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Patrice TALON sur RFI : la situation des frontières terrestres entre le Nigeria, le Niger et le Bénin est une situation difficile

Publié le samedi 9 novembre 2019  |  Fraternité
S.E.M
© Présidence par DR
S.E.M Patrice Talon assiste à la messe de clôture de la Synode Générale de2017 à l`Eglise Protestante Méthodiste de Béthel à Porto-Novo
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Cette année a été marquée par une grave crise politique et des violences meurtrières, les élections se sont déroulées en l’absence des partis de l’opposition. Le 28 Avril, ¾ des Béninois se sont abstenus à cette élection législative. N’est-ce pas un désaveu ?
Je veux bien vous l’entendre dire ainsi. Mais un désaveu par rapport à quoi ? Par rapport à la réforme du système partisan ou par rapport à mon action globalement ? Au plan économique, politique, social, éducationnel ou un désaveu par rapport à quoi ? A ce stade, je ne fais pas cette lecture. A mon arrivée, j’ai annoncé haut et fort la réforme du pays sur tous les plans y compris les réformes politiques. Les lois que nous avons votées que ce soit sur le système partisan ou la charte des partis politiques ont été votées par le parlement sortant. Les députés qui étaient en place avant mon arrivée, ce sont eux qui voté les lois en question. Dans la mise en œuvre de ces lois comme on est en train de le constater, il s’est posé quelques problèmes. Tout le monde n’a pas été en mesure de satisfaire les exigences de la loi. On a mis la barre un peu haut il faut l’avouer.

Vous le regrettez ?
Non. Je ne peux le regretter puisque je trouve que c’est une bonne chose. La classe politique, les groupes politiques n’étaient suffisamment pas préparés à satisfaire les exigences qu’eux même ont fixées. Ça a pu donner donc lieu à des controverses. Ce à quoi nous avons assisté. Mais vous savez, quelles sont les réformes constructrices, réparatrices qui n’engendrent pas d’erreurs et des controverses. C’est pour cela que la pertinence de la réforme a été confirmée par les difficultés que nous avons eues pour mettre ça en œuvre sans histoire mais c’est derrière nous.

Ce n’est pas totalement derrière vous. Vous avez parlé d’erreur. Il y a eu des violences meurtrières très rares presque sans précédent dans le pays. Votre ministre de l’intérieur a admis que les forces de sécurité avaient utilisé des armes létales. Amnesty international affirme qu’il y avait au moins 4 morts. Aujourd’hui est-ce que vous pouvez nous dire officiellement puisque le gouvernement n’a jamais exprimé sa position, combien il y a eu de morts lors de ces troubles ?
Il y a eu des morts. Je peux vous l’affirmer. Le procureur de la République, le ministre de l’intérieur ont annoncé qu’il y a eu environ 4 morts. Vous savez, la difficulté c’est qu’il y a des gens qu’on appelle des chasseurs, des gens qui ont été mobilisé à l’intérieur et à l’extérieur du pays par des acteurs politiques. Et ces chasseurs ont tiré avec des armes sur les agents de sécurité, sur des militaires, sur des policiers et même sur des civils. Parfois la riposte de protection du bien public et de soi a amené certains agents de sécurité à faire face aux tirs de ces chasseurs. Alors les dégâts que ça a pu causer au plan humain dans un camp ou dans l’autre parfois pour dissimuler leurs actions, certains sont partis avec leurs blessés. Quand vous tirez sur des forces de l’ordre, et qu’elles ripostent, pour ne pas laisser les traces de qui vous êtes, les gens partent parfois avec les blessés. En estimant les dégâts qui ont pu être causés ici et là, je confirme que le nombre de morts pouvaient atteindre le chiffre 4. Ce que je veux faire comprendre, c’est que ce qui s’est passé relève d’une responsabilité globale. De nous tous. Je suis le premier responsable aujourd’hui.

Alors vous avez dit, après l’échec de ce projet de mandat unique, que pour la prochaine élection prévue en 2021, vous aviserez !
Oui. Ma candidature éventuelle dépend de trois choses : de ma disponibilité personnelle, de mon état d’esprit, et ça dépend de l’environnement politique dans lequel nous sommes puisque les réformes qui sont en cours tendent à renforcer le rôle des partis politiques. Le troisième facteur duquel dépend la candidature de Patrice Talon, c’est la mise en œuvre de mon action actuelle. Je suis relativement satisfait de la définition de l’action gouvernementale même si dans la mise en œuvre, il nous a fallu plus de temps que prévu. Ces trois facteurs détermineront mon choix.

