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Professeur Sylvain Boko, conseiller régional principal de la Cea: « La redevabilité est essentielle à la croissance inclusive »

Publié le mercredi 18 septembre 2019  |  La Nation
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© aCotonou.com par dr
Professeur Sylvain Boko, conseiller régional principal de la Cea
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Le professeur Sylvain Boko, conseiller régional principal chargé de la planification du développement et de la statistique (Division du renforcement des capacités) à la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, conduit une mission de formation dans le cadre d’un projet d’intégration de la redevabilité dans la planification du développement. A cette occasion, il a exposé les tenants et les aboutissants du projet, l’analyse diagnostique et la stratégie proposée pour le Bénin en vue d’atteindre les objectifs.

La Nation : Qu’entend-on par redevabilité ?

Professeur Sylvain Boko : La redevabilité constitue une composante essentielle d’une croissance inclusive. Elle est importante pour mesurer la croissance, identifier les bénéficiaires et veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. Elle peut se comprendre notamment comme l'obligation des détenteurs du pouvoir à assumer la responsabilité de leurs actes, ainsi que le droit des citoyens d'exiger des comptes aux décideurs.

Quel lien y a-t-il entre la redevabilité, la planification nationale et la statistique ?

La planification du développement est un outil de promotion de la redevabilité entre les citoyens et le gouvernement. Le temps où les experts de la planification se réunissaient dans des bureaux pour élaborer un plan et aller présenter aux partenaires, est dépassé. Aujourd’hui, la déontologie voudrait que le processus de la planification soit participatif et consultatif, qu’il parte de la base pour remonter et reflète les besoins réels des populations dont les plans visent à améliorer les conditions de vie. Cela sous-entend qu’on puisse rendre compte de l’utilisation qui est faite des ressources mises à disposition des gouvernants pour atteindre les objectifs annoncés dans le plan national de développement.
Une meilleure intégration des cadres de la redevabilité dans la planification offre à toutes les parties prenantes : gouvernement, secteur privé, société civile, organisations communautaires, entités décentralisées, les partenaires au développement, la possibilité de participer au processus national de planification. Ceci dit, l’évaluation et le suivi du progrès des plans nationaux de développement à court, à moyen, à long terme, doivent être basés sur des données probantes et fiables et partant, un système statistique solide pour générer, traiter, analyser et diffuser l'information de manière transparente et habilitée. Cela permet que l’exercice de la redevabilité soit fondé sur des preuves. D’où la nécessité d’une meilleure intégration des processus statistiques nationaux dans la planification nationale. Très souvent, l'un des défis auxquels sont confrontés les gouvernements concerne comment mesurer les progrès accomplis en ce qui concerne la réalisation des objectifs nationaux de développement, la façon de surveiller et d'évaluer ces réalisations, de manière à rendre compte à la population, de façon régulière, accessible et prévisible. Il incombe alors aux Etats africains de mieux renforcer les capacités des structures nationales de la planification et celles de la statistique pour qu’elles soient à même de jouer leur rôle dans la transformation sociale et économique du continent et l’accélération de l’atteinte des objectifs de développement durable.

A cet effet, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (Cea) a initié le projet « Renforcement des capacités des gouvernements africains pour l’intégration de la redevabilité dans la planification nationale du développement ». Quel est le but visé ?

Ce projet du Compte des Nations Unies pour le développement (10e tranche) offre l’opportunité de corriger l’inexistence de données précises, fiables et de qualité dans les processus de planification des actions de développement. A travers ce projet dont la phase pilote concerne cinq pays bénéficiaires à savoir Bénin,
Cameroun, Egypte, Kenya et Zambie, il est question de renforcer l’intégration des cadres de la redevabilité dans le processus de la planification du développement, d’amener les institutions nationales de la planification (Inp) et les institutions nationales de la statistique (Ins) à produire et à rendre accessibles les données nécessaires pour informer et soutenir la redevabilité dans la planification. Cela implique une approche d'élaboration de politiques fondées sur des faits et sur des données probantes, qui repose sur l’intégration des cadres de redevabilité dans le processus de planification, avec des étapes spécifiques pouvant être vérifiées, mesurées, évaluées et suivies.
La réalisation des objectifs nationaux de développement d'un pays exige des mécanismes plus solides de redevabilité. Cela exige à son tour un modèle de partenariat national afin d'améliorer la transparence et permettre l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes. C'est la raison d’être et l'essence de ce projet.

Quels ont été les critères de sélection des pays pilotes ?

Ce sont des pays avec lesquels la Cea a déjà une histoire de collaboration. Nous avons cherché à intéresser les pays qui ont manifesté le désir de participer au projet à travers des missions de reconnaissance de terrain, l’engagement envers la planification du développement. Nous avons voulu également garder un équilibre sous-régional et linguistique. Par exemple, le Bénin est le seul pays représentant l’Afrique de l’Ouest.

Quelles sont les différentes phases du projet ?

