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Edmond Dossa, expert Uemoa de l’harmonisation du Baccalauréat: « Le Bac unique Uemoa offre beaucoup d’atouts »

Publié le mardi 3 septembre 2019  |  La Nation
Edmond
© aCotonou.com par DR
Edmond Dossa, professeur de langue et expert Uemoa de l’harmonisation du Bac
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En 2024, se tiendra la toute première session du Baccalauréat unique dans les pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). En prélude à ce rendez-vous sous-régional, l’Office du Bac du Bénin a récemment organisé un Bac blanc Uemoa afin de jauger le réflexe des candidats face au format d’évaluation retenu par l’Union. Lors d’un entretien avec la presse, Edmond Dossa, professeur de langue et expert Uemoa de l’harmonisation du Bac, s’est dit satisfait de l’issue de ce test. Il revient ici sur les tenants et aboutissants du Bac unique Uemoa.

La Nation : Les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) se sont engagés dans un processus d’harmonisation de leurs baccalauréats, et récemment vous avez organisé un bac blanc Uemoa à cet effet. Concrètement, que peut-on comprendre du Bac unique Uemoa ?

Edmond Dossa : Le Bac unique Uemoa est en gestation depuis 2007. En réalité, certains pays de l’Union ont constaté que des candidats échouent au Bac chez eux (dans ces pays), et vont réussir brillamment dans leurs pays (pays d’origine). C’est dire que, pour la même année, des gens peuvent s’inscrire au Bac dans plusieurs pays à la fois, étant donné que les dates des compositions ne sont pas les mêmes partout. Donc, quand ils échouent quelque part, ils vont tenter leur chance ailleurs. Ces Etats ont estimé que ceux qui réussissent de cette façon dévaluent leurs Bac. C’est ainsi qu’ils ont fait appel aux directeurs des Offices du baccalauréat des pays membres de l’Union. Ils ont estimé que ce sont les inscriptions transfrontalières qui sont à la base de cette situation. Alors, pour empêcher les inscriptions transfrontalières multiples, les pays de l’Uemoa ont décidé, en 2007, d’organiser leurs Bac durant la même et unique période. C’est la première décision.
La deuxième, c’est qu’ils se sont dit qu’ils peuvent aller plus loin. Au lieu de régler exclusivement la question d’une date unique pour l’organisation du Bac dans l’espace, on pourrait s’inspirer de l’exemple des pays anglophones de l’Afrique de l’Ouest qui ont un Bac unique depuis 1952 appelé West african examinations council (Waec). Lorsque vous passez ce Bac, vous pouvez vous inscrire dans n’importe quelle université de l’ex- Commonwealth qui regroupait les pays anglophones derrière la Grande-Bretagne. Donc, les responsables de l’Uemoa ont estimé qu’on pouvait faire comme ces pays-là, c’est-à-dire faire en sorte qu’on ait un Bac unique dans l’espace.

Un Bac unique à quelles fins ?

Premièrement, c’est pour régler la question des échecs massifs et abusifs. Les candidats échouent certes, mais on ne peut pas dire que c’est parce qu’ils sont incompétents. Au Bénin par exemple, il y a des candidats qui ont eu 12, voire 14 de moyenne dans les séries littéraires mais ont échoué parce qu’ils ont eu zéro en mathématiques. En approche par compétences, on ne peut pas dire qu’un candidat est nul. Il doit être compétent quelque part.
La deuxième chose, c’est de préparer les bacheliers à être assez compétents pour entreprendre les études universitaires. Donc, faire en sorte que les élèves de la classe de terminale aient un niveau convenable pour pouvoir aborder leurs études universitaires. Dernière chose, c’est surtout pour permettre aux titulaires de ce Bac de s’inscrire dans n’importe quelle université de l’Uemoa, et même à l’étranger, sans difficulté et sans équivalence de diplômes parce qu’il y a un certain nombre de décisions qui ont été prises pour la sécurisation de ce diplôme. L’Uemoa intervient dans l’enseignement supérieur donc, c’est sa commission de l’Education qui s’occupe naturellement de l’harmonisation du Bac dans l’espace.

Quel est l’intérêt du « pré-test » récemment organisé au Bénin ?

