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Déclaration de l’ ancien ministre d’Etat, François Adébayo Abiola, invité de « Sous l’Arbre à Palabre » au siège de l’évènement précis: « La réforme des universités est difficile à comprendre »
Publié le vendredi 4 aout 2017  |  L`événement Précis
Le
© aCotonou.com par DR
Le professeur François Adébayo Abiola, Ministre d`Etat




’ex vice premier ministre, chargé de l’enseignement supérieur, le Professeur François Adébayo Abiola est le 106ème invité de ‘’Sous l’arbre à palabres’’, la rubrique-phare de L’Evénement Précis, pour la deuxième fois, après son premier passage de juillet 2007, en qualité de député à l’assemblée nationale. Au cours de ce deuxième passage, François Abiola s’est entretenu avec les journalistes sur ce qui fait son actualité depuis le 6 avril 2016. Vu comme le dauphin « naturel » de Boni Yayi, François Abiola verra ce privilège lui passer sous le nez, Yayi lui ayant préféré le premier ministre Lionel Zinsou. Avec les journalistes, François Abiola aborde cet épisode qui lui est resté en travers de la gorge. Désormais libéré des Forces cauris pour un Bénin émergent, les Fcbe de Boni Yayi, François Abiola parle aussi de sa formation politique, le Mouvement espoir du Bénin (Mesb) et de son avenir politique. Se positionnant au centre sur l’échiquier politique, il dévoile les stratégies de son parti, le Mouvement espoir du Bénin (Mesb) qui n’entend pas rester à la touche lors des joutes électorales de 2019. Tranchant avec ses anciens camarades de la majorité présidentielle de Boni Yayi qui peignent en noir toutes les actions du régime en place, François Abiola est plutôt modéré quand les journalistes lui demandent son avis sur la gestion du Bénin par Patrice Talon. Tout auréolé du titre de Commandeur de l‘Ordre international des palmes académiques que lui a décerné le Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (Cames) à Cotonou en juillet 2017, le Professeur Abiola, longtemps ministre de l’enseignement supérieur n’a pas échappé aux questions des journalistes sur ce secteur actuellement secoué par un bras de fer entre des promoteurs privés et l’Etat : « La réforme des universités est difficile à comprendre » déclare-t-il.

Et si on en parlait
En juillet 2007, vous étiez déjà Sous l’arbre à palabres. Quelles sont vos impressions, dix ans exactement après, de vous retrouver encore ici ?
Je vais d’abord féliciter L’Evénement Précis parce qu’il y a du chemin qui a été fait. Quand j’étais au gouvernement, nous apprécions la courtoisie de Gérard Agognon, le Directeur général pour son attachement, tout à fait loin de toute compromission. Ça, c’est très important. Je profite de cette occasion pour le remercier pour cette attention.
Comment se porte votre parti, le MEsB dont vous assurez la présidence, en ces moments où les partis traversent des zones de turbulence.
Il ne faut pas parler comme ça. C’est vrai qu’il y a des partis politiques qui sont en crise. C’est vrai aussi qu’il y a des partis qui, comme dirait quelqu’un, sont au laboratoire, en train de tout analyser, en train de regarder le rétroviseur. Au parti Mouvement Espoir du Bénin, nous essayons, lorsque nous en avons l’occasion, d’animer la vie politique. Et surtout, nous sommes en train de consolider nos bases. C’est ce qui nous prend énormément de temps en ce moment, pour savoir ce qu’il nous reste de militants, comment engager les batailles qui nous attendent. C’est ce que nous sommes en train de faire dans beaucoup de communes actuellement. Je peux dire que le parti MEsB est en train de s’interroger en ce moment. Ce parti a pris une option ; Il a désormais une vision politique et nous essayons d’en convaincre nos concitoyens, nos populations, nos électeurs.
Parlant de cette option, le centrisme, quel bilan faites-vous, huit mois après l’avoir prise ?
Après avril 2016, avec le groupe qui est avec moi, on s’est arrêté et j’ai demandé à chacun, sa vision de la vie politique au Bénin, comment il voit les campagnes électorales, ce qu’il attend souvent après celles-ci. On se rend compte que dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres, les campagnes électorales sont parfois des moments d’extrémisme, en raison des conflits fratricides. C’est vrai, on peut se battre pour une idée, pour une opinion. Mais je constate qu’on se bat pour être à une position donnée, plus tard. C’est surtout ce qui m’a amené à proposer la vision aux membres du parti. Ne pas penser qu’il faut exclure de la gestion politique, ceux qui n’ont pas gagné. C’est très dangereux et on s’est demandé si on ne peut pas faire la politique autrement. Si on prend les dernières élections, le président Talon a eu 65%. Est-ce qu’on peut dire que les 35% ne sont pas béninois ? Souvent, quand je parle avec les dirigeants actuels, je dis qu’il y a une attention à accorder à ces 35%. Nous n’avons pas inventé la roue. On s’est dit qu’il faut parcourir l’histoire politique d’un certain nombre de pays, et bien sûr aussi, la nôtre. On s’est demandé s’il y a un courant qui, tout en préservant les intérêts de ceux qui ont gagné en quelque sorte, accepte les autres. C’est là que nous avons vu que c’est ce courant-là qui peut accepter les autres, ce courant qui regroupe les grands hommes qui mettent l’humanisme dans la société et qui sont des tolérants et qui acceptent les autres, même s’ils ont gagné. On s’est dit que ce courant, c’est le courant centriste. Mais quand nous avons développé cette idée, il y a eu une grosse confusion. Il y en a qui ont fait la confusion volontairement, il y en a qui ont péché par omission comme, on dirait à l’église. Et nous-mêmes, on a contribué à ça. C’est de mon discours de clôture qu’est venue la confusion, j’aurais pu ne pas parler des deux contextes. C’est qu’il y avait la position du parti par rapport au gouvernement en place et, ensuite, la vision du parti. J’ai dit la première phrase et en même temps, la deuxième a suivi. C’était l’erreur. De quoi s’agit-il ? Un parti doit avoir une position par rapport au gouvernement en place. Et ça, c’est ponctuel. Après beaucoup de discussions, on s’est dit opposition ou mouvance ; pour le moment, ce n’est pas notre affaire. Nous voulons incarner un juste milieu avec le gouvernement en place. Ça c’est une position ponctuelle. Pour le deuxième développement, contrairement à ce qui se fait dans le pays, j’ai demandé aux camarades si on ne peut pas un peu ‘’innover’’ en disant que nous avons une vision politique. Et nous avons dit que notre vision politique sera le centrisme. Donc, la position par rapport à un gouvernement est ponctuelle, mais la vision pour un parti est permanente. Mais il y a eu malheureusement cette confusion que nous avons eu à faire.
Quel pays est pour vous un modèle, relativement à votre vision ?
