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1. Entretien exclusif avec Léonce Houngbadji sur le bilan des deux ans de Patrice Talon
Publié le vendredi 6 avril 2018  |  aCotonou.com
Léonce
© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Léonce HOUNGBADJI, Président du Parti pour la Libération du Peuple (PLP) lors de la Conférence de presse du Front pour le Sursaut Patriotique FSP.
Cotonou, Codiam le 25 Août 2017. Le Front pour le Sursaut Patriotique invite le president Patrice Talon a un dialogue politique national pour réorienter la gouvernance du Bénin pour un développement harmonieux.




Le président béninois ne rate aucune occasion de se plaindre de trouver un Etat « en faillite ». Il avait alors promis être « le garant du sérieux budgétaire ». Patrice Talon avait promis de « redresser les finances publiques ». Mais deux ans après, il n’en a rien été. Dans une interview exclusive accordée au journal togolais La Nouvelle Tribune, le président du Parti pour la Libération du Peuple (PLP), Léonce Houngbadji, n’a pas fait économie de vérité. Selon le jeune opposant, le bilan de Patrice Talon est « désastreux ». Sa présidence, à l’en croire, marque les esprits par son caractère outrancier, sa collusion avec les puissances d’argent et la stigmatisation de certaines catégories de la population comme les fonctionnaires, les syndicalistes, les pauvres, les opposants et les opérateurs économiques « insoumis ». Il semble que le chantre de la « rupture» se soit limité à la rhétorique suivant les analyses pertinentes de Léonce Houngbadji.


06 avril 2016 – 06 avril 2018. Deux ans déjà que le président Patrice Talon est aux commandes du Bénin. Quel bilan global faites-vous de son action ?