On ne peut pas aller au Bac unique sans des pré-tests. Pour le récent Bac blanc Uemoa, les candidats ont été évalués dans quatre matières à savoir : français, histoire-géographie, sciences de la vie et de la terre et mathématiques. Mais à partir de l’année prochaine, c’est-à-dire 2020, ça va être toutes les matières du Bac. Donc, les pré-tests permettent de voir la réaction des élèves par rapport au format des épreuves uniques de l’Uemoa. Et je voudrais signaler qu’on n’a pas formé les élèves. On les a juste informés d’un examen qui est une évaluation diagnostique. Et nous avons procédé au choix des onze établissements par échantillonnage dans onze des douze départements que compte notre pays. Des gens parleront du résultat obtenu. Mais ce n’est pas le résultat qui compte tout de suite. Ce qui nous intéresse tout de suite, c’est la mise en œuvre de ce format.

Est-ce un format différent de celui du Bénin ?

Il est un peu différent bien que cela ne soit pas loin de l’approche par compétences. Un peu différent parce que les candidats font de la restitution face aux épreuves que nous avons l’habitude de leur donner. Ils ne réfléchissent pas. Un candidat qui a appris ses cours vient les déverser et il obtient sa note. Par exemple, il y a des disciplines dans lesquelles ont dit : lisez dans tel paragraphe, telle ligne et cherchez tel mot. Dans ces conditions, le candidat ne se gêne pas du tout. Ce n’est pas de cela qu’on a besoin. Nous avons besoin de citoyens compétents. Des gens qui réfléchissent devant une situation. Donc, le format Uemoa est un peu plus complexe. La finalité, c’est d’amener le candidat à réfléchir avant de trouver les réponses aux questions ; les réponses sont là, il suffit de réfléchir un peu. Par exemple, quand on dit : quelle est la capitale du Bénin ? que l’élève ne réponde pas que c’est Porto-Novo et s’en arrête là. Ça ne suffit pas. Tout le monde sait ça déjà. Mais si un candidat dit que c’est Porto-Novo ; cependant Cotonou joue le rôle de capitale économique, politique et administrative, Eh bien ! celui-là, il est plus renseigné. A l’issue de ce Bac blanc Uemoa, nous avons constaté que des candidats ont trouvé que ce format est bien et que ça les amène effectivement à réfléchir.

A travers vos explications, on a le sentiment que les Bac nationaux ont montré leurs limites et l’Uemoa a décidé de prendre les choses en main.

Non ! Ce n’est pas ça. Vous voyez, je vous ai parlé d’échecs massifs et abusifs. Est-ce que vous êtes au courant des résultats à l’Université ? D’abord, au Baccalauréat, on est autour de 37,4 %. Parlant des échecs massifs et abusifs, est-ce qu’on envoie des enfants à l’école pour qu’ils échouent ? Non, on veut qu’ils réussissent. Lorsque vous allez dans les pays que nous sommes en train de copier ; en France par exemple, si vous avez moins de 80 %, vous devez jeter le tablier. Est-ce qu’on ne peut pas faire pareil ? Est-ce que nos enfants sont moins intelligents que les petits français ? Non. Est-ce que notre race a dégénéré ? Notre race n’a pas dégénéré. Au contraire, les enfants nous émerveillent. Quand nous allions au Bac, si tu as 14 de moyenne, tu es un titan. Aujourd’hui, les enfants ont jusqu’à 18,75 de moyenne.
Parlant des matières, les pays de l’Uemoa ont-ils les mêmes contenus de cours, est-ce l’histoire-géographie dispensée au Bénin qui sera évaluée dans les autres pays ?

Nous n’avons pas les mêmes programmes d’études. Il faut harmoniser les curricula. On doit avoir les mêmes approches pédagogiques. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Le Bénin seul est en approche par compétences depuis plus de vingt ans. Le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont en train actuellement. Les pays comme le Niger et le Togo sont en train de se chercher. Or, c’est l’approche par compétences qui est retenue par l’Uemoa pour l’organisation du Baccalauréat unique. Donc, il faut nécessairement que nous ayons les mêmes programmes d’études. Dans les sciences pures et dures, il n’y a pas de souci. Mais en lettres, c’est compliqué. Au Sénégal, les gens étudient assez de romans. Ce n’est pas le cas, ici, au Bénin. Au Niger, ce n’est pas la même chose, et c’est encore différent au Mali. Ce ne sont pas seulement les curricula ; les séries ne sont pas non plus les mêmes partout. Le Bénin a les mêmes séries que le Togo, le Niger, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Au Mali, c’est autre chose carrément. Au Sénégal, ils ont presque les mêmes séries qu’en France. Donc, l’harmonisation doit passer par là aussi. Pour réussir définitivement au Bac au Bénin, il faut avoir 10 de moyenne. Mais l’admissibilité c’est 9. Dans d’autres pays de l’Uemoa, c’est 8,50 ; c’est 7,50, etc. Nous, en tant qu’expert béninois dans ce forum, nous avons dit que ce nivellement par le bas ne nous intéresse pas. Nous voulons maintenir le cap, c’est-à-dire maintenir notre Bac à 10 de moyenne.
Certains pays de l’Uemoa ne font plus l’oral de langues. C’est supprimé ! Mais le Bénin continue de le faire parce qu’en approche par compétences, au niveau des langues, on a trois compétences disciplinaires. Le premier, c’est parler couramment une langue donnée. Une langue ne s’écrit pas, elle sert à communiquer, donc il faut la parler. Si on supprime l’oral, cela veut dire qu’on supprime une bonne partie de la langue. En gros, il y a plein de choses qu’on doit pouvoir harmoniser.