Il y avait une vision proche et une vision lointaine. Prenons la vision proche : l’avènement du Président Macron. Dès que j’ai vu le candidat Macron évoluer, j’ai dit que celui-là est du centre. Je lui ai écrit pour lui dire : «Monsieur Macron, vous allez gagner». Nous avons fait une longue réunion du bureau politique du MEsB et on s’est demandé s’il faut prendre contact avec lui. Nous avons failli participer à la campagne du premier tour mais à cause de certaines contingences, on n’a pas pu le faire. Mais nous sommes restés en contact avec son équipe grâce aux militants de la diaspora du MEsB qui sont en France et qui n’étaient pas membres de ce mouvement et à qui j’ai demandé de devenir membres, très vite. Maintenant, l’approche lointaine avec l’histoire française : je ne sais pas si vous connaissez Jean Lecanuet. C’est un acteur politique qu’on prenait pour un rêveur dans les années 1962/1963 parce qu’il voulait, avec son petit parti politique, aller à des élections présidentielles. Les sondages le créditaient de 3% à peine. Il a été aux élections en 1965 face à un Général de Gaulle et un François Mitterrand. A l’arrivée, au premier tour, Jean Lecanuet a obtenu 16 à 17%. De Gaulle était ainsi obligé d’aller au deuxième tour. Le mouvement de Jean Lecanuet a continué. On pense qu’une bonne partie de la démarche de Macron est tirée de Lecanuet. Quand nous avons dit que nous sommes au centre, les premiers qui n’étaient pas complètement d’accord avec moi, ce sont les militants proches de moi. Il est vrai qu’un parti est fait pour durer. Ils ont dit que le MEsB n’aura jamais le pouvoir, avec ma vision. Je leur ai dit que ma vision n’est pas encore courante au Bénin. Je ne sais pas si vous pouvez me compter le nombre de partis qui ont une vision idéologique au Bénin. Je ne sais pas si on va en trouver beaucoup. C’est peut-être ce qui a fait qu’on a pensé à cette précision au niveau de la vision. Certains m’ont dit : « Il rêve parce qu’il est un intellectuel et où pourra-t-il aller avec son centre ? » Nous irons loin avec ce centre, à force d’expliquer et si nous portons ça dans le contexte politique. Je pense que c’est la France qui nous a inspiré à avoir cette vision au niveau du parti. Après, Macron est venu et quand il a gagné, tout est devenu jouable. Vous pouvez voir au niveau de la France, combien ils sont du centre à avoir gagné le pouvoir. Valéry Giscard d’Estaing a gagné le pouvoir. Juste après De Gaulle, il y a eu Alain Poher, même s’il n’a pas fait des élections. A un moment donné, pendant les dernières campagnes présidentielles, Marine Le Pen disait qu’elle aussi était du centre puisque tous les Français parlaient d’elle. C’est vrai que des gens disent que c’est un rêve au Bénin, mais il faut qu’il y ait des gens comme nous pour rêver et dire que c’est faisable. C’est vrai que maintenant la vision de nombre de partis politiques, c’est l’argent.
Pouvons-nous dire que les Béninois sont en train de s’approprier ce nouveau concept ?
Un peu. Le 11 mars 2017, nous nous sommes réunis à Sakété avec un certain nombre de partis qui se sont rapprochés de moi pour me faire part de leur adhésion à ma vision. Ils m’ont demandé s’ils peuvent faire un regroupement de partis du centre au Bénin. Nous avons alors convenu d’un regroupement des partis du centre. J’avoue qu’on n’a pas tellement eu d’activités. La seule activité à laquelle j’ai participé était le changement du nom d’un parti qui s’appelait URD en UDI.
Avez-vous déjà eu quelques remords ?
Non. Pas du tout. C’est vrai que nous sommes des hommes politiques. Je suis passé sur plusieurs chaînes de télévisions, des stations de radios et la presse écrite pour expliquer. Je ne pense pas que tout le monde ait compris. Il n’y a pas de remords.
Dans deux ans, auront lieu les législatives. Quelle stratégie avez-vous à adopter au sein du parti ? Comptez-vous partir en solo ?
Non. Aucun parti ne peut gagner des élections en solo. La stratégie du parti est simple. Pour aller vers les autres, il faut d’abord être fort à la maison. Nous sommes en train de consolider les bases de notre parti dans certaines communes que nous pensons nous être favorables. Nous sommes en train de mettre les structures sur pied. C’est vrai que je vois certains partis dans une alliance et quand l’alliance éclate, ils se retirent. On était dans les FCBE, nous nous sommes retirés mais nous continuons d’animer la vie politique. Il faut être fort en tant que Mouvement Espoir du Bénin. Une fois que nous avons fini cette étape, on va s’asseoir pour déterminer avec qui il faut aller aux prochaines élections législatives, ensuite les élections communale et présidentielle. Aucun parti ne peut aller seul et réussir.
Quelle analyse faites-vous du séisme qui secoue certains grands partis politiques ?
Il faut prendre ça comme normal et il ne faut pas infantiliser tout le monde. Quand on accuse quelqu’un de déstabiliser un parti, alors qu’il n’y pense même pas, il peut être content quand c’est déstabilisé. Il faut savoir que ceux qui animent ces partis sont des personnes responsables, des personnes qui ont déjà prouvé quelque chose dans la vie politique de notre pays. Depuis 1990, les partis politiques ont lamentablement échoué et personne ne dira le contraire. C’est un échec. On crée un parti pour avoir le pouvoir et le gérer mais, nous n’avons pas réussi à le faire. Lorsqu’un non politique, au départ, gagne, on veut gérer avec lui. A quoi peut-on s’attendre d’autre ? La nouvelle Autorité va chercher aussi des marques politiques personnelles. Il va guetter toutes les occasions. C’est à mon avis tout à fait normal. Il faut penser que nous sommes en présence de terreau favorable pour que celui qui veut déstabiliser puisse le faire, et non, lui donner la paternité de la déstabilisation. Parmi les partis qui sont aujourd’hui en crise, lesquels sont vraiment à jour selon leurs propres textes? C’est un échec parce que les partis n’ont pas réussi à aller au bout dans les objectifs de la création d’un parti politique.
Il se dit dans l’opinion que c’est le pouvoir en place qui est au cœur de cette crise. Etes-vous du même avis ?
Si je vois que le terreau est favorable pour que x ou y vienne vers moi, je ne vais pas me faire prier. Nous, partis politiques, avons déjà échoué et les présidents qui passent aujourd’hui au Bénin savent que les partis politiques ont échoué puisqu’ils n’ont pas pu faire élire un président au niveau de la Présidence de la République. Etant Président de la République, c’est normal que je puisse leur montrer qu’ils ne sont pas si forts.
Vous avez appartenu à une famille politique, les FCBE. Aujourd’hui, les FCBE sortent de leur sommeil. Pensez-vous que leur retour pourra faire tâche d’huile ?