Ajavon 20 ans de prison est en exil en France, du coup, votre prédécesseur l’ancien Président Soglo vous a qualifié de petit dictateur. Qu’est-ce que vous répondez à tous les Béninois qui disent Patrice Talon va être candidat et il va verrouiller la Présidentielle de 2021 ?
Ceux qui disent que je vais être candidat, c’est leur souhait. J’aviserai, je vous dirai si je serai candidat. Lionel Zinsou, Sébastien Ajavon qui ont donc été candidats, pourraient ne pas être candidats aux élections à venir. D’abord, je ne suis pas dans cette dynamique puisque je ne suis pas candidat, je ne vous ai pas dit que je serai candidat. Est-ce parce que quelqu’on a un manteau politique, que la personne soit exempte de toute faute, soit sainte et qu’elle ne puisse jamais répondre de ses fautes ? Est-ce que c’est parce que quelqu’un aura été une seule fois candidat et est vu comme un acteur politique et même un opposant politique, qu’il ne doit jamais répondre de ses actes ? Est-ce que vous voulez que la compromission aille jusqu’à ce niveau ? Vous avez parlé de Lionel Zinsou, vous avez vu circuler dans la presse de manière authentique les preuves d’une utilisation d’un prêt pour le financement de son élection. Cela a été écrit noir sur blanc de sa main. Vous voulez que quelqu’un qui déclare publiquement ‘’je prends tel montant pour financer mes élections’’ alors que la loi l’interdit. Parce qu’il n’est pas un acteur politique, lui est au-dessus de tout le monde. Si vous voulez que l’action politique soit exemplaire et qu’elle traîne les citoyens à être exemplaires chacun dans son domaine, il faut bien que ceux qui dérapent répondent de leur dérapage si non pourquoi voulez-vous que le policier, le douanier, le fonctionnaire ordinaire répondent de ce que lui, il fait ?

Il y a aussi le cas de l’ex Président Thomas Boni Yayi. Il y a eu des semaines de tension ici même à Cotonou, vous avez fini par le laisser partir à l’étranger. Alors des questions très concrètes, est-ce que vous vous êtes parlé directement et va-t-il rentrer au Bénin ?
C’est tout mon souhait que le Président Boni Yayi rentre au pays. C’est l’ancien Président du Bénin et il est désormais une personnalité particulière dans l’espace de vie au Bénin. Vous savez dans l’Union Africaine, dans la Cedeao et c’est également ma conviction, il est important que l’alternance politique soit une réalité en Afrique. Que les Présidents en exercice puissent facilement passer la main. Et c’est pour cela que quelqu’un qui a été Président de la République et qui peut être même confondu des choses répréhensibles doit faire l’objet d’un traitement particulier. C’est difficile à dire parce que j’ai dit que chacun doit répondre de ses faits et gestes mais les nations Africaines continuent de se construire. Je ne peux pas vous dire que nous avons fini de construire complétement la nation béninoise. J’ai également dans mon rôle actuel, la responsabilité de porter ma pierre à la construction de la nation béninoise. Pour peu un ancien président fasse l’objet des tracasseries fondées ou pas, une bonne partie du peuple peut mal le percevoir. Et c’est pour ça que j’ai beaucoup regretté l’implication du président Boni Yayi dans ce qui s’est passé. Je lui ai dit ouvertement et je le lui ai fait comprendre. Mais c’est du passé. Mais malgré cela, mon souhait est qu’il rentre, qu’il montre au peuple béninois que même s’il a désapprouvé la manière dont les élections se sont passées par la mise en œuvre des nouvelles lois et que cela a pu amener de la violence, nous sommes capables de tirer un trait sur cet événement difficile pour nous et que chacun dans la sagesse continue de contribuer à un environnement de paix et de développement. Le président Boni Yayi a été 10 ans président de la République du Bénin, donc responsable de notre devenir et de notre destin commun. Même s’il n’est plus dans la charge, la noblesse de la fonction continue d’être pour lui un impératif. C’est pour ça que ce serait bien qu’il rentre d’autant qu’aujourd’hui plus personne ne doit craindre la suite de son action à cause de l’amnistie. Même s’il avait des inquiétudes de l’interprétation des juges de ses actions, c’est fini.

