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Urbanisation « incontrôlée » dans le Sud du Bénin/ Menace sur les terres agricoles : Dans la jungle de la spéculation foncière
Publié le jeudi 3 aout 2017  |  24 heures au Bénin




Achats massifs de terres en milieu rural, non respect des textes sur le foncier domanial, non respect de la réglementation sur la gestion de l’espace en milieu rural…l’urbanisation mal conduite réduit gravement les terres agricoles dans le Sud du Bénin. Tout ceci dans la jungle de la spéculation foncière.
Christian HOUNONGBE

L’accaparement des terres agricoles et leur conservation pour des fins de morcellement et de revente sont récurrents depuis plusieurs années au Bénin à cause des spéculations foncières.

Une maison en construction dans une zône agricole à Zê
Selon Fabrice Kossou, Chef Département Opération foncière et technique à l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier, cet état de chose est dû à l’inexistence d’un cadre formel des transactions foncières. « Le marché des transactions étant libre, chacun fixe le prix qu’il veut, vu l’intérêt du Béninois pour la terre. Les gens prennent des titres fonciers sur un grand domaine et se mettent à les revendre », explique-t-il.

La Zone des palmeraies totalement urbanisées
D’après le Livre Blanc de Politique Foncière et Domaniale au Bénin réalisé par le Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Réforme Foncièreet de la Lutte contre l’Erosion Côtière en juin 2011, « en général, les prix des terrains ne cessent de grimper en l’absence d’une régulation par les pouvoirs publics, d’un référentiel de prix actualiséssur le foncier ainsi que d’un cadre formel pour les transactions foncières ».

La Forêt sacrée Lanmatou Azongbéta d’Akassato menacée de disparition
Agbéva Daniel, retraité de la Société Béninoise d’Energie Electrique, acquéreur de terrain au quartier Tankpè-Attinkamey dans la commune d’Abomey-Calavi depuis les années 80, explique que le phénomène du recul des terres agricoles est dû à l’évolution très rapide des coûts des parcelles dans sa localité : « Feu Alphonse Tiedan, agent de la Voirie de Cotonou, a acquis en 1965, un domaine de 4,5ha chez des propriétaires coutumiers en l’occurrence les Egounlety à 150 000 Fcfa pour en faire de l’agriculture. Quinze ans plus tard, ce dernier morcelle le terrain en des parcelles de 625 m2 et les revende à 150 000 Fcfa chacun. C’est ainsi que les prix ont évolué dans le temps », raconte-t-il. Ces prix passent de 20 000F cfa l’hectare en 1960 à 150 000 en 1980 pour une portion de 625m2, 2 000 000 F en 2000 pour une parcelle de 500 m2 puis 8 000 000 Fcfa en 2016. Selon lui, c’est cette spéculation foncière qui a amené certains propriétaires de fermes à morceler leur terre et à la revendre.
Des terres à des prix suffisamment bas pour être revendues….
Selon Eric Djehounkê, agent immobilier (démarcheur), les fonctionnaires et autres personnes nantis, détentrices de pouvoirs financiers s’accaparèrent des terres agricoles à des prix suffisamment bas pour les revendre à des valeurs élevées quelques années plus tard. Par exemple, certains acquéreurs ayant acheté des terrains à 500 000 Fcfa l’hectare dans les années 90 dans les zones d’Allada, Zê, Toffo et autres, sont prêts à revendre actuellement le lot de 500 m2 à 500 000 Fcfa.

Pour Irmine Ogou, Chargé des projets à Synergie Paysanne qui constitue au Bénin, le syndicat des paysans, ce sont ces accapareurs de grandes superficies qui les morcellent pour les vendre plus tard : « Ces acquisitions se font dans le but de les conserver en l’état et de les revendre lorsque les terres prennent de la valeur ».
Des études, recherches et investigations réalisées par Synergie Paysanne, sur un échantillon de 47 cas d’accaparement de terres agricoles sur le territoire national, montrent que le Sud présente 29 cas dans les communes de Tori-Bossito, Zê, Zogbodomey, Djidja, Adja-Ouèrè, Abomey-Calavi, Toffo et Ouidah sur près de 40 000 hectares. Dans le centre du pays, on enregistre 10 cas pour 8 dans le Nord.
Abel Gbetoenonmon, Responsable de l’ONG Afrique Performance, membre de l’Alliance pour un Code foncier et domanial consensuel et socialement juste, estime que le problème au niveau du Bénin reste l’accaparement des terres rurales à des fins de spéculation foncière et non pour faire de l’agriculture. Dans la commune d’Adja-Ouèrè, une affaire d’accaparement de terres agricoles oppose les paysans de cette commune et un opérateur économique sur un domaine de 227ha, est pendante actuellement devant le Tribunal de Pobè.

De la floraison des agences immobilières
Rodrigue Tossou, chef service planification et développement urbain à la Direction Générale de l’urbanisme, pense que « les agences immobilières se prévalent de leurs titres fonciers pour mettre toutes les terres en vente sans chercher à savoir si la zone est réputée pour être urbanisée ou non. Il explique que le domaine de l’immobilier n’a pas encore fait l’objet d’une loi au Bénin.



