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Interview exclusif /Thomas Boni Yayi : "En 2016, Bozizé et moi, la Bible à la main"
Publié le jeudi 28 fevrier 2013   |  24 heures au Bénin


Le
© AFP
Le président du Bénin, Thomas Boni Yayi en France
Mercredi 6 Février 2013. Paris. Le président du Bénin, Thomas Boni Yayi a ete recu en audiance par le président français Francois Hollande


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Le chef de l’État béninois l’assure : il ne cherchera pas à se maintenir au pouvoir à la fin de son mandat en 2016. Sexagénaire, Thomas Boni Yayi envisage de se retirer de la vie politique pour vivre sa foi. Interview d’un président de la république qui veut tourner la page d’une année mouvementée.

L’année 2012 fut, pour le président béninois Thomas Boni Yayi, une année compliquée. À peine avait-il été nommé à la tête de l’Union africaine (UA) qu’il devait gérer l’élection - mouvementée - du nouveau président de la Commission de l’UA. Ce fut ensuite la guerre au Mali, une énième rébellion en RD Congo puis en Centrafrique... La politique béninoise ne lui a pas non plus laissé de répit, puisqu’en octobre dernier l’homme d’affaires Patrice Talon, dont il était autrefois proche, était accusé d’avoir voulu l’empoisonner... Aujourd’hui, Boni Yayi a quitté la présidence de l’UA et affirme envisager son retrait de la vie politique, en 2016, avec sérénité. Rencontre avec un chef d’État qui, à 60 ans, dit avoir hâte d’arpenter le monde « une bible à la main ».



N’est-il pas gênant que la France, l’ancien colonisateur, soit en première ligne au Mali ?


Thomas Boni Yayi : Ce n’est pas la question : la lutte contre le terrorisme est de la responsabilité de tous, et la France est intervenue à la demande des autorités maliennes. Il fallait absolument stopper l’avancée des terroristes.



N’est-ce pas la preuve que l’Afrique a du mal à gérer ses propres crises ?


Non. Ce n’est pas la bonne volonté qui nous a manqué, ce sont les moyens. Prenez l’exemple du Bénin : nous nous sommes engagés à envoyer 650 soldats au Mali [environ 250 sont déjà sur place, NDLR]. Mais comment les équiper ? Comment les transporter sur le terrain ? C’est un problème que nous avons tous.


Faut-il, en plus des soldats de la Misma, la mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), envoyer des Casques bleus au Mali ?

Cela permettrait sans doute un déblocage plus rapide de financements internationaux et une meilleure coordination des efforts. Pour le moment, la France est très seule : elle a plus de 4 000 militaires sur place, elle a dépensé près de 70 millions d’euros... Ce n’est pas juste. Nous sommes tous concernés.


Que fait-on du capitaine Amadou Sanogo, l’ancien chef des putschistes du 21 mars, toujours très influent à Bamako ?

Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut qu’il retourne dans sa caserne. Mieux, qu’il aille au front, là où on a besoin de soldats. C’est bien pour ça qu’il a pris la tête d’un coup d’État, non ?

Il semblerait qu’il se cherche à présent une porte de sortie honorable...

Mais la porte est là, grande ouverte ! On m’a dit qu’il dirigeait le Comité militaire de suivi des réformes de l’armée, bien. Mais pour ma part, je pense qu’un militaire qui manque à ses devoirs doit être sanctionné ; il y a des règles dans l’armée pour cela.

En tant que président de l’Union africaine (UA), vous avez rencontré votre homologue centrafricain, François Bozizé, fin décembre, alors qu’il était confronté à une rébellion armée. Comment l’avez-vous convaincu de ne pas se représenter en 2016 ? En lui citant votre propre exemple ?