Le 20 août dernier, le Nigéria a fermé ses frontières terrestres avec tous ses voisins également avec le Bénin. On connaît les raisons économiques notamment la lutte contre la contrebande. Mais on sait aussi l’investissement de l’ancien président Obassandjo au président Boni Yayi. Est-ce que ce n’est pas aussi à cause du traitement qui a été initialement infligé au président Boni Yayi que le Nigéria a pris cette mesure ?
Ce que vous dites est très réducteur pour le Nigéria et pour le président Bouhari. Je trouve assez curieux qu’on dise que parce que le président Boni Yayi a reçu une convocation des juges que cela a pu être une raison de fermeture de frontières. Non. La situation des frontières terrestres entre le Nigéria, le Niger et le Bénin est une situation difficile. Elle est préoccupante aussi bien pour nos populations, nos opérateurs économiques que même pour les autorités nigérianes. J’ai eu le président Buhari plusieurs fois déjà sur la question. Il est très embarrassé. Les administrations sont en train de travailler pour enfin trouver des mesures techniques qu’il faut pour que cette solution radicale ne soit pas durable. D’abord, elle ne peut pas durer pourquoi parce que nous sommes deux pays frères et quels que soit les problèmes techniques que nous reconnaissons tous, nous sommes capable de trouver une solution pour ne pas mettre un mur entre les deux peuples. Et ce n’est pas la volonté du président nigérian. Pas du tout. Et ce n’est pas non plus ma volonté et nous travaillons à cela.

Vous espérez une solution à cela pour bientôt ?
Il y aura une solution très bientôt qui va satisfaire les exigences du libre-échange entre les deux pays.

Vous êtes depuis longtemps un défenseur du franc CFA, le Gouvernement Français se dit prêt à une réforme ambitieuse de la zone franc par la voix de son ministre de l’économie Bruno Lemaire. Est-ce que vous serez favorable au transfert des réserves monétaires de la banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest dans un autre pays que la France ?
Puisque la France est notre partenaire en matière monétaire, elle assure la convertibilité illimitée du franc CFA dans le monde et à travers l’Euro. Cette réforme qui veut qu’il n’y ait plus de compte d’opération et que la banque centrale des états de l’’Uemoa ne garde plus une partie de ses réserves d’échanges auprès du trésor français, c’est une réforme souhaitée de tous y compris par le Gouvernement Français actuel et non plus le Président Français Macron. Nous sommes tous d’accord là-dessus à l’unanimité pour mettre fin à ce modèle qui en fait techniquement n’était pas un problème. Vous savez, une monnaie a deux valeurs : la valeur technique et la valeur psychologique. Cet état de chose est devenu un problème pour le CFA un problème psychologique et non technique. Les réserves d’échanges qui sont en partie logées au niveau du trésor français pour assurer la garantie de convertibilité, si c’était une partie de la réserve d’échange de la banque centrale qui était domicilié auprès du trésor français, si demain nous mettrons en œuvre, et cela va se faire très rapidement pour mettre en œuvre cette mesure, ces échanges seraient faits dans les diverses banques centrales américaines, chinoises, japonaises, canadienne et européenne…donc la banque centrale des pays de l’Uemoa va gérer la totalité de ces réserves de devises, va les répartir auprès des diverses banques partenaires dans le monde. Psychologiquement, par rapport à la vision de souveraineté de sa monnaie et gestion de sa monnaie, il n’est pas bien que ce modèle continue parce que c’est également la vision du monde.

Ce changement de domicile des réserves d’échanges de la banque centrale est pour quand ? Est-ce avant le sommet Afrique-France du mois prochain ?
Je n’ai pas à vous donner la date mais je peux vous dire que c’est déjà acté, c’est la volonté de tout le monde de le faire et d’ailleurs la France va se retirer des structures de gouvernance de la monnaie. Je vais vous dire une chose, la présence des français, des canadiens, des américains dans nos structures de gouvernance en tant qu’observateurs pour s’assurer que les pays Noirs ont une gestion efficace, transparente et digne de confiance, est une chose moi qui ne me gêne pas. C’est quelque chose qui a besoin de la crédibilité de tout le monde quant à sa gestion.

Normalement, c’est l’année prochaine que le franc CFA doit être remplacé par l’ECO par les 15 pays de la Cedeao, vous qui êtes pragmatique, croyez-vous que ce sera pour l’année prochaine ? Est-ce vraiment réaliste ?
C’est un agenda politico-économique mais les réalités de l’économie parfois sont en déphasage avec la volonté politique. Ce n’est pas évident que techniquement nous soyons prêts à rentrer dans une monnaie commune l’année prochaine.
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