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Art et Culture

Entrepreneuriat féminin : Odile Gnonwin, reine du souchet made in Bénin

Publié le dimanche 9 septembre 2018  |  banouto.info
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En 4 ans, la Béninoise Odile Kossiba Gnonwin est passée d’une commerçante détaillante de souchet en sachet de 25 FCFA ; avec un capital de 800 FCFA, à la chef d’une entreprise agro-alimentaire prometteuse. Avec sa marque «Norée», qui propose farine, biscuits, crème et lait à base de souchet, la juriste de formation veut essaimer l’Afrique de l’Ouest.

«Depuis mon jeune âge, j’ai toujours rêvé ne jamais travailler pour quelqu’un. Toute petite, je me disais que j’allais être une femme très riche et très connue au plan internationale.» Peu loquace, Odile Kossiba Gnonwin résume en ces mots ses motivations et ses ambitions. A 26 ans, elle n’est pas encore une femme riche, puissante et célèbre. Mais son parcours laisse transparaitre les prémices de cette prospérité dont elle a toujours rêvé. Aujourd’hui entrepreneure, Odile, diplômée de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) du Bénin en administration générale et titulaire d’un DEA (Diplôme d’études approfondies) en droit privé, est fondatrice et dirigeante de la Société de Production et de Transformation des Noix Tigrées, qui fait dans la production, la transformation et la commercialisation de souchets.


Plus connue par sa marque «Norée» (mot composé venant de ‘Noix’ et ‘Tigrée’), l’entreprise de Gnonwin offre au public une gamme variée d’aliments faits à base de souchet : de la farine, des croquettes, des biscuits, la crème liqueur et du lait de souchet. «Le souchet est très riche en fibres alimentaires, riche en magnésium, vitamine C et E, vante-t-elle. C’est très bon pour ceux qui souffrent de crampe. C’est aussi un aphrodisiaque. A part ça, c’est très conseillé aux diabétiques, à cause du sucre qui est contenu dedans. C’est du sucre digestif et c’est très bon pour la digestion à cause des fibres alimentaires, pour ne citer que ceux-là».
«Tout a commencé avec 800 FCFA!»
Comment une diplômée en administration et en droit est-elle devenue agro-entrepreneure? «Moi, j’aime être au sommet de la hiérarchie», lâche la patronne de la Société de Production et de Transformation des Noix Tigrées. «Lorsque l’entreprise va grandir, c’est l’avocat, le juriste, qui va travailler pour moi», assure-t-elle.

Son ‘’souchetbusiness’’ est né de son envie, de se faire de l’argent déjà à l’université. «J’ai eu l’idée en 2012, raconte-t-elle. Quand j’étais à l’université, à l’Enam, je voulais faire quelque chose qui me rapporte de l’argent. Ma tante allait fréquemment au marché. Je lui ai demandé de m’acheter des souchets à revendre. Dans le temps, la quarantaine, était à 800 FCFA. Attaché dans de petits sachets pour 25 FCFA l’unité, j’emmenais ça à l’université et mes condisciples adoraient. J’en mettais aussi dans la boutique de ma mère».
Sur proposition de sa mère, poursuit-elle, elle s’est lancée dans la vente en gros. Elle a recruté des dames pour lui torréfier le souchet. La résidence familiale est devenue le lieu d’approvisionnement pour les détaillants.
«Dans mon quartier, les gens m’appelaient «Fionon» (vendeuse de souchet). C’est de là en fait que l’idée m’est venue de valoriser le souchet, apprend Odile. Quand j’ai observé dans mon environnement, je ne voyais personne transformer le souchet. Après quelques recherches sur Internet, j’ai découvert que dans d’autres pays, le souchet a été vraiment valorisé. Du coup, ça m’a donné de l’engouement à valoriser le souchet. Et en plus, moi, j’aime me démarquer des gens. J’aime innover.»
«Il ne faut pas se leurrer, l’entreprenariat n’est pas facile. Ce n’est pas du tout facile si on n’est pas tenace et si on n’aime pas la chose »
Pour devenir cette femme d’affaire dans le souchet, Odile Gnonwin pouvait compter sur l’accompagnement de sa mère. «C’est vrai que j’ai commencé avec moins de 1000 F, mais après, ma mère m’avait prêté 30 000 à l’époque. Au fur et à mesure que je vendais, je lui remboursais », témoigne-t-elle. Entre temps, afin d’acquérir des aptitudes en markéting, Odile s’est faite enrôlée dans un cabinet de markéting réseau où elle a gagné 20 000 F. Avec ce bonus et les bénéfices réalisés dans la vente en gros, elle a pu se constituer un capital pour se lancer, en 2014, dans la transformation de souchet, avant de constituer formellement son entreprise en 2016.
Chasseuse de primes
La Société de Production et de Transformation des Noix Tigrées emploie une quinzaine de personnes. Les produits de la marque Norée sont en vente au Bénin (Cotonou et Abomey-Calavi), dans les supermarchés et les pharmacies. Ses réseaux de distributions s’étendent dans la sous-région ouest-africaine, notamment au Burkina-Faso, en Côte d’Ivoire et au Togo.


