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Dr Emmanuel Sogbossi à propos de la paralysie cérébrale : « Ce ne sont pas des enfants ‘’tohossou’’ »

Publié le mercredi 10 juillet 2019  |  Fraternité
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© aCotonou.com par DR
Dr Emmanuel Sogbossi, Kinésithérapeute, spécialisé en pathologies neurologiques à la Clinique Universitaire de Médecine Physique et Réadaptation (CUMPR) du Cnhu-Hkm de Cotonou
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La paralysie cérébrale est un ensemble de troubles de développement de l’enfant dû à une lésion du cerveau pouvant survenir pendant la grossesse, lors de l’accouchement ou pendant les deux premières années de vie après la naissance. Kinésithérapeute, spécialisé en pathologies neurologiques à la Clinique Universitaire de Médecine Physique et Réadaptation (CUMPR) du Cnhu-Hkm de Cotonou, Emmanuel SOGBOSSI donne plus d’explication dans cette interview, sur la paralysie cérébrale.
Quelles sont les causes de cette maladie ?
Le mécanisme en cause de la paralysie cérébrale est une lésion du cerveau en développement (avant l’âge de 2ans). Plusieurs facteurs peuvent être à la base de cette atteinte du cerveau. Sous nos cieux, les travaux faits à l’Ecole Supérieure de Kinésithérapie (ESK-Bénin) de la Faculté des Sciences de la Santé (FSS), ont montré que le manque d’oxygène du cerveau de l’enfant lors des accouchements difficiles est le principal facteur de risque de la paralysie cérébrale, et survient essentiellement chez les femmes primipares (qui font leur premier accouchement). Après l’asphyxie cérébrale, suit le neuropaludisme chez l’enfant (complication du paludisme). On retrouve également la méningite, l’ictère néonatal, le paludisme et les infections vaginales chez la maman pendant la grossesse. D’autres facteurs de risque bien connus sous d’autres cieux, surtout les pays développés sont essentiellement la prématurité (naissance avant 37 semaines d’aménorrhée ou avant 8 mois de grossesse) et le faible poids à la naissance (moins de 1500 g). Notons qu’une malformation du cerveau peut aussi conduire à la paralysie cérébrale et des facteurs génétiques peuvent être également impliqués.

Quels sont les symptômes de la paralysie cérébrale ?
Les manifestations de la paralysie cérébrale sont d’abord des troubles de la motricité à la base des troubles de développement cités plus haut dans la définition. L’enfant peut avoir des difficultés à tenir son cou, à bouger ses bras ou ses jambes. Il peut présenter des mouvements spontanés involontaires, parfois exagérés dans un état d’excitation. Il peut avoir un tonus élevé (les membres sont durs à mobiliser). Ces troubles moteurs peuvent s’accompagner des troubles d’épilepsie, des troubles comportementaux (impulsivité, hyperactivité des traits autistiques, des troubles de communication. Suivant la localisation de la lésion dans le cerveau, on peut avoir différents types de paralysie cérébrale : les troubles moteurs peuvent intéresser un hémicorps (on parle d’hémiplégie), les deux jambes (on parle de diplégie) ou les quatre membres (on parle de quadriplégie). Il faut dire que d’autres affections peuvent induire de pareils retards chez l’enfant. Ce n’est qu’à l’hôpital que le médecin fait son examen et pose le diagnostic de la paralysie cérébrale.

Quels sont les neurones qui sont souvent affectés ?
L’organe touché dans la paralysie cérébrale est le cerveau. C’est un peu comme l’AVC chez l’adulte, mais ici, le cerveau est encore immature et en plein développement. Ce n’est donc pas les nerfs ou les muscles des bras ou des jambes qui ont un souci. C’est le cerveau qui est lésé. C’est lui qui commande le corps. Toutes les décisions que nous prenons, que ce soit de bouger, ou de parler, ou de réfléchir, sont commandées par le cerveau. Il est le centre organisateur de nos mouvements, de tout ce que nous pouvons décider. Alors quand le cerveau est lésé, il n’envoie plus les commandes aux muscles de notre corps pour qu’on bouge. Il n’organise plus nos mouvements. Et c’est cela qui crée la paralysie du corps.

