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Gsm au Bénin: Comment Libercom s’est écroulé
Publié le lundi 21 aout 2017  |  Le Matinal




Libercom, opérateur Gsm créé en 2000 et appartenant à l’Etat béninois, a fermé ses portes depuis juin 2017. Le réseau n’est pas encore mis hors tension, mais la décision du conseil des ministres en sa séance du 21 juin 2017 dissout cette société pour cause d’endettement. Qu’est-ce qui explique ce niveau d’endettement ? Comment ce premier opérateur de réseau mobile au Bénin a-t-il chuté malgré son élan de départ et qui sont les responsables de cette situation ?
L’aventure de ce réseau mobile a commencé le 21 mai 2000, date de sa création. C’était le premier réseau cellulaire de l’Office des Postes et Télécommunications (Opt). Sanny Soumanou avait été nommé par Barthelémy Agnan, alors Dg/Opt pour gérer cette direction. Libercom, marque Gsm de l’Opt, a été créé par la suite en mode Built Operate Transfert (Bot) par le Groupe Titan (appartenant à des Américains) qui avait mobilisé de l’argent auprès de certaines banques pour la mise en place du réseau. Tout allait bien. Benincell (aujourd’hui, Mtn) et Telecel (aujourd’hui, Moov) qui avaient reçu la licence, au même moment que Libercom, étaient loin de l’apercevoir. Les vingt (20) mille abonnés prévus pour être enregistrés sur une période de cinq ans ont été atteints en trois mois. Tout le monde voulait être sur Libercom, surtout à cause de la possibilité qu’il y avait à communiquer via ce réseau vers les numéros conventionnels et les autres opérateurs Gsm. Benincell et Telecel ne pouvaient même pas s’inter-appeler. L’interconnexion était possible avec Libercom seul, à l’époque. « Puisque Libercom est un opérateur étatique, il fallait lui donner certains avantages afin qu’il surpasse ses concurrents et occupe le terrain », nous a révélé une fonctionnaire de la société Libercom Sa. Titan, qui avait en charge la gestion de Libercom a eu des problèmes avec l’Opt. On lui reprochait à l’époque, d’avoir levé des fonds auprès des banques béninoises pour asseoir le réseau Libercom, au nom de son partenariat avec l’Opt alors que dans le contrat, il devait aller mobiliser les moyens à l’Etranger. Le dossier est allé devant la justice. Le fonctionnement de Libercom était menacé, car Titan avait interdit fermement qu’on touche à ses matériels, tant que le dossier n’est pas vidé à la justice. C’était le début des problèmes de ce réseau. Selon cette dame qui a requis l’anonymat lors de nos investigations, l’idée de création d’un autre réseau mobile, mais par un privé béninois a été émise au moment où Libercom n’arrivait plus à faire face à la concurrence imposée par les deux autres réseaux. Bell Bénin Communications a été créé par un privé national, avec des facilités pour lui permettre de vite occuper le pays afin que les autres concurrents (Benincell et Telecel) ne prennent pas la place de Libercom au cas où l’Opt perdrait le procès dans l’affaire Titan.
Après le départ de Titan
Le groupe Titan est parti du Bénin en 2003. Les fonds générés par le succès de Libercom allaient dans le compte de l’Opt, sa société de tutelle qui était, quant à elle, en difficulté financière. « D’ailleurs, une bonne partie des ressources générées par Libercom a été engloutie dans le procès contre le Groupe Titan à l’Etranger. Finalement, l’Etat n’a pas gagné », selon notre source. Le Gouvernement n’avait pas un projet de Gsm et donc, ne voulait pas investir dans ce réseau après le départ de Titan. La privatisation de l’Opt était à l’ordre du jour, car la maison ne marchait plus. Au Sénégal, la Sonatel avait été privatisé et le Bénin voulait faire de même, à l’époque. L’Etat ne voulait plus mettre de l’argent dans l’Opt. Pour un réseau dimensionné pour 60 mille abonnés, la barre des 70 mille abonnés a été vite franchie. Mais il n’y avait pas les moyens pour augmenter sa capacité à cause du départ de Titan. Or, l’élan de Libercom avait fait que Benincell négociait déjà pour revendre ses actions à l’Opt. La lourdeur administrative a commencé par influencer le fonctionnement du réseau mobile de l’Etat, puisque tout est revenu à l’Opt. Le projet d’extension a reçu un coup, car avant tout acquisition de matériels, il fallait prendre par la Cellule de passation des marchés publics. Des membres du conseil d’administration de l’Opt ne soutenaient pas le projet d’extension du réseau dans les 77 communes du Bénin. Pourquoi ? Difficile de le savoir. Les études et propositions des techniciens étaient cassées. Déjà en 2003, on n’avait plus la possibilité de satisfaire techniquement tous les abonnés. On faisait du saupoudrage.
