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Fraternité N° 3487 du 20/11/2013

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Guillaume Adouvi, auteur, éditeur de livre à propos de la politique du livre au Bénin : "Les livres d’éditeurs français au programme scolaire, coûteraient entre 30 à 40 milliards au Bénin, chaque année"
Publié le mercredi 20 novembre 2013   |  Fraternité




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Nous sommes allés à la rencontre de Guillaume AdouvI fondateur Ibidun Africa qui nous a chaleureusement reçu dans le premier pôle Culturama du Groupe Adouvi au Bénin, une librairie dite de proximité située au Stade de l’Amitié de Kouhounou. Vous l’avez compris, Guillaume Adouvi est auteur, éditeur, diffuseur et distributeur de livres. Il est présent sur le marché français de l’édition avec les éditions Ibidun. Il est également présent sur les marchés béninois et africain avec les éditions Lpl. Il a décidé depuis le mois dernier de localiser la production de ces deux maisons d’édition, qui opèrent désormais en coédition au Bénin, afin de favoriser, dit-il, l’industrie locale et la réinsertion des jeunes diplômés dont il espère que les enseignants et les formateurs vont orienter la formation vers les métiers de la chaîne du livre pour une production de qualité. Il croit dur comme fer que les potentialités offertes par le secteur de l’édition, en particulier, et la chaîne du livre, en général, pourront offrir de grandes chances d’un développement harmonieux, équitable et durable au Bénin.

Quelle lecture faites-vous de l’environnement culturel béninois ?
Le Bénin a un extraordinaire potentiel culturel dans la mesure où l’offre de produits culturels est large et diversifiée, comme dans tous les pays d’ailleurs. Mais dans le nôtre, en particulier, on éprouvera plus le besoin de créer des structures de renforcement des capacités pour les acteurs culturels.
Le développement de l’environnement culturel incombe principalement à l’Etat, aux collectivités territoriales et aux acteurs culturels eux-mêmes. Mais d’abord, c’est à l’Etat de jeter les bases d’une vraie politique culturelle et d’en imposer le respect des règles à tous.

