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DECISION DCC 18-001 : DU 18 JANVIER 2018
Publié le lundi 22 janvier 2018  |  Fraternité
Cérémonie
© aCotonou.com par CODIAS
Cérémonie de prestation de serment et installation des membres du conseil d`orientation et de supervision de la liste électorale permanente informatisée
Cotonou 26 aout. Prestation de serment et installation des membres du conseil d`orientation et de supervision de la liste électorale permanente informatisée (LEPI ) à la Cour Constitutionnelle.




La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 08 janvier 2018 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 0031-C/006/REC, par laquelle Monsieur le Président de la République, sur le fondement des articles 117 et 121 de la Constitution, défère à la haute Juridiction, pour contrôle de conformité à la Constitution, la loi n° 2017-43 modifiant et complétant la loi n° 2015-18 du 13 juillet 2017 portant statut général de la Fonction publique votée par l’Assemblée nationale le 28 décembre 2017 ;

Saisie d’une autre requête du 12 janvier 2018 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 0066/015/REC, par laquelle Monsieur Valentin DJENONTIN-AGOSSOU, député à l’Assemblée nationale, forme un « recours en inconstitutionnalité contre l’article 50 du statut général de la Fonction publique » ;

VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;
VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Madame Marcelline-C. GBEHA AFOUDA en son rapport ;
Après en avoir délibéré,

CONTENU DES RECOURS
Considérant que Monsieur le Président de la République sollicite le contrôle de conformité à la Constitution de la loi sus-citée ;

Considérant que Monsieur Valentin DJENONTIN-AGOSSOU expose : « I- Les faits : Le Garde des Sceaux a introduit en Conseil des ministres, suite à un appel à candidature et aux travaux d’une commission conformément au décret n°2015-180 du 13 avril 2015 portant modalités de nomination des greffiers en chef et de leurs assistants en République du Bénin, le dossier de nomination des greffiers en chef et des assistants de greffiers en chef dans nos Cours et tribunaux. Le décret sus-cité a indiqué que lesdites nominations doivent se faire par décret pris en Conseil des ministres. A cet effet, le décret n°2017-388 du 04 août 2017 contenant une partie des nominations au profit des juridictions a été pris. Ce décret comporte plusieurs irrégularités et illégalités, à savoir, la nomination de personnes à des postes et juridictions où elles n’ont pas été candidates, les nominations de personnes plus jeunes pour diriger leurs aînés, la nomination de dame GUINLEY Ahanou Ahouéfa Gladis comme greffier en chef du tribunal de première Instance de deuxième classe d’Allada en violation flagrante de la condition basique et substantielle de cinq années (05) de pratique professionnelle continue, alors que l’intéressée, comme ses autres collègues de promotion dont les dossiers ont été tous rejetés, n’a prêté serment que le 26 novembre 2016, date à partir de laquelle se fera théoriquement la computation des 05 années de pratique professionnelle requises. Suite à la prestation du serment, son premier poste était une direction du ministère de la Justice, structure où elle officiait jusqu’à sa nomination. Ce décret a été suivi de l’arrêté n°074/MJL/DC/SGM/DAF/DSJ/ SA/049/SGG17 du 11 septembre 2017 par lequel le Garde des Sceaux s’est, non seulement arrogé le pouvoir de nomination revenant au Conseil des ministres, mais a nommé au mépris également de certaines conditions de fond fixées par la réglementation comme l’a d’ailleurs fait le décret. L’arrêté comporte, en plus des vices sus-cités, la nomination de personnes n’ayant jamais candidaté. D’autres arrêtés ont été aussi pris, toujours en baignant dans les mêmes violations des normes et principes en vigueur. » ; qu’il poursuit : « Après plusieurs tentatives infructueuses de règlement de la situation par le SG du SYNTRAJAB rejoint ensuite par ses homologues de l’UNOGEC et du SYNAGOJUB, le ministre de la Justice a été dénoncé par tous ces syndicats. Cette situation non réglée a conduit lesdits syndicats à faire remettre en surface les problèmes latents de carrière, de droits acquis et d’avantages sociaux les concernant. Face à l’obstination patente et à d’autres comportements du ministre qui constituent à leurs yeux une menace évidente pour la défense de leurs droits et l’indépendance du pouvoir judiciaire, les trois (03) autres syndicats du secteur que sont le SYNTRA-JUSTICE, le SYNAPE- JUSTICE et l’UNP-JUSTICE se sont joints à ceux des greffiers et officiers de justice pour déposer une motion de grève d’avertissement de 48 h le 20 octobre 2017. Le 02 novembre 2017, après avoir été reçus par le Chef de l’Etat qui s’est engagé à régler les problèmes posés, les syndicats, en toute responsabilité et sans qu’une demande n’a été formulée dans ce sens, ont accordé à l’Administration un moratoire jusqu’au 31 décembre 2017, montrant ainsi leur sens de responsabilité et de retenue en matière de négociation et de lutte syndicale.
Ils en étaient là quand le 28 décembre 2017, alors que l’Administration n’a pas daigné les appeler pour évaluer et les informer du niveau d’évolution de leurs revendications qui sont restées pour la quasi-totalité non résolues, les députés du Bloc de la Majorité présidentielle (BMP) ont fait adopter la loi portant statut général de la Fonction publique en y insérant un alinéa en l’un de ses articles pour interdire le droit de grève aux fonctionnaires des secteurs de la Justice et de la Santé. » ;

