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Le pilote d’avion, Habib Aboukheboud, parle de ses œuvres sociales : « On a juste besoin d’avoir un cœur, pour aider »

Publié le vendredi 13 septembre 2019  |  Matin libre
Habib
© aCotonou.com par MAYA
Habib Aboukheboud, pilote d`avion béninois
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Habib Aboukheboud, le pilote d’avion qui s’était retrouvé dans un rôle de motivateur en plein vol, encourageant les Ecureuils du Bénin après leur défaite en Gambie et dont la vidéo a fait le tour des réseaux sociaux, n’est pas qu’ami des avions. Annoncé pour mort, ce jeune de 36 ans, né au Bénin, après sa descente d’avion hier, jeudi 12 septembre 2019 à Cotonou, dément cette mauvaise rumeur, parle de son avenir professionnel et s’engage plus que jamais et ce, sans arrière-pensée, dans les œuvres sociales et humanitaires. Interview…



Matin Libre : Beaucoup de béninois vous ont pour la première fois découvert lors d’un vol en train de donner de conseils aux Ecureuils, après leur défaite en Gambie. Pourquoi avez-vous décidé de vous afficher de cette manière ?



Habib Aboukheboud : Déjà, il faut savoir d’où est-ce que c’est parti. Je faisais déjà des posts bien avant ça. Je faisais des conférences sur la motivation, sur le développement personnel, bien avant cette fameuse vidéo en Gambie, en octobre 2018. J’étais pilote dans une compagnie aérienne dont je vais taire le nom pour plusieurs raisons. L’avion était affrété par l’Etat béninois, pour aller chercher l’équipe des écureuils, en Gambie. Donc, on était parti la veille, en commercial avec des passagers. On est arrivé à Dakar et où a dormi. Le lendemain déjà à 3h, 4h du matin, il fallait aller en Gambie chercher l’équipe nationale et ensuite, refaire tout un autre parcours avec d’autres passagers pour arriver à Cotonou. Alors, après 20 minutes de vol, on est arrivé en Gambie. On a atterri et là, il y a une partie du protocole gambien qui vient dans l’avion pour nous accueillir et avec un air un peu moqueur. Je me suis dit, restons professionnels, je ne suis pas venu pour supporter mon équipe parce que le match est déjà passé, mais je reste fair-play. Alors, quand l’équipe du Bénin est venue sur le tarmac, j’avais remarqué que les visages étaient un peu renfermés, il y en a qui avaient le drapeau béninois et qui déçus, avaient l’air un peu nonchalant, le moral n’était pas au beau fixe. Ça peut-être aussi psychologique ou physiologique car, après un match, on est fatigué, mais j’ai remarqué qu’ils n’avaient pas le moral. Vous ne connaissez peut-être pas mon histoire personnelle, mais quand je regarde mon histoire, je me dis que je suis passé par là mais je n’ai pas baissé les bras. Et si j’ai pu réaliser mon rêve, c’est parce que j’ai fait ce que je leur ai dit de faire. C’est qu’en fait, on ne perd pas mais on apprend. C’était l’occasion pour moi de voir tout ce beau monde en même temps ensemble. Le président de la Fédération de football, les Vice-présidents, le coach, certains journalistes, j’ai même retrouvé des amis avec qui j’ai fait le Collège Père-aupiais et qui sont journalistes sportifs. Je me suis dit tiens, je vais en profiter et leur dire un mot. Pourquoi ? Parce qu’on est entre nous, on est entre frères et sœurs béninois. Quand on est béninois et qu’on aime son pays, on ne peut pas se taire sur ce qu’on vient de voir. Moi, ce qui m’a choqué, ce n’est pas de voir les nôtres défaitistes seulement, mais c’est de voir les gambiens se moquer de nous. C’est quelque chose que je n’aime pas trop. Quand on est béninois, on est à l’extérieur, soyons fiers de notre identité, soyons fiers d’être béninois, on n’est pas n’importe qui. Alors, à bord, je leur ai parlé normalement en anglais, c’est le protocole. En français puis la petite fibre, c’était le fon de un peu de mina. Ça leur a fait plaisir et je pense que quelqu’un dans l’avion a commencé par filmer et a balancé la vidéo. Je ne savais pas, deux jours après, je vois que bon, apparemment, tout le monde s’y est intéressé. J’ai eu des appels de la Chine, du Danemark, d’un peu partout. Est-ce que ça a servi après, est-ce qu’ils ont suivi les conseils, je crois que oui. Parce que les Ecureuils ont fait un beau travail et tant qu’ils gardent dans la tête qu’une défaite n’est pas une défaite mais une leçon pour mieux faire, ils ne feront que réussir. Donc, je n’ai fait qu’apporte ma petite touche.