Quel lien existe-t-il réellement entre culture et développement ?
D’abord, il faut admettre que le développement dans notre pays devrait être un tout indissociable, une œuvre cohérente et globale qui doit s’inscrire dans la durée et dans la régularité, et dont toutes les composantes seraient solidaires et interdépendantes, et, où toutes les dimensions : économique, politique, sportive, culturelle, sociale, etc… évolueraient de manière concomitante. Cela éviterait de reléguer en arrière-plan certains pôles indispensables du développement tout court, qui ne saura être atteint en marginalisant ses interdépendances.
Ensuite, la culture, en tant que réalité transversale, est une source privilégiée de l’éducation, faisant de celle-ci un de ses reflets indéniables, elle est sans conteste un outil original de développement, puisqu’elle en fournit la substance. Mais pour être efficace, toute politique culturelle doit avoir des ramifications territoriales, locales et extra territoriales à travers les légations diplomatiques car les flux migratoires et regroupements communautaires ou replis communautaristes favorisent l’expression et la vitalité de la culture d’un pays, loin de ses terres, par ses ressortissants. C’est pour ces raisons que dans certains pays on associe le pôle culturel sous la triple gestion du ministère de la culture, du ministère des affaires étrangères et du ministère de la décentralisation en charge des collectivités territoriales – villes, départements, régions, préfectures -. Donc, il y a une étroite collaboration à tisser entre les différents ministères même si le fourniment des experts culturels devra échoir au ministère de la culture. Le pôle culturel des légations diplomatiques béninoises ne peut être en déphasage avec l’offre culturelle réelle de l’intérieur du pays, et devrait être géré par un expert culturel non diplomate. A chacun son métier. C’est pareil pour la gestion du pôle touristique qui doit vendre depuis l’étranger la destination Bénin, l’image et le savoir-faire béninois. Même si ce professionnel des questions touristiques pourrait, à défaut, être abrité dans un local diplomatique, il demeure un non diplomate et devra toujours répondre de son ministère de tutelle.
Enfin, la "reliance" entre culture et développement est incontestablement l’instruction qui réduit mieux la pauvreté et l’analphabétisme que le pétrole et toutes les ressources minières, matières agricoles et les activités commerciales, financières et portuaires souvent priorisées au détriment de la culture. La culture est dite de développement et, ou de paix, lorsqu’elle consolide l’unité nationale et garantit la paix grâce au renforcement des brassages et des échanges culturels intercommunautaires et interrégionaux.
Il n’y a pas de culture sans éducation ni instruction et vice versa. Là par contre, la reliance peut-être pédagogique ou didacticielle. C’est la raison pour laquelle une attention particulière doit être portée sur les choix à opérer lors de la sélection des livres à introduire au programme scolaire. C’est là que se situe en priorité le principal apport de la culture à l’éducation et au développement. La sélection ou la conception des manuels et cahiers d’activité au programme scolaire est un gros business culturel avant tout, et c’est cet apport fondamental de la chaîne du livre à l’Education qui converge vers le développement attendu.
Une récente étude internationale réalisée au Cameroun, et rapportée par La voix de l’Amérique, faisait état de ce que l’Etat camerounais dépensait chaque année, avec l’importation de livres au programme scolaire, 40 milliards de francs Cfa au profit des éditeurs de livres français. On peut supposer que ces mêmes livres d’éditeurs français au programme scolaire au Bénin, coûteraient 30 à 40 milliards, chaque année au pays. C’est cette bagatelle de 40 milliards de francs que nous allons essayer de capter chaque année ici, en concevant nous-mêmes les livres au programme scolaire, avec l’aide de nos chercheurs, enseignants et pédagogues.
La culture, l’éducation et la recherche scientifique et fondamentale en s’intégrant dans une politique cohérente d’intégration de culture créeront forcément de la richesse pour le pays.

Une autre politique de sélection des manuels au programme scolaire est alors possible ?
Oui. Nous pouvons nous aussi énvoquer l’exception culturelle, en introduisant un quota de livres nationaux et d’auteurs nationaux dans ces programmes.
Le ministère de l’enseignement supérieur a une direction technique qui s’appelle, je crois : Direction Nationale de la Recherche Scientifique et Technique, dirigée par Madame Adotevi auprès de laquelle le ministre d’Etat Abiola François, un très grand homme de culture, m’avait orienté après notre audience sur le projet de développement de livres scientifiques et d’un grand salon du livre à Cotonou. Eh ben, cette Dnrst peut très bien être associée au Cnl (Centre National du livre), une Direction technique à créer au sein du ministère de la culture, et autres Directions compétentes des autres ministères en charge de l’enseignement pour piloter un pôle de programmes. Les éditeurs nationaux comme étrangers auront juste à répondre à un appel d’offres pour être sélectionnés et se voir céder des droits d’auteurs sur les programmes et ouvrages développés pour un certain temps de concession. Cela se fera dans le cadre d’un partenariat public-privé.
Je ne vais pas être trop long. Je suis obligé de vous renvoyer à mon livre à paraître, en coédition Ibidun-LPL, en décembre 2013, qui s’intitule : ‘’La rénovation de la République et le développement local au Bénin : deux grandes ambitions à reconquérir pour la prospérité partagée’’.