Avec son label, Odile Kossiba Gnnowin, a remporté plusieurs prix entre 2016 et 2017. (Voir encadré). «C’est le travail et l’envie de réussir! » lance-telle quand on lui demande le secret de ses succès. «Il ne faut pas se leurrer, l’entreprenariat n’est pas facile. Ce n’est pas du tout facile si on n’est pas tenace et si on n’aime pas la chose », fait savoir celle qui se décrit dans son «intro » sur Facebook comme «tenace, passionnée, déterminée et audacieuse […] reine des Souchets Norée». «Je suis fille de pauvres, mes parents ne sont pas riches, mais je dois faire évoluer mon entreprise, assure-t-elle. Donc je me cramponne sur ces concours pour qu’ils m’aident à atteindre mes objectifs. Je mets tous les moyens de mon côté pour atteindre le résultat.»

Sur le chemin de ses succès, Kossiba Gnonwin, connait «épreuves, des défis.» Par exemple, narre-t-elle, le départ en 2016 de son premier associé, devenu un concurrent des produits Norée, a été un coup dur pour elle. «Mais, je m’en suis remise rapidement pour poursuivre la marche vers mon rêve », rassure-t-elle. Un autre défi pour Odile Kossiba, le développement de son entreprise. C’est un défi commun à la plupart des jeunes entrepreneurs au Bénin. Mais la directrice générale de la Société de Production et de Transformation des Noix Tigrées a son secret: «Les banques et les structures de microfinance sont réticentes à nous (jeunes entrepreneurs) accorder des prêts. Moi je les comprends. Mais franchement, je me vois mal m’orienter vers ces structures-là pour demander de l’argent. Dans mon entreprise, lorsque nous vendons, nous avons des bénéfices que nous réinvestissons. Je fais également des épargnes et ces épargnes me permettent d’investir dans l’entreprise.»
«Je suis la chef d’équipe, mais on doit tous travailler ensemble, complète-t-elle. Si quelqu’un n’épouse pas cette vision-là, la personne peut partir. Je suis très rigoureuse sur certains principes, notamment la ponctualité et le travail bien fait.»
Odile Kossiba avait commencé son petit commerce il y a six ans sans aucune formation en entrepreneuriat. Mais chemin faisant, elle a pris conscience de son besoin en éducation entrepreneuriale pour réaliser son rêve. En novembre 2017, son entreprise a intégré l’accélérateur du programme d’incubateurs d’entreprises de l’UAC Start up Valley, une réponse de l’université d’Abomey-Calavi, la plus grande et vielle du Bénin, à la question de l’employabilité de ses jeunes diplômés.
Chef en entreprise, partenaire au foyer
Dans son entreprise, la patronne à la forme svelte, taille moyenne et teint clair, manage des employés (hommes et femmes) ayant certains presque le double de son âge. Odile Kossiba affirme qu’elle gère les ressources humaines comme une chef d’équipe et non avec la posture de PDG (Président Directeur Général). «Nous nous respectons réciproquement. Je n’ai aucun problème avec les autres membres de l’équipe. Lorsque des mésententes surviennent entre eux, j’arrive facilement à les résoudre», fait-elle savoir, ajoutant qu’elle met souvent la main à la patte dans le processus de transformation du souchet. «Je suis la chef d’équipe, mais on doit tous travailler ensemble, complète-t-elle. Si quelqu’un n’épouse pas cette vision-là, la personne peut partir. Je suis très rigoureuse sur certains principes, notamment la ponctualité et le travail bien fait.» Celle qui aime être au sommet de la pyramide résume qu’elle sait faire la part des choses, les situations qui arrivent se gèrent au cas par cas.

