Valeurs endogènes : Voici comment le ‘’Tôfa’’ est financé

Publié le mardi 17 decembre 2019 | Matin libre

© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Benin Tofâ 2019:le collège des Awo avec le professeur Koffi Aza réunis au sein de l’association Bénin Tofa ont consulté l’oracle ce 1er décembre 2018.
Bénin Tofa 2019: le collège des Awo avec le professeur Koffi Aza réunis au sein de l’association Bénin Tofa ont consulté l’oracle ce 1er décembre 2018.

Généralement ça jase beaucoup dans l’opinion autour de l’interprétation du Tofâ, l’oracle indiquant le signe qui gouvernera le Bénin au cours de la nouvelle année. Les interprétations du signe apparu sont jugées, très souvent, de politiques. Certains n’hésitent pas à y voir de la manipulation voire des mains invisibles qui influencent cet art divinatoire. D’où la nécessité de clarifier comment la consultation du Tofâ se fait. Y a-t-il un sponsor derrière pour que parfois l’interprétation soit aussi tendancieuse ? Qui finance le Tofâ concrètement ? C’est l’une des préoccupations auxquelles le prêtre du Fâ, le professeur David Koffi Aza (Photo) a répondues dimanche dernier sur la chaîne de télévision privée Canal 3 Bénin. Lire plutôt ses explications sur la question pour mieux en savoir.

Canal 3 (Idrissou Boukari) : Qui finance le Tofâ concrètement ?

David Koffi Aza : « Rire… Je vais vous dire la réalité. Pendant 10 ans, j’ai financé personnellement le Tofâ. Et ça me coûte entre 3 à 4 millions (FCfa ndlr) chaque année. A partir de la 10ème édition, les Bokonon ont décidé de cotiser. Et les Bokonon cotisent pour financer, c’est-à-dire que les membres du Comité Tofâ et l’association Afab cotisent. Mais déjà à partir de 2015, il y a certaines autorités qui ont accompagné en son temps, le Tofâ. Je préfère ne pas citer de nom pour ne pas faire de jaloux. Et ceux-là ont accompagné le Tofâ jusqu’à aujourd’hui. Il y en avait qui étaient membres, qui aujourd’hui compte tenu de leur niveau de responsabilité élevée au niveau du gouvernement ne sont plus trop collés à nous. Mais d’une manière ou d’une autre, continuent toujours d’accompagner les consultations et les sacrifices. Certes, ça ne suffit pas, mais néanmoins nous restons toujours les mains tendues »

Alors, si vous êtes proches des acteurs politiques est-ce que les interprétations ne seront pas qualifiées de politiques également ?

Vous savez, les gens à tort ou à raison, peuvent le dire à cause de la proximité de X ou Y du Tofâ avec le gouvernement en place. Non ! Je vous dis non, parce qu’au fait le Fâ c’est comme un livre et quand on prend un signe on sait ce qu’il dit. Donc le Bokonon n’a pas une marge de manœuvre pour interpréter autrement. Maintenant, il y a des interprétations qui peuvent prêter à confusion parce que le Tofâ a toujours été comme ça, depuis son instauration en 1715. C’est vrai que c’est un instrument qui accompagne le pouvoir public, mais ce n’est pas un instrument qui est assujeti au pouvoir public au point où le pouvoir public dit ce qu’il veut et on l’écrit dans le rapport, non ce n’est pas ça. Il est évident que certaines interprétations du Fâ peuvent favoriser le gouvernement. Quand ça favorise le gouvernement en place la population ou la force alternative pense que ça été téléguidé. Mais quand ça favorise l’opposition, les membres qui sont proches du pouvoir estiment que l’opposition l’a récupéré. C’est comme ça le Tofâ a été depuis la nouvelle édition, depuis 2006 à aujourd’hui. Quand je dois remonter dans le passé, je vous donne un exemple. Le Tofâ de 1892, quand le souverain Guèdègbé a fait l’interprétation, mais le roi Béhanzin a demandé de le décapiter parce que les prédictions n’étaient pas favorables pour le roi. Et Guèdègbé a dû fuir sinon il allait être décapité. Ça a toujours été comme ça. Quand on fait une interprétation et que la consultation est favorable pour la population, le souverain n’est pas d’accord. C’est comme en 1892 où Bokonon Guèdègbé a demandé au roi, parce que c’était le signe woli wofu qui était sorti. Et woli wofu disait, tu as tes enfants, tu as tout dans le pays d’Adja. Il ne faut pas que ta colère t’emmène à amener la guerre dans le pays d’Adja. Mais qu’est-ce que Béhanzin a dit au Bokonon ? Il dit un homme puissant ne va pas au marché acheter la peur pour son père mais il achète le courage. Et c’est pour ça qu’il a déclenché la guerre. Nous avons vu la suite de la guerre. Donc ce n’est pas tout le temps que le Tofâ doit être favorable au roi, et ce n’est pas tout le temps que le Tofâ va être favorable à la population. On doit se mettre au-dessus de la mêlée pour comprendre. Mais ce que je dis, si on doit mener un débat sur ça, il faut qu’on mène un débat scientifique…

J.B

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