Merci à vous, chers amis de la presse. Comme vous le savez, installé officiellement à la tête du Bénin le 6 avril 2016, le président Patrice Talon est désormais crédité de la cote de popularité la plus basse d'un président de la République du Bénin, à trois ans de la fin de son mandat. Pour la majorité des Béninois, son élection fut une « catastrophe électorale ». Les électeurs se sont trompés. Et nous voilà devant la réalité qui est totalement différente de ce qu’on pouvait imaginer. Les faits donnent aujourd’hui raison à tous ceux qui comme moi avaient mis en garde les Béninois contre un choix d’humeur sans lendemain.
Ce bilan du chef de l’Etat, du point de vue politique, économique et social, est si consternant que l’incompétence dont certains Béninois créditaient son équipe s’est aujourd’hui révélée une évidence.
Le président de la République pratique le libéralisme sauvage pour le seul profit de lui-même et de son clan minoritaire désormais détenteur de tous les leviers du développement économique et social du pays. Sa démarche ne répond de façon moderne et constructive à aucun des problèmes qui se posent au pays. Sa gouvernance est à l’origine d’une crise sociale et politique sans précédent, sur fond de réformes imposées. Une gouvernance dangereuse pour les libertés publiques, qui bafoue les valeurs constitutives de la République.
Le tout dans une conception totalement désuète du néo-libéralisme que le chef de l’Etat essaie de présenter comme une disparition progressive de l’Etat où seul le capital financier compte. Le citoyen lui n’a rien à dire au risque de subir la colère du prince sous diverses formes. Jamais la violation des Droits de l’Homme au Bénin n’a été aussi systématique et perfectionnée, sous le couvert des principes patelins de « précaution » et de « sécurité ». Jamais le nombre des détenus politiques n’a été aussi élevé, au nom d’une « lutte contre la corruption » qui est, en réalité, une lutte contre les opposants et les pauvres.
Le projet libéral du Gouvernement est funeste pour nos intérêts individuels et pour l’avenir du Bénin.
Je sais que mon franc-parler gène beaucoup de gens qui ont choisi la résignation ! Mais nous sommes en face d’un dirigeant politique qui a organisé avec tant de soin son propre culte de la personnalité – Talon par ci, Talon par là ! « Agbonnon » par ci, « Agbonnon » par là ! Cet homme à la tête du Bénin est une « erreur de casting » par sa méthode. Je ne trouve pas d’autres expressions pour le dire.
Les Béninois demandent de l’autonomie sociale, du respect, de la dignité, du dialogue, et non des rodomontades machistes d’un autre âge. Ici, j’avoue ma perplexité : comment un leader politique, un président de la République, qui se réclame de la « rupture », peut-il être si sourd devant les cris de détresse de son peuple, qui l’a pourtant élu à 65% ?
Son bilan dans le domaine agricole - son domaine d’excellence dit-il souvent - est statistiquement mitigé, socialement catastrophique et professionnellement désavoué par les producteurs eux-mêmes.
L’action du Gouvernement à l’Economie et aux Finances a été à peu près inexistante, singulièrement en ce qui concerne la croissance inclusive, la viabilité des finances publiques et de la dette, l’efficience des dépenses publiques, la mobilisation des ressources au plan national et international ainsi que la stabilité et l’inclusion financières. Néanmoins, je salue la mesure facilitant la déclaration et le paiement des impôts en ligne à travers le Système intégré de gestion des taxes et assimilés (Sigtas).
Sur le plan diplomatique, le Gouvernement a accumulé les bourdes. Le Bénin est devenu la risée de la communauté internationale. Imaginez un chef d’Etat qui critique son pays devant ses homologues à l’étranger, comme il l’a fait à Paris, à l’Elysée, à deux reprises, devant François Hollande et Emmanuel Macron. Même à l’intérieur du pays, il ne rate aucune occasion pour humilier son pays et ses compatriotes. On se rappelle comme si c’était hier de ses propos choquants devant les syndicalistes du port de Cotonou à la présidence de la République et surtout devant la présidente de la confédération helvétique, Doris Leuthard, en juillet 2017.
Je constate aussi, tout comme la grande majorité des Béninois, que les membres du Gouvernement et le chef de l’Etat affichent leur mépris à l’encontre des populations faibles, des institutions de la République, des lois de la République et de la Constitution du 11 décembre 1990. Ils utilisent les moyens de l’Etat, la puissance publique, pour affaiblir politiquement et économiquement leurs adversaires. Il n’est pas républicain de faire destituer ou de révoquer sans raisons valables des maires jugés opposants « à vue d’œil ». Il n’est pas républicain de faire voter, les yeux fermés, des lois liberticides et scélérates dans l’optique d’installer la dictature dans le pays. Il n’est pas républicain de museler la presse nationale. Il n’est pas républicain de remettre en cause les acquis sociaux des travailleurs et d’instaurer le monopole privé dans tous les secteurs d’activités juteux. Il n’est pas républicain de privatiser toutes les entreprises publiques.
Pourtant, le président Patrice Talon affiche une sérénité inoxydable, tandis que ses services, ses ministres et ses partisans s’apprêtent à défendre le bilan de ses deux ans de présidence anormale par une propagande onéreuse à coups de fascicules sur papier glacé et de déclarations façonnées par des éléments de langage calibrés.
Les Béninois ont pu patienter pendant deux ans. Globalement, ils estiment qu'il n'a pas tenu ses promesses. Ses tentatives de redresser sa popularité en axant son discours creux sur le social, le tourisme et la sécurité sont catastrophiques. Cela a encore plus creusé son impopularité.

Globalement, vous avez peint un tableau noir. Est-ce à dire que rien de sérieux ne se fait dans le pays depuis deux ans ?