Considérant qu’il développe : « II- Les moyens : La présente discussion sera articulée autour de quatre (04) moyens.

A- Du lien entre le droit de grève et l’histoire de notre pays :
… En démocratie, la liberté d’expression est la première et celle dont dépendent toutes les autres libertés … Le droit de grève est à la fois un droit et une des modalités d’expression des travailleurs qu’ils soient du secteur public ou privé, de sorte qu’en interdisant le droit de grève successivement aux travailleurs des divers secteurs de la Fonction publique et sans limitation, le législateur en complicité avec le pouvoir exécutif pose insidieusement les jalons d’un recul démocratique pouvant conduire à revivre la douloureuse expérience des 17 ans de dictature ayant arriéré notre pays … L’avènement de la démocratie et de l’Etat de droit au Bénin est indissociable des grèves et luttes de travailleurs … En raison des liens ténus entre la qualité de la gouvernance politique et la jouissance effective de leurs droits de travailleurs, les fonctionnaires béninois ont été amenés, d’hier à aujourd’hui, à exercer leur droit de grève pour exiger, entre autres, le respect de la légalité, des libertés publiques et par ricochet l’Etat de droit et la démocratie, toutes choses ayant permis d’assurer le maintien du temple démocratique national surtout dans les moments où il existe une connivence suicidaire entre les pouvoirs exécutif et législatif, comme c’est le cas actuellement où des manœuvres de l’Exécutif visent à empêcher l’existence et l’expression d’une véritable opposition politique … Dans ces conditions, c’est à tort que certains pensent que les grèves sont plus nuisibles que salvatrices pour notre pays, car elles ont été, dans bien de cas, la condition même de l’existence des fondements de notre démocratie … Le constituant ayant compris la valeur fondamentale des libertés publiques dont le droit de grève est une composante, en a au contraire fait une condition du développement lorsqu’il a affirmé dans le préambule : “Affirmons solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle.” ;

Considérant qu’il poursuit : « B- Du cavalier législatif :
… Les députés à la séance plénière du 28 décembre 2017, lors de l’intégration des dispositions de la loi n°2017-03 du 17 mars 2017 portant régime général d’emploi des collaborateurs externes de l’Etat au statut général des agents de l’Etat, ont modifié l’article 50 dudit statut pour retirer le droit de grève aux fonctionnaires des ministères en charge de la Justice et de la Santé … L’article 1er du statut général des agents de l’Etat a pourtant exclu de son champ d’application les magistrats et greffiers régis par des statuts spéciaux … En matière de législation, une loi ne saurait à la fois régir des personnels exclus de son champ d’application … Il s’agit par conséquent d’un cavalier législatif que le juge constitutionnel béninois doit censurer à l’instar de son homologue français.

