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Gustave Assah à propos de la création de la Cour des comptes: « C’est un acte qui rassure sur la volonté d’éradiquer la mafia économique»

Publié le vendredi 15 novembre 2019  |  La Nation
Gustave
© Autre presse par DR
Gustave Assah, président de Task Force Citoyenne de la CEDEAO
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Par Kevin Noumonvi,

Cheval de bataille des Organisations de la Société civile depuis quelques années, la Cour des comptes est devenue réalité à l’avènement de la Loi N°2019-40 portant révision de la loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, le 31 octobre dernier. Coordonnateur de la Task-Force citoyenne de médiation de la Cedeao pour la gouvernance, la démocratie et la paix, Gustave Assah y voit une avancée en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. A travers cette interview, il analyse les différents contours de cette décision.
La société civile a appelé de tous ses vœux la création de la Cour des comptes. La Loi N°2019-40 portant révision de la loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin l’a consacrée, le 31 octobre dernier. Quels commentaires en faites-vous, en votre qualité de responsable d’organisation de la Société civile ?

Nous notons qu’il y a des dispositions sur lesquelles tout le monde ou presque s’accorde. Parmi elles, celles que nous saluons à la coordination de la Task-force citoyenne de médiation de la Cedeao pour la gouvernance, la démocratie et la paix, sont celles consacrant la Cour des comptes au Bénin.

La Cour des comptes est-elle, selon vous, une avancée en matière de gouvernance financière ?

Absolument ! C’est une avancée notable en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. La création de la Cour des comptes (articles 134-1 à 7 de la loi fondamentale modifiée) permet de sortir le Bénin de la queue de peloton des pays n’ayant pas cette Cour qui est un instrument de reddition de comptes.
En effet, la Cour des comptes est une institution recommandée par l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) à travers la directive N°02/2000 du 29 juin 2000 portant adoption du code de transparence dans la gestion des finances publiques, qui a toujours fait l’objet de plaidoyer et de lobbying dans nos actions. Cette directive édicte notamment qu’« Il n’y a pas de bonne gestion des finances publiques sans un contrôle a posteriori efficace dévolu à une juridiction financière indépendante et dotée de pouvoirs et de capacités d’investigation étendus. Les États membres devront créer des Cours des comptes autonomes au plus tard le 31 décembre 2002 ».
Vous notez avec moi que le Bénin a mis plus de 19 ans pour mettre en œuvre cette directive de l’Uemoa. Et, il n’est jamais tard pour bien faire. Car, la Cour des Comptes est la plus haute juridiction en matière de redevabilité, de transparence financière et de la bonne gouvernance. Le juge des comptes a trois missions fondamentales. Il assure l’efficacité de la reddition de comptes par les gestionnaires publics ; contrôle l’utilisation des fonds publics, applique les sanctions le cas échéant ; et informe les citoyens sur l’utilisation des fonds publics.
En langage plus simple, cela revient à comprendre que les gestionnaires publics doivent rendre compte de leur gestion. Dans l’ordre administratif, la Cour des comptes est chargée principalement de contrôler la régularité des comptes publics, de l’État, des établissements publics nationaux, des entreprises publiques, de la sécurité sociale, ainsi que des organismes privés bénéficiant d’une aide de l’État ou faisant appel à la générosité du public.
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Alors, que peut-on attendre d’une telle Cour ?