Ne dites pas que les FCBE sortent de leur sommeil. Nous avons cru qu’on pouvait gagner les élections et nous avons reçu le coup. Il est tout à fait normal que les partis de l’alliance puissent s’interroger. Après les élections, les FCBE avaient fait une concertation au Palais des Congrès. J’y étais. Je ne sais pas si vous m’aviez suivi. C’est ce jour-là que tout s’est dessiné car, je me disais que de toutes les façons, il fallait que nous tirions les conséquences de ce qui s’est passé. J’ai dit qu’en tant que Mouvement Espoir du Bénin, j’allais sortir des FCBE. C’était un tournant. Il était déjà attendu que d’autres aussi sortent, et c’est ce qui s’est passé par la suite. Si je suis sorti des FCBE, cela ne veut pas dire que nous sommes des adversaires. Nous sommes des acteurs politiques et nous avons des stratégies qui font qu’on peut prendre une position plutôt qu’une autre. Ayant constaté ça, c’est normal que ceux-là qui sont restés encore dans l’alliance FCBE puissent se demander comment faire pour continuer la lutte. S’ils ne font pas cela, ceci leur serait suicidaire. Je ne dirais pas qu’ils se sont réveillés mais qu’ils ont pris la mesure des choses.
Certains de vos amis ont été cités dans des dossiers, dont la campagne cotonnière de 2013-2016 ?
Je ne pense pas que des gens soient cités. J’ai vu des gens qui s’expliquent. J’ai entendu l’audit qui a été rendu public. L’audit n’a pas parlé de détournement mais a dit qu’il y a un certain nombre de choses au niveau de quelques structures de la République. Quand cela s’est passé, certains de ceux que vous appelez mes amis se sont expliqués à travers les médias.
Que pensez-vous de la période 2013-2016 choisie pour l’audit ?
Quand on dit ça, on nous renvoie la question de savoir pourquoi nous ne l’avions pas fait sortir en notre temps. Je ne peux pas dire si toutes les précautions ont été prises pour le faire, car quand on parle d’audit, il y a toujours des réponses contradictoires.
Pensez-vous que c’est une chasse aux sorcières ?
La réponse à cette question est dans ce que j’ai dit tout à l’heure. Est-ce que les résultats de l’audit ont été contradictoires ? Si ça n’a pas été contradictoire, il y a problème.
Mais en suivant ces dossiers, quand vous regardez dans le rétroviseur pour la gouvernance qui a été la vôtre, vous pensez qu’il y a des choses à vous reprocher ?
Bon ! Quel est l’homme qui ne fait pas de fautes ? La religion catholique a déjà tout dit. On peut pécher par omission. Même quand vous buvez de l’eau, vous pouvez pécher parce que ça dépend du contexte de l’acquisition de l’eau.
Suspension de l’ONASA, suspension de tel ou de tel, qu’est-ce que ça vous dit ?
C’est des côtés pour lesquels on peut ne pas être d’accord pour ce qui s’est passé avec le gouvernement actuel. Il s’agit des pertes d’emploi et ça, personne ne peut être d’accord. Un seul emploi supprimé dans un pays, on ne peut être d’accord mais ils nous ont dit que ces emplois seront rattrapés de façon périodique. On attend de voir.
Ils soutiennent que c’est parce que ces sociétés-là ne rapportaient pas et que vous y injectiez de l’argent.
Même si ces sociétés ne rapportaient pas, il y avait au moins des gens qui y travaillaient. Il y avait des gens qui trouvaient leur pain quotidien là-dedans. On ne peut pas dire que ça ne rapportait pas. Il y a peut-être quelques pertes qu’on trouve à des moments donnés surtout lors des campagnes cotonnières. On peut encore concéder ça mais dire que ça ne rapportait pas, ce n’est pas vrai. Au moins au niveau social, ça rapportait.

Monsieur le Ministre, vous avez suivi les résultats de la campagne cotonnière de 2016 qui a été la meilleure des campagnes, bien que l’Etat n’y ait pas injecté grand-chose comme par le passé.
Je pense qu’il faut prendre du recul pour voir ça. Vous savez, pour la culture cotonnière, il y a beaucoup d’aléas. Est-ce que les semences, est-ce que la pluie, est-ce que ceci, est-ce que cela ? C’est vrai qu’il faut reconnaitre que la campagne cotonnière de cette année a été meilleure avec le chiffre de 452 mille tonnes ; on ne peut pas dire que ce n’est pas rien. Par rapport à ce que nous avons fait, c’est mieux. Mais attendons de voir. Aucun Béninois ne peut pas ne pas se réjouir de ça. Et en faisant une comparaison avec les campagnes que nous avons eu à conduire, c’est un bon résultat. Mais prions Dieu pour que ces résultats soient pérennes.
A l’heure de la vérité, que dira François Abiola à l’opinion publique béninoise de ce qui s’est réellement passé pour que ce ne soit pas lui qui ait été choisi comme candidat unique des FCBE en 2016?
A l’heure actuelle, nous tous, nous regardons dans le rétroviseur. Ne pleurons pas, tous les jours. Dieu n’a pas voulu ça. On était sur cette voie quand notre leader, à l’époque, avait pensé que ce n’était pas bon et qu’un autre avait plus de chance de nous faire gagner. On prend acte et on continue la vie.
Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
Moi, je ne peux pas être dans le cœur de celui qui a fait ça. Et je pense que c’était très maladroit parce que ce qui s’est passé de façon visible, c’est qu’on avait mis en place une commission pour essayer d’écouter et d’apprécier les différents candidats. A l’arrivée, je pense qu’il y avait deux ou trois candidats qui se dégageaient pour porter ce flambeau-là dont l’un se positionnait nettement. La commission avait soufflé que c’était un monsieur qui était de loin le candidat le plus probable pour nous. Tout de suite, on a arrêté ça, on a changé les règles du jeu pour aller vers ce que vous connaissez et nous connaissons aussi la suite.
Vous n’avez pas été naïf ?
Naïf ? Est-ce que je dirai ça ? D’aucuns disent, il a été naïf, il n’a pas été courageux, etc. Monsieur le Journaliste, si vous étiez à ma place, il y avait deux positions à prendre. Ce qui a fait d’ailleurs que j’avais quitté le Bénin. Quand on devait déposer les dossiers, j’étais allé à Dakar et je me posais mille et une questions. Je vais même vous faire une confidence, lorsque la commission a présenté au Chef de l’Etat, les deux ou trois probables, je me rappelle, quelqu’un parmi nous disait : « Même si c’est un mouton que vous présentez, Monsieur le Président, ce mouton-là va gagner. » Je ne sais pas si vous avez entendu ça. Je crois que certains parmi nous avaient dit : « Monsieur le Président, avec ce courant-là, aujourd’hui au Bénin, aucun Béninois ne peut suivre un mouton. Si vous prenez un mouton, il va échouer. ». Je sais que nous avions été deux ou trois à dire ça, ce jour-là. C’est une maldonne. Moi, j’ai donc quitté le Bénin, c’est vrai et je me suis demandé : « qu’est-ce qui reste à faire ? » Et là, je vous fais un autre scoop. Des groupes de grandes personnalités s’étaient constitués autour de moi pour dire : il faut y aller. Mais lorsque moi, je me suis retiré, vous savez que le Sénégal, c’est mon deuxième pays, je me suis dit : Tu y vas, ou tu n’y vas pas ? Mais avant de partir, j’avais dit autour du Président : «nous n’allons pas passer mais moi, j’ai choisi de tomber avec lui et nous allons tomber ». Il faut un modèle d’accompagnement en politique. Il fallait ça aussi pour montrer qu’en politique, on peut expliquer à son vis-à-vis que le choix n’est pas bon et montrer qu’on peut quand même rester avec lui. Je vais vous faire une autre confidence : Une haute personnalité de la région que je remercie au passage m’a dit : le Président Boni Yayi va te désigner mais s’il ne te désigne pas, n’y va pas… pour l’histoire. Laisse-lui tout sur la conscience.
