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A bâtons rompus avec le ministre Marie Odile Attanasso: Pleins feux sur les réformes universitaires

Publié le mardi 17 juillet 2018  |  La Nation
Marie-Odile
© Autre presse par DR
Marie-Odile Attanasso la Ministre de l`Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) communique
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Rigueur, méthode et innovation constituent le leitmotiv de Marie Odile Attanasso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Maître-assistant des universités, consultante internationale en genre et développement, l’économiste-démographe fait montre d’une parfaite connaissance des maux qui minent l’université et imprime sa marque au sous-secteur dont elle a la charge depuis avril 2016, à travers diverses réformes qui suscitent des remous mais louables à plus d’un titre.
Dans cette interview, la diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris (Iep Paris) revient sur l’ensemble des changements «pertinents » opérés pour redorer le blason de l’enseignement supérieur et mettre les fruits des recherches au service de la communauté, à l’ère du Nouveau départ. Elle lève par la même occasion un coin de voile sur ses ambitions politiques.

La Nation : Comment avez-vous vécu la crise qui a sévi dernièrement dans le secteur de l’éducation, notamment à l’université ?

Marie Odile Attanasso : Avec toute la sérénité possible. En réalité, il n’y avait pas vraiment une crise à l’université, si on rentre dans le fond. Ça a été une tendance nationale. Il y avait des points sur la plate-forme revendicative et nous avons à la première séance que tous les points étaient déjà pratiquement résolus.
Pour les enseignants, c’était des revendications qui visaient à améliorer le niveau de vie. Certaines ne nécessitaient pas forcément un mouvement de grève parce que nous étions capables de les résoudre au niveau du ministère. C’est seulement ceux qui nécessitent des coûts financiers qui prennent du temps, parce qu’il faut l’appui du ministère des Finances. Nous avons fait au mieux par rapport à nos capacités, eux-mêmes ils ont constaté. Les revendications, qui sont revenues et qui n’ont pas eu de solutions ont fait un peu durcir leurs positions. C’est tout ce qui concerne la valorisation du point indiciaire et des frais de publication. À part cela, ils ont critiqué certaines réformes en cours dans le système universitaire.

A propos des réformes, il y a un nouveau mode de sélection des bénéficiaires des bourses. Expliquez-nous !

Ce dispositif existe depuis 2007 si mes souvenirs sont bons. Ce que nous avons fait de mieux, c’est rendre le dispositif totalement transparent, sans influence du ministre. Généralement, lorsqu’on finit de faire la sélection, le ministre a la possibilité de mettre des gens pour être boursiers. Je reste en dehors de tout cela. Le processus se fait dans une totale transparence. Avant, la sélection des étudiants se faisait après le baccalauréat. Donc, une sélection est faite à partir du guide d’orientation et de la pondération de la note du Bac et de certaines pondérations selon la filière. À notre arrivée, nous avons constaté que tout le monde n’était pas informé. Nous avons une proportion de moins de 10 % des étudiants qui participait à la sélection après le Bac. Par rapport à cela, nous avons changé. Désormais, les dossiers sont déposés avant d’aller au Bac. Ce qui nous permet de couvrir tous les étudiants qui sont passés au Bac.
Avant, les étudiants choisissaient une seule filière, maintenant, nous leur demandons de choisir trois filières et c’est en fonction de leurs notes qu’ils sont classés boursiers, demi-boursiers, ou bien ils sont orientés vers d’autres filières selon le Bac qu’ils ont eu. Cela nous permet de mieux orienter les étudiants et de couvrir tous les candidats admis au Bac pour une égalité des chances devant les dispositions de l’État.