Quelles sont les conséquences de la paralysie cérébrale ?
Les conséquences sont diverses, touchant tant à l’enfant qu’à sa famille. La paralysie cérébrale est l’une des causes plus courantes de handicap moteur chez l’enfant. L’enfant est limité, restreint dans ses activités de vie journalière (se déplacer, se laver, se nourrir, communiquer, etc..). Il est aussi limité dans sa participation à la vie sociale (se scolariser, aller à l’église, trouver un boulot, se marier, etc…). Il faut dire que l’intégration sociale des personnes ayant un handicap est un véritable problème dans nos pays en voie de développement. L’accès à l’école est difficile parce que les écoles spécialisées sont rares et couteuses. Nos lieux publics ne leur sont toujours pas accessibles. De plus, ils devront faire face aux regards souvent discriminants de la société. Les premiers sujets à cette discrimination sont les parents. Des travaux réalisés à l’ESK-Bénin, ont montré que la population a une perception assez erronée de la paralysie cérébrale. Bon nombre de mamans d’enfants atteints de paralysie cérébrale ont révélé que les voisins traitent leurs enfants de « Vodoun tohossou » ou de « Vodoun dan (serpent) ». D’autres ont rapporté avoir été même conseillé de jeter l’enfant dans la mer. Cette stigmatisation dont sont sujets les parents de ces enfants, est à la fois déplorable et interpelle les autorités publiques de la santé à une sensibilisation sur les troubles de développement de l’enfant. Ceci aiderait à coup sûr à une meilleure intégration sociale des enfants atteints de troubles développementaux dont la paralysie cérébrale, laquelle intégration favoriserait une meilleure qualité de vie aux enfants et aux parents.

Y-a-t-il un traitement pour la paralysie cérébrale ?
Il faut dire que jusqu’à la date d’aujourd’hui, le traitement de l’enfant atteint de paralysie cérébrale ne vise pas à réparer la lésion du cerveau. Il s’agit d’une lésion du cerveau malheureusement permanente. Les chercheurs essaient d’administrer des cellules souches dans la zone lésionnelle du cerveau afin que les neurones régénèrent. Mais les résultats ne sont pas encore concluants. Quoique les recherches évoluent toujours.
La prise en charge de la paralysie cérébrale est multidisciplinaire et essentiellement « rééducative » conciliant toutes les disciplines médicales et paramédicales pouvant répondre aux différents troubles associés aux troubles moteurs de l’enfant. Les acteurs intervenants sont : le neuropédiatre ou le pédiatre, le médecin spécialiste en médecine physique et réadaptation. Ces différents acteurs poseront le diagnostic et prescriront les médicaments contre certains troubles de la paralysie cérébrale. Les acteurs plus présents dans la prise en charge de l’enfant atteint de la paralysie cérébrale seront les kinésithérapeutes qui travailleront pour améliorer le développement moteur de l’enfant (se retourner, s’asseoir, se mettre debout, marcher, etc…) ; les orthophonistes qui travailleront pour améliorer le langage et la déglutition et les orthoprothésistes qui interviendront dans la fabrication des aides techniques qui pourront par exemple aider à la marche. Peuvent également intervenir les pédopsychiatres pour les troubles de comportements et les chirurgiens orthopédistes pour des corrections de déformations orthopédiques handicapantes.

Qui sont les plus doigtés dans la prise en charge de cette affection ?
Un des acteurs clés dans cette prise en charge qui s’ignore et que l’on ignore souvent sont « les parents » de l’enfant. Ils sont systématiquement intégrés dans l’équipe de soins dans le processus d’éducation ou de rééducation fonctionnelle de l’enfant. Ce sont eux qui offrent l’environnement de vie de l’enfant. Le développement de l’enfant est fort influencé par cet environnement qui doit être stimulant, motivant. Un environnement interactif avec l’enfant, fait de jouets qui attirent et aiguisent la curiosité de l’enfant. Malheureusement, ce qui se passe souvent est que l’enfant est dans son lit, ou assis dans un siège fabriqué, devant l’écran et on ne vient le voir que lorsqu’on veut lui donner à manger ou lorsqu’il crie. Il faut noter qu’il s’agit d’une prise en charge quasiment à vie et donc coûteuse pour les parents. Beaucoup d’enfants ont donc du mal à bénéficier de ces soins, et c’est là, l’utilité des centres de réadaptation à base communautaire (centre RBC) qui aident ces enfants dont les parents ont des difficultés financières à administrer des soins de rééducation aux enfants. Mais ces centres bien que salutaires souffrent énormément et demandent une réorganisation de façon à mieux les faire vivre.

