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Edito: Le malaise

Publié le lundi 20 janvier 2020  |  L`événement Précis
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© Présidence de CI par DR
Sommet extraordinaire de la CEDEAO au Nigéria
Mardi 22 Septembre 2015. Abudja. Le Sommet extraordinaire de la CEDEAO sur la situation au Burkina a vu la participation de plusieurs chefs d`Etat de la sous-région.
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L’avenir de l’Eco s’assombrit. Les critiques sans concession faites la semaine dernière par les pays de la Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) ainsi que la Guinée Conakry, sont les derniers signes d’un malaise qui s’épaissit. Le Nigeria, le Ghana, le Libéria, la Sierra-Léone, la Gambie et la Guinée ont en effet dénoncé la décision « unilatérale » prise le 21 décembre de renommer le franc CFA Eco. C’est comme si les six pays accusaient les pays de l’UEMOA d’avoir nommé la monnaie unique Eco sans leur consentement. Si ce n’était que ça, l’unilatéralisme dénoncé parait étrange, quand on sait que le nom a été choisi depuis longtemps par tous les Chefs d’Etats de la CEDEAO. Non, il y a autre chose.
Oui, le 21 décembre dernier, la France et l’UEMOA se sont entendus pour rapatrier les réserves de change de la BCEAO autrefois stockées à la Banque de France. Le but ultime est d’adosser le FCFA désormais appelé Eco à un panier de devises, même si provisoirement la monnaie sera arrimée au seul Euro. De la même manière, la France quitte les instances de gestion de la nouvelle monnaie. Mais l’arrimage au seul Euro et sa stabilité, exactement comme le FCFA actuel, soulèvent des questionnements. Car, même si cette option est provisoire, elle oblige à une garantie souveraine que Paris entend apporter. La France sera de facto impliquée dans la gestion d’une monnaie qui est censée être indépendante. Ce n’est apparemment pas ce qu’entendent les pays de la ZMAO qui ont bien insisté sur l’impératif d’indépendance de la nouvelle monnaie. Les six pays appellent à une réunion urgente des Chefs d’Etats et de gouvernement de la CEDEAO pour clarifier la situation.
Ce qui est étonnant, c’est que dans le lot des pays contestataires figure le Ghana (oui, le Ghana !) qui pourtant avait acclamé la décision de l’UEMOA et montré son enthousiasme à travers un communiqué de presse en bonne et due forme. Pourquoi, à la suite de ses applaudissements bien compréhensibles, Accra se rebiffe-t-il aussi soudainement ? Il y a bien un profond malaise.
Plusieurs pays voient toujours la main de Paris derrière les changements opérés en décembre dernier. D’autant que l’annonce de ces changements a été faite par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, le second agissant en sa qualité de Président en exercice de la conférence des Chefs d’Etats de l’UEMOA. La levée de bouclier chez les anti-CFA aurait pu être évitée si c’était uniquement les Chefs d’Etats de l’UEMOA qui avaient annoncé ensemble la décision aujourd’hui querellée. En voulant « faire son show » comme on dit sur les bords de la lagune Ebrié, Alassane Ouattara a probablement heurté la sensibilité des autres Chefs d’Etats de la région. Question de leadership oblige, il serait perçu au mieux comme un usurpateur au pire comme un imposteur. Torpiller cette ascendance permettrait dès lors de le descendre de son piédestal. Au profit de qui ? La question reste posée. Car, au fond, la question de la garantie qui soulève toutes les passions, est bien compréhensible. Si elle n’existait pas, la zone UEMOA court de vrais risques de dévaluation et d’effondrement. Il faut l’apport du Nigeria et du Ghana pour consolider la position de la nouvelle monnaie et la rendre totalement indépendante.
A y voir de près, Abuja entend « casser » non seulement l’hégémonie française sur la question monétaire, mais également le leadership d’Abidjan. Il s’agit en dernier ressort d’imposer son agenda, puisque le Nigeria se sait incontournable. A lui seul, le pays représente actuellement environ 70% du PIB de la sous-région. Et pour tous ceux qui le suivent, Abuja s’oppose généralement à tous les projets d’intégration africaine, ou ne s’y prête que de mauvaise grâce. La monnaie unique le prive de la possibilité de gérer à sa manière sa politique monétaire. Sur ce plan, les Nigérians sont restés inflexibles, depuis leur indépendance. Il n’en est pas de même des pays de la zone Franc habitués à la surveillance de la France.
Ce dont je reste convaincu, c’est que même si les critères de convergence sont atteints par tous les pays, le Nigeria trouvera un moyen pour échapper à tout projet monétaire dans lequel il ne jouerait pas les premiers rôles.

Par Olivier ALLOCHEME
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