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Innovations dans la Constitution: « La mesure à l’endroit des femmes est une avancée mais, il reste… », soutient Françoise Agbaholou

Publié le jeudi 12 decembre 2019  |  La Nation
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© aCotonou.com par DR
Françoise Sossou Agbaholou, coordonnatrice nationale du réseau Wildaf-Bénin
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L’article 26 de la loi 2019-40 portant révision de la loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin consacre une forme de discrimination positive à l’égard des femmes pour leur assurer une meilleure représentativité. Françoise Sossou Agbaholou, coordonnatrice nationale du réseau Wildaf-Bénin, se prononce sur cette innovation et fait quelques observations.


La Nation : Vous l’avez voulu, vous vous êtes battues pour ; aujourd’hui c’est chose faite ; la Constitution béninoise prévoit une meilleure représentativité des femmes. Un succès sans doute !

Françoise Agbaholou : C’est vrai, il y a eu une révision de notre Constitution et la nouvelle loi fondamentale a prévu une disposition spéciale à l’endroit des femmes dans la représentation du peuple. Je puis dire que c’est une avancée car c’est quand même le corollaire d’une lutte qui est menée depuis des années pour une meilleure participation des femmes aux instances de décisions. C’est déjà un pas, un pas important.
Mais le constat que je fais, c’est que le paragraphe qui a été ajouté à l’article 26, parle spécifiquement de la représentation nationale. C’est en effet une disposition qui améliore la représentativité des femmes au niveau des instances électives. C’est ce que nous comprenons de cette disposition. Or la lutte qui est actuellement menée ne concerne pas seulement les fonctions électives. Il y a aussi la participation des femmes aux fonctions nominatives qui importe. Cet aspect n’est pas encore pris en compte. Par conséquent, notre combat se poursuit ! Certes, la mesure spéciale à l’endroit des femmes est une avancée. Mais, il reste à intégrer le volet nominatif.

On ne va quand même pas écrire dans la Constitution le nombre de femmes que le président doit nommer dans son gouvernement ! Ne faut-il pas que les femmes elles-mêmes se fassent remarquer par leurs compétences ?

Evidemment ! Mais il faut davantage une volonté politique pour que le déséquilibre soit mieux enrayé. Les femmes représentent quand même plus de 52 % de la population. La contribution et la compétence de la femme comptent ! Il faut plus de femmes capables dans les instances de décisions. La lutte doit se poursuivre pour que chacun puisse apporter son grain de sel dans le développement de notre pays. Il y a des femmes compétentes qui peuvent assumer de hautes fonctions mais l’autre problème, c’est que les femmes qui ne sont pas membres d’un parti ou qui ne sont pas actives dans les creusets politiques sont parfois ignorées. Je pense que ce n’est pas normal. Qu’on soit politicien ou non, il faut quand même que les compétences soient valorisées. On n’a pas besoin d’être dans un parti politique avant d’apporter sa pierre à l’édifice national ! Vous savez, le ministère de la Famille avec l’appui de ses partenaires a mis en place un compendium des compétences des femmes et nous avons participé à cela. Il s’agit d’une plateforme sur laquelle s’inscrivent toutes les femmes compétentes, quels que soient leurs domaines, qu’elles soient des intellectuelles ou qu’elles soient spécialisées en métiers artisanaux. Cette plateforme a été mise en place, lancée et vulgarisée.
Donc, si le président de la République veut nommer des femmes ministres et qu’il n’a pas connaissance de femmes compétentes, il lui suffit de consulter cette plateforme pour avoir toutes les informations utiles selon les domaines de compétences. Quitte au président lui-même, après avoir consulté la plateforme, de faire mener des démarches pour vérifier la compétence effective de la personne dont le profil correspond au poste. Le ministère doit faire un suivi pour qu’il soit effectivement tenu compte de cette plateforme. Il faut que la plateforme fonctionne et qu’on exhorte les femmes compétentes qui ne se sont pas encore inscrites à le faire.
Tout ce qu’il reste, c’est la volonté politique pour que les femmes soient mieux impliquées dans les affaires de l’Etat. Car si ce sont les textes, nous en avons déjà ! Il faut que tous les pouvoirs épousent cette volonté. C’est vrai que la vision, c’est d’arriver à un pourcentage de 50 % par genre. Mais pour un début, on peut commencer par un pourcentage donné et progressivement le déséquilibre qui a été créé depuis des siècles entre hommes et femmes pourra être enrayé. J’exhorte alors nos gouvernants à faire plus d’efforts pour la participation de la femme à toutes les instances de décisions.


Cette discrimination positive à l’endroit des femmes, n’est-ce pas une sorte de reconnaissance de leur incapacité à s’en sortir par elles-mêmes ?

Ce n’est même pas une affaire de faveur. Aujourd’hui, on ne parle même plus de discrimination positive. On parle de mesure spéciale temporaire et c’est un principe reconnu à l’international. Lorsqu’il y a un certain déséquilibre qui est créé sur des droits donnés ou par rapport à des couches sociales données, il est permis de prendre des mesures spéciales temporaires pour pouvoir corriger ce déséquilibre. Lorsque le déséquilibre est corrigé, on reprend les choses normalement. En effet, dans la plupart des pays notamment africains, il existe un déséquilibre séculaire entre l’homme et la femme. Pourtant, les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux affirment l’égalité entre l’homme et la femme. Par exemple notre Constitution a prévu depuis fort longtemps que l’homme et la femme sont égaux en droit. Mais pourquoi cela ne peut-il pas être respecté. On dit que les femmes ne se battent pas mais vous savez que pendant longtemps, les femmes ont été discriminées, écartées. Dans nos sociétés africaines, les femmes n’étaient destinées qu’au foyer et à la reproduction. Ce sont les femmes qui, pendant longtemps, ont été privées de l’éducation scolaire. Ce sont les femmes qu’on force au mariage à bas-âge. Ce sont les femmes qu’on met de côté dans la prise de décisions même au niveau familial. Et dans une famille où il y a des filles et des garçons, l’on préfère souvent envoyer le garçon à l’école. Au fil des siècles, ce déséquilibre a été créé. Et en fonction de cela, peu de femmes ont émergé et les rares femmes qui s’intéressent à la gestion des affaires du pays doivent parfois essuyer des brimades, des coups bas… Même si après, il y a eu des avancées grâce aux sensibilisations et aux programmes mis en œuvre pour que toutes les filles aillent à l’école, l’écart créé par le déséquilibre est encore grand. Il y a donc des facteurs contraignants qui ont fait que les femmes ont du mal à émerger et participer à la gestion de l’Etat. Il faut qu’on arrive à prendre des mesures pour permettre aux femmes d’émerger, de mieux s’épanouir et de s’intéresser aux affaires du pays. Maintenant qu’il y eu cette disposition, il faut que cela s’applique effectivement. Car il y a des femmes qui sont véritablement engagées mais les préjugés et certaines contraintes les empêchaient d’évoluer convenablement. Aujourd’hui, il faut soutenir les femmes et avoir confiance en leurs compétences.
Donc moi, je ne prends pas cette nouvelle disposition de la Constitution comme une faveur. C’est le droit de la femme d’occuper des postes. Je demande alors à nos sœurs qui ont de l’ambition pour la chose politique de se battre davantage aux côtés des hommes pour pouvoir accéder à ces postes, pour les mériter.
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