Quelle a été l’impression des passagers lors de ce vol-là ?



Quand j’ai commencé en anglais, c’est un anglais un peu trop rapide, ils n’avaient pas tous compris. Donc, ils se disaient que celui-là faisait son petit show, parce que le pilote ne parle pas souvent devant les passagers mais dans sa cabine et parle. Quand j’ai commencé en français et après en fon, là ils étaient intéressés et ça a touché leurs cœurs aussi. Ils étaient contents et je pense même qu’ils ont chanté en l’air. Ils étaient très contents et à chaque atterrissage, il y avait des applaudissements, il y avait des photos qu’on a eu à faire ensemble. On s’est ressenti béninois et la fibre patriotique est revenu.



Les quelques rumeurs sur votre supposée mort. Selon vous, c’est parti d’où ?



Parti d’où ? Je ne pourrai pas le dire. Vous savez, aujourd’hui, on ne peut pas contrôler le mental de tout le monde. Vous savez que quand vous commencez par devenir quelque chose, chez nous au Bénin, vous faites beaucoup de contents mais beaucoup d’aigris aussi. Moi je me dis, pour ceux connaissent mon parcours, ils savent que ça n’a pas été un parcours facile. Ce qui est quand-même drôle, c’est que je n’en veux à personne. Le plus important, ce n’est pas qu’on vous jette la pierre. Mais ce que vous faites de ces pierres. A vous de choisir. Vous pouvez soit la jeter pour faire du mal à votre tour à votre prochain, soit lui pardonner et construire quelque chose avec cette pierre. Les gens ont peut-être voulu se faire un buzz ou avoir des followers aussi, je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui s’est passé pour qu’on me déclare mort. C’est vrai que je n’ai pas donné de nouvelles, parce que j’avais besoin de me reposer. Successivement cette année, j’ai subi beaucoup de turbulences, donc j’avais besoin de souffler un peu. Je me suis donc un peu retiré des réseaux sociaux. Pour ceux qui veulent me voir mort, je crois qu’ils devraient être assez patients. (Rires…).



A votre descente de l’avion tout à l’heure en tant que passager et non pilote, vous avez dit que vous n’appartenez plus à la compagnie pour laquelle vous travaillez, il y a encore quelques jours. C’est quoi la raison de ce départ ?



(Rires…). Alors, oui c’est vrai. Vous savez, après un certain nombre d’années à l’étranger, on a envie de revenir chez soi, on a envie de servir un peu aussi sa famille, son pays et aussi de rebondir. On peut mettre un pigeon en cage ou un aigle en cage, lorsque vous ouvrez la cage, il va s’envoler. Après tout, j’ai fini mon travail avec mon employeur. Il a fallu peut-être renouveler le contrat, mais j’ai préféré faire ce qu’on appelle un repli tactique, m’occuper de ma famille et rebondir.



Est-ce à dire que vous êtes déjà à l’abri du besoin ?



Vous savez, tant qu’il y a la misère quelque part, on ne peut pas être à l’abri du besoin. Même si vous êtes très riche et qu’à côté de vous, il y a certains qui souffrent, je pense que vous avez le devoir d’aider ceux qui en ont besoin. Tant que vous devez dépenser, vous n’êtes pas à l’abri du besoin. Même Crésus, c’était l’homme le plus riche entre guillemets, du monde. Mais aujourd’hui, il n’est plus aussi riche heinn ! On fait un travail stressant, on est constamment stressé, on travaille dans des conditions qui ne sont pas souvent faciles à des heures pas très faciles non plus. Pendant que certains dorment en pleine nuit, nous sommes à 12.000 mètre d’altitude, nous veillons à amener en toute sécurité nos passagers d’un point A, à un point B. Nous le faisons en toute sécurité. Les aléas du trajet et tout ça, à un moment donné, le corps a besoin de se reposer, l’esprit a besoin de se reposer. J’ai besoin de passer du temps avec les nôtres, parce que ça va faire plusieurs mois que je ne suis plus revenu à Cotonou, pour des raisons professionnelles et j’avais besoin de souffler un peu. Dans quelques jours je vais repartir et réapparaitre encore. J’espère qu’on ne va pas dire que je suis mort (Rires…).



