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Agriculture : A quand le label Made in Bénin ?
Publié le mercredi 6 novembre 2013   |  24 heures au Bénin




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Agenouillez-vous, et vous croirez. C’est ce que le ministère de l’agriculture veut nous faire croire avec sa réforme des Centres Régionaux de Promotion Agricoles (CeRPA). En réalité, il ne s’agira même pas d’une reforme mais juste un changement de nom. Les CeRPA vont reprendre leurs vieux habits, c’est-à-dire Centre d’Action Régionale de Promotion Agricole (CARDER). C’est trop facile de penser qu’il suffirait d’un changement de nom, pour faire jaillir la lumière et redonner à l’agriculture béninoise ses lettres de noblesses. La réalité est bien sûr ailleurs. L’agriculture béninoise est comme un fromage plein de trous qui ne rapporte presque plus rien. C’est donc toute l’agriculture qu’il faut rebâtir. Seulement, lorsqu’un gouvernement a déjà égrené sept ans sur dix, l’heure n’est plus aux reformes, aux séminaires pompeux ou à des colloques. Il faut parer aux plus pressés et sauver ce qui peut encore l’être.

Des reformes de trop

Les CeRPA sont nés sous Kerekou II. Le ministre de l’époque Lazare Sehoueto, avait évoqué la nécessité d’orienter notre agriculture vers l’approche filière. « Qu’il faut moins d’administration autour de l’agriculture. Il faut ramener les programmes et projets au niveau des CARDER /CERPA et que les démembrements communaux deviennent des unités opérationnelles. Que l’administration se concentre sur les normes, le contrôle et les domaines que le paysan ou les communes ne peuvent pas financer. Par exemple, la recherche sur les semences, sur les sols, les systèmes d’exploitation, les aménagements pour la maîtrise de l’eau » L’autre objectif était de « créer la rupture dans le fond mais aussi dans la dénomination pour que le passif des CARDER soit liquidé par le Trésor public.

Les CeRPA devaient donc démarrer sans les boulets de l’endettement aux pieds afin que les ressources et les moyens dégagés pour les défis identifiés servent effectivement à booster notre développement agricole ». Même si les motivations étaient nobles, force est de constater que les réformes engagées en ce moment n’ont rien changé à la réalité. Aucune nouvelle filière ne s’est réellement structurée, pire, la filière coton a continué son déclin. Les CARDER/CeRPA ont complètement sombré. Le seul résultat obtenu a été de passer des CARDER au CeRPA. Seulement, le gouvernement actuel n’a rien appris de cette expérience et se rendre à l’évidence que les problèmes de notre agriculture sont plus enracinés et il faut labourer en profondeur si l’on veut que cette agriculture retrouve sa place dans la production globale de richesse du Bénin.

L’argent ne fait pas le coton

Reformer notre agriculture, reviens en premier lieu à sauver la filière coton. Malgré la perfusion drastique de la filière avec des milliards de franc CFA, les résultats obtenus au cours de la campagne 2012-2013 sont amers : moins d’une tonne à l’hectare et 250000 tonnes contre les 500000 tonnes annoncées urbi et orbi. L’argent ne fait pas le coton pourrait-on dire. Mais il faut être honnête, ce sont des résultats encourageants si on les compare à ceux des campagnes précédentes. Les crises intestines entre les différents acteurs : le gouvernement, l’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) et l’homme d’affaire Patrice Talon a certainement asséché quelques capsules. La mise en place tardive des intrants agricoles due au conflit fratricide entre Patrice Talon et Yayi Boni a empoisonné une campagne qui s’annonçait prometteuse. La frontière entre l’intérêt général et les querelles de garçons a été facilement franchie, le chef ayant troqué son habit de chef d’État contre celui de chef de clan. Du coup, l’État Béninois a dû arraisonner des bateaux ou emprunter des intrants à des pays en guerre comme le Mali. Ça sent le ridicule, bien sûr !

