est vrai que j’ai eu l’appui de mon mari pour être là où je suis mais il faudrait que les jeunes sœurs de Pèrèrè sachent que c’est d’abord parce que j’ai été à l’école. Quant à mes jeunes frères qui vont à l’école, puisque nous sommes proches du Nigeria, ils quittent l’école très tôt pour aller faire le commerce de l’essence. Si tu veux réussir, n’essaie pas de prendre le court chemin, emprunte plutôt le long chemin avec la bénédiction des ainés et on y parviendra.

Madame, le maire, dites-nous à quel âge avez-vous commencé à militer en politique ?

La politique, je peux dire que je l’ai hérité de mon père qui fut militaire. Vous savez que les militaires d’entre-temps sous le président Kérékou étaient des politiciens. Et ils ont leur manière de faire la politique sans qu’on ne les soupçonne. Après sa retraite, mon papa est rentré au village et chaque fois qu’on rentrait aussi pour les vacances, on avait du plaisir à le suivre. Son parti politique était le nôtre, on y militait ensemble. C’est ainsi que parmi ses enfants, je suis celle qui s’est plus engagée en politique. D’abord, j’ai été identifiée comme femme leader de la commune par PA3D et on a eu des appuis pour des formations en leadership féminin avec RIFONGA-Bénin et autres organisations. Nous avions été suffisamment outillées sur les différents rouages en politique. Puis j’ai la chance d’être positionnée pour les élections communales et je me suis battue comme fille du terroir. Les populations ont placé leur confiance en moi puis j’ai été élue d’abord conseillère et maire aujourd’hui.

Désormais, vous êtes à la tête du Conseil communal de Pèrèrè, quelle est votre politique de promotion du genre dans cette commune où la femme reste toujours réduite au silence ?

Notre vision est que la scolarisation des filles soit une priorité pour tous. Il faudrait que les enfants notamment les filles aillent à l’école et qu’elles soient maintenues à l’école. Qu’elles n’abandonnent pas les classes à cause des jeunes garçons ou encore des vieux riches qui se jettent à leurs trousses. Il faut que la femme cesse d’être dépendante de l’homme. C’est pourquoi nous mettons un accent particulier sur la sensibilisation des filles. D’ici peu, nous aurons une séance de sensibilisation avec toutes les élèves de la commune pour les amener à viser loin, rêver grand. Car la plupart d’entre elles ne souhaitent qu’à devenir infirmière, sage-femme c’est-à-dire ce qu’elles peuvent faire juste avec le niveau Bepc. Il faut qu’elles se disent qu’elles doivent atteindre le cap du Baccalauréat et faire des études universitaires, doctorales pour devenir un cadre de la République. Ce sont ces rêves qui les motiveront à étudier malgré les difficultés. Il faut forcément persévérer.

Nous allons à présent aborder votre vie de ménage. Acteur politique et maire d’une commune, vous devez beaucoup vous déplacer, vous absenter parfois des jours durant. Dites-nous, cela n’affecte-t-il pas votre vie au foyer ?

Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas eu de soucis depuis que j’ai commencé. Seulement qu’il faut dire que cela n’est pas fréquent. Parce que d’abord avant que je ne m’engage dans la politique, j’ai eu l’adhésion de mon mari, il a accepté m’accompagner. De plus, c’est un enseignant des sciences politiques à l’Université. Il sait donc bien de quoi il s’agit. Parfois, il faut savoir négocier et lui-même va souvent en mission pour dispenser les cours à l’étranger. Ce qui fait qu’il arrive à comprendre mais je fais tout possible pour être dans mon foyer les week-ends si je ne suis pas en voyage dans le sud du pays.

Pour beaucoup, c’est qu’une femme politique ou promue à un poste donné s’impose souvent dans son foyer notamment devant son mari. Qu’en dites-vous ?

C’est quand l’homme est faible qu’il pense que sa femme peut s’imposer à lui. Si dans votre ménage, votre femme veut que ce soit forcément son idée qui passe, sachez simplement que vous êtes faible. Elle peut avancer ses idées, prenez la peine d’analyser et d’instaurer un débat entre adultes pour lui comprendre pourquoi son idée ne passera pas ou pourrait passer. Mais si vous vous dites que ma femme veut s’imposer à moi et pour cela, je ne me laisserai pas faire, vous avez échoué. C’est ce que vous ne souhaitez pas qui se passera. Les femmes sont simples, il suffit de savoir les comprendre d’abord et ensuite les amener à comprendre leur tort si c’était le cas.

Douter de la fidélité d’une femme politique au foyer. Beaucoup pensent que pour la femme politique, la fidélité n’est point une valeur. Qu’en pensez-vous ?

Rire. Tout part de l’éducation, une femme bien éduquée, même sur un plateau d’or ne va jamais s’offrir. L’éducation part de sa famille et de son mari. Combien un homme peut-il me donner pour que je puisse faire quoi que ce soit ? Non, c’est l’éducation, la base de tout.

Mot de fin

Je vous remercie beaucoup et profite pour dire que la femme quand elle est bien éduquée, c’est toute la population qui en bénéficie. Il faudrait que nos enfants, nos sœurs puissent comprendre qu’il faut se battre pour réussir car viser le gain facile ne nous conduit pas à bon port. La femme doit être une croyante pour échapper à beaucoup de choses.

Entretien réalisé par Aziz BADAROU
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