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Pêche continentale: Controverses autour de l’interdiction des ‘’acadja’’
Publié le jeudi 21 septembre 2017  |  La Nation
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© aCotonou.com par Didier Assogba
Le poisson tilapia du Bénin






L’interdiction de la pratique d’acadja sur le lac Nokoué suscite beaucoup de controverses au sein des acteurs de la pêche continentale. L’Administration des pêches milite pour sa disparition, les communautés de pêche s’y opposent.

Des hectares de parcs à poissons en branchage communément appelés ‘’acadja’’ pullulent encore sur le lac Nokoué, au nez et à la barbe de l’Administration de la pêche. L’interdiction de cette pratique de pêche rencontre souvent la résistance des lobbys, visiblement prêts à défier l’Etat, au nom de la préservation des ressources du lac. Pourtant, la loi cadre n°2014-19 du 7 août 2014 relative à la pêche et à l’aquaculture en République du Bénin a été claire. L’article 73 de la loi stipule : « Il est interdit de faire usage, dans l’exercice de la pêche continentale ou maritime des engins ou méthodes de pêche incompatibles avec la gestion durable des stocks halieutiques, notamment, tout parc à poissons, quelle qu’en soit la forme ou la superficie, construit à l’aide de branchage fixé dans le fond des fleuves, lacs ou lagunes, ou tout autre lieu servant de refuge, de reproduction et de développement des poissons, et pouvant augmenter la productivité naturelle des plans d’eau ( ‘’ acadja’’, …etc) ».
Pour certaines catégories de pêcheurs, la proscription de l’usage de l’acadja est un précédent grave que la législation a créé. « Si on enlève l’acadja, nos eaux vont mourir », tranche Ambroise Zounnon, président du Conseil départemental de pêche Ouémé/Plateau. « Sans l’acadja, il n’y aura plus de poisson dans le Nokoué parce que les espèces qui vont quitter la mer ne trouveront plus de refuge pour se reproduire. De même, celles qui quitteront le fleuve Ouémé via la lagune de Porto-Novo vont devoir repartir faute d’abri », renchérit David Hounguê, président de la Fédération nationale des pêcheurs du Bénin. Pour lui, la généralisation de l’interdiction d’acadja à tous les plans d’eau du pays a été une monumentale erreur dans la loi 2014. «L’acadja était déjà interdit dans le lac Ahémé parce que ce plan d’eau est un creux. Ce n’est pas la même configuration que le Nokoué. Ce sont les cadres qui ont mené des études pour conclure que l’acadja ne peut pas quitter le Nokoué parce qu’il permet la reproduction des ressources halieutiques. Aujourd’hui, les jeunes cadres, par alchimie, estiment que l’acadja est un problème pour le Nokoué. Même nos parents nous ont toujours enseigné que celui qui va demander qu’on détruise l’acadja veut la mort du Nokoué», martèle David Hounguê.

Préserver l’écosystème du lac

Sur les 15 000 hectares de superficie du lac Nokoué, plus de 9000 hectares sont couverts par des acadja. Une pratique qui, selon Cyrille Aholoukpè, chef division suivi biologique et écologique à la direction des Pêches, constitue une réelle menace pour l’environnement et l’écosystème de ce plan d’eau. Il informe que pour un hectare d’acadja, entre 25 et 50 tonnes de bois sont importés dans l’écosystème du lac, contribuant ainsi au comblement et réduisant la surface d’exercice des pêcheurs en eau libre. Or, le complexe lac Nokoué - lagune de Cotonou fournit plus de 85% de la production de la pêche continentale. Herman Gangbazo, chef service aménagement et gestion des pêcheries à la direction des Pêches, ajoute que la pratique de l’acadja est souvent source de conflits entre les pêcheurs en eau libre et les propriétaires de ces parcs qui ne paient d’ailleurs aucune redevance à l’Etat. Derrière ces acadja, souffle-t-on à la direction des Pêches, se cachent de puissants lobbys constitués de hauts gradés de l’armée et des cadres supérieurs dont la pêche n’est pas l’activité principale. « Il y a un colonel de l’armée qui, à lui seul, dispose de 16 hectares d’acadja sur le lac Nokoué qui lui génèrent environ 35 millions de recettes en trois ans d’exploitation », soutient Cyrielle Aholoukpê. Il salue l’engagement du régime actuel à assainir le lac dans le cadre des réformes entreprises ces derniers mois pour relancer les plans d’eau du sud-Bénin. A ce titre, le Gouvernement a déjà procédé au recensement de tous les engins techniques et méthodes de pêches utilisés sur les cours d’eau, élaboré les décrets et textes d’application de la loi cadre n°2014-19 du 07 août 2014 relative à la pêche et à l’aquaculture et conçu un plan d’assainissement des berges, plans et cours d’eau. Il est aussi prévu la création d’une agence de développement du complexe lac Nokoué - lagune de Porto-Novo ainsi que la mise en œuvre d’un programme de développement de l’aquaculture continentale pour un montant prévisionnel de 60 milliards F Cfa.
Le plan d’assainissement du lac Nokoué prévoit la mise en place des frayères communautaires pour remplacer les parcs à poisson et servir au repeuplement des plans d’eau. Il est aussi envisagé la promotion de l’aquaculture en eau libre par le système des cages flottantes et des enclos piscicoles. Mais ces options ne satisfont pas le président de la Fédération nationale des pêcheurs du Bénin. « Ce qui convient avec le plan d’aménagement, c’est de réorganiser les ‘’acadja’’ et non de les détruire. Il faut prévoir des zones où on doit implanter les ‘’acadja’’, des zones pour les pêcheurs en eau libre, et des zones à défendre pour installer les frayères », plaide-t-il, soutenant que l’aquaculture en eau libre détourne les pêcheurs des pratiques ancestrales.

Gnona AFANGBEDJI
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