C- De l’encadrement suffisant du droit de grève par la loi n°2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin :

…La loi portant l’exercice du droit de grève en
République du Bénin a déjà encadré le droit de grève en définissant les secteurs essentiels nécessitant un service minimum ainsi que les conditions du recours à la réquisition par l’Administration pour concilier le droit de grève des travailleurs avec les droits des usagers des services publics … Les dix (10) points ci-dessous tirés de la loi sus-citée indiquent les étapes pour déclencher une grève et les conditions d’exercice de la grève ainsi que les sanctions en cas de violation de certaines règles :
1- Négociation préalable obligatoire en cas de litige de travail,
2- En cas d’échec des négociations, préavis de grève qui doit
renseigner complètement sur les motifs, la durée et l’étendue de
la grève,
- Le temps de préavis est 72 h normalement et 24 h en cas d’acte grave portant atteinte à un droit du travailleur,
3 - Poursuite des négociations même en cas de grève,
4- La grève de solidarité n’est admise que lorsqu’elle soutient une grève elle-même légale,
5- L’arbitrage du Conseil national de la Fonction publique ou d’un médiateur est obligatoire pour concilier les parties,
6- Le service minimum est obligatoire à l’occasion des grèves dans les services essentiels ou stratégiques,
7- Recours à la réquisition en cas de non organisation du service minimum dans les services essentiels et ce, à la proportion de 20% de l’effectif,
8- Sanction du 1er degré en cas de refus de la réquisition,
9- Sanction disciplinaire de 2nd degré en cas de menace et voie de fait contre les agents non-grévistes,
10-Réduction proportionnelle du traitement des grévistes, sauf si la grève a duré moins d’une journée ou lorsqu’elle a pour motifs la violation des libertés fondamentales et des droits syndicaux universellement reconnus ou le non-paiement des droits acquis …
Il résulte de ces dix points que le droit de grève est suffisamment réglementé au Bénin et qu’il suffira aux parties prenantes, notamment l’Administration, de respecter la loi pour éviter les conséquences néfastes des grèves illicites ou parfois abusives. » ; qu’il ajoute : « De l’incompétence du législateur ordinaire béninois à définir les bénéficiaires du droit de grève au regard de l’article 31 de la Constitution :
… L’article 31 de la Constitution dispose : “L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi” … Il en résulte que le droit de grève au Bénin a un caractère
constitutionnel et se décline en droit de jouissance et en droit
d’exercice … Au regard de l’article 31, la réglementation du droit de jouissance ou l’aptitude à être titulaire du droit de grève relève du pouvoir du constituant qui est le seul habilité par la Constitution à déterminer qui en sont bénéficiaires ou non tandis que le droit d’exercice ou conditions d’exercice sont du domaine du pouvoir législatif … En raison du caractère constitutionnel du droit de grève, le législateur ordinaire ne peut donc prévoir sa suppression pour aucune catégorie de salariés, du secteur privé comme du secteur public, car le caractère constitutionnel de ce droit est affirmé sans restrictions quant aux bénéficiaires … C’est dans ce sens qu’est allée la jurisprudence DCC 06-034 du 04 avril 2006 qui est la meilleure interprétation de l’article 31 de notre Constitution parce que combinant à la fois la lettre et l’esprit de la Constitution ainsi que l’histoire et le contexte qui l’ont généré … La spécificité au Bénin de cette disposition constitutionnelle, qu’on ne peut interpréter sans recourir à l’histoire politique de notre pays, recommande que les règles jurisprudentielles résultant de l’application de Constitutions d’autres pays en matière de droit de grève ainsi que les commentaires doctrinaux y relatifs, soient maniés