Le président de la République a porté en 2008 la dotation culturelle au milliard de francs. Que vous inspire ce montant, la gestion qu’en fait le Fonds d’Aide à la Culture ?
Je me souviens avoir salué cette initiative par un article publié sur sikainfo, cyberjournal dont j’étais le directeur de publication. Ne nous leurrons pas, c’est bien l’aboutissement du combat mené par le monde artistique (dominé outrancièrement par des musiciens avec en tête : Sagbohan Danialou, Nel Olivier, Tohon Stan et bien d’autres) qui a fait bénéficier tout le secteur culturel de ce « milliard culturel » en 2008. Aussi, la volonté politique du ministre Soumanou Toléba y était pour beaucoup dans l’avènement de ce « milliard culturel ». Je salue et remercie toutes ces sommités dans l’aboutissement de cet épique combat ! Ce fut une impérieuse question de réorganisation de tout l’appareil culturel du pays, enfin qu’elle s’ouvre et s’exporte, dans une large mesure, la culture béninoise.
Je pense, toutefois, que la gestion de ce fonds devrait être plus axée. Il faut investir exclusivement dans les structures de renforcement des capacités des acteurs culturels eux-mêmes.
Le monde littéraire, qui fait partie de la chaîne du livre, pôle intellectuel et industriel à forte potentialité de rentrée de devises mais injustement ostracisé dans la gestion du « milliard culturel », ne devrait rien avoir avec la Direction du Fonds d’Aide à la Culture (Dfac), il devrait répondre et obéir à une vraie politique du livre et de la promotion de la littérature confiée au Centre National du Livre (Cnl) à créer. Ceci est mon opinion.

Si je vous comprends bien, il ne vous semble pas exister une politique de promotion de la littérature digne de ce nom au Bénin ?
En tout cas, pas une politique nationale de promotion de la littérature. Non. Même s’il y a le Fonds d’aide à la culture où siègent un administrateur culturel et un ou plusieurs experts littéraires. Cela est loin d’être représentatif du cœur métier de la chaîne du livre.
Donc, concevez que le collège de professionnels : éditeurs, libraires, diffuseurs et distributeurs, susceptible de détecter les bons projets publiables, diffusables, distribuables et vendables ne figure pas et ne siège pas au Fonds d’aide à la culture dont la vocation actuelle reste de subventionner des œuvres sans trop se soucier de leur bancarisation ni de leur qualité parfois.
D’ailleurs, ces œuvres sont rarement distribuées par les professionnels. Résultat, une fois édités, les ouvrages sont remis directement à leurs auteurs qui se retrouvent contraints à les vendre eux-mêmes, main à main ; certains les offrent aux proches pour faire de l’auto-promotion... Il faut que ce système soit repensé, dans une politique globale de soutien à l’écriture, de la promotion de la lecture, de l’amplification et de l’accompagnement des mesures prises en faveur de la gratuité de l’école par le Chef de l’Etat, de la promotion de l’insertion des jeunes et du développement économique du Bénin, etc.

Cette idée d’organiser un grand salon du livre qui a pris corps l’année dernière, qu’en est-il aujourd’hui ? Aurions-nous la chance de voir se tenir en 2014 au Bénin cette foire du livre ?

Je n’en sais trop rien. J’ai été reçu en audience le 7 mars 2013 par le ministre de la culture, Monsieur Abimbola Jean-Michel, qui était assisté du Secrétaire général de son ministère, du tout nouveau Dfac Monsieur Blaise Tchétchao et de la désormais ex Dnpl, madame Marie-claire Sossouhounto. Nos échanges étaient empreints de grandes confusions. Il était question d’organiser la première édition d’une manifestation littéraire d’envergure internationale, une foire du livre qu’on pourra instituer en biennale à l’instar de la Fildak de Dakar, au Sénégal. Ce qui nous permettra de faire la promotion de la production littéraire locale, de créer un pont entre la production littéraire, la recherche et développement afin de favoriser la conception de manuels scolaires à produire localement et à moindre coût pour soulager les parents d’élèves. Et de mieux faire connaître notre pays à l’étranger en ouvrant cette foire aux professionnels étrangers de la chaîne du livre. Le ministre, après m’avoir écouté lui exposer le projet, m’imposa deux conditions, que sont : reculer l’évènement, initialement prévu pour se tenir en juin, de six mois. Aucun problème. On était au mois de mars, j’ai obtempéré, je l’ai recalé sur octobre 2013.
La deuxième condition posée ou contrainte évoquée était que : le Bénin ne prendra part à l’organisation de ce salon du livre que si tous les partenaires financiers traditionnels y sont représentés et y contribuent financièrement. Là, je vous avoue que les bras m’en sont tombés. Gbèm ! Donc nous-mêmes, ici au Bénin, nous ne pouvons rien faire pour notre bien-être ! Ainsi, ce sera toujours aux autres de faire notre bonheur à notre place ou nous indiquer les voies et moyens pour atteindre le bonheur.

