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Violences au Bénin: "une crise des valeurs et de la pratique démocratique"

Publié le mardi 18 juin 2019  |  AFP
Gabon
© Autre presse par DR
Gabon : affrontements à Libreville après l’annonce de la victoire d’Ali Bongo
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Après une semaine de violents affrontements dans le centre du Bénin entre les partisans de l'ex-président Thomas Boni Yayi et les forces armées, le petit pays d'Afrique de l'Ouest, réputé pour son calme et pour son exemplarité démocratique, est sous le choc.

A Tchaourou et Savè, des manifestants ont bloqué la principale route du pays, puis des "chasseurs" ont fait face aux soldats et à la police dans des affrontements qui ont fait au moins deux morts côté civil et une cinquantaine de blessés parmi les forces de l'ordre. Des scènes auxquelles les Béninois ne sont pas habitués et que tente de décrypter Expédit B. Ologou, politologue et président du centre d'analyse Ciaaf, basé à Cotonou.


Comment ont été perçus les événements de la semaine dernière au Bénin?

"Quand les photos et les vidéos de Tchaourou ont commencé à être partagées sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens n'y ont pas crû. Ce sont des scènes de fiction, pour nous Béninois. Puis, peu à peu, on a eu le sentiment qu'une partie du pays était transformée en champ de guerre, c'était la stupéfaction.

Des manifestants bloquaient les automobilistes sur l'axe Cotonou-Parakou (la route principale du pays, artère économique), dégonflaient les pneus des voitures... Certains ont profité de la situation pour menacer les citoyens et se faire de l'argent. C'était la panique.

Une crise politique ou une guerre entre deux hommes ?

La vie socio-politique béninoise depuis quelques années est prisonnière de la guerre des egos entre deux individus: Patrice Talon (élu en avril 2016) et Boni Yayi (président entre 2006-2026). C'est cette guerre qui structure la crise post-électorale que nous vivons.

Patrice Talon (richissime homme d'affaires qui a notamment fait fortune dans le coton, NDLR), avant de faire carrière en politique, tirait déjà les ficelles de la scène politique béninoise en finançant les campagnes électorales de nombreux acteurs politiques.

Il a d'ailleurs financé la campagne de Yayi en son temps, en échange de conditions financières ou d'opportunités économiques, notamment dans le domaine des douanes.

La brouille entre les deux hommes sur fond d'accusations réciproques a conduit à l'exil de Patrice Talon aggravé par l'affaire dite de la "tentative d'empoisonnement" de Boni Yayi. Pendant cet exil, entre 2012 et 2015, Patrice Talon aurait beaucoup souffert psychologiquement. Mais aussi, son empire économique en a largement pâti.

Maintenant qu'il est au pouvoir, il semble vouloir prendre sa revanche. C'est lui qui a financé tous les politiques de ce pays, à l'exception de quelques-uns. Et donc, il semble vouloir prouver que plus rien ni personne ne peut lui résister.

Mais plus profondément, cette crise révèle la crise de certaines valeurs de notre société et de notre pratique démocratique. Il y a un vrai dépérissement de nos valeurs.

L'omniprésence de l'argent a tué les idées et les valeurs dans la vie politique du Bénin.

Une répression disproportionnée ?

La question n'est pas de savoir si la réaction du pouvoir face à la situation est disproportionnée ou non, mais d'abord de se demander si elle est conforme à l'Etat de droit démocratique, au respect des droits fondamentaux des citoyens béninois, notamment le droit à la vie.

Ensuite, avec l'assignation de Boni Yayi à résidence surveillée pendant plus de six semaines sans qu'officiellement un chef d'accusation ne pèse contre lui, peut-on dire que les droits du citoyen, de l'ancien président et de l'opposant politique sont respectés ?

La situation démontre aujourd'hui que l'ancien président a encore un base de supporters fidèles. Si les élections législatives (auxquelles l'opposition n'a pas été autorisée à présenter de liste, NDLR) s'étaient tenues normalement, le score du FCBE (Forces Cauris pour un Bénin émergent, parti de Boni Yayi), aurait surement surpris. C'est un animal politique.

Mais si les citoyens ne peuvent plus s'exprimer dans les urnes, ils s'expriment dans la rue. S'il n'y a plus de place pour le dialogue ni pour le débat, cela ne peut entraîner le pays que dans une spirale de la violence.

On attend de voir le déroulement des prochaines échéances électorales, mais au vu des dernières semaines, on se rend compte que tout est désormais possible.
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