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Sécurité alimentaire : Une maladie du manioc menace l’Afrique de l’Ouest

Publié le lundi 24 septembre 2018  |  Nord Sud
Pain
© Autre presse par DR
Pain à base de farine de manioc
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La striure brune, maladie virale du manioc est à la porte de l’Afrique de l’Ouest, zone de plus de 300 millions d’habitants et de très forte consommation du tubercule, à en croire des spécialistes. En effet, la pathologie végétale dévastatrice sévit en Afrique du centre et de l’Est. Et, est une entrave pour la sécurité alimentaire.

L’Afrique a produit, selon la FAO, 155,962 millions de tonnes de manioc, soit 55% de la production mondiale. L’Afrique de l’Ouest, à elle seule, produit plus de 60% de la production africaine dont 90% destinée directement à la consommation humaine.

Selon des scientifiques, la striure brune « est pour le manioc ce que l’Ebola est pour l’homme ». Elle est nettement plus dangereuse que la mosaïque africaine du manioc, une autre maladie présente dans toutes les régions d’Afrique Subsaharienne productrice, qui se manifeste par l’apparition de chloroses ou tâches jaunâtres sur les feuilles de manioc, réduisant la capacité photosynthétique de la plante qui perd 40% de sa productivité. Ce virus découvert dans les années 1930 en Tanzanie, s’est propagé ensuite dans les pays limitrophes. Depuis les années 2010, il a dépassé l’Afrique de l’Est pour se retrouver en Afrique centrale, précisément en République démocratique du Congo.

« Il peut arriver ici en Afrique de l’Ouest. Je dirais qu’il va arriver. C’est pourquoi nous attirons l’attention de tous : gouvernants, scientifiques, monde paysans, afin que chacun se mobilise pour ne pas que ce virus arrive en Afrique de l’Ouest. De sorte que même si la maladie apparait un jour, on puisse la circonscrire rapidement », se préoccupe Dr Justin Pita, directeur exécutif du programme West africain virus epidemiology (Wave), un programme de recherche sur les virus des plantes dans sept pays africains, basé à Bingerville non loin d’Abidjan (Côte d’Ivoire).

« Vous imaginez un pays comme le Nigéria, près de 180 millions d’habitants, sans manioc, alors que 80% de cette population en dépendent pour leur alimentation ? Ce serait une catastrophe humanitaire ! », s’exclame Dr Pita, rencontré par l’AIP mi-septembre. « Contrairement à la mosaïque qui est causée par un virus à ADN, la striure est quant à elle due à un virus à ARN », confie le scientifique. A l’en croire, en plus de s’attaquer aux feuilles du manioc, la striure brune agit également sur la tige et les racines de cette plante.

« Sur les feuilles, c’est pratiquement les mêmes symptômes que la mosaïque. Mais sur la tige et les racines ce sont des nécroses (infections de cellules, NDLR) qui se développement sur ces parties », décrit Justin Pita. Ces nécroses, de couleur brune foncée et très nauséabondes, rendent la racine carrément irrécupérable pour consommation et pour tout usage.

« C’est un peu comme un cancer. Cause une perde de production allant de 90 à 100% », précise le directeur exécutif de WAVE, un projet initialement orienté vers les plantes à racines et tubercules tels que le manioc, l’igname, la patate douce, mais qui travaille désormais « essentiellement sur le manioc à cause de l’urgence qu’il y a pour cette plante ».

Transmission de la maladie

Le principal vecteur de transmission de la striure reste la mouche blanche. Lorsque que cet insecte se nourrit sur une plante infectée et qu’il va se poser sur une plante saine, il l’infecte automatiquement. De même, elle peut aussi se propager par l’Homme, car lorsqu’une plante porte le virus et qu’elle est découpée en boutures pour être replantées, cela participe à étendre les zones touchées par le virus. Tout comme se déplacer avec des boutures de manioc d’un pays touché vers un pays sain peut également être source de propagation de la striure brune.

Toutefois, « Cette maladie n’infecte pas l’homme. Elle ne représente aucun danger pour la santé humaine », assure Justin Pita. Mais, « il représente une réelle menace pour la sécurité alimentaire dans nos pays, surtout que le manioc, sous diverses formes est fortement consommé chez nous » a-t-il soutenu.

Il faut préciser que le programme de Justin Pita est doté d’un laboratoire de pointe à Bingerville et couvre la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Togo, le Nigeria, le Burkina Faso, la République démocratique du Congo.

De nouvelles espèces de boutures de manioc censées être résistantes à la striure, mises au point au laboratoire WAVE, sont en phase de test en Ouganda depuis un an. « C’est encore trop tôt de se prononcer sur les résultats, mais dans un an on pourra savoir si cette solution est fiable », fait savoir le scientifique qui prône « une approche régionale » en matière de recherche pour combattre la maladie.

En outre, une meilleure coopération entre chercheurs des différents pays de la zone parle partage des résultats de recherches sur le sujet, ainsi qu’un financement plus accrue de la recherche seraient, selon Dr Pita, des atouts décisifs dans cette lutte. Il pense que l’épidémiologie reste le moyen par excellence et conseillé et utilisé pour prévenir le mal en surveillant son évolution. Car, croit-il, « il faut aussi beaucoup de prévention, beaucoup de sensibilisation ».

Par exemple, en Côte d’Ivoire où la production de manioc s’établissait à 5,367 millions de tonnes en 2017 selon les statistiques officielles, les actions de prévention peinent encore à se mettre en place, même si le projet WAVE a déjà initié quelque ateliers de sensibilisation à l’intention des encadreurs de l’Agence nationale de développement rural (ANADER).

« Nous sommes conscients de cette menace », a confié laconiquement à l’AIP, Florence N’Dri, chef d’antenne de l’ANADER à Dabou (48 km ouest d’Abidjan), une zone de forte production de manioc dont les populations rurales rencontrées n’ont aucune idée de cette maladie. Elle regrette que les campagnes de sensibilisation de terrain sur la striure piétinent faute de financement. Car le manioc, se désolent les experts, bien qu’ayant plus de vingt produits dérivés (attiéké ou, pâte de manioc, placali, foutou, toh, farine, amidon, gari, pain, gâteau…) dans les pays de la région, où il entre régulièrement dans l’alimentation de plus de plus de la moitié de la population, faisant vivre économiquement des milliers de personnes à majorité des femmes, ne semble pas mieux retenir (ou attirer) de bienveillantes attentions sur son sort, comparativement aux cultures de rente.

Méchac J. AHODI
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