Qui sont ces partenaires auxquels il faisait allusion ? Et quelle est la contribution financière attendue du gouvernement béninois ?
Ce sont, selon ses propos, l’Union européenne et les ramifications diplomatiques et institutionnelles internationales habituelles.
Je vais être clair avec vous. J’ai commencé à travailler sur ce projet de salon du livre en mars 2012, pendant le salon du livre de Paris. J’ai réussi à fédérer quelques acteurs de la chaîne du livre et des personnalités à compétence avérée autour de ce projet.
Le coût de cette manifestation a été évalué à environ 68.000.000 F Cfa. J’avais réussi à collecter 17.000.000 F Cfa de promesses de dons de la part de partenaires institutionnels et professionnels français sur leur budget de 2013, donc depuis perdus. En tant que porteur de projet, je proposais un apport de 4.000.000 F Cfa dons de mes différentes structures française et béninoise. Des aides diverses, d’un montant d’environ 6.000.000 fcfa, avaient été sollicitées auprès de la Mairie de Cotonou qui n’a jamais réagi, pis, on apprendra plus tard que la lettre de demande adressée à Monsieur le Maire de Cotonou, quoique enregistrée, n’a pu être l’objet d’un quelconque suivi car perdue dans les couloirs de la Mairie. Et pourtant, c’est la ville de Cotonou qui sera la première bénéficiaire des retombées directes de cette manifestation d’envergure internationale, dont les nouvelles de l’organisation ne parviendront malheureusement pas au Maire par le canal officiel, non pas à cause d’une pagaille administrative mais juste à cause, peut-être, de la négligence d’un agent.
Il est, toutefois, à signaler que des entreprises publiques et privées béninoises ont été démarchées pour un sponsoring et n’attendent que d’être relancées, là au moins c’est promettant. Aussi, un important partenaire institutionnel français établi au Bénin, avait promis des dons divers évalués à 5.000.000 fcfa que nous souhaitons toujours recevoir et utiliser à cette fin d’organisation. Nous avions sollicité en dotation publique auprès du ministre de la culture la somme de 30.000.000 de F Cfa, ce dernier nous avait orientés vers ses services techniques compétents : Dfac, Dpac, Dnpl. Nous nous sommes arrêtés à la Dfac, l’aile financière du « milliard culturel », car son Directeur nous avait spécifié que sa Direction ne pourra décaisser un tel fonds que dans le cadre d’une procédure d’appels à candidatures pour gros projets. Il nous a alors conseillés le dépôt d’un dossier ‘gros projets’ pour avoir de quoi mettre sur pied le secrétariat devant organiser ce salon, ce que nous avons fait. Autre chose, nous devons nous rencontrer avec les autres directions techniques citées supra pour préparer une communication en conseil des ministres. Donc, nous attendons toujours la suite. C’est le gouvernement béninois qui devrait en principe financer entièrement cette opération de promotion littéraire et touristique du pays, à l’instar de ses homologues sénégalais, ivoirien et marocain. J’espère que nous aurons un jour un grand salon international du livre. L’état de léthargie de la littérature béninoise, le désert du livre, l’absence de manifestation culturelle d’envergure internationale sur la place cotonoise, tout ça constitue une très grande honte pour notre pays. Et la honte du Bénin partout dans le monde, c’est ma honte personnelle aussi.

