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Centre de radiothérapie d’Abomey-Calavi : L’espoir brisé des patients souffrant du cancer
Publié le mercredi 18 octobre 2017  |  Fraternité
Centre
© aCotonou.com par DR
Centre de radiothérapie d’Abomey-Calavi




31 mars 2015, le Bénin signe un mémorandum d’entente pour la construction d’un centre de radiothérapie en vue de la prise en charge des patients souffrant du cancer. Plus de deux ans après, le Centre peine à sortir de terre à Abomey-Calavi. Pendant ce temps, plus de 5000 nouveaux patients par an souffrent le martyre et espèrent désespérément le Centre promis.
Zopah, commune d’Abomey-Calavi. A quelques pas de la résidence de Feu Mathieu Kérékou, en face du domaine militaire, se trouve un chantier abandonné : le site de construction du centre de radiothérapie d’Abomey-Calavi. Ici, règne depuis 15 mois, un calme plat. A notre arrivée, une voix légère nous interpelle depuis l’un des deux conteneurs déposés à l’entrée. C’est Aboubacar, la trentaine. Ce jeune togolais, d’ethnie Kotokoli, est l’un des gardiens du site. Des raisons du blocage, il semble ne rien connaître. « Les travaux sont arrêtés le 30 juillet 2016. La raison, je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que un peu avant la suspension des travaux, les gens venaient faire des réunions à n’en point finir. Puis, nous étions là quand un jour, ils ont décidé de tout stopper. Depuis, plus rien ne bouge. Parfois, des autorités de retour de sport les week-ends viennent nous poser la même question et promettent d’agir. Mais, tout est resté bloqué », confie-t-il. Ainsi, les travaux de construction démarrés le 29 mars 2016, n’ont duré que deux mois.

La pierre de l’espoir
De ce domaine de 1 ha 50 clôturé, devrait sortir le Centre de Radiothérapie d’Abomey-Calavi. Sur le site, on retrouve encore la première pierre du Projet, posée le 11 avril 2015 par le Chef de l’Etat d’alors, Boni Yayi. C’est une étape décisive de la concrétisation d’un rêve qui a commencé cinq années plus tôt à travers l’idée de création de l’Unité de radiothérapie. « C’est la pierre des espoirs qui, aujourd’hui, s’effritent », se désole une source au Ministère de la Santé. Mais pourquoi le projet n’a-t-il pas abouti ? « C’est complexe », répond la même source. En effet, le cancer est une maladie qui décime une frange non négligeable de la population béninoise, mais dont le traitement reste coûteux. Selon les statistiques de Globocan (2012), l’incidence annuelle au Bénin est de 4848 cas dont 910 cas de cancer de seins. Selon la même source, le taux de mortalité est de 476 cas de décès par an pour le cancer de seins qui est le plus courant.
C’est la mort dans l’âme que le Dr Serpos Dossou, Médecin cancérologue, rencontré au Centre d’Oncologie de Cotonou aborde le sujet. « Parmi les cancers, les plus fréquents sont ceux qui touchent nos femmes, nos mères, nos épouses. Le fardeau est lourd. Il est normal que le Gouvernement oppose une riposte. La chirurgie et la chimiothérapie, ajoutées à la radiothérapie font partie des trois disciplines qui prennent en charge le cancer. Les deux premières se font au Bénin. C’est seulement la radiothérapie qui est le dernier maillon que nous n’avons pas encore. C’est un outil indispensable. Elle guérit à 60-70% le cancer », explique-t-il.
Les patients souffrant du Cancer espèrent toujours. Il faut pouvoir lire sur le visage de ceux venus faire un traitement, ce lundi, au Centre d’Oncologie de Cotonou, pour comprendre leurs peines. Parmi les trois, deux attendent de mobiliser les moyens pour aller faire la radiothérapie au Mali. Pour l’unique radiothérapeute dont dispose pour le moment le Bénin, il y a de quoi faire aboutir ce projet pour soulager les populations et réduire les évacuations sanitaires dont le coût prohibitif annuel dépasse six milliards de Francs Cfa pour la prise en charge des cancers. « Quand nous faisons le diagnostic au Bénin, le reste est obligé d’être fait dans les autres pays de la sous-région, le Ghana, le Mali, l’Afrique du Sud, ou les pays Européens. Toutes maladies confondues, les évacuations sanitaires coûtent globalement 15 milliards de Fcfa au Bénin dont 6 milliards pour le cancer. Si ce projet ne marchait pas, ce serait un désespoir pour les patients », martèle-t-il.