Votre prochaine destination après la compagnie que vous venez de quitter ?



Ah !!! La fameuse question ! Je vous réserve une surprise.



Vous allez laisser parler votre cœur dans les jours à venir à travers des actions sociales. Est-ce que nous pouvons en savoir davantage ?



Surprise ! Je ne crois pas trop que le fait de dire que je vais faire ci, je vais faire ça, soit une bonne chose, non. Je pense que quand on fait quelque chose dans la discrétion et avec beaucoup d’humilité, ça a plus de portée que quand on essaye de faire du bim-bam-boung, pour dire à tout le monde regardez ce que j’ai fait. Demain (ce jour ; ndlr) ; on va essayer de faire une petite action auprès de ceux qui en ont besoin, dans quelques hôpitaux de la ville de Cotonou. Ceci, parce que, les amis qui m’accompagnent m’ont dit, Habib, on a parlé de ta mort, s’il t’arrive quelque chose, il faudrait que tu fasses un don. Moi je prends ça comme si je peux partager le peu que j’ai avec ceux qui en ont besoin, alors, vous me trouvez tout de suite sur votre chemin, je suis partant. C’est ce que je compte faire, et j’aimerais avant de repartir me reposer, j’aimerais partager avec ceux qui sont dans la souffrance, notamment les mamans, les femmes enceintes, les nourrissons, les bébés. Il en a qui cherchent 5.000f, 10.000f, mais n’ont pas. Les pilotes en général ou d’autres métiers, ont la possibilité de s’offrir certains luxes. Que chacun de nous, essaye de penser à notre prochain, sans pour autant avoir une idée derrière la tête. Voila. En fait, il faut apporter quelque chose. Pas parce qu’on attend quelque chose en retour. Mais moi, ce que j’attends en retour, c’est juste un sourire de voir cette lueur d’espoir dans le regard des personnes et de dire, je reviendrai, je ne vais pas vous laisser. Partout où on passe, on essaye de revenir. Même si je ne suis pas là, j’ai des amis qui m’accompagnent et qui essayent aussi d’être présents pour les autres.



Est-ce que ce cœur sur la main ne cache pas un soupçon d’envie d’aller en politique comme d’autres personnes ?



Rires… Je ne préfère pas. Je suis déjà assez libre comme ça d’être pilote, je rêve de mon métier depuis tout petit et j’ai assez souffert pour arriver là. Faire de la politique, c’est d’abord une affaire de croyance. Je n’ai pas le temps de faire de la politique et ça ne sert à rien quand on a un cœur pour les autres, on n’a pas besoin de faire de la politique avant de faire des choses, pour les autres. Si vous voulez changer des choses pour une raison donnée et qu’il faut passer par la politique faites-le. Mais moi, sincèrement, je n’ai pas besoin de faire ça. On peut changer les choses, la mentalité de nos jeunes, essayer d’apporter le sourire à ceux qui n’en n’ont pas, on peut essayer d’aller apporter même un peu de nourriture, de médicaments, de moustiquaires imprégnées pour ces enfants partout, sans pour autant nécessairement être Ministres, Députés ; Maires. Non, on n’a pas besoin. Je n’ai pas d’Ong ni de Fondation, mais amis me demandent d’en créer, mais je me dis que ça ne sert à rien. Si vous voulez donner quelque chose, vous n’avez pas besoin forcement d’exhiber votre personnalité. Il y a des Fondations qui reçoivent des dons à hauteur de plusieurs millions. Mais le peu qu’on peut faire, peut peut-être dépasser ce que les autres Fondations font. Le plus important, c’est de donner, toujours donner avec le cœur et le sourire. Donc, comme je l’ai dit, si chacun d’entre nous, on peut se mettre ensemble, si chaque béninois pouvait mettre 200f ou 100f ensemble pour aider son prochain, je vous assure tout, beaucoup de nations vont trembler quand on va parler du Bénin. On n’a pas besoin d’être politicien pour ça, on a juste besoin d’avoir un cœur. Et c’est ce que j’aimerais partager avec ceux qui me suivent aujourd’hui. Chaque béninois peut changer positivement pour que le pays avance et moi c’est ce que je pense. Donc la politique, sincèrement, ça ne m’intéresse pas.



Habib Aboukheboud, merci !



Réalisation : Janvier GBEDO (Coll.)
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