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Déclaration du commissaire Marius Dadjo Houégban, retraité de la police: « La fusion entre gendarmes et policiers ne sera pas aisée »
Publié le vendredi 11 aout 2017  |  L`événement Précis




Le 18 juillet 2017, la commission chargée d’étudier la possibilité de fusion de la police et de la gendarmerie en un seul corps républicain, a transmis son rapport au chef de l’Etat, le président Patrice Talon, et proposé l’effectivité de cette fusion pour le 1er janvier 2018. A l’annonce de la fusion, s’est installé un débat au sein de la police et de la gendarmerie. Le Commissaire de police à la retraite, Marius Hubert Dadjo Houégban, réagit sur le sujet. Interrogé par la rédaction de l’événement précis, Marius Dadjo, ex-Chef de cabinet du ministre de l’intérieur, désapprouve le projet de fusion et trouve que cette réforme n’est pas l’urgence de l’heure pour le peuple béninois.
L’Evénement Précis : Le chef de l’Etat a décidé avec son gouvernement de fusionner la police et la gendarmerie nationale, comment appréciez-vous cette réforme ?
Commissaire Marius Hubert Dadjo Houégban : D’entrée de jeu, mon propos n’aura pas pour objet de contester le droit du chef de l’Etat à opérer des réformes. Cependant, il y a des secteurs dans lesquels j’aurais souhaité qu’il fasse un large partage de sa vision avant de décider. Qu’il contacte les sachants objectifs et honnêtes pour s’assurer que dans ces domaines, il pouvait opérer des réformes.
Sur le cas spécifique des forces de sécurité publique, il y a une histoire que j’aimerais bien rappeler. En 1977, le PRPB, sous le général Mathieu Kérékou, avait décidé d’une réforme qui s’apparente un peu à ce qui est en proposition aujourd’hui. Celle de cette époque était, certes, plus large, mais il n’en demeure pas moins que la gendarmerie et la police s’étaient retrouvées dans le même creuset pour être administrées par un commandement unifié, bien que l’une et l’autre aient conservé, chacune, sa direction.
Malgré tout, à la conférence nationale de février 1990, le collège des conférenciers, donc le peuple béninois, a souhaité que la police soit démariée de la gendarmerie et des autres forces.
A partir de cette indication, je me pose la question de savoir si un président de la République, sans une large consultation, pouvait toucher à ce fait établi par la conférence nationale ?
Mais il se dégage de certains constats sur le terrain que les deux forces s’entrechoquent, s’entremêlent de temps en temps, laissant place à un spectacle décevant devant la population dont elles sont appelées à assurer la protection
Je m’inscris totalement en faux. Totalement en faux. Les principes qui régissent les deux forces sont claires et déterminent dans quels domaines la gendarmerie doit exercer et la police, de son côté. Il se fait justement que par les amalgames politiques, on mélange souvent leurs compétences territoriales, ce qui crée la confusion et les chocs inhérents à de tels amalgames. Sinon, il n’y avait jamais eu de problème.
Je puis dire, en tant que policier, et toute ma carrière durant, que la considération qui m’a toujours été conférée par les gendarmes et les militaires d’une façon générale, est hautement plus appréciable que la déférence que les policiers me vouent.
Je m’inscris donc en faux contre ces allégations dont on prend prétexte. Maintenant, si des agents mal formés vont se montrer incorrects les uns vis-à-vis des autres, et dans les corps, c’est normal qu’ils se marchent sur les pieds.
La commission mise en place pour réfléchir sur ce projet a livré, il y a quelques jours, son rapport au chef de l’Etat. Vos impressions par rapport à cette démarche, surtout que la fusion est prévue pour le 1er janvier 2018.
Ça, c’est une volonté politique et j’ai de la peine à concevoir que de hauts gradés des forces encouragent cela. Ils ne devraient pas se prêter à ce jeu.
Pourquoi ignorent-ils la genèse de la création des deux forces et les règles qui les régissent?
Auraient-ils choisi de ne pas donner les bons conseils au chef de l’Etat?
Se considéreraient-ils comme les civils qui aident les politiques à échouer?
Je regrette que de hauts gradés se soient réunis pour proposer des idées sur les deux grandes forces de sécurité publique sans s’en référer aux agents qu’ils veulent fusionner. Je crois savoir que psychologiquement, matériellement et du point de vue de leurs gestions, les éléments ne sont pas prêts pour cette cause.
Dans la perspective de la fusion, le personnel des deux corps se soucie de l’avenir de leur carrière. Qu’est-ce qui pourrait changer selon- vous si cette fusion se confirmait?
Vous êtes en train d’apporter de l’eau à mon moulin. C’est pour cela surtout que je regrette que de hauts gradés s’asseyent et proposent au chef de l’Etat une telle chose. Leur proposition ressemble à un mélange de l’huile à l’eau. Avec le temps, l’eau finira par se séparer de l’huile. Il finira par y avoir désaffiliations comme en 1990.
Les gendarmes ont une formation beaucoup plus corsée que celle des policiers, selon une certaine opinion. Cet écart de compétence peut-il jouer dans les positionnements surtout en faveur des gendarmes?
Chaque corps à son mode de recrutement, son mode de formation et de promotion. Même si avec l’exemple de 1977, il y avait un début d’homologation de grade, il est clair que la fusion ne sera pas aisée.
D’après la décision du gouvernement, dans six mois environs, il y aura cette fusion. Pensez-vous qu’en six mois, tout ce qu’on entrevoit aujourd’hui peut être prêt, en termes de moyens, de personnel et d’équipement ?
C’est une question à adresser aux supers puissants qui ont réfléchi sur le sujet et ont pensé qu’en janvier, la chose est faisable. Je crois qu’ils en porteront toute la responsabilité.
Quelles propositions faites-vous au chef de l’Etat sur cette fusion, commissaire Dadjo ?
En fait, aujourd’hui, de façon générale, pour parler des réformes, le Béninois aurait bien voulu que les réformes apportent du mieux-être au panier de la ménagère, à la santé, à l’école et ainsi de suite. Mais, la fusion envisagée ne me paraît pas être une urgence. Je pense tout simplement et, tout le monde le dit, les policiers et les gendarmes et même l’armée avaient besoin de la confiance des autorités, des moyens matériels et financiers pour véritablement assurer la sécurité. La collaboration qu’on met en cause n’est qu’une fumée pour atteindre un but qui ne me paraît pas clair.
J’ai travaillé longtemps au bureau de la justice militaire, dans les années «80». La considération et la collaboration dont j’ai bénéficié de toutes les composantes des forces armées continue de me sidérer.
Il m’a été donné, dès 1982, de diriger l’équipe de football militaire. Aucun chef d’Etat-major général ou de directeur de gendarmerie ne m’a marchandé sa considération et son soutien. Ils ont toujours été très regardants sur mes propositions, et les résultats de mes mandats sont là, très éloquents.
Que diriez-vous en guise de conclusion ?
Je pense que les gendarmes et les policiers ont toujours été malmenés par le politique, cependant, je les inviterais à la résilience pour ne pas abandonner leur mission régalienne, la sécurité, sans laquelle aucune autre n’est possible dans le pays.

Entretien réalisé par Yannick SOMALON
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