Des bandéroles des agences immobilières abpondent les rues de Cotonou

« Pas de code de l’urbanisme, or tous les espaces de création du tissu urbain doivent s’asseoir sur un document juridique. Il y a beaucoup de vides qui profitent aux promoteurs ». Aussi, en plus des agences immobilières, cadres, opérateurs économiques et autres, continuent-ils de racheter de grandes superficies chez les anciens « propriétaires » coutumiers. Sans demander une quelconque autorisation, ils procèdent au morcellement de leurs terrains pour les vendre par lots, souvent de l’ordre de 500 à 800 mètres carrés chacun. Ceci en violation de la loi n°2013-001 portant code foncier et domanial en République du Bénin qui stipule en son article 6 que l’Etat et les collectivités territoriales, en tant que garants de l’intérêt général, doivent lutter contre le morcellement anarchique et abusif des terres rurales.
D’après le Livre Blanc de Politique foncière et domaniale au Bénin, la création de ces établissements de gestion immobilièrecontribue également à la spéculationfoncière.

Les panneaux publicitaires des agences immobilières jonchent les rues de Cotonou
Les activités de ces acteurs fonciers contribuent à augmenter exagérément lesprix d’acquisition des terres. « Les tenants du secteur se professionnalisent etfont de la publicité à travers des enseignes ou des spots publicitaires.Certains démarcheurs, bien qu’étant dans l’informel, réalisent deschiffres annuels avoisinant les dix millions (10.000.000) de francs CFA ». Certaines agences immobilières alimentent le morcellement des terres rurales et opèrent des transactions sur ces terres rurales dans les communes périphériques des grandes villes. En témoignent, les spots publicitaires diffusés à la télévision et à la radio pour la vente de terres dans des communes réputées agricoles. Ignorant tout de la fonction des terres et des documents de planifications dans les communes, les agences immobilières opèrent en toute quiétude.
Selon le chargé de Communication d’une agence immobilière, qui a requis l’anonymat, « si quelqu’un a le titre foncier, il fait de sa terre ce qu’il veut ».Pour lui, les agences fonctionnent en tenant compte de leur droit de propriété. Et pourtant, cette agence dispose de terres dans les communes où les zones agricoles figurent dans le Schéma directeur d’aménagement. Etant donné que le secteur n’est pas réglementé, la ruée vers les terres agricoles se poursuit. » La plupart des cas de violation des textesse font parfois en complicité avec les autorités communales. Selon Jonas Gbeffo, chargé de Communication de la Plateforme Nationale des Organisations Paysannes et de Producteurs Agricoles du Bénin, le constat est que la plupart des élus locaux et communaux ne maitrisent pas les textes de loi sur la gestion foncière, ni les instruments de planification spatiale. Parfois, ils contribuent à l’accaparement des terres et à leur thésaurisation en cautionnant des transactions foncières frauduleuses qui violent la loi sur le foncier au Bénin.

( Enquête réalisée dans le cadre du projet : « Pour des Médias plus professionnels au Bénin » de la Maison des Médias financé par OSIWA

ENCADRE Un cadre légal désuet et incomplet
Le Bénin s’est doté d’une loi portant code foncier domanial en 2013. Avant son adoption, deux régimes juridiques se côtoyaient au Bénin, l’un fondé sur le droit moderne et l’autre sur le droit coutumier. Plusieurs textes se sont succédé. En milieu urbain, le régime foncier moderne trouve essentiellement son champ d’action dans la gestion des terres avec pour cadre juridique la loi n° 60-20 du 13 juillet 1960 portant régime des permis d’habiter au Dahomey et la loi n° 65-25 du 14 aout 1965 portant régime de la propriété foncière au Dahomey (Bénin).
Suivant les dispositions de la loi n° 60-20 du 13 juillet 1960 fixant le régime des Permis d’Habiter au Dahomey et son décret d’application n°64-276 du 02 décembre 1964, l’autorisation administrative dénommée "Permis d’Habiter" porte sur des terrains immatriculés au nom de l’Etat, donc sur des terrains appartenant au domaine privé de l’Etat, dans des zones urbaines dotées d’un plan de lotissement ou d’un plan d’aménagement.
Mais le champ d’application de la loi n° 60-20 n’a pas été respecté. En effet, la loi a été étendue, du fait des usages, à toutes les terres urbaines et périurbaines. Certains Maires délivrent les Permis d’Habiter sur des terres non immatriculées au nom de l’Etat et ceci en contradiction avec l’esprit et les dispositions de la loi n° 60-20. Il s’agit d’un moyen pour avoir l’onction de l’administration, dans la procédure d’immatriculation classique prévue par les dispositions de la loi n°65-25 du 14 aout 1965 et qui est plus longue et plus coûteuse. La loi n° 65-25 sacralise le droit à la propriété reconnu notamment par la Constitution du 11 décembre 1990. Mais elle consacre le dualisme juridique en matière foncière, puisque, au terme de l’article 5 de la loi 65-25, l’immatriculation est en principe facultative, car elle n’est obligatoire qu’’à titre exceptionnel alors qu’elle débouche sur l’obtention d’un Titre Foncier « définitif et inattaquable ». L’aménagement des forets par l’Etat, par les Coopératives ou par les particuliers est régi par les dispositions de la loi n° 93-009 du 02 juillet 1993 et Livre blanc de politique foncière et domaniale. On peut ajouter aussi la loi n°98-030 du 12 juillet 1999, portant loi-cadre sur l’environnement en République du Benin. Les terres rurales ont été longtemps placée sous le régime coutumier jusqu’à la loi n°2007-03 portant régime foncier rural. Mais ces textes sont apparus désuets au fil des années. Par ailleurs, le Gouvernement a adopté en 1995, la Déclaration de Politique Urbaine par décret 95-341 du 30 octobre 1995 pour rendre performantes les politiques d’urbanisme. Du fait de l’absence d’un code d’urbanisme cet arsenal juridique reste incomplet.

(Enquête réalisée dans le cadre du projet : « Pour des médias plus professionnels au Bénin » de la Maison des Médias financé par OSIWA)
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