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Dégradation des écosystèmes à Abomey-Calavi : Djonou, au-delà d’une crise superficielle

Publié le jeudi 24 octobre 2019  |  Fraternité
Inondation
© aCotonou.com par DR
Inondation sur l`axe Cotonou-Calavi à la hauteur du Pont de Djonou
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Deux semaines après l’immersion de l’axe Cotonou-Calavi à la hauteur du Pont de Djonou, à Godomey, la situation revient progressivement à la normale. Cependant, il faut bien plus que des déviations. Des mesures sont indispensables contre l’ensablement du cours d’eau, aussi bien en amont, en aval, puis contre l’occupation anarchique de la rive.
Un tant soit peu, les usagers retrouvent soulagement. Les travaux enclenchés le mardi 22 octobre 2019 pour dévier les eaux dans la baie du lac, en aval du pont de Djonou en est pour beaucoup. « On aurait dû le faire depuis, même avant la saison des pluies et on n’aurait pas vécu tout ce calvaire », déplore Germain A, la trentaine, un conducteur de taxi-Moto. Cependant, la mesure est pour le moment précaire. Elle ne serait que pour régler superficiellement un problème pour du moins reporter d’autres dégâts à la prochaine saison des pluies. Même le Ministre des transports et des infrastructures en est conscient. « Nous allons voir comment dégager le lit du cours d’eau pour favoriser l’écoulement des eaux. Il y a des gens qui ont fait obstruction à l’eau. Il y a tout ça qu’il faut dégager, refaire le lit pour favoriser l’écoulement du cours. L’eau est détournée un peu de son lit », a-t-il laissé entendre au cours de sa descente sur place, en début de semaine.

Première erreur
Primo. Le problème se trouve dans la non prise en compte de certains facteurs dans la construction de l’ouvrage. Sans pour autant être des techniciens, des usagers insistent sur le fait que le pont repris, il y a moins d’une décennie devra aller au-delà de sa limite actuelle. Une thèse confirmée par un technicien qui a requis l’anonymat. « En réalité il aurait fallu en son temps relever le niveau de la voie depuis le carrefour Togoudo jusqu’au pont et là, mettre des buses pour permettre la traversée de l’eau au niveau où ça vient sur la voie ». On aurait dû. Mais, dans ce cas, les populations installées de part et d’autres devraient bouger. Et c’est ce qu’on a visiblement manqué de faire, la seconde erreur donc.

Deuxième erreur
« Pendant longtemps, j’ai dénoncé l’occupation illicite des bords du chenal du Djou (le vrai nom du bras reliant les anciennes lagunes Linhouin, Sodo, le ruisseau To, Godogoue et le lac Nonhoue). C’est cette occupation illicite qui justifie l’étroitesse de l’exutoire de toutes ces masses d’eau qui s’échelonnent depuis l’entrée de Ouidah à l’ouest jusque dans le lac », s’offusque Professeur Michel Boko, environnementaliste. Le Co-Prix Nobel de la Paix pour le compte du Giec pense aussi que cet exutoire aurait dû être élargi jusqu’au carrefour de Togoudo. « Toutes les occupations illégales des deux côtés devraient être détruites, conformément aux textes en vigueur au Bénin. En 1990 déjà, ce secteur avait connu le même fléau. On connaît les causes, on connaît aussi la solution, mais on n’a ni le courage, ni la volonté d’agir », fulmine-t-il. Mais, ce n’est pas tout. En poursuivant nos recherches le long de la lagune, il est constaté un comblement du cours d’eau.

Troisième erreur
Pourquoi un comblement ? Pour certains riverains, il faut rechercher la cause en amont. Il y a visiblement comblement du lit fait des habitations et des constructions proches de l’exutoire. Mais pour d’autres, le volume de sable utilisé successivement pour de nombreuses tentatives de liaison entre Womey et Cocotomey pourrait aussi y avoir joué un rôle. « Pour ce que je sais, c’était au temps de Kérékou, que des génies civiles ont été commis pour la construction de la voie. Les gens pensaient que c’était si facile après leur étude. Lors des travaux, ils amenaient du sable pour charger afin de relier l’autre bout de Womey. Au milieu du bas-fond, les sables amenés sont emportés par les eaux. C’est une profondeur de 80 m selon les informations qu’on avait eues. Le sable disparaît, donc ils n’ont pas pu joindre l’autre bout. Voyez l’année, je ne pense pas que cela ait un lien. Le cours d’eau quitte des kilomètres en amont, au-delà de Womey », déclare Adrien Malé, Chef quartier de Womey pour qui, il est aussi nécessaire de libérer le lit pour faciliter les écoulements.
Cette manœuvre aurait été reprise dans le cadre de travaux récents. Si c’est bien le cas, la situation connue ces derniers jours au niveau du pont de Godomey n’est pas anodine. « Ces matériaux que vous évoquez ne sont ni du sucre ni du sel pour dissoudre. Ils se déplacent le long du cours d’eau. Il se pourrait qu’arrivés au niveau du pont de Djonou, ils soient obstrués et se déposent à cet endroit par un phénomène de sédimentation. Dans ce cas, l’eau ne trouvera plus son chemin pour rejoindre le lac Nokoué. C’est ce qui pourrait expliquer le phénomène que nous avons constaté. Si on ne libère pas le lit du cours d’eau, l’eau qui va stagner là pendant longtemps risque de fragiliser cet ouvrage stratégique. Il faut restaurer le lit », analyse Dr Flavien Dovonou, chercheur à l’Institut national de l’Eau.

L’urgence de se rattraper
Pour avoir travaillé sur l’aquifère superficiel du champ de captage intensif de Godomey, Dr Flavien Dovonou, connaît bien le milieu et son importance. « Djonou joue un rôle essentiel dans le champ de captage de l’eau à Godomey. Depuis 1956, on a commencé par faire des forages sur le sud du plateau d’Allada. Ces forages sont faits proches de ce cours d’eau parce qu’il alimente les aquifères qui sont captés », renseigne-t-il. Un aquifère est en réalité une formation géologique qui a la double propriété de stocker l’eau et de la restituer. Ça recharge en partie Djonou qui est une eau de surface qui coule. Si quelque chose arrivait à obstruer, à combler cette lagune, il pourrait y avoir un manque d’eau au niveau des aquifères et donc éventuellement un problème d’apprivoisement en eau potable à Cotonou ».
De son analyse, on comprend que c’est un milieu assez sensible et qu’il urge de trouver des précautions pour draguer le lit. « C’est une zone qui marque la limite au niveau du front salin, limite entre l’eau de mer et l’eau douce. Actuellement, sous l’effet des pompages intensifs, l’eau salée est en train de rentrer au niveau des champs, polluant les forages. Donc, en voulant faire le dragage, il faut faire attention pour ne pas faire accélérer le phénomène. Il faut un dragage superficiel. Il faut aussi prendre des précautions pour éviter des noyades, c’est une lagune profonde », insiste-t-il. Aussi, de l’amont, il faut aussi penser à l’aval, sans endommager la pente qui facilite l’écoulement vers le lac Nokoué.

Fulbert ADJIMEHOSSOU
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