Qu’est-ce qui vous a disqualifié donc ?
Ce n’est pas la commission qui m’a disqualifié. La commission a dit : voici les deux ou trois probables candidats. Et après ça, le dossier a été transféré à quelqu’un. Que voulez-vous que je dise encore ? J’ai le devoir de réserve encore pendant un moment. (Sourire) Demandez à l’autre, quels sont les critères qu’il a appliqués. De toutes les façons, quels que soient les critères qu’il a appliqués, on a vu leur efficacité.
Vous êtes tombés ensemble et au lendemain de votre chute, celui qui a été pris a été porté disparu.
Laissons l’histoire faire. Je sais que c’est une page très difficile pour le président Yayi Boni lui-même. Je ne veux pas être à sa place, juste après les élections, parce que, quand on se rappelle cette fameuse nuit où on a fait une réunion jusqu’à 3 heures du matin, ce jour-là, on était, deux ou trois à dire : « Vous n’allez pas dans la bonne direction. Vous prenez un mouton aujourd’hui au Bénin, qui va le suivre ? »
La chute a fait que « Après nous » n’a plus été « nous »
Non, mais tout était là. Vous dites que moi, j’ai été naïf. Je ne pense pas. Je trouve qu’on a perdu le pouvoir par amateurisme, à ce niveau-là.
Il n’en a pas fallu plus pour que votre ami Candide Azannaï quitte la rupture. Vous auriez pu prendre une décision pareille non, monsieur le Ministre ?
Non, je prends le recul encore et je ne ferai pas ça.
Vous n’auriez pas fait ça ?
Non, je ne le ferais pas. Je ne peux laisser un ami à qui j’ai donné ma parole en plein combat. Vous savez, dans mon internement au Sénégal, je me suis dit : « Si tu prends cette décision-là, tu romps au moment du combat avec les gens avec qui tu as travaillé au niveau élevé de l’Etat et avec le président Yayi Boni. » Avec le Dr Boni Yayi, c’est toute une histoire intime qui a commencé depuis très longtemps. Je ne pouvais pas faire ça dans cette circonstance-là. L’histoire qui lie Yayi Boni à moi, est une histoire de famille très étroite. Et moi, je dissocie parce que ce qui reste après, c’est cette histoire de famille.
Avec le Président Boni Yayi, c’est une affaire de famille, mais est-ce que vous continuez de vous appeler aujourd’hui ?
Avant mars 2016, on était dans le combat et je lui devais une loyauté malgré les circonstances que je viens d’expliquer. Depuis le 06 avril 2016, on s’est appelé deux ou trois fois et puis après, comme les gens de la santé le disent, il faut faire le vide sanitaire pour que chacun puisse bien regarder dans le rétroviseur pour reprendre ses marques. Mais les échos qui me reviennent disent que le fait d’être dans un vide sanitaire, c’est bon pour nous tous.
Vous êtes Professeur titulaire depuis 1992, vous venez d’être fait commandeur de l’Ordre international des Palmes académiques (OIPA) du CAMES. Qu’est-ce que ça fait de se voir décoré après tant d’années de services rendus à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique?
Je suis le plus surpris agréablement. Je vous fais un autre scoop, ce matin. Vous savez que j’ai failli boycotter cette cérémonie de décoration ? Je trouvais ça dans le train-train quotidien. C’est pourquoi, nos pères disent que c’est ceux-là qu’on n’attend pas qu’on trouvera au Paradis. Regardez le tollé positif que cette décoration propulse aujourd’hui dans le pays et même à l’extérieur, pour moi. C’est là où moi-même, je me suis dis que les gens ont une affection pour moi parce que cette décoration est la 11ème que j’ai reçue. La première que j’ai eue, c’était en 1995 et la dernière, était Commandeur de l’Ordre international des Palmes académiques (OIPA) du CAMES. La première décoration, c’est ce qu’on a appelé « Oscar Africain de l’Excellence 94 », à Dakar, décerné par le Ministère de l’intégration économique africaine du Sénégal, parce que j’avais pris un établissement que les gens disaient qu’on allait fermer. Et par le management, on a réussi à le mettre sur les rails. Ensuite, la deuxième décoration, était « Chevalier de l’ordre du mérite agricole de la République française ». Cette décoration aussi a une histoire. Ensuite, vous avez Officier de l’Ordre National du Sénégal, toujours dans le même contexte de la surprise agréable que j’ai faite, là où j’étais. Et après Chevalier National du Tchad, du Cameroun, du Bénin, etc. Alors, quand vous êtes à onze, vous vous demandez ce que vous allez encore faire avec un tel joyau. Ensuite, vient l’ordre de Commandeur, or je suis déjà Grand Officier de l’Ordre national du Bénin, de surcroît, Grand-croix, mais je n’en ai pas encore bénéficié. Je vois que c’est cette dernière décoration du CAMES qui me procure la plus grande visibilité. Vous avez même publié un article sur ça et mes amis d’un peu partout m’appellent pour m’en féliciter. Si je fais une lecture divine de ça, je dirais modestement que les gens ont quand même des idées positives de moi et que la décision que j’ai prise de ne pas démissionner à l’époque, face à Yayi Boni, était la meilleure des options dont je cueille déjà, d’une manière ou d’une autre, les fruits . Demander à la Grande Chancelière à prendre la 12ème décoration, bientôt, dans l’intimité de ses bureaux, c’est à dire le Grand-Croix de l’Ordre national du Bénin, était , à n’en point douter, un autre scoop, ce matin.
Analyse du PAG
Je trouve que c’est très ambitieux. Il faut prier Dieu pour que cela se réalise. Qui ne veut pas que la route passe devant sa maison ? Qui ne veut pas de l’eau, de l’électricité et autres ? Je crois qu’il faut encourager cela et souhaiter que les activités qui y sont contenues puissent aboutir dans leur globalité. C’est la seule prière que je puisse faire pour ce programme. Maintenant, par rapport aux campagnes sur le PAG, je crois que c’est le financement qu’il faut rechercher. Quand est-ce qu’on commence les travaux ? C’est là, la grande question. Et je crois que le gouvernement nous donne des bases pour l’évaluer d’ici 2021. Nous avons des critères et repères pour une évaluation en son temps. C’est un gros risque politique. Je dirai que c’est courageux.