Un éléphant blanc en gestation
Le Bénin est pourtant l’un des premiers pays en Afrique francophone à se lancer dans la course pour la radiothérapie. Déjà, le 08 novembre 2012, un comité national a été créé pour l’élaboration de l’étude de faisabilité de la création d’un centre de radiothérapie et de médecine nucléaire au Bénin. Le 06 juin 2013, le Conseil des Ministres décide de sa construction. Puis, le 29 mai 2014, les documents de l’étude de faisabilité ont été adoptés. Le projet de création de l’Unité de Radiothérapie (Pur) a été inscrit au Programme d’Investissement Public 2015-2017. Puis, il a été soumis aux bailleurs à la Table ronde de Paris de juin 2014. C’est là que le Groupe Untec, spécialisé dans la construction et la gestion de centres de radiothérapie en Europe entre en jeu.
31 mars 2015. Un mémorandum d’entente a été signé. Untec accepte de construire en 9 mois en préfinancement et d’être remboursé à la réception des ouvrages. Le non-respect des délais prévus dans le du mémorandum a conduit à un retard dans la signature du contrat de marché de construction. Et pour quelles raisons ? Certains acteurs pointent du doigt la lourdeur administrative. Invité le 11 octobre 2017 sur Océan Fm, André Dansou, collaborateur de la Société Untec, explique : « Sous 45 jours, le contrat devrait être signé. Les choses ont commencé par là. Ça n’a pas été respecté. Il a fallu presque 4 mois pour la signature. Pendant ce moment, les études techniques étaient déjà faites. Mais nous ne pourrions avancer sans que le contrat ne soit valable. On était obligé de les attendre pour un projet censé s’achever fin janvier 2016 ».

La loi, et après ?
Cependant, au Ministère de la Santé, l’on n’est pas resté les bras croisés non plus. Les échanges de courriers et les audiences se sont multipliés. Mais, il y a une réalité à prendre en compte : l’absence d’une loi sur la radioprotection au Bénin. Ce qui a conduit le Ministère de la santé à faire suspendre les travaux en juillet 2016 et à perdre deux milliards engagés sur le PIP en 2016 dans le cadre du Projet Pur. Et depuis, c’est presque le statu quo.
15 septembre 2017. Les députés votent la loi portant sûreté radiologique et sécurité nucléaire en République du Bénin. Un obstacle vient enfin d’être levé. L’espoir renait progressivement. « Nous remercions les députés et le Chef de l’Etat, de qui nous attendons la promulgation de la loi. Nous plaidons auprès du Chef de l’Etat qu’il puisse user de son art de négociateur pour, dans la mesure du possible, prendre langue avec les partenaires pour que le projet démarre », plaide Dr Serpos Dossou.
En attendant, sur le site, les bétons coulés pour la construction d’un centre de radiothérapie et de médecine nucléaire demeurent intacts dans une fosse. Le chantier est herbeux. Deux bétonnières y sont exposées aux intempéries. Les gardiens sont bien obligés de cultiver des vivriers pour maintenir quelques espaces propres. « On essaie de nettoyer. Mais quelques jours après, on a comme l’impression que rien n’a été fait », martèle Aboubacar, le gardien des lieux. Il est bien obligé de continuer cette corvée, jusqu’à ce que les travaux reprennent.
Fulbert ADJIMEHOSSOU
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