Le projet est composé de quatre phases : la réalisation et la validation des études de cas sur la planification et la statistique (analyse Swot : forces, faiblesses, opportunités et menaces), l’élaboration des cadres de stratégies nationales de la redevabilité, la validation desdits cadres et les formations pour le renforcement des capacités.
Au Bénin, le projet a été lancé à Cotonou en avril 2017 à la faveur d’un atelier des parties prenantes. Puis, il y a eu en mars 2018 la validation des résultats des études de cas et des recommandations avant celle de la stratégie nationale lors de la réunion d'évaluation par les pairs à Addis-Abeba, les 30 et 31 janvier derniers. Les points focaux institutionnels identifiés sont : le ministère du Plan et du Développement et plus spécifiquement la direction générale des Politiques de Développement (Dgpd), l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae)… Il faut souligner que les études de planification et de statistique ont été réalisées par des consultants nationaux bien avisés et non par des étrangers.

Que révèle l’analyse diagnostique des systèmes de la planification et de la statistique du Bénin ?

Au nombre des forces identifiées au niveau des secteurs de la planification et de la statistique, on note l’existence d’un cadre institutionnel encourageant la transparence et la promotion des droits, d’un plan de développement communal au niveau de chaque commune, d’un guide méthodologique d’élaboration des politiques et stratégies, d’un guide national d’évaluation des politiques publiques , des documents de politiques /stratégies sectorielles. L’Insae est reconnu comme structure majeure productrice de statistiques ; il y a un système national d’information basé sur les statistiques sectorielles et une volonté politique affirmée du gouvernement de disposer d’un système plus efficace, à travers la création et le fonctionnement du Conseil national de la statistique (Cns). Des progrès sont également enregistrés au niveau de l’harmonisation des statistiques des secteurs réels (indices de prix, comptes nationaux).
En revanche, des faiblesses ont été mises en exergue pour pouvoir corriger au fur et à mesure. Il s’agit, entre autres, de la faible utilisation des données pour la prise de décision, la non-disponibilité des données en temps opportun, l’inexistence d’un système de gestion des informations sur l’aide au développement, la faible intégration de la notion de redevabilité dans l’enseignement professionnel, le faible financement des activités de la statistique. A cela s’ajoutent l’insuffisance de ressources humaines et matérielles, l’inexistence de données dans certains secteurs clés, le faible partenariat entre les producteurs et les utilisateurs, l’absence d'une politique de communication et de diffusion des données.
En termes d’opportunités, il a été relevé la disponibilité de la Société civile à maintenir un état permanent de veille citoyenne, des dispositions constitutionnelles en faveur de la planification locale, des institutions de la planification du développement local mises en place en 2003. Il y a également l’opérationnalisation des Objectifs du développement durable (Odd), l’existence d’appui budgétaire des partenaires techniques et financiers (Ptf) pour les activités statistiques, l’adhésion à l'initiative « Open data » (plateforme ouverte de données) et la mise en place du « Data portal » de la Banque africaine de développement (Bad) accessible sur le site internet de l'Insae.
Comme menaces, il a été constaté la fragilité du Bénin sur les plans économique et social, l’absence de sécurisation du financement des activités statistiques et le risque d’externalisation des activités statistiques en raison de la diminution progressive des cadres de l’Insae.

Quels sont les éléments clés de la stratégie proposée au Bénin pour l’intégration de la redevabilité dans la planification du développement ?

La vision définie est de renforcer le management de la performance par la redevabilité et la responsabilisation à tous les niveaux à l’horizon 2025. La mise en œuvre de cette vision passe d’abord par l’amélioration de la qualité des politiques de développement par l'intégration de la redevabilité qui sous-entend le renforcement des capacités des Inp dans l’internalisation des cadres de responsabilisation et de prise de décisions fondées sur les faits ; le renforcement des capacités des Ins dans la collecte, la compilation et la production des données. Et c’est l’objet de l’atelier qui se tient depuis lundi 9 et ce, jusqu’au 20 septembre à Cotonou.
Après cela, il s’agira de coordonner et de gérer le système de redevabilité dans l'action publique à travers l’assurance du pilotage institutionnel du système, l’intégration des principes de la redevabilité dans les modules de formation et la mise en place d’un Système d’intervention de gestion de la redevabilité.
L’autre pilier est relatif à l’amélioration de l’accessibilité et de la qualité de l’information pour la gestion des politiques de développement. Ce sera à travers l’accessibilité de l’information statistique sur toutes les étapes du cycle de gestion des programmes/projets de développement, le renforcement de la qualité du système de traitement et de diffusion des informations statistiques sur la gestion des politiques, des programmes et des projets de développement.
A la fin de ce projet, nous nous attendons à ce que le Bénin, en tant que l'un des cinq pays pilotes, soit en mesure de contribuer à élever le niveau de la redevabilité dans les pays africains en mettant en exergue ses propres pratiques exemplaires dans le domaine.


Claude Urbain PLAGBETO
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