Le Zte : une fausse affaire des Chinois ?
En 2005, l’Etat a entrepris de faire changer les équipements. D’où l’arrivée des Chinois en janvier 2006 avec le basculement en Zte pour une capacité de 160 mille extensible à 200 mille abonnés. « Les Chinois ont présenté des équipements de 3ème génération de Zte (Internet, Mms et autres). A l’arrivée, ça a été un équipement de 1ère génération. Faire l’Internet était un problème. On nous apporté un équipement Internet qui ne pouvait que prendre 5000 abonnés. Où sont les équipements de 3ème génération annoncés au départ ? Les Chinois nous avaient répondu que c’était une démonstration et qu’on devait débourser gros si on voulait les services de 3ème génération », a confié un des responsables du syndicat des agents de Libercom Sa. Un autre ancien a complété que cette affaire de Zte a permis aux Chinois d’obtenir le marché de construction des deux tours administratives. Mais, cette information est à prendre avec pincette, car nos fouilles pour avoir les preuves de cette affirmation n’ont pas abouti. Pendant ce temps, les privés, notamment Benincell et Telecel ont commencé par enregistrer la demande de gens qui voulaient venir sur Libercom, mais ne trouvaient pas de carte Sim. La plateforme de Libercom était surchargée. Des techniciens de l’Opt-Libercom ont commencé par être démarchés par des privés. Les concurrents ont acquis les équipements de dernière génération et ont recruté beaucoup de techniciens de Libercom. Les abonnés stratégiques tels que les Ambassades et Organismes internationaux basés au Bénin ont commencé par se plaindre lorsque les privés ont acquis de nouveaux équipements et évolué dans l’extension au niveau national avec un service d’interconnexion de qualité.
Glo pour tuer Libercom ?
En 2007, le nouveau régime a pris des mesures conservatoires contre les opérateurs privés : coupure des réseaux Areeba ( Benincell) et Moov ( Telecel). La joie est revenue dans la maison Libercom. Il a été annoncé le renforcement de Libercom et l’arrivée d’un autre opérateur. Tout le monde avait l’espoir que Libercom reprendrait sa place, à l’époque. Mais, ce fut le contraire selon, un des agents du service commercial et marketing. « Au cours de la période, nous avons vendu beaucoup. Mais on n’était pas en mesure de satisfaire tous les abonnés à la fois. Nos équipements sont vétustes. La seule alternative était d’acquérir de nouveaux matériels. Mais, il fallait prendre par la Cellule des marchés publics ou par le conseil des ministres. Et dans la période, il a été interdit la fabrication de gadgets par les structures publiques, même à caractère commercial. On ne pouvait pas faire de la publicité », a-t-il déclaré.
Malgré cela, les agents de Libercom n’avaient pas perdu l’espoir ; puisque le Gouvernement était obligé de tout faire pour que les populations renouent avec la communication par Gsm. Bell Bénin communications et Libercom ne pouvaient pas contenir la foule de gens qui s’alignaient en longueur de journée pour s’acheter des cartes Sim. Pendant plusieurs semaines, les regards étaient braqués vers le Gouvernement pour trouver une solution à la crise. Les opérateurs Telecel (Moov) et Areeba ( Mtn) n’ont pas fléchi non plus. Quelques mois plus tard, l’arrivée d’un nouvel opérateur a été annoncée. Libercom devra attendre longtemps encore. Le réseau mobile Glo arrive réellement en 2008. « Les autorités de notre pays ont demandé à Glo de monter sur les installations de Libercom pendant trois ans sans rien payer. C’est comme si le ciel nous tombait sur la tête. Personne ne pouvait protester. Ce fut chose faite et l’opérateur de l’Etat béninois est resté dans son sommeil jusqu’à ce que le nouveau venu n’occupe le terrain. Plus tard, la situation des deux autres a été régularisée. Les cartes Sim Libercom de nouveau dans les placards », nous a raconté Ferdinand Hounkpè, Secrétaire général du syndicat des agents de Libercom, lors d’un entretien en juillet 2017. Il a indiqué qu’à ce jour, c’est-à-dire depuis près de dix ans que Glo est au Bénin, il est sur les installations de Libercom et Bénin Telecom Sa sans rien payer. « C’est seulement en 2016, à l’arrivée du nouveau régime que l’Ortb a eu le courage de commencer par facturer Glo. Mais Libercom n’a rien perçu », a-t-il ajouté.