La création de la Cour des comptes doit favoriser une gestion transparente des ressources financières. Elle doit viser à professionnaliser le contrôle externe des finances publiques et contribuer ainsi à la lutte contre la mauvaise gestion, le gaspillage, la corruption, le détournement des ressources publiques et renforcer le Système national d’intégrité (Sni).
Cette Cour est un instrument qui fixera tous les Béninois sur la santé de nos finances publiques. Toutes choses qui ne pouvaient se faire dans le contexte institutionnel de la Constitution du 11 décembre 1990. Les anciennes dispositions de l’article 134 de la Constitution postulent que le juge des comptes béninois est un magistrat (judiciaire) ou un juriste de haut niveau ; ce qui n’est pas de nature à fournir à la juridiction financière les compétences pour effectuer efficacement l’apurement des comptes et l’audit publics.
Sa création à travers la modification de la Constitution du 11 décembre 1990 est un acte qui rassure sur la volonté d’éradiquer la mafia économique, le gangstérisme financier et la fuite des capitaux. Ses dispositions permettent d’espérer à terme une bonne Cour des comptes telle que l’ont envisagé les différents comités techniques consacrés à la question. La Cour des comptes aura un impact positif sur la qualité des lois de règlement définitif des lois des finances. Les notes du Bénin en matière de transparence budgétaire seront améliorées.
En effet, nous pourrions en particulier envisager une institution juridictionnelle constitutionnelle indépendante de l’Exécutif, du Législatif, et du Judiciaire. Ainsi, il est envisageable un corps particulier pour les magistrats de la Cour des comptes. Pourquoi pas l’institution d’un Conseil supérieur de la magistrature financière distinct du Conseil supérieur de la magistrature.


Doit-on déjà envisager un Bénin où la transparence financière et la reddition de comptes sont de rigueur ?

L’institutionnalisation de la Cour des comptes n’est qu’une étape d’un long processus pour la mise en place d’une juridiction financière efficace voire moderne. L’expérience a montré que 10 ans après la réforme constitutionnelle, certaines Cours des comptes créées dans l’espace Uemoa sont restées non installées et d’autres peinent à démarrer.
C’est pourquoi, il est vraiment judicieux d’adopter un plan d’action qui inclut les procédures administratives consacrées en vue de l’adoption par le parlement d’une loi organique relative à la Cour des comptes, une loi fixant les règles de procédures applicables devant la Cour des comptes, une loi portant statut des magistrats de la Cour des comptes et une loi fixant les règles relatives au Conseil supérieur de la magistrature financière.

Quelles perspectives entrevoyez-vous ?

Étant donné que la création de la Cour des comptes est un sujet qui a fait l’objet de lobbying pendant longtemps par les Organisations de la Société civile, je voudrais qu’en application effective de la Constitution, le chef de l’Etat désigne des juges véritablement indépendants, que les actifs de la Chambre des comptes de la Cour suprême soient transférés à la Cour des comptes et que cette nouvelle juridiction soit pourvue de personnel technique et compétent de manière à ce que le président soit un magistrat ou juriste financier, fin connaisseur du domaine. Aussi, faut-il former des juges spécialisés en matière financière pour plus d’efficacité de la Cour.
Voter diligemment les lois pour le fonctionnement effectif de cette Cour. Aussi, la mise en place d’un corps de la magistrature financière à travers le recrutement par concours ouvert à tous les Béninois ayant le profil rendrait cette réforme constitutionnelle efficace et efficiente. Toutes choses qui rendraientt effective la lutte contre la corruption à travers le contrôle permanent et efficace des finances publiques.
Enfin, il faut vulgariser par tous les moyens les dispositions instituant la Cour des comptes, puis donner les ressources nécessaires et suffisantes à l’institution à l’opérationnalisation.
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Que diriez-vous en guise de conclusion ?

Pour conclure, je voudrais attirer l’attention sur la complexité et l’étendue des actions à mener en vue de la mise en place effective d’une Cour des comptes au Bénin, nécessitant une attention particulière, mais surtout des actions courageuses à travers un chronogramme diligent.
Il y a lieu d’abord, s’inspirant des travaux déjà réalisés, de décliner de façon proactive tout le processus et de consacrer une équipe légère et compétente à la mise en œuvre des actions.
Il faudra aussi et surtout, comme a été le cas pour le Sénégal qui a mis en place sa Cour des comptes en l’an 2000, prévoir au niveau des autorités au plus haut niveau (chef de l’État, garde des sceaux, ministre de la Justice et de la Législation, ministre des Finances, etc.) un mécanisme de levée des goulots d’étranglement et de plaidoyer avec la complexité des actions à mener, le risque existe que l’effectivité du démarrage des activités de la Cour s’étende sur plusieurs années. Cependant, le leadership des acteurs politiques au plus haut niveau pourrait favoriser l’installation diligente de la Cour des comptes.
Pour finir, je voudrais que cette loi modificative apporte plus de paix que de division à la nation.
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