Quelles dispositions doivent prendre les opérateurs professionnels et les pouvoirs publics béninois et africains en vue d’aider le livre africain à mieux s’exporter et circuler au-delà de nos frontières et notamment en France ?
On a tout le potentiel sur place pour le ‘’take off’ de la littérature et de la chaîne du livre. Il faut juste que les professionnels de la chaîne du livre que sont : les éditeurs (avec tout le corpus éditorial, artistique et marketing, la composition et la fabrication), les imprimeurs (eux, doivent garantir les conditions professionnelles d’impression afin qu’on évite les imperfections souvent malheureusement constatées et qui rendent davantage pauvre et orphelin le livre africain), les libraires, les diffuseurs, les distributeurs et autres bibliothécaires et médiathécaires soient étroitement associés aux processus de conception et de la mise en place de la politique du livre et de la promotion de la littérature. Je pense à l’édification du Centre National du Livre (Cnl) afin de permettre un vrai partenariat public-privé avec une double participation de l’Etat : en subvention et en prêts remboursable, à un très faible taux, aux professionnels légalement établis ; à l’élaboration d’une charte professionnelle de la chaîne du livre ; à la conception d’un label qualité ‘’livre béninois’’, au seul niveau de notre pays. Mais le concept de label qualité pourrait être étendu à toute l’Uemoa et à la Cedeao, et pourquoi pas aussi à tout le réseau francophone africain sur les pas d’Afrilivres et de l’Oif. La profession sera ainsi ordonnée et disciplinée, les productions littéraires respecteront mieux les exigences éditoriales. Par conséquent, le livre béninois et le livre africain pourront mieux circuler et s’exporter hors de nos frontières. Les opérateurs qui sont déjà sur un marché et sont tentés d’aller sur un autre pour se développer pourraient instituer des accords : coédition, diffusion, distribution, etc. avec leurs homologues locaux. Toutes choses que nous faisons déjà entre les sociétés de notre Groupe.

Cette idée de coédition est un vrai coup de poker, en somme. Quel regard pensez-vous qu’ils portent sur vous, vos concurrents nationaux : éditeurs, libraires et distributeurs de livres ?
En effet, la coédition permet d’optimiser les chances de pénétration du marché de l’autre maison d’édition. Quand je produis en Afrique ou pour le marché africain, je peux tenir compte du lectorat et des réalités et spécificités locales, le pouvoir d’achat aussi.
J’offre la même chance à tous mes confrères béninois et africains qui ne sont pas et ne peuvent être présents sur le marché français et européen. Je me propose de les référencer dans mon offre personnelle de catalogue à présenter dans les réseaux professionnels français. Là, je peux être un coéditeur, un diffuseur ou un distributeur. Les pratiques métiers ont fixé des seuils de rémunération pour toute intervention dans la chaîne du livre. Nul ne peut se développer en se confinant ou en se fermant aux autres. Moi, je suis ouvert.

Ah bon ! Vous avez déjà initié des partenariats du genre avec vos homologues béninois ?
Oui, je travaille au Bénin avec Laha dont j’assure la distribution des titres dans le réseau librairie nationale et bientôt en France. Cela se fait dans un esprit de franche collaboration et de respect mutuel. Je travaille avec les plus grandes librairies de la place. Je suis en pourparlers avec plusieurs maisons d’édition béninoises dont je vais coéditer ou rééditer des titres à introduire sur le marché français et francophone mondial.
Pour moi, c’est clair et indéniable que l’offre culturelle béninoise doit s’améliorer et s’exporter. Nous allons travailler à cela. Ce n’est pas qu’une question de business. C’est surtout de l’image du pays, son savoir-faire et son génie créateur, donc c’est de l’identité nationale qu’il s’agit, et tout cela se défend dans un esprit patriotique.

Donc, vous avez une autre vocation que de faire du business. Alors, seriez-vous prêt à aider le pays à se doter d’une politique nationale du livre, et à asseoir définitivement une vraie structure chargée de gérer ce secteur essentiel ?
Oui. Je crois servir déjà mon pays et l’Afrique. On peut servir son pays partout même depuis un tabouret, pas forcément dans un fauteuil ministériel ou dans une grande Direction. J’estime servir déjà le Bénin, et je suis prêt à le servir davantage si on m’en donne la mission officielle et les moyens. Pourquoi pas ?