Anciens projets du gouvernement Yayi recyclés ?
Oui et Non ! Je vous dirai que pour la maturation d’un projet, ce n’est pas un an, ni deux ans. Il y a des projets que nous avons initiés. L’Etat étant une continuité. La population n’est pas dupe et elle fait la part des choses. Regardez la voie Porto-Novo-Missérété-Katagon-Sakété-Pobè-Obèlè avec la bretelle Zihan-Ifangni. Quand j’entends parler de cela, je ris puisque je sais combien j’ai harcelé les collègues en conseils des ministres, en son temps, afin que cette bretelle puisse être ajoutée. Donc, il y a des choses que nous avons initiées et qui seront poursuivies et terminées comme d’autres avaient aussi été faites avant nous et que nous avons achevées. Souhaitons que le PAG aboutisse. Actuellement, nous constatons qu’il prend déjà du retard.
Mesures sociales du PAG
Justement, la presse et tout le monde avaient regretté l’absence des mesures sociales en disant qu’il fallait introduire les microcrédits et autres. C’est ce qui est fait et la bonne nouvelle, il y a quelques semaines, ce sont les cantines scolaires que le gouvernement a portées de 1 à 7 milliards par an. J’applaudis cela.
Réformes du secteur de l’enseignement supérieur
La réforme des universités est difficile à comprendre pour ne pas dire plus. On a fait croire que l’une des bases de la décision, c’est le manque d’enseignants et que même pour l’université de Parakou, les enseignants viendraient de l’UAC. C’est dommage parce que ce n’est pas tout à fait juste. Après plus d’une décennie d’existence, l’Université de Parakou avait ses enseignants et ses amphithéâtres. Je parie que certains ne sont jamais allés voir les locaux en question. Même les belles infrastructures de l’Université d’Agriculture de Kétou n’avaient pas été visitées.
Comment vivez-vous la destruction de vos initiatives ?
Très difficilement et c’est normal. Ce n’est pas fait, à mon avis, sur de bonnes bases. On peut avoir la vision d’une université clé en main, ce qui est difficile sous nos cieux. Les universités se construisent. Pour une université, qu’est-ce qu’il faut ? Il faut l’espace, les enseignants, les étudiants et le personnel d’appui. Nous nous sommes dit qu’il faut occuper, même pour l’enseignement supérieur, l’espace national. Et au fur et à mesure, il faut penser aux infrastructures et aux enseignants. Allez voir dans les universités le forcing que nous avons fait pour avoir la possibilité de construire des amphithéâtres avec des délais raccourcis. Dans le dossier de notre carte universitaire, nous avions eu des promesses de financement pour toutes ces universités avec celui de l’université de Porto-Novo qui est tombé vers le 3 avril 2016.
Abiola aux côtés de l’actuelle ministre du supérieur Attanasso, sur le chantier de Sakété. C’était opportun ?
Je vais vous reposer la question. Lorsque vous passez service à quelqu’un, il y a 15 mois, et vers 22heures, votre téléphone sonne et il vous est demandé de venir l’accompagner à tel endroit, allez-vous dire non ? Et puisque le chantier fait partie des projets importants du Président Boni Yayi, je ne pouvais pas refuser. Et puis, ma vision avec mon parti ne me permet pas de refuser. Au contraire, ça m’a permis de dire ce que je pensais et de donner quelques conseils.
Comment appréciez-vous la guéguerre entre le ministère et les établissements privés d’enseignement supérieur ?
Voilà aussi une bataille presque inutile. Je ne dis pas que tout est rose au niveau des établissements privés. Mais lorsqu’une décision est prise avec les acteurs, est-ce qu’il y aura encore de polémique ? Je ne pense pas. Je n’ai pas suivi cela de trop près et je ne sais pas ce qui s’est réellement passé. Je ne sais pas comment ils ont enclenché leurs discussions. Mais quand j’écoute certains qui disent que depuis décembre 2016, on a cherché à rencontrer quelqu’un et on n’y arrive pas, je dis qu’il y a problème. Et là-dessus, je m’interroge. Si non, si on laisse le supérieur, et qu’on va au niveau du secondaire, les meilleurs au Bac, ce sont les enfants venant du privé. Ou bien, le premier de cette année vient de quelle école ? Ecole catholique St Augustin de Cotonou. Voilà ! Je ne dis pas qu’ils font des choses excellentes, mais le dialogue… Il y a des situations, que je pense avoir sauvées, rien qu’en appelant les intéressés, parce que l’homme tout court, lorsque vous l’appelez et que vous lui dites : « Mon ami, je veux faire ça et je pense qu’on doit le faire ensemble », et vous restez là jusqu’à 23h à lui dire qu’on doit le faire ensemble, doit-il encore encore vous critiquer, celui-là ? Je ne pense pas. J’ai dit tantôt que je ne me suis pas préoccupé de comment ça s’est fait mais quand j’écoute les uns et les autres, surtout les dernières sorties des responsables du privé qui disent : « on veut rencontrer quelqu’un depuis très longtemps mais on n’y arrive pas ».Moi, je suis écœuré quand j’entends ces genres de propos et c’est là où mal‘heureusement le bât blesse.
L’organisation des examens nationaux pour l’enseignement supérieur privé, est-elle la solution ?
D’abord, il n’y a pas d’enseignement supérieur privé, il n’y a pas d’enseignement supérieur public. Il y a enseignement supérieur tout court mais dispensé avec des structures publiques et des structures privées. Si je comprends ce qu’on veut corriger, et qui est d’une période transitoire précise, prions Dieu pour être là, afin de voir ce que ça va donner. Mais est-ce que ceux du privé ne vont pas se sentir frustrés, est-ce qu’ils ne vont pas sentir que c’est une mesure injuste, qu’il faille un examen exclusivement pour eux ? Est-ce une question qu’on peut se poser ?