Désormais, il ne suffit plus d’avoir 11,51 de moyenne pour obtenir la bourse…

Quand on prend les étudiants, c’est vrai, ils ont réagi par rapport au décret de bourse. On a l’impression que tout est fait à partir de 2016. Mais en réalité, le décret de bourse était élaboré avant que je ne vienne. Parce que nous sommes passés au système Lmd, il n’était plus question de calculer les moyennes. Avant, vous entrez en première année sans bourse et quand vous avez 11,51 de moyenne, vous pouvez avoir la bourse. Maintenant, nous sommes dans le système Lmd. Vous entrez en première année du système Lmd, vous êtes dans un cycle de trois ans. On ne calcule plus les moyennes. Vous éliminez les unités d’enseignement (Ue) par semestre.
Déjà par rapport au mode d’évaluation, il y a de changement. Donc, il a fallu simplement arrimer le décret de bourse sur le nouveau mode d’apprentissage que nous avons retenu. Nous avons donné la bourse aux étudiants selon le cycle Licence, Master et Doctorat. Dans tous les pays du monde, cela se passe ainsi.
Les étudiants n’étaient pas très d’accord, parce qu’ils estiment qu’on prive l’étudiant qui veut aller en deuxième année de donner ses aptitudes pour passer. Quelque part, ils ont peut-être raison. Cela veut dire que si vous venez très faible en première année, vous allez vous battre pour aller en deuxième année avec 11,51. C’est possible, mais nous savons tous ce que cela engendre comme dispositions, comme fraudes, comme tricheries, comme exposition de nos filles au harcèlement. Quand on met tous ces facteurs dans la balance, je pense que c’est plus pertinent pour nous à partir du moment où nous avons adopté le système Lmd de caler l’octroi de bourses sur ce dispositif.

Autre réforme, après l’élection des recteurs des universités publiques, il est envisagé d’installer des conseils d’administration. Qu’est-ce qui motive cette décision ?

En réalité, la gouvernance dans les universités ne se porte pas bien. Parce qu’on n’arrive pas à maîtriser ce qui se passe au sein des universités, notamment les fonds dont elles disposent, le nombre d’étudiants. On n’a pas beaucoup d’influence sur la qualité de l’information. Tout cela, après réflexions, nous a amené à envisager un Conseil d’administration qui sera composé de tous les acteurs de la vie socioéconomique. Ce n’est pas que des universitaires, mais il y aura des représentants du secteur privé et des gens qui sont spécialisés des questions de formation, de manière qu’on puisse vraiment faire l’arrimage entre les filières de formation et nos besoins économiques. Également, pouvoir définir le nombre d’infrastructures à construire, définir les coûts de formation en fonction des moyens dont disposent les universités. Cela veut dire que les universités vont prendre leurs responsabilités et ne plus toujours attendre de l’État qu’on apporte que de subventions.

Vous avez promis de recruter dans les universités cent doctorants. Où en est-on ?

Le recrutement est fait et nous sommes à la phase de nettoyage. Nous allons envoyer tous les dossiers au ministère du Travail et voir s’il n’y a pas des gens qui sont Agents permanents ou Agents contractuels de l’État qui ont déposé des dossiers. Nous avons voulu offrir une chance à ces jeunes qui ont le doctorat. Moi, je suis foncièrement contre le fait qu’on prenne des gens qui sont déjà recrutés par la Fonction publique et qu’on les débauche, qu’on les reverse à l’université. Nous réduisons la chance des jeunes qui sont formés et qui rentrent avec le doctorat, ou qui sont formés sur place et qui ont le doctorat. Dans toutes les universités qui se respectent, le premier diplôme dans une université, c’est le doctorat. Ce qui n’est pas le cas pour nous. Nous sommes en train d’inverser la tendance. Les gens qui seront recrutés doivent avoir le doctorat.

Madame le ministre, l’université doit être au service du développement de la communauté. Mais force est de constater que les recherches sont très peu vulgarisées et appliquées. Que faites-vous pour inverser cette tendance ?

Malheureusement, nous faisons de la recherche pour nos promotions. Nous devons rendre la recherche plus proche de la communauté et l’adapter à nos besoins de développement. Par rapport à cela, nous sommes en train de faire des efforts. C’est pour cela que nous avons initié l’Agence nationale pour la recherche et l’innovation, qui va mettre tout le monde ensemble et faire de la recherche au service du développement, pour que la recherche ne serve plus uniquement les enseignants que nous sommes. Dans ce dispositif, nous allons partir depuis la politique nationale de la recherche, un document qui doit être élaboré par tous les acteurs publics et privés, puisque la recherche doit accompagner tout ce qui est secteur privé, ce sont eux qui créent la richesse. Après avoir défini la politique, tous les acteurs qui vont faire de la recherche doivent pouvoir accompagner nos entreprises à créer des produits nouveaux ou doivent pouvoir permettre, comme dans tous les pays d’avoir des start up, qui vont pouvoir booster et rentrer dans l’univers de la recherche mondiale.

Quelles seront alors les relations entre l’Agence et le Centre béninois de la recherche scientifique et de l’innovation (Cbrsi) ?