avec une particulière précaution … Sur le fondement de l’article 31 sus-cité et de plusieurs autres articles de la Constitution consacrant des droits au profit des citoyens, peuvent être apportées au droit de grève les limitations nécessaires en vue d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens … Même dans l’encadrement des conditions d’exercice du droit de grève par le législatif, la Cour constitutionnelle doit veiller à ce que le législateur ne “relativise” pas trop l’exercice du droit de grève ou qu’il ne “l’absolutise pas trop”, voire ne vide le droit de grève de sa substance … La Constitution en disposant que “Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi” a entendu marquer que le droit de grève est un principe constitutionnel, mais qu’il a des limites uniquement en ce qui concerne son exercice et a habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général et des besoins essentiels du pays auxquels la grève peut être de nature à porter atteinte … Lorsque deux droits ou libertés sont en conflit dans un régime libéral comme le nôtre, il faut trouver un point d’équilibre et éviter que l’un soit le tombeau de l’autre, comme l’a fait la Cour constitutionnelle par la décision DCC 11-065 du 30 septembre 2011 … Ensuite, la Cour constitutionnelle doit être conduite en l’espèce à opérer une conciliation entre le principe constitutionnel du droit de grève consacré par l’article 31 de la Constitution et celui à valeur constitutionnelle de la continuité du service public qui est une construction jurisprudentielle … Tout d’abord, l’extension progressive et insidieuse des secteurs où le législateur impose abusivement l’obligation d’assurer un service normal, revient à supprimer le droit de grève et à vider l’article 31 de sa substance … Ceci n’est pas admissible, même si la justification en est le principe de continuité du service public, car ce principe qui n’a que de valeur constitutionnelle ne peut l’emporter sur le droit de grève, qui est, lui, un principe constitutionnel … Il appartient, d’une part, au législateur de réglementer le droit de grève, mais aussi, d’autre part, à la haute Juridiction de donner une interprétation officielle, juste et convenable du droit de grève et de ses limites en ce qui concerne son exercice » ;
Considérant que Monsieur Valentin DJENONTIN-AGOSSOU fait observer : « … L’obligation d’assurer un service normal dans les quatre (04) secteurs (justice, santé, enseignement, économie et finances) où se font habituellement les grèves et la veille citoyenne par l’action syndicale aboutirait indirectement à supprimer l’exercice du droit de grève dans tout le pays et à le transformer en un Etat policier … Le juge constitutionnel, usant de son pouvoir concentré d’interprétation de la Loi fondamentale, doit fixer les marges constitutionnelles de l’étendue du pouvoir que le législateur tient de l’article 31 de la Constitution du 11 décembre 1990, car derrière la séparation formelle des pouvoirs exécutif et législatif se cachent souvent leur confusion, leurs compromission et connivence fonctionnelles qui sont fatales aux libertés et à la viabilité de notre démocratie … Il revient en l’espèce au juge constitutionnel d’opérer un contrôle de constitutionnalité et un contrôle de proportionnalité de la mesure d’interdiction votée par les députés du BMP par rapport au but visé. » ; que le requérant demande en conséquence à la Cour de :
« Constater que l’article 50 mérite d’être censuré par la haute
Juridiction en ce qu’il constitue un cavalier législatif et une disposition disproportionnée par rapport au but visé ;
Déclarer l’article incriminé contraire à la Constitution …
Ordonner la promulgation de la loi amputée dudit article incriminé. » ;

ANALYSE DES RECOURS
Considérant que les deux requêtes portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;

