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Dr Germain Gil Padonou, entomologiste : « Si nous manquons d’attention, nous allons ouvrir la porte à la Dengue »

Publié le mercredi 12 juin 2019  |  Fraternité
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© aCotonou.com par DR
Dr Germain Gil Padonou, entomologiste et enseignant chercheur à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Uac
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Le Bénin est en état d’alerte contre la dengue. Ce virus fait l’objet de toutes les interrogations depuis le communiqué du ministère de la santé en date du 7 juin 2019 qui annonce que la « Dengue est chez nous ». Dr Germain Gil Padonou, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Uac nous dévoile le vecteur et son écologie. Entomologiste médical intervenant au Centre de Recherche entomologiste de Cotonou du Ministère de la Santé, il met un point d’honneur sur l’assainissement du cadre de vie pour éloigner le moustique du genre Aedes.
De quoi retourne l’alerte donnée il y a quelques jours au sujet de la dengue au Bénin ?
C’est parce qu’il y a eu un cas de Dengue confirmé qui a été observé. Je crois que c’est dans le bon sens que le ministère de la santé a pris ces dispositions pour que la population puisse se mettre à l’abri de cette maladie pour qu’on n’ait plus d’autres cas à l’avenir et pour qu’il n’y ait pas d’épidémie.

Ce cas auquel vous faites allusion a été détecté où ?
A Tankpè dans la commune d’Abomey-Calavi. C’est un enseignant qui serait décédé à la suite de cette maladie. Les analyses ont confirmé qu’il s’agissait d’une fièvre hémorragique, une fièvre virale transmise par le moustique Aedes aegypti. Cette maladie transmise s’appelle la Dengue.

Que peut-on savoir précisément sur cette espèce d’insectes diptères qui est le vecteur principal de la dengue ?
C’est un moustique que nous retrouvons dans nos maisons et qui est très anthropophile, c’est-à-dire très habitué à vivre en contact avec les hommes. Dans la journée, on peut les retrouver dans les fleurs. C’est pourquoi nous devons éviter d’abandonner l’eau au niveau des jarres, d’abandonner les pneus usagées surtout que nous sommes en période de pluie. Cela risque de créer des gites de moustiques qui s’y développent. Plusieurs cas de la maladie ont été découverts en Côte d’Ivoire. Avec les mouvements de transports Inter-Etat, entre le Bénin, la côte d’ivoire, le Niger et même le Nigéria, les moustiques qui se déplacent dans les bus, la maladie peut être facilement retrouvée au Bénin.

Comme vous le dites, des cas ont été enregistrés récemment en Côte d’ivoire, suivis de décès. Certes l’aire de répartition ou de dispersion était initialement en zone intertropicale. Nous n’en sommes pas habitués d’ailleurs au Bénin. Les découvrir chez nous est-il une conséquence du réchauffement climatique ?
Ce n’est pas une maladie qui était connue en Afrique de l’Ouest. On l’a connue en Afrique de l’Est et beaucoup plus dans les pays asiatiques. Dans les zones tropicales, la maladie est connue. Aujourd’hui, elle menace aussi gravement l’Europe. Ce moustique est habitué à vivre dans les régions tropicales. Mais aujourd’hui avec l’augmentation de la température telle qu’on l’observe, le moustique est en train de monter vers le pôle de façon progressive. Les gens ont prédit que d’ici 2020, on pourrait avoir des cas de Dengue en Europe, dans les pays un peu après la Méditerranée.

Quels sont les autres facteurs écologiques qui favorisent sa propagation ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, évitons de jeter les boîtes de conserve dans la cour lorsque nous finissons de les utiliser. Eviter d’abandonner les objets plastiques sous la pluie. Quand il pleut et que l’eau s’accumule au niveau de ces objets, ces points d’accumulation de l’eau constituent des endroits où ces moustiques vont déposer leurs œufs. Ils peuvent pondre dans les pneus, les jarres, les canaris. Il ne faut pas laisser l’eau pendant longtemps dans la jarre sans la renouveler. Tout ce qui peut contribuer à accumuler de l’eau doit être évacué de nos maisons, même aux alentours de nos maisons. Il y a des gites domestiques et des gites péri domestiques. Même les voitures abandonnées sont concernées parce que quand il pleut les moustiques vont pondre dans ces milieux.

Quels sont les spécificités de ce moustique, contrairement à l’anophèle vecteur du paludisme ?
Encore appelé moustique-tigre à cause de son ami Aedes albopictus, il est de couleur noir tachetée de blanc. On peut le reconnaître dans la journée, très agressive et très anthropophile. Il aime rester là où se trouvent les humains. La différence entre lui et l’anophèle est que quand il se pose sur le mur, vous allez constater le plus souvent qu’il n’a pas la position oblique de l’anophèle. Cette dernière n’a pas ses ailes tachetées et n’est pas de couleur noir. Il y a des anophèles qui sont de couleur noir sombre comme l’anopheles funestus. Il y a des anophèles qui ont aussi des taches blanches. Les deux moustiques sont complètement différents. On ne peut pas les confondre. Ils ne transmettent pas souvent les mêmes maladies. C’est vrai que les manifestations de la Dengue se rapprochent de celles du paludisme. C’est pourquoi parfois, nos agents de santé ont tendance à les confondre. Ici, on vomit souvent du sang lorsqu’on est atteint d’une fièvre hémorragique dans le cas de la dengue. Il y a de fortes douleurs articulaires. Mais les deux moustiques sont complètement différents. On peut les retrouver dans les mêmes gites. La preuve, lorsque nous étions en prospection, dans le cadre d’une enquête en cours, initiée par le ministère de la santé, à Hêvié dans la commune d’Abomey-Calavi, nous avons retrouvé des larves d’anophèles qui transmettent le paludisme et des larves d’aèdes egypti dans des canaris dans une chambre. C’est pourquoi, je voudrais demander aux populations d’éviter d’accumuler de l’eau dans leurs chambres. Dans les chambres à coucher, ce n’est pas bien. En le faisant, on raccourcit son cycle gonotrophique, le délai de ponte et de prise de repas. La transmission est très rapide. Dans ce cas, nous serons régulièrement malades puisque nous offrons les conditions pour une épidémie de la dengue et du paludisme.

Dans un contexte de prolifération des dépotoirs sauvages non loin des ménages, n’y a-t-il pas urgence ?
Il faut éliminer aussi les dépotoirs sauvages. Les mairies sont informées. Il faut que nous nettoyions nos villes de tout ce qui peut servir de points d’accumulations d’eaux pour servir de gîtes. Il faut aussi rappeler qu’il n’y a pas que les aèdes. Il y a les filarioses qui menacent aussi. Ce sont des maladies causées par les filaires, des vers, des nématodes. Nous avons le cas de l’onchocercose transmise par un insecte. Tout ça c’est des maladies graves. Le paludisme est aujourd’hui la première raison de consultation. On ne fait pas attention, nous allons investir pour traiter des maladies.

Peut-on être rassuré au moins que nous ne sommes pas dans une période d’épidémie ?
On ne peut pas dire que nous sommes en période d’épidémie. On a eu un seul cas isolé. Faisons attention. Les agents de santé sont à pieds d’œuvre et contrôlent la situation. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Nous les entomologistes les accompagnons sommes en train de faire les enquêtes. Il peut avoir une épidémie de dengue au Bénin. Si nous faisons attention, nous allons l’éviter. Dans le cas contraire, nous allons l’ouvrir grandement la porte. Ce que nous ne souhaitons pas.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU
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