Avec ce qui est en train d’être fait, tous ces centres vont disparaître. Nous aurons l’Agence béninoise pour la recherche et l’innovation avec deux pôles. Le pôle Mutualisation de la recherche avec tous les instituts et le pôle Moyens qui va comporter la mobilisation et tout ce qui est administration et gestion, etc. Cela suppose que tous les chercheurs seront mis ensemble pour une mutualisation des infrastructures et une mutualisation des équipements. Nous aurons le Cbrsi qui va se retrouver à travers les différents instituts. Actuellement, le Cbrsi a près de dix laboratoires de recherche et on va les regrouper dans les grands domaines qui vont rentrer sous le pôle recherche et permettre de profiter à tout le monde, parce que la recherche n’est plus unidisciplinaire, mais pluridisciplinaire.

Quand l’agence sera-t-elle fonctionnelle ?

Nous sommes à la fin de l’étape de rédaction de l’Aof (attributions, organisation et fonctionnement), nous allons passer aux options par le gouvernement et après à la mise en œuvre.

Les écoles privées illégales d’enseignement supérieur ont été fermées. Pouvez-vous nous rassurer que toutes celles qui ont leurs portes ouvertes sont en règle ?

Nous avons comme obligation de publier à toutes les rentrées les écoles en règle. Les établissements qui ne seront pas en règle à la rentrée, seront purement et simplement fermés. Nous allons continuer à fermer jusqu’à ce que ces établissements soient en règle.

Malgré le nombre sans cesse croissant des écoles supérieures, la formation professionnelle reçue n’est pas toujours en adéquation avec les besoins de l’emploi. Est-ce que cela ne pose pas problème ?

Aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, les formations ne donnent pas beaucoup d’employabilité aux jeunes. C’est ce que nous voulons corriger en créant les corps de métiers. Au niveau de l’enseignement privé, les établissements qui sont créés mettent beaucoup plus l’accent sur les secteurs tertiaire, où les gens rentrent et ne sont pas vraiment bien formés. Et, c’est parce que nous avions fait ce constat que nous avons opté pour les examens.
Nous sommes en pleine réflexion sur les filières de formation en mettant en adéquation avec les besoins du marché et de l’économie. Lorsque la commission aura terminé, nous allons encore prendre des mesures qui vont à nouveau faire grincer les dents. Nous allons peut-être fermer certaines filières ou l’État va se désengager totalement de certaines filières pour laisser cela aux privés s’ils le veulent. Parce qu’un pays doit faire des choix qui lui permettent de se développer.

Il est annoncé la création de deux instituts universitaires pour améliorer la qualité de l’enseignement. Pour quoi faire ?

Ce sont des Instituts universitaires d’enseignement professionnel (Iuep) pour faire des corps de métiers. Ce sera des Bac+2 qui vont être formés à l’employabilité. Cela veut dire que, si nous prenons les métiers de l’agriculture, qui sont différents des ingénieurs agronomes que nous formons dans les universités, c’est des Bac+2, qui vont avoir en première année 30 % de cours théoriques et 70 % de cours pratiques et en deuxième année, ils sont totalement sur leurs lopins de terre pour travailler. Ainsi, dès qu’ils finissent leur formation, ils peuvent déjà commencer à être des exploitants agricoles. Il leur sera enseigné tout ce qui tourne autour de la production, de la gestion, de la création d’entreprise, etc. Cela permet d’avoir des gens totalement opérationnels, après les deux ans.
En regardant le marché de l’emploi, nous avons identifié huit corps de métiers. Un décret est pris en Conseil des ministres. Nous avons notamment les métiers de l’agriculture, nous allons former des exploitants agricoles, nous avons les métiers du bâtiment. Nous voulons former des spécialistes en maçonnerie, en carrelage, plombier, etc. Généralement, on confie les bâtiments à des gens pas qualifiés, qui ne peuvent même pas répéter le même geste deux fois, etc. Désormais, nous voulons avoir des spécialistes dans les métiers dont nous avons toujours besoin. Plutôt que d’orienter les enfants vers des formations en lettres, sciences juridiques, etc. qui finissent et se retrouvent au chômage, non! Nous voulons des gens qui seront certifiés dans les métiers de l’automobile, du tourisme, de l’hôtellerie.

Il a été également dit que certaines formations régaliennes assurées par des privés actuellement vont retourner dans le giron de l’État, au niveau de certaines écoles publiques. Qu’en est-il ?