Donc, vous êtes prêt à sacrifier cette envieuse position que vous détenez dans la chaîne du livre rien que pour contribuer à l’édification d’un Bénin littérairement émergent ?
Oui, oui et oui. Tout pour l’édification d’un Bénin littérairement émergent.
En fait, entre nous, je ne sacrifie rien. Voyez-vous, je séjourne ici au Bénin depuis 13 mois, mais mon entreprise parisienne fonctionne toujours. Puisque mes collaborateurs français ont eu à coordonner avec moi la direction éditoriale de 3 projets portés par des africains de France, ils continuent à travailler actuellement sur 5 autres projets éditoriaux qui seront publiés en France au mois de mars 2014. Une entreprise est un groupement humain, dirigé et coordonné avec des objectifs à atteindre, et les moyens pour les atteindre. Nul n’est indispensable dans une entreprise. Le chef d’entreprise détient juste l’exégèse du projet, de la culture d’entreprise et des objectifs à atteindre, etc.

Vous sentez-vous capable de vivre et d’accomplir cette tâche de sensibilisation à la chose littéraire, ici au Bénin ?
Maintenant oui. Mine de rien, je viens de passer ma première année pleine au Bénin, depuis une vingtaine d’années. Une année sabbatique, disais-je le 17 janvier 2013 au cours de l’émission ‘Culture matin’ de la chaîne nationale. Moi qui me plaisais bien dans ma tour dorée verdoyante de l’Haÿ-les-Roses, en banlieue parisienne. Je n’y croyais pas, et je n’en crois toujours pas mes yeux. Mais je l’ai fait. Et en plus, j’ai travaillé, et je travaille toujours, 14 h par jour. J’ai parcouru le Bénin, j’ai visité, souvent de façon anonyme, de nombreuses structures et centres de lecture et de la promotion du livre. La plupart de ces structures publiques ne sont équipées que de vieilleries, des livres chiffons, poussiéreux. A la bibliothèque départementale du Borgou Alibori à Parakou que j’ai visité au mois d’août, il n’y avait même pas un seul ordinateur dans les lieux, que des livres vieillis. Oh mon Dieu, s’exclamais-je, le travail qui nous reste à accomplir est énorme. Donne-nous-en la force !

Quel bilan professionnel faites-vous ou pouvez-vous présenter, fruit de cette année sabbatique passée au Bénin ?
Ce ne fut vraiment pas une année sabbatique. J’ai dirigé éditorialement de nombreux primo auteurs et auteurs confirmés béninois. J’ai accepté de publier quelques 16 projets éditoriaux de porteurs béninois transformés en ouvrages, dont 8 seront mis sur le marché début décembre et 8 autres quinze jours après. Ça, c’est ce qui concerne les auteurs béninois.
J’ai eu à faire le même travail avec 3 auteurs africains de la diaspora dont un Béninois, une Camerounaise, un centrafricain ; sans oublier 2 auteurs africains de l’intérieur : une Camerounaise et un Togolais. Cela fait en tout 21 ouvrages dirigés à publier avant la fin de cette année. En plus des deux essais commis par moi-même, dont un sur le Bénin (fruit de ma première année de séjour au bercail) et un autre sur l’Afrique, concernant les relations bilatérales, qui sortira en janvier 2014. Suis-je capable de vivre et de travailler au Bénin ? Bien sûr.

Ah oui ! En tant que Béninois de la diaspora de retour dans son pays, quelles difficultés avez-vous rencontrée pour votre réintégration ?
La béninoiserie. Rire ! Les gens vous tournent en rond, pensant ou sachant que vous n’avez pas une durée de séjour assez longue à passer au pays pour pouvoir atteindre votre but qui ne les arrange surtout pas. On essaye de vous déstabiliser, de vous décourager par tous les moyens… mêmes occultes. Dieu est grand !