Peuvent-ils retrouver leur sens après traitement et rééducation ?
La prise en charge rééducative aidera l’enfant à mieux récupérer son autonomie fonctionnelle dans la vie de tous les jours. Quelle que soit la sévérité de la paralysie cérébrale, les enfants s’améliorent toujours si on leur donne l’attention et les soins qu’il faut. La paralysie cérébrale ne se guérit pas complètement comme le paludisme par exemple, mais les enfants peuvent récupérer suffisamment pour fonctionner et faire tout ce qu’un enfant sain peut faire en fonction de la sévérité de la lésion et de la précocité de la prise en charge rééducative. Plus tôt on commence la rééducation, mieux c’est l’enfant qui récupère, car bien que la lésion du cerveau ne soit pas guérissable, les zones saines aux alentours de la zone lésée, peuvent compenser le rôle de la partie lésée ; c’est ce qu’on appelle « la plasticité cérébrale ». Cette plasticité cérébrale est beaucoup plus dense chez l’enfant lorsque le cerveau est encore en plein développement, et la rééducation s’en sert pour optimiser la récupération de l’enfant. Mais la triste nouvelle que les études sur ces enfants, sous nos cieux, ont rapporté est que la majorité des enfants sévèrement atteints (qui ont les quatre membres atteints et ont un grand retard de développement) décèdent très souvent de la malnutrition et de manque de soins. Mais ceci ne saurait s’améliorer si le pouvoir public n’intervient pour venir au secours de ces parents qui sont souvent très essoufflés et n’en peuvent presque plus.

Comment se fait l’insertion sociale après la rééducation ?
La réinsertion demande des adaptations facilitant l’autonomie à domicile ou dans la société. Le véritable problème est l’environnement, la société. Nous l’avons dit plus haut, nous nous permettons de nous répéter. Il n’y a quasiment pas d’écoles spécialisées pour les enfants handicapés. Ceux qui peuvent fréquenter les écoles publiques ont des soucis de déplacement parce que le terrain de l’école pour les activités sportives ou l’accès aux toilettes ne sont pas adaptés aux moyens de déplacement de l’enfant. Les routes pour accéder à l’école avec son cadre de marche ou son tricycle ne sont pas adaptées. Les enseignants ne sont pas toujours assez outillés pour adapter les cours aux enfants ou donner un peu plus d’attention aux enfants. Des études ont montré que beaucoup d’enfants finissent par abandonner les classes pour ces raisons-là, dans notre pays. Une fois le diplôme acquis, trouver un emploi devient un grand souci. Je pense que le véritable problème est l’insertion ou l’intégration sociale, et il s’agit là d’un grand problème des décideurs politiques.

Quels Conseils avez-vous à donner à l’endroit de la population ?
Si j’ai un conseil à donner, ce serait d’abord sur le regard que nous avons sur des enfants atteints de paralysie cérébrale ou de tout trouble de développement. Ce ne sont pas des enfants « tohossou », et ce n’est pas causé par la sorcellerie ou un sort. Ce n’est pas que chez nous que les enfants atteints de paralysie cérébrale ou de l’IMC se trouvent. Ils se trouvent partout dans le monde. Ces enfants sont capables de beaucoup d’amélioration si on les aide, si on leur crée l’environnement motivationnel qu’il faut. Ils développent leurs propres stratégies pour se développer. Plus tôt on les amène à l’hôpital et les centres RBC pour commencer la rééducation, mieux l’enfant récupère, et c’est une question de beaucoup de patience et d’attention. Et pour finir, la prévention est le meilleur moyen de tout traitement, il faut se faire bien suivre pendant la grossesse, observer les règles de prévention contre le paludisme pendant la grossesse (par exemple dormir sous moustiquaire) et protéger rigoureusement l’enfant contre le paludisme et l’amener toute suite voir un médecin ou un pédiatre quand l’enfant ne va pas bien. Il ne faut pas jouer au médecin à la maison.
Propos recueillis par Clarisse DASSI
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