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Entretien exclusif avec le rapporteur général de la Conférence nationale de 1990: Prof. Albert Tévoédjrè revient sur les coulisses et l’ambiance
Publié le mercredi 21 fevrier 2018  |  L`événement Précis
Le
© Autre presse par DR
Le président du Centre panafricain de prospective sociale, le professeur Albert Tévoèdjrè




Il y a 28 ans, les travaux de la Conférence des Forces Vives de la Nation démarraient à l’hôtel PLM Alédjo à Cotonou, sous les auspices du Président de la république d’alors, Feu Mathieu Kérékou. 28 ans pendant lesquels toute l’histoire semble être racontée aussi bien sur les travaux préparatoires de la Conférence nationale que sur le déroulement proprement dit desdits travaux, présidés par Monseigneur de Souza. Et pourtant, il existe encore des coulisses, des non-dits qui ne se racontent pas à tous. La rédaction de votre journal s’est proposé de vous révéler quelques-unes de ces coulisses par l’entremise de l’une des voix les plus autorisées, le Professeur Albert Tévoèdjrè, Rapporteur général du présidium ayant conduit les travaux du 19 au 28 février 1990. Dans cette interview qu’il nous a accordée ce mardi à son domicile à Porto-Novo, l’universitaire a rappelé certaines circonstances et les sentiments de patriotisme, de pardon et d’humilité qui avaient prévalu et grâce auxquels ils étaient parvenus à l’héritage légué à la génération actuelle. Lisez plutôt…

L’Evénement Précis : Professeur Albert TEVOEDJRE, votre nom fait partie de ceux que citent les travaux de la Conférence des Forces vives de la Nation. Votre fierté d’avoir activement participé à ce rendez-vous historique transparait clairement dans votre allocution et dans votre élocution quand il s’agissait de présenter le rapport général des travaux. Est-on sûr d’avoir tout entendu à propos de la Conférence depuis que l’histoire est racontée ?

Prof Albert TEVODJRE : On n’entendra jamais tout puisque les paroles s’envolent, seuls les écrits restent. Et par conséquent, il y a certainement des choses qui sont dans les oublis. Je voudrais d’abord rappeler l’importance de la Conférence nationale pour le passé, le présent et l’avenir de notre pays. Ne pas en faire un événement qui a passé, il faut en faire un événement fondateur d’une république, fondateur d’un peuple ressuscité permettant à lui-même de lancer de nouveaux défis quelles que soient ses difficultés. Maintenant que l’histoire est là, que nous avons offert à la génération qui est là, les conclusions les plus significatives de la Conférence nationale, il est bon d’expliciter certaines choses. Au cours des débats de la Conférence nationale, en regardant bien un reportage consacré à Monseigneur de Souza, vous allez voir quelque part où il dit « Plaise le Ciel qu’aucun bain de sang ne nous éclabousse et ne nous emporte dans ses flots ». Il n’a pas dit cette phrase là au hasard mais on n’a jamais cherché à expliciter cette phrase. Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi a-t-il eu cette peur, cette crainte, cette inquiétude-là? Pourquoi nous tous nous l’avons écouté avec émotion, ce jour-là ? C’est parce qu’il y a eu un soir où on ne savait si on allait sortir vivant de la conférence nationale. Ça, il faut le mentionner. Quand ça prenait une allure de confrontations entre plusieurs camps, certains militaires sont fâchés. Azonyiho s’est fâché et il a proféré des menaces. Il n’y avait pas que lui. Il y a eu des concertations et il y a eu un soir où on ignorait ce qui allait véritablement se réaliser. Il y a un moment où Monseigneur de Souza est allé s’agenouiller devant Kérékou pour lui demander de ne pas faire ça. Personne ne sait ces choses-là. Cette phrase de de Souza avait un sens de réalité précise, pratique qu’on a vécue. Il le disait avec beaucoup d’émotion parce que le bain de sang menaçait. Et c’est la raison pour laquelle je tiens à vous dire une chose : c’est après tout ça que Kérékou a dit pardon et il a dit les phrases importantes d’acceptation sans même avoir consulté son PRPB de l’époque. Et c’est pour cette raison que je garde de lui, un souvenir ému parce qu’il aurait pu céder à ce qu’on a fait dans d’autres pays. On a vu en Guinée et ailleurs. On n’a pas eu ça ici, à cause d’un homme qui a su garder ses nerfs et qui avait du cœur malgré son caractère de militaire. Et c’est la raison pour laquelle malgré les errements du PRPB, malgré ce qui a été aussi bon dans le sens de réveiller en nous, le sentiment national patriotique, on ne peut pas tout rejeter sans réfléchir. Ce que je tiens à dire, c’est montrer que si Kérékou avait cédé au jusqu’auboutisme de son camp, ce que de Souza disait, était possible. C’est pourquoi je garde toujours ce souvenir de Kérékou quand il m’a dit en 1995 : « Nous sommes poussière et nous retournerons poussière » (Dédicace au Professeur Albert Tévoèdjrè dans le Livre « Nouveau Testament » par le Général feu Mathieu Kérékou à Natitingou le 13 Août 1995). Je vous le dis pour que vous sachiez que dans la compréhension de l’histoire de la Conférence nationale, les gens étaient prêts à mourir ou étaient condamnés à mourir. Ça aurait pu être n’importe qui. Des balles perdues et Tévoèdjrè ne serait plus là, d’autres personnes non plus et on nous aurait déjà oubliés. Mais ça n’a pas eu lieu parce qu’ici, c’est le Bénin. Il y a eu un sursaut intérieur où la conscience a parlé. La conscience en action, c’est devenu pour moi, une boussole de vie qui a marqué ce pays.