Ce qui est bizarre, c’est les mêmes cadres qui vous ont servi qui proposent tout cela à l’autorité…
C’est vrai, mais ils se retrouvent dans un autre contexte, certainement avec d’autres consignes. La difficulté des cadres, c’est la possibilité à convaincre le décideur sur un dossier. Pour notre carte universitaire, divers citoyens se sont battus pour qu’elle soit maintenue. Je suis de plus en plus convaincu que c’est elle qu’il faut pour le Bénin. On va en parler dans dix ans, dans vingt ans. Vous avez vu à l’Assemblée nationale ? C’est la première fois que j’ai vu, depuis le renouveau démocratique, des députés, des groupes parlementaires, toutes tendances confondues, faire des déclarations à la tribune de l’Assemblée nationale pour dire : « Laissez-nous notre carte universitaire, n’allez pas dans cette direction que vous voulez ». Et pour s’en sortir, le ministre promet de faire un atelier pour qu’on se comprenne. Puis après, on n’a pas vu l’atelier mais une décision. Nous parlons aujourd’hui des Présidents Apity, Maga, Ahomadégbé, Kérékou, Zinsou, Soglo et autres, on parlera aussi, plus tard, de nous. Celui qui sera encore en vie, parmi nous, quand on va commencer par parler de ce dossier, dira : « Voilà, le monsieur-là avait dit que des années après, on reparlera de ce dossier. » Vous voyez, une université, ce n’est pas rien dans une localité et une université ne se construit pas en un jour. Une université, c’est la programmation des infrastructures et surtout le recrutement d’enseignants et dans notre cas, un recrutement massif d’enseignants. Ce que nous avions commencé à faire. Regardez cette affaire de métier dont on parle. Nous avons réuni tous les corps à Bohicon, Parakou et Djougou et nous avons posé la question : « qu’est-ce qu’il faut ? ». Nous avons abouti aux 22 centres universitaires regroupés ensuite à sept universités sur toute l’étendue du territoire national. Pour les nouveaux centres universitaires, la formation ne devait durer plus de trois ans au départ. Donc, pour moi, s’il y a un sujet sur lequel je suis amer, c’est cette réforme de la carte universitaire que je ne comprends pas jusqu’à présent. Notre carte universitaire était réalisable, puisque la plupart des financements ont été négociés. Regardez l’université de Kétou et les prêts que nous avons eus, la veille de la passation des charges. Ça doit faire près de 80 milliards. Ça devrait faire rêver les jeunes et c’est pour une seule université. On y était presque. Ceci étant, il faut prendre acte de la décision du nouveau gouvernement et voir comment l’accompagner pour sauver ce qui peut l’être encore car les effectifs d’étudiants ne feront qu’augmenter.
Monsieur le ministre, concrètement, sur la politique spatiale dont vous parlez, il y a aussi qu’à Kétou, on a modifié la politique éducative. C’est-à-dire qu’on avait parlé de professionnalisation mais actuellement, on a l’impression que les enseignements de la faculté des sciences agronomiques (FSA) ont été ramenés sous une autre forme.
C’est ce que je vous disais tout à l’heure. La base de la création des centres universitaires était la professionnalisation avec deux ou trois années de formation. Quand vous prenez l’exemple de l’Ecole de transformation et de conservation de Sakété, l’étudiant en 1ère, 2ème, et 3éme année, n’apprend que ça. Maintenant, vous me dites qu’on ramène tout le monde dans l’enseignement général de la FSA et on dit que la professionnalisation, c’est pour six mois. A ce niveau, c’est la responsabilité des enseignants. Vous, à Evénement précis, vous pouvez faire les investigations nécessaires pour nous renseigner plus.
Parlant de la gouvernance économique, sociale, sur tous les plans, quel regard portez-vous sur la gestion du gouvernement en place ?
Je pense qu’ils sont en train de se corriger un tout petit peu. Le volet social, je ne dirai pas que c’est complètement rattrapé, mais à des endroits donnés, on a l’impression que ça va prendre. Vous savez, le Béninois n’oublie pas. C’est comme le dit le sage africain, ça rentre dans l’oreille droite et ça ne sort plus. Ça veut dire qu’il y a des situations qu’on ne peut pas rattraper. L’adage africain dit ceci : « Ce que tu m’as fait, je le garde dans la main gauche ». Et, lorsque tu lui demandes pourquoi il ne le garde pas dans la main droite, il te répond : « Si je mets ça dans la main droite, je risque de le lâcher lorsque viendra l’heure de manger. Je garde ça dans la main gauche ». Moi, je ne sais pas ce qu’on peut faire pour enlever cette opération-là [le déguerpissement] de la tête des gens. Mais actuellement, tout cela est en train d’être corrigé progressivement. Vous voyez les mesures sociales qui sont en train d’être prises. Les microcrédits aux femmes qu’on a entamés, l’ARCH, les cantines scolaires qu’on relance…c’est bien tout ça.
Il ne fallait donc pas casser ?
Non. Il faut casser mais après des préalables. C’est ce qui a manqué à cette opération au départ. Mais, je sais qu’ils sont en train de vouloir rattraper tout ça.
Monsieur le ministre, on entend dire que l’argent ne circule plus…
Il parait que c’est l’argent sale qui ne circule plus. C’est peut-être vrai. Mais il faut reconnaitre que c’est difficile. Et les factures d’eau et d’électricité ne font rien pour améliorer les choses, surtout que maintenant ces factures viennent, tous les mois. C’est difficile et c’est vrai.
L’enthousiasme qui a porté le président Patrice Talon au pouvoir, le 6 avril 2016, s’estompe-t-il, selon vous ?
Moi, je n’en sais rien. C’est vrai, je suis dans le peuple. Mais je ne sais pas si l’enthousiasme s’est estompé ou pas. Ce que je constate, c’est que les gens ne sont pas contents. Ce que je constate, c’est que la vie est difficile. Le président l’a reconnu quand il avait été à Parakou. C’était avant le congrès du MEsB.
Comment remonter la pente ?
Je l’ai dit tout à l’heure. Il y aura des pentes qui seront difficiles à remonter. Il faut qu’on s’y mette assez tôt. C’est pourquoi partout où je passe, je demande aux gens d’être modérés, tolérants. Il ne faut pas dire des choses qu’on ne peut jamais rattraper.
Et c’est parce que les gens ne sont pas contents que l’un de vos meilleurs amis, Candide Azannai a déposé le tablier. Comment analysez-vous cela ?
D’abord, je ne peux pas dire qu’il n’est pas mon ami. C’est un ami. Nous avons fait le même gouvernement. Il avait dit des choses que je réécoute en ce moment sur Soleil Fm. Je me demande comment il se sent quand lui-même réécoute tout cela aujourd’hui. Sans vous mentir, quand on était aux affaires au pouvoir, ça a été difficile par moments avec certains médias. Les réseaux sociaux étaient inondés. Des gens ont même dit que pour être ministre d’Etat, moi j’ai dû vendre ma fille au Président Yayi Boni. Vous avez entendu ça non ? Et comme, quand vous êtes patient, Dieu vous élève, on a entendu, il n’y a pas longtemps aussi dans les médias, deux des personnalités actuelles se plaindre de ces affabulations retournées contre elles. Quelqu’un a même écrit « pourquoi elles se plaignent ? N’est-ce pas ce qu’elles faisaient aux autres ?». C’est pour vous dire que la roue tourne. Donc, c’est notre pays à nous tous, il ne faut pas poser des actes qu’on va regretter après. J’ai même remarqué que c’est des gens à qui vous rendez service qui sont contre vous plus tard et que ce sont ceux à qui vous n’avez rien fait qui restent avec vous.
Parlant de cette rumeur pour votre fille, on se rend compte que cela vous a vraiment touché…
Si. Mettez-vous à ma place. Quand je l’ai évoquée, le président Boni Yayi m’a demandé de ne pas faire attention à ces choses-là. Mais, j’ai poursuivi devant les tribunaux le forum qui a publié cela. Peut-être que si c’était aujourd’hui où il y a le code numérique, l’auteur ou l’administrateur dudit forum serait bien condamné pour l’exemple. C’est après que j’ai su comment cela a été fabriqué. Ce n’est pas bien. Et si j’ai réagi comme cela, c’est pour les enfants. Ces enfants qui sont toutes de hauts cadres aujourd’hui doivent avoir la même protection que tous les autres enfants de notre pays.
