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Proposition du comité des experts au sujet du financement public des partis politiques

Publié le lundi 11 novembre 2019  |  Matin libre
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Mon analyse et mes suggestions aux parlementaires



Avant de saisir ma plume et de me prononcer sur le sujet, j’ai longtemps hésité. Sans doute parce que je m’interrogeais (je m’interroge encore d’ailleurs !) sur votre réceptivité, sur votre capacité à admettre la critique, surtout quand elle provient de quelqu’un qui n’est pas de votre camp.

Toutefois, je me réclame citoyen. Et en tant que tel, je me fais l’obligation de vous saisir avant que vous ne posiez un acte qui, je l’entends ainsi, ne constitue point une avancée, mais un recul.

Vous vous apprêtez à voter une Loi sur le financement public des partis politiques, en complément des dispositions de la charte des partis politiques.

Et je voudrais espérer qu’avant de la voter, vous userez, cette fois-ci de votre droit constitutionnel d’amendement.

• Du recul au sujet du financement privé des partis politiques

L’objectif premier du financement public des partis politiques est de leur assurer une relative indépendance vis-à-vis de l’influence informelle des mécènes, donateurs, et autres ‘’légateurs’’. Dans une perspective plus pragmatique, il peut s’entendre comme une récompense à la participation effective des partis politiques à l’animation de la vie politique nationale.

Au fil des expériences législatives en la matière, il s’est révélé que l’arme la plus efficace pour atteindre cet objectif est, d’une part d’opérer une nomenclature claire des types d’apports admis à être reconnus comme un financement privé des partis, et d’autre part, d’imposer une limite dans la proportion. En France, par exemple les dons privés sont limités à 7.500 Euros par an, par personne physique. Les dons par des personnes morales y sont interdits.

Au Bénin, la loi 2001-21 du 21 février 2003 après avoir prévu la nomenclature du financement privé, disposait en son article 35 alinéa 3 ‘’Le montant des dons et libéralités actuelles (…)provenant de personnes physiques ou morales et destinés à un parti politique ne doit en aucun cas dépasser le tiers (1/3) du montant total des sources propres à ce parti.’’

En limitant au tiers de leurs ressources les apports privés aux partis, cet article comportait un grand intérêt car elle permettait de faire un grand pas dans la réalisation de l’objectif que j’ai relevé plus haut dans mon développement.

En 2018, à la faveur du vote de la loi 2018-23 du 17 septembre 2018, contrairement à ce qu’on eût pu espérer (une élévation du taux ou de la proportion), la disposition a été simplement supprimée. Désormais donc, les partis politiques peuvent recevoir autant de subsides que la volonté et la capacité de leurs bienfaiteurs le permet.

Évidemment, personne n’est dupe. Plus un bienfaiteur ‘’donne’’ à un parti, plus il peut agir dans l’ombre pour influencer les décisions en son sein.

Ceci, dans un esprit contraire à celui qui a prévalu à la mise en place du financement public des partis politiques.

Un infime espoir était demeuré quant aux propositions du Comité d’Experts qui s’est penché sur le toilettage des textes, mais là encore, l’idée n’a pas prospéré. Les dispositions ont été reconduites. Le recul a été validé.

• Des avancées possibles en matière de financement public des partis politiques

De la proposition du comité d’experts au sujet du financement des partis politiques, notamment en son article 7, on retient que ‘’le montant total annuel du financement public aux partis politiques est réparti entre les partis éligibles, au prorata des députés élus sur leur liste’’.

Ainsi, la principale condition proposée pour bénéficier d’un accompagnement financier de l’État est d’avoir de députés au parlement.

À première vue, cela peut sembler légitime. Mais le contexte béninois, fait d’assemblée nationale monocolore, de décentralisation, d’exercice de la démocratie à la base, est tel que l’idée me paraît perfectible. Pour deux raisons.

En premier, les niveaux d’animation de la vie politique. Ma remarque à ce niveau est que contrairement à l’esprit qui semble prévaloir à la rédaction des textes, tendant à faire croire que ‘’les réformes’’ ne doivent être implémentées que directement au niveau national (représentativité des femmes au parlement, financement public des partis représentés au parlement, etc.), la vie politique s’anime aussi aux niveaux local et communal, par des partis qui n’ont pas forcément la même envergure que les autres. Mais qui, par leur action, contribuent à l’enracinement du processus de démocratisation dans les communes. Dans des États d’Afrique, une part du financement public destiné aux partis est réservée à ceux ayant des élus communaux ou locaux. Au Tchad, en plus du montant forfaitaire de cinq millions systématiquement alloués à chaque parti, depuis 2009 35% du montant global du financement public est réservé aux partis ayant des élus communaux. Au Burkina Faso, le législateur est allé plus loin en choisissant d’accompagner les partis dans le financement de leurs campagnes électorales (législatives ou municipales), c’est-à-dire avant que la notion d’élu n’intervienne (cf. rapport sur le Financement des partis politiques dans l’espace francophone, présenté par Jean Rousselle et Gérard Bila SEGDA, 2014).

Le second argument a trait au contexte actuel de notre pays marqué par un sentiment d’exclusion et d’injustice né des dernières législatives auxquelles n’ont pu participer que deux partis, tous de la mouvance. La conséquence est qu’avec cette proposition, seuls le Bloc républicain et l’Union Progressiste se partageraient la manne qui représente 0,30% de 1862,918 milliards de francs CFA (budget exercice 2018). Évidemment, au lieu d’être une des panacées censé ressortir du dialogue politique, cette disposition n’est en réalité qu’une nouvelle bassine d’eau au moulin de la crise politique qui prévaut.

Contrairement à la première partie de mon développement, vous pouvez encore agir en amont le vote n’a pas encore eu lieu. La Constitution, même révisée, vous permet toujours d’amender toute proposition ou projet de loi soumis à votre examen.

Ma proposition est, simplement, au lieu de réserver la totalité du financement public aux seuls partis présents au parlement, de le répartir comme suit :

• 50% aux partis ayant des députés au parlement, au prorata des députés élus sur leurs listes ;

• 30% aux partis ayant des élus communaux, en conservant le même principe de répartition;

• 10% aux partis ayant des élus locaux, en conservant le même principe de répartition;

• 10% aux partis ayant des élues femmes (députés et conseillers communaux et locaux), en conservant le même principe de répartitions.

Cela peut sembler irréaliste comme proposition, mais dans le contexte qui est le nôtre, il s’agit non pas de protéger ses intérêts, mais de tendre la main aux autres acteurs de la crise pour redonner confiance au peuple et décrisper l’atmosphère.

Je veux croire que cela vous aidera dans votre tâche.

Bénilde AKAMBI

Secrétaire général du Gouvernement des Jeunes du Bénin (GJB),

Membre de la 4e promotion de l’École politique du NIMD-Bénin
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