Parlant du jusqu’auboutisme de l’entourage du président d’alors, Mathieu Kérékou, c’était quoi ? On ne voulait pas qu’il cède ?
Kérékou avait préparé deux discours. Il y avait un discours pour refuser et un autre pour dire oui. Il a pris le bon discours, c’était tout. Il y avait des gens qui ne voulaient pas. Il avait aussi des soutiens. Ils étaient au pouvoir, le pouvoir ne pouvait pas les lâcher. Ils avaient la possibilité de nous contraindre. Ça n’a pas été le cas parce qu’il y a eu de l’intelligence. C’est pourquoi je dis : Quand l’intelligence déserte le forum, la médiocrité s’installe et tout finit en dictature. C’était vrai hier, ça peut-être vrai aujourd’hui ou demain. Et par conséquent, mettons de l’intelligence dans ce que l’on fait, l’intelligence de l’humilité nous aidera à toujours sortir d’une situation de non-renaissance. Il faut renaître parce que certains m’ont reproché d’avoir dit que nous avons vaincu la fatalité. Ce n’est pas pour toujours. Elle nous menace tous les jours. Mais j’ai confiance que le Bénin est capable de relever tous les défis, y compris de créer des productions pour nouvellement revaincre les fatalités du moment.

Un prélat qui s’agenouille devant le chef de l’Etat ?
C’est ce que je vous dis. Ça a ému.

C’était en public ?
Non non non !!! Je sais ça. C’est tout…

Un moment qui n’était pas moins crucial, c’était lors des tractations pour décider de la transition. Il fallait décider de qui allait devenir Président, Premier-Ministre et tous les autres. Pour vous qui avez assisté à tout ça, comment ça s’était passé ?
J’étais un peu mêlé à ça. Je ne veux pas rentrer dans ces discussions. C’est trop personnel mais je n’ai jamais rien perdu en m’effaçant. Le Seigneur m’a toujours remis en place pour servir là où c’est utile. Je suis très content d’avoir servi dans ma carrière comme Médiateur de la république. Je suis très content, très heureux d’être aujourd’hui, Frère Melchior et pour avoir suscité pour la première fois en Afrique et ailleurs, la mission de la paix avec toutes les religions associées pour éradiquer la pauvreté. C’est une boussole que le Seigneur me permet de mettre sur orbite. Tout ça est très beau.

Réalisation : Germin DJIMIDO
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