«Comme la différence entre votre vie en entreprise et votre vie familiale», lui demande-t-on. Odile Kossiba, mariée à un médecin, devient hésitante dans ses réponses. Son visage exprime un certain étonnement que nous nous intéressons à sa «vie privée familiale.» Pudique, la chef d’entreprise nous laisse découvrir son côté cœur:
«J’ai étudié le droit. Mais j’aime faire la part des choses. Lorsqu’on parle de profession, il n’y a rien à dire, lorsqu’il s’agit de commander, il faut commander. Si mon mari était avec moi dans mon entreprise, il n’allait pas bénéficier d’un traitement spécial. Mais la famille, c’est un autre univers. J’arrive à faire la différence entre être en famille et être au travail.»
Avant de s’engager, assure Odile Kossiba, «on a pris le temps de se connaître. Je ne vais pas épouser quelqu’un qui ne va pas me laisser être indépendante et libre. On se comprend parfaitement. Il n’y a pas d’imposition. Je ne le contrôle pas, il ne me contrôle pas.»
Très rigoureuse avec elle-même et portée vers le succès de ses affaires, celle qui considère le temps comme une ressource à capitaliser, se donne tout de même des moments de détente. Elle passe ses temps de loisirs entre regarder la télévision, voyager ou se promener dans un espace public. «Parfois je peux sortir pour marcher avec mon chéri », confie-t-elle, lâchant son premier sourire en une trentaine de minutes d’entretien. Puis, elle enchaine, «Mon époux me soutient moralement, il m’accompagne.»
«Il faut s’accrocher à son rêve»
Jeune, mais avec un parcours édifiant, la patronne de Norée a des conseils pour ses pairs jeunes (entrepreneurs). «Je dirai à ceux qui ont des idées que le début n’est pas facile, fait-elle savoir. Il y a souvent la famille et les amis. Les gens vous insulteront et vous diront qu’avec votre ''grand diplôme'' vous ne devez pas faire certaines activités. Ne les écoutez pas. Ecoutez plutôt ce qui est en vous.» A ceux qui ont déjà franchi le pas pour se lancer dans l’entrepreneuriat, Odile Kossiba leur «demande de tenir le coup.» Elle admet que «ce n’est pas facile». Mais préconise-t-elle, «il faut toujours se donner de l’espoir. Il faut se dire qu’on est déjà dedans et qu’on doit pouvoir atteindre nos buts. Maintenant, pour les atteindre, Il faut beaucoup travailler, saisir les opportunités.»

La reine du souchet fait au Bénin recommande aux «jeunes et qui n’ont pas les moyens financiers», d’ «aller vers les concours. Parce que grâce aux prix de ces concours, on peut facilement investir dans l’entreprise». In fine, résume-t-elle, «il faut s’accrocher à son rêve.» Au sien, Odile Kossiba Gnowin est accrochée. Et son ambition dans cinq ans, «c’est construire déjà mon usine de transformation et quand je dis usine c’est vraiment une usine.» Un brin philosophe, la patronne de Norée, qui tient à «innover» dans tout ce qu’elle entreprend, soutient qu’ «on est dans cette vie comme des locataires, on va partir un jour alors pourquoi ne pas imprimer son nom avant de partir ?»
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