Il faut un certain nombre de crédits horaires pour que l’année soit validée dans les pays. Or, les réalités sociopolitiques ne sont pas les mêmes partout. Ne craignez-vous pas des perturbations ?

La commission de l’Uemoa qui se charge des questions d’éducation a mis des garde-fous. Si pour une raison ou pour une autre, vous n’êtes plus en mesure de respecter la date commune à tous les pays pour l’organisation du Bac, vous devez avoir une autorisation de la commission et vous devez donner des raisons valables. L’année où il y a eu trois ou quatre mois de débrayage au Bénin, le ministre de l’Enseignement secondaire a dû écrire à ladite commission. Donc, c’est ce qu’on craint aussi. Les autorités des pays membres de l’Union doivent faire en sorte qu’il n’y ait pas de problèmes avec les partenaires sociaux. Il faut 36 semaines de cours pour que l’année soit validée. Si on ne respecte pas cela, on ne pourra même pas respecter les programmes d’études.

Certains parents d’élèves estiment qu’empêcher leurs enfants d’aller passer le Bac dans un autre pays après avoir échoué au Bénin n’est pas juste. D’autres vont jusqu’à dire que certains enseignants, l’ont fait au cours de leurs parcours. Qu’en dites-vous ?

Je pense que lorsqu’on prend les formulaires pour s’inscrire au Baccalauréat, dans l’espace, il est interdit de passer le même Bac dans deux pays différents. C’est passible de peines. C’était de la fraude. Donc les parents qui disent cela ne se sont pas bien renseignés. Il est possible aujourd’hui de vérifier si vous n’avez pas fait une inscription multiple. Si c’est le cas, on vous conserve celle de votre pays de résidence et on annule toutes les autres. C’est une fraude qui est passible de peines et ça, les parents doivent le savoir désormais.

Etes-vous satisfaits de la performance des candidats au terme du pré-test ?

Ce Bac blanc Uemoa a été organisé dans les mêmes conditions qu’une session normale du Bac au Bénin. Personnellement, et en tant qu’expert au niveau de l’Uemoa, je suis satisfait. Ce n’est pas le résultat qui compte mais plutôt le pré-test. Voir la réaction des élèves par rapport au nouveau format qu’on leur propose. Après ceci, les notes et les copies vont être analysées. Les meilleures copies, les moins bonnes et les plus faibles vont être analysées, par la commission de l’Uemoa.
Le Bac c’est sept à huit épreuves. Pour ce test-ci, nous leur avons proposé juste quatre matières. Donc, les pré-tests vont continuer et de quatre, nous allons passer à toutes les matières. Quant au sort qui sera réservé aux meilleurs candidats, on va peut-être leur adresser une lettre de félicitations, car ils ont eu le mérite d’être les pionniers, même si en 2024, ils seront déjà en année de master à l’université.
Je voudrais également dire qu’il y a des gens qui estiment qu’en approche par compétences, que le profil de sortie de l’élève n’est pas défini. S’ils relisent bien les programmes d’études de l’approche par compétences, ils verront que ce profil est très bien défini. Certains décrient aussi l’approche par compétences en elle-même ; mais, c’est ça qui est retenu au niveau de l’Uemoa. Mieux, on parle aujourd’hui de Lmd. Ce système n’est que la suite de l’approche par compétences.
Aujourd’hui, le Bénin joue un rôle de leader dans la mise en œuvre aussi bien de l’approche par compétences que de la concrétisation du Bac unique Uemoa. Mais attention ! Car, comme l’a dit l’inspecteur Capo Bessan, « nous ne devons pas dormir sur nos lauriers parce que, si les autres mettent beaucoup de moyens, ils vont nous rattraper et nous dépasser ».

Ariel GBAGUIDI (Stag.)
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