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Cour Constitutionnelle : Djogbénou pour conduire une mandature atypique

Publié le lundi 11 juin 2018  |  Matin libre
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© Présidence par DR
Cour constitutionnelle: Les sept nouveaux sages officiellement installés
Mercredi 6 Juin. Les membres de la sixième mandature de la Cour constitutionnelle sont entrés en fonction à la faveur de la traditionnelle cérémonie de prestation de serment qui consacre leur installation officielle.
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La sixième mandature est désormais aux commandes de la Cour constitutionnelle. Une mandature atypique, à plusieurs égards. Malheureusement aux grands défis. Il reste à espérer que le professeur Joseph Djogbénou, une tête bien faite (à qui tout semble réussir en politique depuis deux ans maintenant) et son équipe prennent très vite la couleur du milieu. Pour que vive la démocratie béninoise.

C'est ce lundi 11 juin 2018 que la sixième mandature de la Cour constitutionnelle entre réellement en fonction. Depuis la cérémonie de passation de service vendredi dernier entre les présidents sortant et entrant, on peut dire que c'est la première journée officielle de travail que les nouveaux sages, désormais investis se mettent ensemble pour commencer par s'entretenir, s'organiser, vu l'immensité de la tâche, loin des caméras et autres androïdes indiscrets. Et parlant de mandature, le président de l'actuelle mandature, la sixième, bien naturellement, a fort à faire. Selon les propos d'un des anciens présidents, de l'extérieur, on y a une autre conception. Mais une fois au charbon, on y découvre la juste réalité.
Le professeur Joseph Fifamè Djogbénou tient le maillet de son maitre, Théodore Holo. Dans l'histoire de cette haute juridiction constitutionnelle, c'est en effet la première fois que le professeur remet le relai effectivement dans les mains de son étudiant. Atypique. On ne peut souhaiter mieux et le professeur Holo devrait pouvoir s'en réjouir, se satisfaire. Mais ce n'est pas juste ça qui nous permet de parler d'une mandature atypique.

Une mandature sans constitutionnaliste

C'est pour la première fois, soit dans l'histoire de la Cour constitutionnelle du Bénin qu'il y a une mandature sans constitutionnaliste, ou tout de même un publiciste.

Pendant la première mandature, même s'il n'a pas été président, l'honneur a été tout de même fait au principal géniteur de cette Constitution aujourd'hui vieille de 28 ans, le professeur Maurice Ahanhanzo, d'y être pour veiller sur la maison, le fétiche. Il a été reconduit à la deuxième mandature avec l'espoir, pour lui, cette fois-ci d'en présider les destinées après l'invalidation de la présidente sortante, Mme Pognon. Mais hélas, c'est sans compter avec la volonté politique. La spécialiste du droit privé, Mme Ouinsou est venue, elle aussi, lui ravit la vedette. A l'opposé, les portes de la Haute Cour de justice qui n'avait pas les arguments pour fonctionner au vrai sens du mot, s’ouvrirent à lui. A quelque chose, malheur est bon.

A la troisième mandature, le professeur Ouinsou a été reconduite à la tête de l'institution. On y notait tout au moins aussi un publiciste, le professeur Christophe Kougniazondé, sans oublier que la présidente reconduite a aussi du job maintenant.