Quels conseils pouvez-vous donner aux Béninois de l’extérieur qui hésitent à rentrer au pays, à la fin des études ou à un moment crucial donné de leur vie ?
Aux frères, aux amis et aux compatriotes de la diaspora, je conseillerais de ne rentrer définitivement que si c’est vraiment nécessaire. Sinon, qu’ils multiplient des séjours familiaux ou d’essais réguliers afin de mieux évaluer les difficultés liées à leurs projet et plan de retour. Ils pourront en redéfinir les contours et les ressorts, donc les réadapter sur place. Je sais que beaucoup construisent ou achètent des parcelles de terrain pour construire plus tard, c’est une très bonne attitude responsable que je souhaite voir tout le monde développer. Mais, ils peuvent aussi - lorsqu’ils n’ont pas ou plus confiance d’investir dans l’immobilier, à cause des problèmes liés aux conflits domaniaux - placer une partie de leur économie dans des banques de la place. Ainsi, ils contribueront toujours à l’effort de reconstruction et de développement de leurs pays, en attendant de finaliser leur projet ou plan de retour, un jour sûrement.

Et quels conseils à l’endroit du gouvernement ?
De mener une vraie politique d’accueil et de réintégration. Les Béninois de la diaspora, surtout ceux de l’Europe, de l’Amérique et de certains pays émergents devraient bénéficier d’une attention très particulière, lorsqu’ils peuvent faire valoir une formation, une compétence ou un métier. Pourquoi ? Parce qu’ils ont été formés dans les meilleures écoles et universités de leurs pays d’accueil, et à un niveau d’instruction et de compétence où on ne cache plus les choses du savoir, des recherches fondamentales et technologiques. Donc, nos frères béninois qui ont été au contact des éminences grises occidentales ou orientales, et qui maîtrisent bien leur domaine doivent être courtisés par les autorités de leur pays d’origine, dans le cadre d’une politique d’attraction et d’attractivité pilotée par le ministère des affaires étrangères. Lequel doit d’abord commencer par procéder à l’identification des compétences des ressortissants béninois partout, avant de faire porter les offres et potentialités de recrutement nationales à la connaissance de son public-cible, en temps réel. Le ministère des affaires étrangères, le ministère de la santé et le ministère de l’Habitat pourraient concevoir un programme spécial d’assurance santé et immobilier pour favoriser leur retour-intégration. D’autres petites attrapes, que souvent savent offrir les occidentaux pour attirer des chercheurs étrangers sur leur sol, seront aussi utiles à déployer. Vous savez, on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. Et c’est pareil lorsqu’il s’agit d’attirer des compétences et des sommités chez soi. Ces enfants chéris du Bénin, qui vivent l’exil en crève-cœur, sont bel et bien l’avenir du Bénin. Leur retour au bercail planifié ou suscité, pourrait avoir pour conséquence d’accélérer le processus de ‘take off’ dans plusieurs secteurs et activités. Au gouvernement d’agir et de procéder à l’identification des compétences. Mais un vrai audit évaluation-perspectives de la fonction publique est ici nécessaire pour dimensionner et planifier les offres de retour et d’intégration. L’association du secteur privé, du patronat et de la chambre de commerce et d’industrie au processus sera plus qu’appréciable et efficace. Car l’opération de charme et les "attrape cœur", ça le secteur privé sait mieux le faire que le secteur public, croyez-moi.

Depuis quand êtes-vous parti du Bénin ?
Depuis l’adolescence, en septembre 1984, il y a plus de 29 ans maintenant.

Vous sentez-vous être accepté aujourd’hui, après une année d’essai ?
Accepté ?
Je ne pense pas, mais cela m’est égal. Je m’impose et je me bats au quotidien, c’est tout.