Le projet d’extension
En 2009, le projet d’extension a été réveillé et Libercom a été autorisé à aller jusqu’à 300 mille abonnés pendant que ses concurrents étaient à 1 million d’abonnés. Selon Gisèle Glèlè, un agent de Libercom qui était là depuis le début, « au moment où ça marchait pour Libercom, dès le débuts, des centaines de millions de Fcfa étaient versés à l’Opt qui lui rétrocédait seulement 150 millions de Fcfa par mois, pour le fonctionnement. Les bénéfices réalisés par ce réseau sont allés dans les caisses de l’Opt ». Elle a déploré ce qui arrive aujourd’hui et n’est pas tout à fait d’accord avec ceux qui pensent que les problèmes de cet opérateur découlent seulement de sa mauvaise gestion. Pour elle, c’est beaucoup plus le manque de volonté. Sanny Soumanou, premier directement de ce réseau mobile, nous a aussi confirmé que « cette affaire avait bien pris au départ. Tout allait bien, dès le début et on a réalisé un bon chiffre d’affaires. Mais pour la suite, je pense que d’autres pourront vous dire ce qui s’est réellement passé ». Dans la foulée, des révélations à nous faites par des techniciens ayant requis l’anonymat, il y avait entre autres, le fait que des antennes aient été enlevées de Cotonou pour Papané, localité d’origine d’un Dg/Bénin Télécom Sa, à l’époque. « Il en a été de même pour Tchaourou, (commune natale de Boni Yayi, ndlr) et Tchetti, (chez Désiré Adadja, alors Ministre de la communication, ndlr) », a révélé un technicien de Libercom qui a ajouté : « C’est ainsi que Ste Rita et Missèbo dans la ville de Cotonou ont perdu la puissance initiale du signal Libercom).
Libercom vraiment endetté ?
Selon les informations reçues au siège de Libercom, avant 2013 où il était encore sous Bénin Telecom Sa, les dettes de Libercom s’élevaient à 39 milliards de Fcfa. Mais entre 2013 et 2017, il y a eu 18 milliards de Fcfa de dette répartis comme suit : 9 milliards de Fcfa de contribution au fonctionnement de l’Arcep, 7 milliards de Fcfa pour Bénin Telecoms (Interconnexion), et 2 milliards de Fcfa pour La Sbee, Soneb, Impôts, retour sur salaire. Les droits des travailleurs de Libercom n’ont pas été payés à la Cnss de 2007 à ce jour, d’après les mêmes sources qui déplorent le fait qu’après 17 ans de travail, ces travailleurs n’ont pas droit à une retraite. En juin 2013, Libercom Sa a été créé avec un capital de 29 milliards de Fcfa (matériels seuls) sans aucun fonds de commerce. Il avait besoin de services à valeur ajoutée, de la qualité de services et était confronté au problème d’extension. D’après ceux que nous avons rencontrés, Libercom était déjà malade et aucune magie n’était possible, à part de nouveaux investissements pour le relever en 2013. Nos sources ont indiqué que la création de Libercom Sa en 2013 était intervenue parce que les partenaires qui voulaient l’acheter ont exigé à ce qu’il soit détaché de Bénin Telecom Sa, car, ils voulaient juste le Gsm. Une première tentative de vente a échoué et la seconde était en cours jusqu’en 2016, à l’arrivée des autorités actuelles du pays. Le Dg Djima ne pouvait dont rien. « Malheureusement, lui aussi, a géré à sa manière et vous avez suivi les dénonciations faites par le président du Front national des organisations de la société civile (Fonac) au cours du premier trimestre de 2017 pour qu’il soit limogé », nous a rappelé Gisèle Glèlè.

Félicien Fangnon
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