Puis, la quatrième mandature, présidée par Robert Dossou, lui-même publiciste. Dans celle-ci, il y avait également un des pères fondateurs de la Constitution du 11 décembre 1990, le professeur Théodore Holo. Donc somme toute, Robert Dossou ainsi que Théodore Holo, qui en savent beaucoup sur la lettre et l'esprit des différentes dispositions contenues dans la loi fondamentale. A la cinquième mandature, le président Boni Yayi refusant de replacer sa confiance en Robert Dossou, désigna pour siéger le magistrat Euloge Akpo, dame Lamatou Nassirou et l'avocat Simplice Dato. Mais de son côté, le bureau du parlement renouvelle sa confiance à Théodore Holo qui succédera à son ainé bien aimé à la tête de la haute juridiction constitutionnelle. Soit pour la première fois, un constitutionnaliste pur et dur et par ailleurs au cœur de la rédaction de la loi fondamentale en question est placé à la tête de l'institution. Et enfin, la sixième mandature qui vient de prendre les commandes. Aucun constitutionnaliste. Le Professeur agrégé est spécialiste du droit privé et des sciences criminelles. Peut-être son parcours en qualité de titulaire d'un Diplôme d’études approfondies en droit de la personne, Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, pourra être utile à quelque chose; sans oublier son passé premier responsable d'une ONG, DHPD, ayant comme domaine de prédilection les droits humains. Malheureusement, ce parcours est déjà noyé dans son passage au gouvernement où le professeur de droit a défendu, curieusement, l'interdiction du mouvement syndical aux étudiants, l'interdiction de prières dans la rue aux musulmans, et pleins d'autres actes attentatoires à la liberté de manifestation alors que lui-même, à travers le mouvement mercredi rouge, s'opposait dans la rue tous les mercredis au régime défunt. Doit-on rappeler que le professeur Djogbénou, alors étudiant en droit à l'Université d'Abomey-calavi, a été président du mouvement syndical le plus ancien et le plus représentatif, la FNEB?
Ainsi donc, pour la première fois, nous avons une mandature qui ne compte en son sein le moindre publiciste. Ce qui peut inquiéter lorsqu'on sait que la matière sur laquelle les sages ont à se prononcer cinq ans durant, reste la Constitution.

Une cour renouvelée à 100%

L'autre aspect qui nous amène à traiter cette mandature d'atypique, c'est l'une des rares fois que la Cour constitutionnelle est renouvelée à 100%.

Pour rappel, après l'éviction de la première présidente Elisabeth Pognon, le professeur Ahanhanzo Glèlè est resté. nous étions à la deuxième mandature. Jacques Mayaba, Lucien Sebo et les deux dames, à savoir Clothilde Mèdégan et la présidente Ouinsou sont revenus pour siéger au sein de la troisième mandature. Pour le compte de la cinquième mandature dirigée par le professeur Holo, lui-même avait été membre de la cinquième. Donc à l'exception de la quatrième dirigée par Me Robert Dossou c'est la seconde fois que cette Cour est renouvelée à 100%. Mais la Cour Dossou a la chance de contenir des constitutionnalistes.

A tout ceci, il faut préciser un autre élément atypique. Si ce n'est pas la première fois qu'un avocat est placé à ce niveau de responsabilité, c'est tout de même la première fois que l'avocat personnel du président de la République est devenu président de la Cour constitutionnelle.

Sans occulter le fait que c'est la première fois qu'un Béninois de moins de 50 ans est propulsé dans ce fauteuil de sagesse. "Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années".

Tout de même un bémol. Si Boni Yayi n'a pas renouvelé le mandat de Me Robert Dossou malgré le KO de 2011, cela veut dire que ce dernier n'était pas qu'une caisse de résonance. De la même façon, si le président Talon s'est refusé de renouveler le mandat du professeur Holo ainsi qu'à tous les autres membres, malgré tout ce que Adjavon a comme récrimination par rapport à la proclamation des résultats de la présidentielle de 2016, cela signifie que les mandatures ne sont pas aussi malléables comme on pouvait le croire.

Dans tous les cas, le professeur Djogbénou ainsi que toute son équipe sont au fait des a priori distillés sur leur mandature. Ils ont donc une grande responsabilité, celle de sortir tête haute en 2023. On sait qu'au Bénin, suivant que les décisions arrangent tel ou tel autre camp, on saura vous attribuer une coloration politique. Mais les spécialistes du droit constitutionnel, surtout africains, en toute technicité, sauront démêler l'écheveau. D'où l'urgence d'une réforme politique qui permette aux universitaires béninois de rester dans leur couloir.

En attendant, nous croyons que si Djogbénou veut, il sortira par la grande porte. Les cadres avec à leur tête le Secrétaire général qui est un constitutionnaliste, l'expérience du conseiller Sylvain Nouwatin qui avait cédé son fauteuil à ce dernier, la jurisprudence et surtout humilité du président les y aideront.

Que le Président se tienne pour dire que les Béninois, comme à l'heure habitude, diront la Cour Djogbénou, et non la Cour Talon. Tout comme il avait été dit: la Cour Pognon, la Cour Ouinsou, la Cour Dossou, la Cour Holo.

Simplice Comlan

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