On vous a vu tolérant, très patient, modéré face aux critiques qui ont révélé vos qualités de détenteur du cheveu du pouvoir. Conseillerez-vous ces mêmes qualités au président Patrice Talon pour une bonne gouvernance au Bénin ?
Ah ! Une belle question puisque c’est vrai. Il y en a beaucoup qui sont ici et qui savent ce que veut dire cheveu. Le cheveu du pouvoir, ce n’est pas seulement pouvoir présidentiel. Beaucoup n’ont pas compris. C’est pourquoi, juste après que je n’ai pas été désigné pour représenter les Fcbe, sur les réseaux-sociaux, j’ai lu des choses comme : « C’est parce qu’il n’a pas le cheveu du pouvoir qu’on ne l’a pas choisi ». Je dis non. Moi, j’ai les cheveux du pouvoir depuis ma classe de 3ème. Ça veut dire quoi ? Avoir l’opportunité d’être désigné pour quelque chose. En fait quand les présidentielles s’annonçaient, j’ai, avec un ami qui est en France et un journaliste de la place, décidé d’écrire quelque chose. Et c’est sur le cheveu du pouvoir que mes idées sont allées. Mais très tôt, les gens ont pensé que mon cheveu du pouvoir-là était pour être président de la République. Les amis, je veux vous dire que c’est parce que votre responsable, ici Gérard Agognon, a les cheveux du pouvoir, qu’il est le chef ici. Sinon, il ne serait pas le manager de cette boîte dans laquelle vous travaillez. Ça veut dire que le cheveu du pouvoir, même le chef quartier l’a. C’est pourquoi il a été élu Chef de quartier. Donc, moi j’ai bel et bien le cheveu du pouvoir. Peut-être que je n’ai pas le cheveu du pouvoir présidentiel. Rappelez-vous en 2007, j’étais 3ème sur une liste difficile. Le Madep avec lequel j’ai commencé la lutte politique à l’époque dans la 21ème circonscription électorale n’avait souvent que 2 députés. Des gens se demandaient comment j’allais m’en sortir dans une zone qui était si difficile et m’ont demandé de me retirer. Parce que j’y croyais, j’ai commencé la campagne. A la fin on a vu le résultat. Je suis passé, 3 sur 3 pour le MADEP. Vous voyez, j’ai le cheveu du pouvoir législatif.
Votre regard sur l’assainissement des partis politique ?
Je pense qu’il faut qu’on revoie le fonctionnement des partis politiques. Parce que le pouvoir, c’est là-bas. Je pense que depuis 1990, nous sommes passés à côté en ce qui concerne les partis politiques. C’est pourquoi dans la nouvelle constitution qui a été proposée, cette partie m’avait plu pour dire comment revoir un peu la naissance et le fonctionnement des partis politiques. Moi,
j’avais fait une déclaration qui m’a valu beaucoup de flèches. Je disais qu’il faut que chaque parti puisse se caractériser par une vision politique. Pour le futur, il faut définir des courants politiques (droite, gauche, centre…) et chaque parti politique adhère au courant de son choix. Et tout cela va nous amener au regroupement : 4 ou 5 partis politiques à terme.
Votre conclusion à cet entretien
Je dirai que nous avons un pays qui, à mon avis, n’est pas difficile à manager et à diriger. Et lorsqu’on y met la tolérance, la considération, l’humanisme et qu’on est à l’écoute de l’autre dans la mesure du possible, on réussit. Je pense que les Béninois constituent un peuple très sympathique. Un peuple qui se contente de pas grand-chose. Mais, attention. Il faut avoir peur quand il ne dit rien. S’il ne dit rien, le dirigeant doit se dire que ça ne va pas et se ressaisir. Parce que quand ça va commencer par bouillonner, ça peut aller à des débordements que personne ne pourra contrôler. Si les hommes politiques que nous sommes tenons compte de cela, nous devons permettre à notre pays d’être un très grand pays. Plus j’y pense, plus je me dis qu’incarner les valeurs du centre est une excellente chose pour un parti politique sous nos cieux.
Carte d’identité: Tout simplement chanceux

« Je crois que c’est la chance qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui ». C’est le résumé que François Abiola fait de sa vie lorsqu’on lui demande son parcours. Il a peut-être raison. Quand on devient très tôt orphelin (à peine 13 ans), on ne peut que raisonner ainsi face à un horizon sombre sans soutien. C’était d’ailleurs le cas du jeune François quand son père décède le 4 septembre 1963. Il avait été profondément marqué. «Je retiens mieux cette date que ma date de naissance «, dit-il. Mais Dieu n’oublie jamais les siens. Né avec une bonne étoile, il obtient à la fin de ses études primaires à Sakété, une bourse de l’Etat dahoméen d’alors pour l’entrée en 6ème. Il est classé au Collège Père Aupiais où il suit une partie des cours secondaires. Mais il ne se sent pas à l’aise et voulait rejoindre ses amis au Lycée Mathieu Bouké de Parakou. L’Etat lui en donne la chance. Mais une surprise l’attend. A la fin du premier trimestre, il parvient à garder la lanterne rouge en devenant le dernier de la classe. C’était en Première D. « Mes camarades de promotion comme Boni Yayi qui était en classe de Première C en ce moment comme le Ministre Lafia Sacca et d’autres, comme le Général Robert Gbian, l’ex directeur du cabinet militaire de l’ex président de la République, Boni Yayi ou encore Souleymane Chabi des services de la documentation qui étaient en Première D comme moi à l’époque, peuvent témoigner », se remémore-t-il. ‘’On a failli me supprimer ma bourse». Il se donne alors comme défi, de devenir le premier de sa classe. Et au deuxième trimestre de la même année, il remporte ce pari, en décrochant ainsi la première place de sa classe. Une place d’honneur qu’il a maintenue jusqu’à la fin du cycle.
Emerveillés, ses camarades le surnomment alors Kabaka du nom d’un célèbre roi de l’Ouganda. « C’était après un cours de François Azodogbèhou, l’un des anciens ministres de Kérékou ct qui était notre professeur d’histoire et géographie». Se souvient-il.
Son baccalauréat en poche en 1972, la chance lui donne encore rendez-vous au regard de ses succès scolaires. Il devient titulaire d’une bourse de l’Etat pour s’inscrire à l’Université. Le Diplôme universitaire d’étude scientifique (DUES 2) en poche, François Abiola se porte candidat au concours d’entrée à l’école inter Etats des sciences et médecine vétérinaires de Dakar. Sans difficulté, il est sélectionné. Encore une bourse en poche, il part, en 1974, pour étudier pendant cinq ans au Sénégal après avoir fait escale à Kouandé pour commencer le service patriotique de l’époque révolutionnaire.
