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Protection des zones humides au Sud-Bénin: Les écosystèmes du Grand Nokoué à l’épreuve des pressions anthropiques
Publié le mardi 13 fevrier 2018  |  La Nation




Des hectares de zones humides disparaissent chaque année dans les communes du Grand Nokoué au profit des maisons d’habitation. Il s’ensuit une dégradation avancée de ses écosystèmes en violation des lois en vigueur.

Sur la route Inter-Etats Cotonou-Niamey, à hauteur de Djonou dans l’arrondissement de Godomey, des maisons d’habitation s’étalent à perte de vue le long du lac Nokoué. Une véritable cité se crée au détriment des zones humides dans les nouveaux quartiers comme Togoudo, Sèdomey, Womey dans l’arrondissement de Godomey et Tokpa-Zoungo dans l’arrondissement d’Abomey-Calavi. L’écosystème caractérisé par la présence d’eau de façon permanente ou temporaire disparaît au profit de nombreuses maisons érigées en matériaux définitifs. « Le long du lac Nokoué, de la lagune de Cotonou et de Porto-Novo,les populations ont aménagé les zones humides par remblayage pour y construire des maisons », se désole l’écologiste Maximin Djondo, directeur de Benin environment and Education Society (Bees) Ong.
Selon lui, des hectares de zones humides disparaissent chaque année au profit des cités. On observe le développement de l’agglomération le long des plages de Cotonou, de Sème-Kpodji et de Ouidah avec des villas cossues.
« Le phénomène est surtout observé dans les villes à façade maritime coincée entre l’océan Atlantique et la lagune comme Cotonou, Sèmè-Kpodji, Porto-Novo, Abomey-Calavi », a-t-il ajouté. Dans les quartiers au nord de Cotonou notamment aux 2e, 3e, 6e, 9e, 12e, et 13e arrondissements, des immeubles sont construits le long des berges, des cours d’eau et le long des plages.
D’après la Délégation à l’aménagement du territoire (Dat), l’accroissement des agglomérations s’est fait au détriment des zones marécageuses qui ont connu une forte pression ces dix dernières années dans toutes les communes du Grand-Nokoué.
Ainsi, les zones marécageuses ont perdu 7 % de superficie à Cotonou, 12 % dans la commune d’Abomey-Calavi. A Sème-Kpodji, ces zones ont reculé de 9%, avec l’extension des villages d’Ekpè et de Djeffa, selon les données de la Dat.
Henri Totin, président de Jeunesse et emplois verts pour une économie verte (Jevev Ong), s’indigne de la situation dans la Vallée, en particulier à Dangbo où les zones humides sont morcelées et bradées par endroits. « Je me désole du bradage qui s’opère dans ces milieux qui se dégradent au fil des années », indique-t-il.
Dans la commune de Ouidah, la destruction de la mangrove s’observe sur le site Ramsar 1017, malgré les recommandations du gouvernement qui a réitéré, en Conseil des ministres du 26 octobre 2016, l’interdiction de la destruction des palétuviers dans les écosystèmes humides et d’abattage des cocotiers dans la zone littorale.
D’ailleurs, certaines femmes destructrices des mangroves ont été arrêtées le 1er février dernier, veille de la célébration de la journée internationale des zones humides à Ouidah.
D’après le rapport de la Délégation à l’aménagement du territoire (Dat) sur le dynamisme et l’attractivité des territoires au Bénin, la forte pression exercée sur les zones marécageuses conduit à la parcellisation des zones inondables et des berges du chenal et du lac Nokoué, ce qui a pour inconvénients de nombreuses difficultés d’aménagement et d’assainissement des sites, des atteintes portées à la santé et au bien-être des populations, l’insécurité résidentielle et immobilière et la limitation des investissements urbains.
Maximin Djondo attire l’attention des autorités sur le fait que toutes les zones humides des communes perdent progressivement leur fonction écologique du fait des activités humaines et en absence du respect des plans d’aménagement des communes.
Signataire de la Convention depuis le 24 mai 2000, le Bénin dispose actuellement de quatre sites inscrits sur la liste des zones humides d’importance internationale (Sites Ramsar). En marge de la célébration de la Journée internationale des zones humides, le 2 février dernier, les Organisations de la société civile, membres du Forum biodiversité ont interpellé les autorités béninoises sur la protection desdits sites. Ce sont elles seules qui font des actions en faveur de la protection de ces zones humides.

Des risques de déguerpissements futurs

En violation de l’article 264 du Code foncier domanial en République du Bénin, des milliers de Béninois continuent de s’installer dans les zones humides reconnues comme étant impropres à l’habitation. Car, selon la Dat, dans ces espaces qui sont du domaine public de l’Etat, il ne s’agit pas d’organiser l’habitat spontané mais de déplacer les populations. Ce que la collectivité n’est pas en mesure d’assumer financièrement ni socialement. Henri Totin dénonce l’ignorance des autorités communales et locales qui ne s’intéressent pas à ces écosystèmes à valeurs économiques. « Plusieurs élus locaux ou communaux ignorent les lois qui régissent la protection de ces dernières », a-t-il fait remarquer. Selon lui, des zones humides dépendent de nombreuses activités économiques comme l’aquaculture, la pêche, la production d’osier, de sel, le tourisme. Autant d’activités qui, si elles sont bien pratiquées, ne nuisent absolument pas aux zones humides mais au contraire les mettent en valeur et les rentabilisent.
Maximin Djondo, prévient des risques des pressions anthropiques sur les zones humides.
Brice Sohou, environnementaliste, pense que les mangroves constituent des armes naturelles de lutte contre l’érosion côtière. Pour lui, leur destruction accélère l’avancée du trait de côte. « Les mangroves sont des sources de richesse pour l’agro écotourisme et la préservation des espèces halieutiques en voie de disparition ». Selon lui, la dégradation des zones humides peut entraîner le réchauffement climatique et un phénomène de la montée des eaux lagunaires va s’observer, mettant en péril des habitations des quartiers qui y ont été aménagées par remblayage spontané des riverains. Il invite les pouvoirs publics à être attentifs sur le respect du Code foncier et domanial qui fait de ces zones, des espaces impropres à l’habitation. « Il s’agira par exemple de surveiller l’évolution de ces zones, en signalant leur inconstructibilité par des panneaux et en suivant de près les opérations de lotissement », a-t-il proposé. Les populations courent donc des risques de déguerpissement de ces zones au cas où les pouvoirs publics vont décider de restaurer ces espaces.

L’article 264 du Code foncier et domanial

Aux termes de l’article 264 du Code foncier domanial, les zones ci-après sont impropres à l’habitation : le rivage de la mer jusqu’à la limite des plus hautes marées ainsi qu’une zone de 100 mètres à partir de cette limite, les cours d’eau navigables ou flottables dans la limite déterminée par les eaux coulant à plein bord avant de déborder, ainsi qu’une zone de passage de 25 mètres de large à partir de ces limites sur chaque rive et sur chacun des bords des îles ; les lacs, étangs et lagunes dans les limites déterminées par le niveau des plus hautes eaux avant débordement avec une zone de passage de 25 mètres de large à partir de ces limites sur chaque rive extérieure et sur chacun des bords des îles ; les terres et zones inondables, marécageuses ou mouvantes.
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