Le président Bozizé est un homme mesuré. Lui et moi sommes tous les deux évangéliques, et je lui ai parlé en tant que frère. Je lui ai conseillé de rassurer ses compatriotes et la communauté internationale quant à son intention de ne pas modifier la Constitution pour se représenter à la présidentielle. Et c’est vrai que je lui ai dit qu’en 2016 je serais heureux d’avoir un ami ancien chef d’État prêt, comme moi, à prendre sa bible pour parcourir les contrées et prêcher l’Évangile.

En quittant la présidence de l’UA, fin janvier, vous avez dénoncé la confusion qui règne à la tête de l’organisation. Aviez-vous des dissensions avec la présidente de la Commission, Nkosazana Dlamini-Zuma ?

Pas du tout. Mais on m’a confié la maison pendant un an, et j’ai pensé qu’au terme de ce mandat il était important de soumettre mes idées pour en améliorer le fonctionnement. Plusieurs choses ne marchent pas et nous devons revoir nos textes fondateurs pour les rendre plus conformes aux défis qui nous attendent. Pour que l’on sache bien aussi comment se répartissent les rôles au sein des organes directeurs de l’organisation.



Vous avez été reçu par François Hollande, le 6 février. Avez-vous évoqué avec lui le cas de Patrice Talon, que vous accusez d’avoir voulu vous empoisonner et dont la justice béninoise réclame à la France l’extradition ?


Non. Je suis allé parler de la stabilité du continent. Le sujet Patrice Talon est subsidiaire. Je n’en ai parlé ni au chef de l’État, ni au Premier ministre, ni au ministre des Affaires étrangères... Je suis bien au-dessus de tout cela.

Mais vous portez de très graves accusations contre lui...

Soyons clairs : Patrice Talon s’est réfugié en France parce qu’il fait l’objet de poursuites pour malversations au Bénin. Depuis la France, il est entré en contact avec ma nièce, que je considère comme ma fille [Zoubérath Kora-Séké], et mon médecin personnel [Ibrahim Mama Cissé ; tous deux sont en prison à Cotonou]. Il leur a promis 2 milliards de F CFA [plus de 3 millions d’euros] pour m’empoisonner, ils ont avoué !

N’en voulez-vous pas à Patrice Talon parce qu’il aurait refusé de vous aider à tripatouiller la Constitution afin de briguer un nouveau mandat ?

C’est n’importe quoi ! Les députés béninois qu’il m’accuse d’avoir voulu soudoyer ne sont pas des moutons. Aucune révision ne touchera aux quatre principes hérités de la Conférence nationale : la laïcité, le régime démocratique, l’âge maximal des candidats et la limitation du nombre de mandats. En réalité, il s’agit d’une manoeuvre d’intoxication. Patrice Talon essaie de me discréditer, mais le fond du problème est que ce monsieur voulait faire main basse sur l’économie du Bénin. Il a évincé tous ses concurrents de la filière coton. Au port de Cotonou, sa société Bénin Control SA gérait le contrôle, le scanning et le tracking des marchandises. Là encore, la famille portuaire ne veut plus en entendre parler. En plus, la Direction des marchés publics a cassé ce contrat après avoir constaté des irrégularités. Lorsque j’en ai discuté avec lui, tout ce qu’il m’a dit est qu’il voulait « sauvegarder [ses] acquis »...

On doit donc vous croire : vous ne rempilerez pas en 2016...

Je l’ai dit à mes pairs africains lors de mon investiture en 2011. Je l’ai dit à Barack Obama, à Nicolas Sarkozy, à François Hollande et même au pape ! Il faudrait que je sois stupide pour me dédire après toutes ces déclarations ! Et puis dix ans à la tête du Bénin, ce ne sont pas des vacances ! Dieu nous a faits avec des limites ! Je vous le dis : je compte les jours qui me séparent de la fin et je n’aspire qu’à une seule chose : être heureux en me rapprochant de mon Dieu. Le 5 avril 2016 à minuit, avec respect et gratitude, je remercierai le peuple béninois pour sa confiance et je partirai.

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