C’est notre souhait. Nous sommes en train de travailler là-dessus. Mais ce n’est pas encore bouclé. Nous y réfléchissons. Il est quand même normal que l’État ait des secteurs dans lesquels les privés ne peuvent pas intervenir. C’est encore en débat. Vous savez, le privé est dans tous les secteurs maintenant, c’est vrai que cela serait l’idéal, mais il faut qu’on mûrisse un peu plus la réflexion, parce que tous les secteurs sont plus au privé qu’à l’État. Donc, nous devons réfléchir et voir si c’est la meilleure. Sinon, ils ont besoin d’accompagnement pour certains secteurs qui relèvent du domaine régalien de l’État.

Généralement, nos universités ne sont pas citées dans le Top 100 en Afrique, en dehors des quelques prix que nous gagnons par moments. Que pensez-vous faire pour corriger le tir ?

C’est quand même un souci pour un pays dit quartier latin de l’Afrique, que l’enseignement supérieur ne puisse pas se retrouver dans les 100 premiers. Pour moi, c’est une honte. Nous allons tout faire pour que le Bénin soit cité dans quelques années. C’est le but même de toutes les réformes que nous sommes en train de faire. Nous allons faire les choses selon les normes en vigueur dans le domaine. On rentre à l’enseignement supérieur que quand on a le doctorat et plus, pas pour des gens qui rentrent juste après la maîtrise parce qu’on a des besoins. Nous allons recruter assez de docteurs. Tout cela participe des critères d’appréciations des universités.
Nous allons mettre en place l’Agence béninoise pour l’assurance qualité dans le système de l’enseignement supérieur. Ça aussi, c’est un outil qui permet d’apprécier les formations qui sont faites, leurs opportunités et d’apprécier aussi les enseignants. Ce sont tous ces critères-là, qui, font qu’une université peut être bien notée ou mal notée.
Pour le moment, nous n’avons pas l’agence qualité. À ce niveau également, tout est fin prêt. Le projet de décret est préparé et nous allons pouvoir, après un atelier, déposer le dossier au conseil des ministres pour que l’agence de qualité soit effective. Puisque dans tout système d’enseignement supérieur, lorsque vous n’avez pas l’agence qualité, vous ne pouvez pas vraiment prendre les décisions qu’il faut.
Nous allons appuyer tous les enseignants pour le renforcement de leurs capacités. Nous allons continuer le programme de la formation des formateurs et donner beaucoup plus de chance aux enseignants de rester sur les listes d’aptitude du Cames. Cela aussi participe des critères qui font qu’une université est bien notée. Plus vous avez des professeurs de rang magistral, plus vos universités qui sont bien cotées. Nous ambitionnons d’être à la fin du premier mandat du président Patrice Talon, au moins dans les 100 premiers, parce que là, nous sommes très loin. Nous ne sommes même pas dans les 200 premiers.

Vous avez parlez tout le temps de la qualité. Mais il n’y aura pas de qualité sans des amphithéâtres adéquats et des laboratoires dignes du nom. A quoi s’attendre dans les prochains jours ?

Pour faire tout le processus de passation de marché, cela prend du temps. Il faut faire les études, après il faut ouvrir le marché et tout le processus. C’est du temps qu’on perd. Nous sommes dans le processus, puisque nous avons une détermination de construire les infrastructures. C’est pour cela que depuis que nous sommes arrivés, nous avons terminé tout ce qui était en chantier. Deux à l’Uac et un R+1 à Parakou, etc. pour donner un peu plus de moyens aux étudiants.
Nous sommes en phase de sélection de dossiers pour les diverses études pour la construction des autres infrastructures. Mais, nous avons quelques difficultés avec la Bid, et nous espérons que cela va se régler rapidement. Dans trois ans, je pense que nous allons étonner le monde. Vous aurez le temps de constater. Je peux vous dire que la Faseg sera construite pour la rentrée 2019-2020. Ce sera l’une des plus belles universités de la sous-région. Le domaine est acheté. On travaille là-dessus.
Nous allons construire aussi des résidences universitaires. Nous sommes entrés dans la délégation des prestations de services aux étudiants où l’Etat va déléguer ses pouvoirs au secteur privé pour créer de l’emploi, pour permettre au secteur privé de jouer son rôle. L’État ne peut pas être un commerçant, un vendeur, etc. Nous avons été vendeur, commerçant, etc. par le passé. Maintenant, l’Etat va se retirer et donner la chance au secteur privé de s’occuper des œuvres sociales, c’est-à-dire l’hébergement, le transport, la restauration, et pourquoi pas les centres de santé universitaires.