Politiques agricoles ou politiques politiciennes

Assainir la filière, reviens à élaguer tout ce qu’il a de superflus autour. Ce qui saute à l’œil, c’est avant tout la politisation des acteurs agricoles. Laissons aux producteurs, l’agriculture et aux politiciens, le bavardage peut-on tenter de dire. Depuis l’avènement de la démocratie, la course effrénée aux postes de conseillers, de députés de présidents a enrhumé le discernement des politiciens dont les agissements en milieu rural surtout, contribue au climat de méfiance des uns envers les autres. Certains acteurs sont présentés comme des parias de la filière et l’information qu’il faut transmettre aux producteurs est souvent édulcorée, tronquée. Le transfert de compétence réalisé il y a quelques années au profit des producteurs a profondément changé le rapport de force entre les techniciens agricoles et les producteurs. Le technicien agricole n’est plus vu comme quelqu’un détenant un parquet technologique susceptible d’aider le producteur à atteindre ses objectifs de production. Il est soit en conflit permanent avec le producteur ou ses conseils sont remis en question ou désherbés dès qu’il tourne le dos. Certains Groupements Villageois (GV) sont pris en otage par des secrétaires ou présidents de GV véreux qui bradent aux vu et au su de tous le village les intrants et le coton.

Cibler d’autres filières

Mais au-delà de tout cela, avec une tonne à l’hectare contre cinq tonnes dans bien de pays, le coton béninois aura toujours du mal à s’imposer sur le marché international. Il est évident que nous ne pouvons pas tenir la concurrence face au coton chinois, israélien ou encore moins américain. C’est pourquoi il est important pour tous les acteurs du monde agricole de scruter d’autres horizons et de trouver une autre filière qui est propre aux conditions agro écologiques du Bénin dont nous pouvons avoir la primauté sur le marché international. Il ne s’agira pas de dessoucher le coton mais de greffer à celui-ci une deuxième voire une troisième filière bien structurée. Nous avons une main d’œuvre active dynamique, une ouverture sur l’océan pour l’exportation, un plan d’eau qui traverse le pays du nord au sud, une vallée considérée comme l’une des plus riches au monde, d’énormes potentiels en terres arables et nous sommes incapables d’avoir notre label : made in Bénin. Le projet Songhaï qui constitue indubitablement la référence de réussite d’initiatives agricoles au Bénin, peine à satisfaire les besoins intérieurs. La Côte d’ivoire a le cacao, le Liberia l’hévéa, le Sénégal l’arachide ; à quoi le Bénin peut s’identifier comme étant parmi les premiers producteurs au monde ? Le label béninois n’existe nulle part. La filière palmier à huile qui avait connu jadis des jours heureux, est aujourd’hui orpheline, oubliée. Même si selon plusieurs spécialistes du palmier à huile, les conditions agro écologiques ne sont pas les meilleures, il revenait au monde de la recherche d’adapter la plante et créer les conditions pour une productivité acceptable.

Reconstituer la famille agricole

Au fait, il faut que l’agriculture béninoise reconnaisse les techniciens comme des acteurs incontournables, autrement dit, le rapport de force en ce qui a trait au parquet technologique pour chaque filière doit être en leur faveur. Seulement, cette réhabilitation du technicien agricole ne peut être décrétée par un conseil des ministres ou des reformes imaginaires d’un gouvernement mais doit être gagnée par ces derniers de par leurs présences plus rapprochées, leurs prestations et leurs ingéniosité auprès des producteurs. L’État devrait aussi prendre du recul et se cantonner a son rôle d’arbitre et d’accompagnateur du monde agricole en fournissant aux techniciens et aux producteurs les moyens et la formation adéquats et non fouiner son nez partout. La renaissance de notre agriculture reste possible dans l’immédiat à condition que les politiciens quittent les champs ; qu’on arrête de faire pousser le coton à la télévision et qu’on laisse le soin aux vrais acteurs du monde agricole de définir leurs priorités et les moyens d’y parvenir.



Jules Djossou

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