Le constat de blocage de notre pays est partagé par tous y compris par des acteurs du régime de plus en plus nombreux écœurés par le niveau d’affairisme de l’appareil d’Etat entièrement entre les mains d’un seul homme et de ses proches parents et amis. Ce n’est pas ma faute si le tableau est noir. C’est le fait des gouvernants. Depuis deux ans, vous avez vu quoi ? En deux ans, le Gouvernement n’a pas construit une seule école, un dispensaire encore moins un km de route. Il est temps qu’il passe à l’action, qu’il s’occupe du développement économique et de la pauvreté en lieu et place du bavardage, de la diversion, la «ruse» et la «rage».
C’est deux ans de : liquidation des entreprises publiques, déguerpissements inhumains, suppression des emplois, bradage du patrimoine national, conflits d’intérêts et népotisme au sommet de l’Etat, marchés gré à gré illégaux, soutiens contre des postes à travers un clientélisme abject, instrumentalisation des institutions de la République, transformation de la majorité parlementaire en caisse de résonance, désarticulation de la fonction publique, destruction des partis politiques pour préparer le mercato en vue des législatives 2019, audits ciblés réalisés par des cabinets de parents, alliés et amis pour faire chanter les opposants, violation des droits de l’Homme, fermeture des médias critiques, interdiction des manifestations publiques, pression fiscale et redressements fiscaux, fermeture de plusieurs entreprises privées et renvoie de milliers d’agents au chômage, gabegie financière, manipulation d’une grande partie de la société civile, morosité économique, chômage des jeunes, hausse des prix des produits de première nécessité, hausse des prix d’électricité et d’eau, adoption de lois scélérates et liberticides, mépris du peuple, isolement du Bénin sur la scène régionale et internationale à travers une diplomatie désinvolte de placement de parents, alliés et amis, navigation à vue et improvisation au sommet de l’Etat, violation récursive de la Constitution et des décisions de la Cour Constitutionnelle, relance du PVI-NG dans l’opacité totale…
Mon souhait le plus ardent est que le Bénin avance. J’aime mon pays. J’aime le Bénin. Tout ce que je demande au Gouvernement, c’est de se mettre au travail, d’écouter le peuple pour améliorer sa gouvernance, les conditions de vie et de travail de nos compatriotes, préserver la paix et l’unité nationale. Mais hélas. La chronique du mandat du président Patrice Talon est effectivement noyée sous la mal gouvernance, la corruption et l’impunité.
La présidence du président Patrice Talon est le symbole de l’échec des politiques ultra libérales (la disparition progressive du secteur public au profit du privé) qui sont politiquement dangereuses, économiquement inefficaces et socialement désastreuses. Ces politiques ont créé l’accroissement des inégalités sociales et la précarité; un frein au développement économique et la transformation de l'homme en marchandise. Du coup, l’argent public a été dilapidé durant les deux (02) dernières années et l’Etat social démantelé, occasionnant une crise économique sans précédent et une grande fracture sociale, dans le seul but de protéger les intérêts des puissances d’argent.
Aucune des promesses faites au peuple béninois avant, pendant et après la campagne présidentielle de mars 2016 n’a été tenue à ce jour, créant du coup un dangereux fossé entre le Chef de l’Etat et ses compatriotes. Monsieur Patrice Talon n’est pas un homme de parole.
Le volet social est ignoré. Les travailleurs ne savent plus à quel saint se vouer pour préserver leurs acquis, le président de la République est déterminé à réduire le nombre de fonctionnaires dans l’administration publique.
Au niveau du chômage, le bilan est très négatif avec la suppression des emplois qui a engendré une hausse sensible du nombre de demandeurs d’emploi. La courbe du chômage monte d’un cran.
Les Béninois ont faim, ils sont écrasés par le pouvoir, les petits commerces ont été détruits, de milliers d’emplois supprimés, toutes les mesures sociales annulées, la gratuité de la scolarité annulée, les enfants sont à la maison du fait de la situation sociale et des grèves perlées, le pouvoir d’achat des Béninois s’est détérioré, il y a l’inflation dans nos marchés… le temps est dur pour nos concitoyens, qui meurent de faim dans nos villes et campagnes.
La dépression économique et sociale est inquiétante. Les Béninois demandent alors à leur président de penser d’abord à leur quotidien. Il faut s’occuper de la misère qui frappe les populations et créer les conditions requises pour réaliser le consensus, afin que nous puissions discuter des réformes, toutes les réformes.
L’économie est sans doute le plus grand fiasco du gouvernement. Un secteur privé en pleine déconfiture, le renforcement du monopole dans la filière coton et dans d’autres secteurs au profit du chef de l’Etat et de son entourage.
Tous les investisseurs sérieux ont fui la destination Bénin, en raison des conflits d’intérêts au sommet de l’Etat, la pression fiscale et la traque contre les opérateurs économiques.
Depuis deux ans, tous les actes posés qui ont une incidence financière sont liés au coton, la filière du chef de l’Etat. Plusieurs dizaines de milliards de F Cfa sont décaissés au trésor public au profit de ses sociétés. C’est un secret de polichinelle.
Le retour du PVI (Programme de vérification des importations) au Port de Cotonou est le dernier défi personnel relevé par le chef de l’Etat dans le cadre de la reconstruction de son empire industriel et financier.