Cette décision ne va-t-elle pas entraîner de la surenchère des coûts ?

On ne peut pas avoir la qualité sans les moyens. La qualité a un coût. On ne peut pas continuer de nourrir les étudiants comme ils sont nourris aujourd’hui, au nom de l’État qui doit tout faire. Lorsqu’on est mal nourri, cela agit sur l’intelligence. Moi, je préfère quelqu’un qui va donner des repas de qualité, assurer la santé des étudiants que le schéma qu’on est en train de voir maintenant, où les étudiants même ne savent pas que quand ils sont mal nourris, cela peut agir sur leurs résultats académiques.
Cela ne veut pas dire que l’Etat sort totalement du dispositif. L’Etat va encadrer aussi bien la quantité que la qualité et le rapport qualité/prix. Il contribuera à apporter des appuis, même financiers s’il le faut, pour un peu ajuster les prix par rapport aux moyens des étudiants.

A l’université comme maintenant au ministère, on vous reproche une ‘’trop grande’’ rigueur. Ne faudrait-il pas ménager la chèvre et le chou pour avoir davantage de résultats ?

En matière d’éducation, je ne fais pas de cadeau, parce qu’un homme bien éduqué a toujours quelque chose à gagner après. Dans la vie normale, je suis mère gentille. Donc, j’ai pratiquement deux faces. Ça dépend de quel côté je me situe. C’est le bâton en tout ce qui concerne le travail et la carotte pour ce qui sort du travail.

On vous voit peu sur le terrain politique. C’est un choix ?

J’occupe actuellement un poste politique, qu’on le veuille ou non, même si je mets l’accent sur la technicité. Mais la politique, il faut l’aimer aussi.

Est-ce à dire qu’on vous verra bientôt active en politique ?

Je le serai très bientôt. Attendez-vous à me voir mouiller le maillot. De toutes façons, si je n’avais pas mouillé le maillot, peut-être que je ne serais pas ici. Il y a beaucoup de choses à faire pour le moment. Au moment opportun, vous allez nous voir.

Le moment opportun, c’est quand ? Les législatives ?

Là, ce n’est pas moi qui décide. Attendez de voir. Dès que je veux mener une action, je cherche à voir son opportunité et sa pertinence. Si ce n’est pas pertinent pour moi, je ne m’y engage pas, parce que le temps est tellement cher qu’il ne faut pas en gaspiller.

À vous entendre, vous semblez vous embarquer mais vous hésitez quelque peu. Pourquoi ?

Oui, je suis embarquée ; mais je fais des choix raisonnés. Il ne faut pas être sur le terrain pour la forme. Je n’aime pas trop le folklore. J’aime travailler dans la discrétion et l’efficacité.

Ce ministère a toujours été un département compliqué à gérer. Mais depuis votre arrivée, vous tenez la dragée haute. Quelle est votre secret ?

Je travaille beaucoup de manière participative. Les grandes décisions se prennent ensemble au cabinet. Même ceux qui ne sont pas au cabinet prennent part à la concertation et aux discussions. Je crois que cela facilite beaucoup de choses. Je mets chacun dans son rôle. Ce qui n’était pas le cas avant. C’est le ministère qui régentait tous les rectorats avant. J’ai donné à chacun sa participation. Les recteurs sont responsables de leurs entités, le ministère définit la politique de l’enseignement supérieur. Je ne gère pas les affaires académiques. Donc, chacun joue sa partition. Je crois que c’est cela qui facilite les choses.

De façon globale, quels regards portez-vous sur les réformes engagées par le gouvernement auquel vous appartenez ?

C’est de très bonnes réformes. Sinon qu’est-ce que vous voulez que je vous réponde ?... (Rires)

Pensez-vous que par rapport à la réalité quotidienne des Béninois, il y a amélioration ou du moins, vous êtes dans l’expectative que ça irait mieux bientôt ?

Ça va mieux déjà. En matière de gouvernance, nous avons quand même pu gagner beaucoup de choses que nous sommes en train d’utiliser pour faire d’autres choses. C’est vrai que la population ne voit pas cela tout de suite. Mais cela se verra.

En tant qu’économiste, est-ce que la situation du pays actuellement est reluisante ?