Considérant que l’article 57 alinéas 1 et 2 de la Constitution énonce : « Le Président de la République a l’initiative des lois concurremment avec les membres de l’Assemblée nationale.
Il assure la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission qui lui en est faite par le Président de l’Assemblée nationale… » ; qu’aux termes de l’article 121 alinéa 1 : « La Cour constitutionnelle, à la demande du Président de la République ou de tout membre de l’Assemblée nationale, se prononce sur la constitutionnalité des lois avant leur promulgation. » ; que l’article 20 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle indique en ses alinéas 5 et 6 : « La saisine de la Cour constitutionnelle par le Président de la République ne fait pas obstacle à sa saisine par un membre de l’Assemblée nationale et inversement.
La saisine de la Cour constitutionnelle par le Président de la République ou par un membre de l’Assemblée nationale n’est valable que si elle intervient pendant les délais de promulgation fixés par l’article 57 alinéas 2 et 3 de la Constitution. » ;
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que la loi sous examen a été votée le 28 décembre 2017 ; que par sa correspondance n° 0019/PR/SGG/SGAG2/SP-C du 8 janvier 2018 enregistrée à la Cour à la même date, le Président de la République a saisi la haute Juridiction d’une demande de contrôle de conformité à la Constitution de la loi, soit dans le délai de quinze (15) jours prescrit ; que Monsieur Valentin DJENONTIN-AGOSSOU, député à l’Assemblée nationale, a saisi la haute Juridiction le 12 janvier 2018 aux fins du contrôle de conformité à la Constitution de l’article 50 de ladite loi ; qu’en application des dispositions précitées, il s’est écoulé moins de quinze jours après le vote de la loi ; que la saisine de la Cour par les requérants est intervenue dans le délai constitutionnel ; qu’en conséquence, leurs requêtes sont recevables ;

EXAMEN DE LA LOI
Considérant que l’examen de la loi déférée révèle que certaines de ses dispositions sont contraires à la Constitution, d’autres y sont conformes sous réserve d’observations et d’autres encore y sont conformes ;