Il est souvent reproché à l’opposition de critiquer le Gouvernement sans lui faire des propositions concrètes. Que répondez-vous et que proposez-vous ?

Chaque fois et toutes les fois que nous formulons des observations sur la gouvernance du pays, nous faisons toujours des propositions.
Le développement inclusif et solidaire, qui sous-tend la vision du PLP d’un Bénin de tous et pour tous, doit être au cœur des préoccupations du Gouvernement. Le devoir du Gouvernement est de rester dans le temps de l’action, pour répondre aux aspirations légitimes de tous à une vie meilleure. Il lui faut : respecter la Constitution et les décisions de la Cour Constitutionnelle; apporter de l’eau aux Béninois, qui ont soif; éclairer le Bénin qui vit dans l’obscurité dans plusieurs régions; désenclaver nos localités isolées du reste du pays; rendre l’éducation et la santé accessibles à tous, dans nos villes et dans nos campagnes; renforcer véritablement le programme de microcrédits aux plus pauvres et les initiatives visant à promouvoir l’entrepreneuriat des jeunes; donner au secteur privé toute l’importance requise en tant que créateur de richesse; créer une relation de confiance et de partenariat entre l’administration publique et le secteur privé; favoriser la création des banques spécialisées pour le financement des activités des PME et des PMI; mettre le monde rural au cœur de l’économie; agir efficacement sur le capital humain; réinventer notre système éducatif; faire un effort de solidarité en faveur des populations les plus modestes; exploiter la locomotive nigériane pour tirer le développement du Bénin; mobiliser la diaspora au service de notre développement; éviter de passer tout son temps à chercher des boucs émissaires, mais plutôt consacrer son énergie aux solutions qui sont à sa portée et entre ses mains; tourner résolument le dos à tout ce qui pourrait l’éloigner d´une bonne gouvernance visible par tous, et salutaire pour le développement de notre pays et sa crédibilité sur la scène internationale; éradiquer le fléau de la pauvreté, en donnant à chaque citoyenne et à chaque citoyen, la possibilité de bénéficier des fruits de la richesse produite; ramener dans le patrimoine de l’Etat, tout ce qui lui a été injustement volé au profit d’entreprises appartenant ou ayant appartenu au chef de l’Etat; redonner du sens à l’Etat et à l’action publique; redorer le blason de l’Assemblée nationale et de la justice pour qu’elles jouent réellement leur rôle de contre-pouvoir; redonner espoir aux jeunes entrepreneurs en valorisant les bons gestionnaires tout en décourageant les adeptes de la gabegie; promouvoir réellement la politique de bonne gouvernance à tous les échelons de l’Etat et de ses démembrements.
Le Gouvernement Talon a échoué. Il n’y a plus d’espoir avec lui. Les Assises Nationales s’imposent pour un vrai nouveau départ dans la gouvernance politique, institutionnelle, sociale, économique, culturelle, sportive… de notre pays.
C’est en effet dans la bonne gestion des affaires publiques que nous pourrons mieux dépenser nos ressources, financer nos efforts de développement, satisfaire les besoins sociaux de nos populations, offrir à notre secteur privé les meilleures conditions d’épanouissement, et ouvrir à notre jeunesse de nouvelles perspectives d’éducation, de formation et d’emploi.
Les maux sont là. La solution est en nous. Les remèdes et les recettes utilisés jusque-là ont montré leurs limites. Il nous faut désormais de nouveaux visages, de nouvelles idées et de nouvelles actions pour remettre le Bénin en mouvement, redonner confiance aux Béninois, faire en sorte que la politique devienne un engagement citoyen et non un fonds de commerce. Le Bénin n’a plus besoin de « racoleurs, prestataires ou commerçants politiques ». C’est notre combat pour le Bénin.

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