Nous avons un taux de croissance qui s’améliore. Je vous dis qu’il sera encore meilleur en 2019. En matière de tendance, nous sommes à un accroissement du taux de Pib. En tant qu’économiste, je vous dirai que nous sommes dans une bonne situation. Mais quand vous allez me parler du comportement au niveau ménage, c’est peut-être cela qu’on ne voit pas. Un pays se construit pour l’avenir. On ne gère un pays au quotidien. Nous avons passé dix ans à gérer le pays au quotidien et beaucoup de choses se sont passées, tout le monde avait de l’argent, mais on n’a pas projeté pour voir si cela peut continuer. C’est cela qui nous rattrape maintenant et on est obligé de faire des réformes, d’arrêter la circulation de l’argent qui passait par tous les moyens, beaucoup de détournements, beaucoup de corruption, etc. Ça se ressent de cas de effectivement sur le ménage. Mais pour pouvoir bien se porter, quand on fait un bon diagnostic, il faut bien se soigner.

Le chef de l’État avait promis deux ans de ‘’serrage de ceinture’’. Mais passé ce délai, on ne constate toujours pas le changement qualitatif attendu?

On s’est rendu compte que ce n’est pas deux ans qu’il fallait. Le trou était plus profond qu’on ne le pensait.

Vous voulez dire que le président n’avait pas perçu toute l’ampleur de ce qui l’attendait avant d’arriver au pouvoir, lui qui disait qu’il connaît bien les problèmes des citoyens ?

Il peut l’avoir perçu, mais on était loin de s’imaginer que tout le système était corrompu. Donc, quand vous êtes arrivé à ce niveau de déconfiture, en deux ans, on ne pourra pas tout redresser. Il n’y a pas de secteur que vous prenez dans ce pays sans crier de stupéfaction.

Il faut alors attendre combien de temps, si deux ans ne suffisent pas ?

On va faire au mieux… Peut-être que c’est la raison pour laquelle il faut faire plus que cinq ans.

Vous voulez dire que le président Talon fera plus que cinq ans ? Il a promis de faire un seul mandat !

Je veux dire que le président doit peut-être faire plus que cinq ans. Peut-être deux mandats pour asseoir les réformes. Je le souhaite vivement, parce que quand vous regardez le chantier qu’on est venu trouver au Bénin, si on fait cela, cinq ans après cela va retomber. Il faut vraiment reformater l’homme. Il faut remettre les bonnes habitudes, les bonnes pratiques. Et, en cinq ans, je ne crois pas qu’on aurait vraiment infléchi la tendance.

Au regard des performances qui ne se ressentent pas encore au niveau des ménages, pensez-vous que les électeurs donneront carte blanche à votre régime de rempiler ?

Si nous voulons le développement de notre pays, nous sommes obligés de faire un choix. On ne peut pas se développer sans sacrifice. Vous savez, chaque pays a le dirigeant qu’il mérite. Si nous ne voulons pas nous développer, nous allons prendre une autre personne et nous allons retomber. C’est tout le monde qui va ramasser les pots cassés. Alors que tout le monde court vers l’émergence, nous allons retomber.
Personnellement, je me battrai pour un second mandat du président Patrice Talon.

Avez-vous un appel ou un mot pour conclure cet entretien ?

Pour moi, l’enseignement supérieur détermine tout. Comme je dis, la chaîne des formateurs va de l’enseignement supérieur à la maternelle et la chaîne des formés va de la maternelle au supérieur. C’est pour cela qu’une attention toute particulière doit être accordée au secteur de l’enseignement supérieur pour que nous puissions former des hommes de qualité et qui doivent former sur toute la chaîne : secondaire, primaire et maternelle.
Je voudrais dire aussi à toute la population que nous avons besoin de leur appui, et à mes collègues universitaires que le développement du pays dépend de nous. Nous avons intérêt à bien travailler et à mieux encadrer les étudiants, mais surtout à assurer une formation de qualité à tous les niveaux du système éducatif, notamment au niveau du système du système de l’enseignement supérieur.
Nous allons demander à toute la population de soutenir les réformes qui sont faites et dont l’objectif est d’améliorer la qualité du capital humain. Sans capital humain de qualité, il ne peut pas y avoir augmentation de la productivité nationale. Les hommes sont très importants pour se développer.

Propos recueillis par Sabin LOUMEDJINON
et Claude Urbain PLAGBETO
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