Le forum sur la diaspora initié par le Ministère des Affaires Etrangères s’ouvrira bientôt. Que vous inspire cette initiative placée sous le haut patronage du Chef de l’Etat ?
J’apprécie et soutiens l’initiative que j’ai lue sur un site web d’information. Cela favorisera entre la base et l’avant-garde que constitue la diaspora, une sorte d’assemblée, une Loya Jirga à l’Afghane, sur certains projets de développement qui tiennent à cœur au chef de l’Etat et son gouvernement. Cette Loya Jirga à l’Afghane, comme j’ai coutume de le dire en privé, devra aussi inspirer nos gouvernants sur certains sujets cruciaux de notre existence à soumettre urgemment au même procédé.

Votre mot de la fin ?
Mon mot de la fin ? Si vous me le permettez, il sera forcément politique pour l’observateur attentif de la scène politique nationale que j’ai toujours été depuis l’extérieur, et que je suis aujourd’hui de l’intérieur.
Notre pays le Bénin ne peut que se réjouir d’avoir, en son sein et partout dans le monde, des filles et des fils animés de principes : philosophique, sociologique, technique, technologique, professionnel, culturel, sportif, etc, majeurs leur permettant de puiser pacifiquement au fond d’eux-mêmes, de leur Histoire et de leur environnement des réponses aux problèmes posés, suscités ou à préempter afin d’éviter le pire pour leur pays, le Bénin.
C’est ici le lieu de saluer tous les Chefs d’Etat, tous les ministres et hauts cadres qui se sont succédé et ont géré de leur mieux le pays, depuis l’avènement du renouveau démocratique. Je salue le courage et le patriotisme de monsieur Thomas Boni Yayi, Président de la République réélu, son gouvernement et tous les cadres en place, à divers niveaux de décision ou de responsabilité. Je salue et je loue la dignité, l’abnégation et le courage de la classe politique nationale entière et des acteurs institutionnels dont le souci majeur reste la préservation d’un climat de paix dans ce pays. Je salue tous les défenseurs des droits de l’Homme, de la liberté d’expression, de la liberté syndicale et d’un dialogue public axé sur la justice sociale et empreint de respect ; le respect de la parole donnée, le respect de la République et de ses institutions.
Je souhaite qu’enfin nous sortions des petites ambitions et que nous rentrions assurément dans les grandes ambitions de développement, de la recherche de croissance. Une croissance pourvoyeuse d’emplois et garante de la justice sociale. Car, il ne faut pas sous-estimer la gravité du moment que nous traversons. Aujourd’hui plus que jamais, la rénovation de la République est au cœur de l’identité nationale des Béninois, tant de l’intérieur que de l’extérieur. Et c’est à l’instant, avec le redressement économique, l’emploi, la justice sociale et la correction de toutes les inégalités, une réponse essentielle à la crise de confiance que traverse le pays, c’est ce que je crois très sincèrement.
Aucun débat n’est donc tabou : les contradictions, les nuances, les échanges idéologiques, etc… tout ceci concourra à redessiner, dans l’unité nationale à construire, la carte du génome du développement du Bénin. Oui, cela est nécessaire dans un pays où l’unité nationale n’a jamais été effective. Qu’il nous souvienne, tous, la colonie dahoméenne et plus tard l’Etat béninois sont constitués de différents groupes ethniques qui, pour la plupart, se sont affrontés dans le passé, à travers les royaumes ou les chefferies traditionnelles. Cet héritage historique conflictuel qui survit encore dans certains cœurs s’est traduit au plan politique contemporain par la cristallisation des membres d’une même ethnie ou d’un même terroir autour des leurs. Et ce repli communautariste me paraît un péril à ciel ouvert pour notre pays.
Que Dieu éclaire les uns et les autres ! Que Dieu bénisse le Bénin et toutes ses filles et fils de l’intérieur comme de l’extérieur, et tous les habitants et amis de ce pays qui y vivent !
Je vous remercie pour cet entretien !
Propos recueillis par Isac A. YAÏ

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