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Des droits et devoirs en matière de perquisition: Les conseils avisés de Me Charlos Agossou

Publié le jeudi 18 octobre 2018  |  La Nation
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Prestation de serments de 14 nouveaux avocats
Jeudi 21 Novembre 2013, Palais de Justice, Cotonou : 14 nouveaux avocats prêtent serment dans le cadre de la rentrée solennelle du Barreau Béninois
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Vous êtes paisiblement à votre domicile ou à votre lieu de travail, quand vous recevez la visite soudaine d’officiers qui demandent à fouiller les lieux pour des besoins d’enquête. Que faire ? Que devez-vous exiger de vos visiteurs ? Quels comportements éviter ? Me Komlan Charlos Agossou, avocat au barreau de Cotonou, apporte la lumière sur la perquisition, son ancrage légal, les modalités de sa mise en œuvre, les droits et devoirs relevant de cette pratique.

La Nation : En quoi consiste la perquisition et quelle est sa fonction ?

Me Komlan Charlos Agossou: Je voudrais au prime abord saluer l’initiative de votre organe qui, à mon avis, aura un triple intérêt. Elle vous permettra de bien jouer votre rôle d’information du lecteur, elle permettra à nous, Ordre des avocats, de jouer notre rôle de sensibilisation puis à nos concitoyens de bénéficier de la juste information. Et pour répondre à votre question, la perquisition est le fait pour des personnes chargées d’une enquête en vue de la recherche ou de la vérification des preuves d’une infraction de se porter aux endroits où lesdites preuves sont supposées être pour les retrouver. Les preuves peuvent être les moyens ayant servi à la commission des faits poursuivis ou le fruit qui en résulte, et les endroits peuvent être un domicile ou un lieu de travail, c’est-à-dire un lieu à accès plus ou moins limité. Le but de la perquisition est donc de rechercher les éléments matériels pouvant établir la commission d’une infraction par une personne mise en cause.

Quel est l’ancrage juridique de la perquisition au Bénin ?

Le Bénin a hérité de la France un système pénal proche de la procédure inquisitoire de recherche des preuves des infractions. Cette recherche est confiée à des fonctionnaires investis de certains pouvoirs dont celui de la perquisition. Dans notre pays, la perquisition est d’abord possible parce que non contraire en soi, ni à notre Constitution, ni à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ainsi qu’aux principes universellement admis en matière de droits de la défense. Par exemple, l’article 17 de notre Constitution rend la chose envisageable lorsqu’elle dispose que la culpabilité d’une personne accusée d’un acte délictuel doit être légalement établie, c’est-à-dire par des moyens prévus par la loi. De même, l’article 8 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples n’exclut pas les mesures de contrainte visant à restreindre la manifestation des libertés (ici le droit à la vie privée) à cause de l’ordre public. Le législateur béninois a donc organisé la perquisition à travers notamment les articles 50 et suivants, 77 et suivants et 97 et suivants de notre Code de procédure pénale.

Quelles sont les conditions pour qu’il y ait une perquisition ?

La définition de la perquisition permet de subodorer déjà les conditions qui peuvent la rendre envisageable dans une situation donnée : le souci d’établir la preuve d’une infraction. L’article 50 du code de procédure pénale en vigueur au Bénin précise qu’il peut être recouru à la perquisition si la nature de l’infraction est telle que sa preuve puisse être acquise par la saisie de papiers, de documents, ou autres objets en la possession des personnes qui paraissent y avoir participé ou détenir les pièces ou objets relatifs aux faits incriminés. Il faut donc qu’il soit suspecté que les objets ayant permis de commettre ou résultant d’une infraction soient détenus, conservés ou dissimulés en un lieu pour justifier une perquisition à cet endroit.

Qui effectue la perquisition ?

Ce sont les fonctionnaires habilités à cet effet par la loi. Il s’agit d’une part des officiers et agents de police judiciaire habilités, d’autre part du procureur de la République et de ses substituts enfin des juges d’instruction.

Qu’est-ce qui donne légalité à la perquisition en d’autres termes, de quoi doit se munir un enquêteur lors d’une perquisition ?