Des dispositions contraires à la Constitution :
Article 1er de la loi : En ce qu’il énonce : « …Article 50 nouveau : Le droit de grève est reconnu aux agents de la fonction publique pour la défense de leurs intérêts professionnels collectifs ; il s’exerce dans le cadre défini par la loi.
La grève est une cessation collective et concertée du travail décidée par les travailleurs en vue d’obtenir la satisfaction de leurs revendications d’ordre professionnel.
Elle ne peut être déclenchée qu’après l’échec total ou partiel de la concertation et suite au dépôt d’un préavis dûment transmis aux autorités compétentes.
Une loi spécifique définit les modalités d’exercice du droit de grève.
Toutefois, sont exclus du droit de grève, les militaires, les agents des forces de sécurité publique et assimilés (gendarmes, policiers, douaniers, agents des eaux-forêts et chasses, sapeurs- pompiers) ; le personnel de la santé ; le personnel de la justice ; les personnels des services de l’administration pénitentiaire ; les personnels de transmission opérant en matière de sécurité de l’Etat. » ;
Considérant que l’article 124 de la Constitution dispose en ses alinéas 2 et 3 : « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles. » ;
Considérant que dans sa décision DCC 17-087 du 20 avril 2017, la Cour, examinant la conformité à la Constitution de la loi n° 2017-03 portant régime général d’emploi des collaborateurs externes de l’Etat votée par l’Assemblée nationale le 17 mars 2017 a dit et jugé que : « … au vu de ses attributions, le collaborateur externe de l’Etat est un personnel de la Fonction publique ; que dans ces conditions … à défaut d’être intégré directement au statut de la Fonction publique, le régime général d’emploi des collaborateurs externes de l’Etat doit relever du pouvoir règlementaire à l’instar des statuts particuliers de certains corps de la Fonction publique … » ; que le législateur a, dans le cadre de la mise en conformité de cette loi, voté la loi sous examen ; que ce faisant, il a pris la première option, celle d’intégrer les dispositions de la loi n° 2017-03 portant régime général d’emploi des collaborateurs externes à celles de la loi n° 2015-18 du 1er septembre 2017 portant statut général de la Fonction publique (la loi ayant été déclarée exécutoire à compter de cette date) ;
Considérant que s’agissant de la procédure de la mise en conformité de la loi n° 2017-03 portant régime des collaborateurs externes de l’Etat à la décision DCC 17-087 du 20 avril 2017, l’article 50 de la loi n° 2015-18 du 1er septembre 2017 portant statut général de la Fonction publique déjà déclaré conforme à la Constitution par la décision DCC 17-142 du 13 juillet 2017 ne devrait plus subir de modifications ; que la modification d’une disposition déjà déclarée conforme à la Constitution ne peut se faire à l’occasion d’une mise en conformité sans violer l’autorité de la chose jugée attachée à la décision ayant ordonné la mise en conformité ; que dès lors, il y a lieu pour la Cour de dire et juger que l’alinéa 5 de l’article 50 nouveau prévu par l’article 1er de la loi sous examen est contraire à l’article 124 précité de la Constitution ;
Considérant en outre qu’aux termes de l’article 31 de la Constitution : « L’Etat reconnait et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale.
Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi » ; qu’il résulte de cette disposition que le droit de grève est un droit fondamental dont l’exercice est enfermé dans des conditions fixées par le pouvoir législatif ;
Considérant qu’il découle de la décision DCC 11-065 du 30 septembre 2011 de la Cour que le droit de grève constitue un moyen ultime du travailleur dans l’exercice de ses droits syndicaux ; que ce droit bien que fondamental et consacré par l’article 31 précité, n’est pas absolu ; qu’en effet, est absolu ce qui est sans réserve, total, complet, sans nuance ni concession qui tient de soi-même sa propre justification et est donc sans limitation ; qu’est aussi absolu ce qui existe indépendamment de toute condition, de toute représentation, qui échappe à toute limitation et à toute contrainte ; qu’en disposant que le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi, le constituant veut affirmer que le droit de grève est un principe constitutionnel, mais qu’il a des limites et habilite le législateur à tracer lesdites limites en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen et la préservation de l’intérêt général auquel la grève est de nature à porter atteinte ; qu’en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève par le constituant ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à l’exercice de ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public, la satisfaction de l’intérêt général, la sécurité publique, la sûreté d’autrui, la santé, la morale ou les droits et libertés des personnes ;
Considérant que la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui fait partie intégrante de la Constitution stipule en son article 11 : « Toute personne a le droit de se réunir librement avec d’autres. Ce droit s’exerce sous la seule réserve des restrictions nécessaires édictées par les lois et règlements, notamment dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté d’autrui, de la santé, de la morale ou des droits et libertés des personnes » ; que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui fait partie du bloc de constitutionnalité précise en son article 8 alinéa 2 que la garantie constitutionnelle du droit de grève « n’empêche pas de soumettre à des restrictions légales l’exercice de ces droits par les membres des Forces armées, de la Police et de la Fonction publique. » ; qu’il ressort de la lecture combinée et croisée de ces dispositions que seul le constituant peut interdire l’action syndicale et le droit de grève, le législateur n’étant habilité qu’à encadrer leur exercice ;
Considérant que dans sa décision DCC 06-034 du 4 avril 2006, s’agissant de l’interdiction du droit de grève aux personnels militaires des Forces armées béninoises, la Cour a dit et jugé que la Constitution ne prévoit aucune exception au droit de grève pour telle ou telle catégorie ; que le législateur ordinaire ne pourra porter atteinte à ce droit ; qu’il ne peut que dans le cadre d’une loi en tracer les limites ; que dès lors, il échet pour la Cour de dire et juger que l’alinéa 5 de l’article 50 nouveau prévu par l’article 1er de la loi sous examen excluant de la jouissance du droit de grève les militaires, les agents des forces de sécurité publique et assimilés (gendarmes, policiers, douaniers, agents des Eaux-Forêts et Chasses, sapeurs-pompiers), le personnel de la santé, le personnel de la justice, les personnels de l’administration pénitentiaire, les personnels de transmission opérant en matière de sûreté et de sécurité de l’Etat est également contraire à l’article 31 précité de la Constitution ;
Article 2 de la loi : En ce qu’il énonce : 1) « Article 401 : Les collaborateurs externes de l’Etat n’ont pas la qualité d’agents de l’Etat » : le collaborateur externe de l’Etat étant une personne appelée à participer à l’exécution d’une mission de service public, on ne peut valablement affirmer que celui-ci n’a pas la qualité d’agent de l’Etat d’autant qu’il est un personnel qui travaille « dans toute structure de l’administration publique », « dans les services centraux ou déconcentrés de l’Etat, des institutions de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées et des établissements publics à caractères social, culturel, administratif et scientifique ou des établissements à caractères industriel et/ou commercial », définition donnée à l’agent de l’Etat à l’article 1er de la loi portant statut général de la Fonction publique et à l’article 400 prévu par l’article 2 de la loi sous examen ;