Mais en réalité, il est parti pour passer beaucoup de temps à l’extérieur.
Avec son diplôme de Docteur Vétérinaire délivré en mai 1979, il revient au pays la même année et commence à enseigner à l’Université nationale du Bénin, l’actuelle Université d’Abomey-Calavi. Il n’y restera que pendant deux ans, de 1979 à 1981.» Il y avait des postes ouverts à l’école inter Etats des sciences et médecine vétérinaires de Dakar, d’où je venais, pour être enseignant. J’ai postulé et on m’a retenu. Je suis devenu assistant dans cette école, le 20 janvier 1981 « », explique le Professeur François Abiola. Le revoilà retourné au Sénégal, en détachement. Très vite, il obtient tous les grades dans l’Enseignement Supérieur. En 11 ans, de 1981 à 1992, il gravit tous les échelons. D’assistant au départ en 1981 dans cette école, il est passé par les grades de maître assistant, de maître de conférences agrégé et devient professeur titulaire. Ses expériences et son évolution dans cette école vont payer parce qu’il en devient, en 1994, le directeur. « J’étais là en tant que professeur en 1994 lorsque l’école qui avait de nombreuses difficultés du point de vue social, académique, structurel et financier, était appelée à disparaître. On voulait quelqu’un pour la relancer. Unanimement, tout le monde m’a indexé. Mais il fallait que ce soit mon pays qui me propose. C’est comme cela que le Président de la République d’alors, Nicéphore Dieudonné Soglo, avec ses ministres Dramane Karim, Mama Adamou Ndiaye et Robert Dossou, m’ont demandé si j’étais intéressé et si je pouvais assumer cette charge. J’ai accepté et le gouvernement m’a proposé. C’est encore là ma chance «, détaille-il. Il est élu. Il va assumer deux mandats de 5 ans et un an de plus parce que sa succession était difficile et on lui recherchait un bon successeur. « Mon élection à la tête de cette école a été un tournant dans ma vie. L’école était sur le point de fermer, on espérait plus rien et quand on me l’a confiée, j’ai réussi à faire un résultat auquel personne ne s’attendait. C’est cela la chance. C’est très important dans ma vie professionnelle «, se réjouit l’ex Vice Premier de Boni Yayi, François Adébayo Abiola. Poussé par le virus de la politique, il revient s’installer définitivement au Bénin en octobre 2005 après avoir passé service à son successeur, le 30 septembre de la même année. Mais pendant son séjour à l’extérieur, il a collectionné des diplômes et des distinctions honorifiques. Pour les diplômes, il est, outre le Docteur vétérinaire, titulaire d’un DEA de toxicologie appliquée à l’environnement, aux industries pharmaceutiques et agroalimentaires décerné à Paris en (1986), d’un diplôme spécial en juillet pharmacie (1988) agrégation du Cames en 1988 dernier, en étant que Major sur les six postulants , d’un doctorat es sciences en toxicologie fondamentale et appliquée de l’Université de Paris VII (1991), d’un certificat spécial de management des hommes (1994), d’un diplôme de fin d’étude des diplomatiques et stratégique à Dakar (2000). Au plan des distinctions honorifiques, il a eu les médailles de l’Oscar africain de l’Excellence en 1994, de Chevalier de l’Ordre de mérite agricole de la République Française en 1996, d’Officier de l’Ordre national du Sénégal (1996), de Chevalier de l’Ordre national de Tchad (1999), Chevalier de l’Ordre de la Valeur du Cameron (2000), Officier de l’Ordre national du Bénin en 2002 et Officie de l’Ordre international des Palme académiques du Cames (2003) et Grand Officier de l’Ordre national du Bénin. La dernière distinction est sa distinction dans l’Ordre international des palmes académiques que lui a décernée le CAMES, le 19 juillet 2017 au Palais des Congrès de Cotonou.
En dépit de ses occupations académiques et professionnelles à l’extérieur, François Abiola se faisait aussi remarquer sur le plan politique au Bénin, notamment dans la 21èmè circonscription électorale qui regroupe Sakété, Adja-ouèrè et Ifangni. Deux fois Directeur de campagne de candidat aux législatives, il fait son entrée sur la scène politique au début des années 1990. Il est membre fondateur du parti UDS avec Marna Adamou N’diayé, ancien ministre de l’agriculture sous Soglo, Saca Lafia, actuel ministre de l’intérieur du Président Patrice Talon. En 1997, sous la pression des militants, il change de parti et devient membre fondateur du parti Madep. Mais dans ce parti il a l’air rebelle.» Pour l’élection présidentielle, de 2006, j’ai refusé de soutenir le candidat de mon parti parce que je n‘étais pas d’accord avec la manière dont les choses se faisaient, la manière de gérer les hommes. Je croyais plutôt à une autre candidature et c’est celle de Adrien Houngbédji que j’ai choisie et j’ai décidé de le soutenir «, se défend-t-il. Mais il refuse de démissionner du parti. Il y reste un opposant de l’intérieur, dira-t-on.
Malgré ses allures contestataires, il est positionné par le Madep sur la liste de l’Alliance pour une dynamique démocratique (Add) à l’occasion des élections législatives de mars 2007. Il se retrouve sur cette liste dans une position difficile en tant que troisième titulaire dans une circonscription électorale difficile, la 21ème au moment des positionnements pour les législatives. J’étais à Asmara en Erythrée quand on communique que je suis troisième sur la liste «, Informe-t-il. Mais conscient de ses capacités, il demande de le mettre dans n’importe qu’elle position. Il va tout broyer sur son passage. Le Madep qui n’avait jamais eu plus de deux députés dans cette circonscription, en obtient cette fois-ci (03) trois. Première tentative à une élection législative et François Abiola obtient son passeport pour le Parlement. Troisième et pourtant il réussit à se faire élire. Au regard de ses exploits, il devient alors un acteur politique très convoité par la classe politique. Ses positions centristes le rapprochent de plus en plus de l’ex-président Boni Yayi qui, en Octobre 2008, le nomma Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Une nomination qui a suscité de vives polémiques au sein de sa famille politique. En 2009, François Abiola crée son propre parti politique baptisé Mouvement Espoir du Bénin MesB. Au sein de l’équipe gouvernementale, il va gravir les échelons et devenir successivement Ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique en 2013, puis Vice premier Ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique en 2015. Poste qu’il aura occupé jusqu’à la fin du mandat du Président Boni Yayi, en avril 2016.
Intimité: Un papa protecteur
Père de six enfants, François Adébayo Abiola est un homme comblé. C’est pourquoi, il tolère difficilement que l’on médise de ses enfants. Son sens de famille se trouve dans la solidarité qui doit permettre à chaque enfant de s’épanouir. Si vous l’invitez à table, sachez qu’il aime bien la pâte et la sauce gombo au poisson. En termes de boisson, l’ex-vice premier ministre aime bien la bière. Il pratique le footing, surtout que sa résidence se situe en bordure de mer.
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