Il peut être recouru à la perquisition à trois étapes de la procédure pénale; d’abord au cours de l’enquête de délit ou de crime flagrant, ensuite au cours de l’enquête préliminaire, enfin en cours d’instruction. La perquisition en cours d’enquête de flagrance et d’enquête préliminaire est conduite par les policiers habilités sous la direction du procureur de la République ou de ses substituts. L’enquête de flagrance est celle qui est diligentée lorsque quelqu’un est interpellé pour une infraction en cours ou qui vient de se commettre ou dans un temps voisin des faits, lorsqu’il est poursuivi par la clameur publique ou est en possession d’objets et lorsqu’il présente des traces ou indices laissant penser qu’il y a participé. L’infraction est flagrante, lorsqu’il y a une certaine évidence. La perquisition permet alors aux enquêteurs de confirmer des indices visibles en réunissant d’autres éléments de preuve. Au cours de l’enquête de flagrance, les Officiers de police judiciaire (Opj) peuvent procéder à une perquisition en un lieu avec ou sans le consentement de l’occupant des lieux après en avoir informé le procureur de la République de leur ressort. Ils n’ont besoin d’autre titre que la preuve de leur qualité d’agents enquêteurs. Par contre, au cours de l’enquête préliminaire, c’est-à-dire celle qui est ouverte alors qu’on n’est pas dans un cas d’infraction flagrante, la loi dit que les perquisitions « ne peuvent être effectuées sans l’assentiment express de la personne chez qui l’opération a lieu et la mention de cet assentiment doit être portée au procès-verbal d’enquête». Une enquête dite préliminaire est conduite pour des faits relativement anciens généralement révélés par une plainte ou dénonciation. Les personnes mises en cause, le plus souvent convoquées, comparaissent libres et ne sont pas conduites de force, c’est-à-dire n’ont pas été appréhendées. Dans ce cas de figure, en plus de leur qualité, les agents enquêteurs ne peuvent procéder à une perquisition en un lieu sans l’assentiment de ses occupants.
Enfin, lorsqu’on se trouve à la phase d’instruction, les perquisitions sont ordonnées et/ou conduites par le juge d’instruction lui-même ou des Opj désignés par des commissions rogatoires qui constituent des titres qui leur confient la mission d’y procéder. Le procureur n’intervient à cette étape que pour prêter main-forte à l’ordre du Juge d’instruction qui a prescrit la perquisition et qui sera exécuté avec ou sans l’assentiment des occupants des lieux. C’est véritablement dans le cas du juge d’instruction que l’on parlera de mandat de perquisition.

Le citoyen peut-il légitimement s’opposer à une perquisition sans mandat ?

Oui et non. Oui, lorsqu’il se trouve dans des circonstances où la loi subordonne la perquisition à son consentement: c’est le cas de l’enquête préliminaire. Non, lorsqu’il se retrouve dans le cadre d’une enquête d’infractions flagrantes. On peut même entrevoir le cas où l’on pourrait s’opposer à une perquisition effectuée sur mandat du juge d’instruction lorsque le mandat est manifestement exécuté en dehors de son cadre.

Que doit faire un citoyen lésé et arbitrairement perquisitionné ?

Ce que je conseille généralement aux gens, outre la bonne information, c’est d’avoir toujours en contact un avocat parce qu’il n’est pas évident pour un citoyen de savoir précisément adopter la bonne attitude en son temps. Quand l’appareil judiciaire se met en branle, les choses vont souvent à une vitesse vertigineuse et il y a de quoi être dérouté. Or la loi fait obligation aux fonctionnaires chargés des perquisitions de respecter les droits de la défense, notamment celui de se faire assister à cette occasion par son avocat. Au regard du caractère généralement urgent des opérations de perquisition, les mis en cause se voient souvent imparti un délai pour contacter leur avocat s’ils souhaitent les voir y assister. Il est plus simple et plus efficace de solliciter un avocat avec qui vous étiez en contact que de vous mettre à en chercher un en ce moment, ce n’est pas évident. En cas de perquisition abusive ou arbitraire, la victime peut saisir le procureur général, qui délivre les habilitations des officiers de police judiciaire d’une plainte aux fins de sanctions administratives contre les auteurs d’une telle perquisition. La responsabilité professionnelle, civile et/ou même pénale des auteurs desdits abus, selon leurs gravités, peut également être mise en jeu. Les procès-verbaux d’une perquisition abusive ou arbitraire pourront être déclarés nuls, c’est-à-dire inexploitables contre les mis en cause. Il suffit d’en formuler la demande en temps opportun. Vous conviendrez que tout le monde ne peut connaitre les subtilités procédurales qui se rattachent à l’exercice de ces actions, d’où le recours à un avocat sera des plus utiles en de pareilles circonstances.

Un dernier mot à propos ?

C’est dès maintenant qu’il faut prendre ses dispositions pour ne pas être victime d’une perquisition abusive ou arbitraire en se rapprochant de son avocat pour plus de précisions à propos. Même si l’on ne peut empêcher en soi une perquisition, on peut en minimiser le plus possible les désagréments grâce à la présence de son avocat?

Anselme Pascal AGUEHOUNDE
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