2) « Articles 402 et 408 en ce que le législateur soumet les contrats stipulés aux règles de droit privé et le règlement des conflits à la volonté des parties : du fait que l’une des parties au contrat de collaboration est une personne publique (le ministre de la Fonction publique) et que le contrat est conclu aux fins de l’exécution d’une mission de service public, le contrat stipulé ne saurait être soumis aux règles de droit privé ; que pour ces mêmes raisons, les « conflits nés de l’exécution ou de l’interprétation des contrats de collaboration » ne sauraient être « réglés conformément à la volonté des parties » et doivent nécessairement relever de la compétence de la juridiction administrative ; qu’il n’est en effet pas possible de déroger par voie d’accord aux règles de compétences administratives, exception faite de l’arbitrage ;

De la disposition conforme à la Constitution sous réserve d’observations :
Article 2 de la loi : en ce que cet article crée « une quatrième partie dans la loi n° 2015-18 portant statut général de la Fonction publique comprenant les articles 398 à 408 », alors que cette dernière loi comporte déjà une quatrième partie ; qu’il y a donc lieu d’écrire : « CINQUIEME PARTIE » ;

Des dispositions conformes à la Constitution :
Considérant que toutes les autres dispositions de la loi sous examen sont conformes à la Constitution ;

D E C I D E :
Article 1er : L’article 1er de la loi n° 2017-43 modifiant et complétant la loi n° 2015-18 du 1er septembre 2017 portant statut général de la Fonction publique en son point article 50 nouveau dernier alinéa est contraire à la Constitution.

Article 2 : L’article 2 de la loi sous examen en ses articles 401, 402 et 408 est contraire à la Constitution.

Article 3 : Le dernier alinéa de l’article 50 nouveau de l’article 1er de la loi est séparable de l’ensemble du texte.

Article 4 : Les articles cités à l’article 2 de la présente décision sont inséparables de l’ensemble du texte de loi.

Article 5 : L’article 2 de la loi sous examen est conforme à la Constitution sous réserve des observations indiquées.

Article 6 : Toutes les autres dispositions de la loi sont conformes à la Constitution.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Monsieur le Président de la République, à Monsieur Valentin DJENONTIN-AGOSSOU, à Monsieur le Président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le dix-huit janvier deux mille dix-huit,
Messieurs Théodore HOLO Président
Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président
Simplice Comlan DATO Membre
Bernard Dossou DEGBOE Membre
Madame Marcelline-C. GBEHA AFOUDA Membre
Monsieur Akibou IBRAHIM G. Membre
Madame Lamatou NASSIROU Membre

Le Rapporteur, Le Président,

Marcelline-C. GBEHA AFOUDA.- Professeur Théodore HOLO
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