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La Nation N° 5875 du 29/11/2013

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Convoyage d’essence frelatée ‘’Kpayo’’ par moto : Quand le ventre fait prendre des risques mortels
Publié le vendredi 29 novembre 2013   |  La Nation


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© Autre presse par DR
Essence frelatée


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L’activité de transport de bidons d’essence frelatée à moto à laquelle les Béninois se sont habitués en dépit du danger, reste d’actualité, avec plus d’acuité dans les départements de l’Ouémé et du Littoral. Les nombreux accidents et incidents, survenus du fait de ce trafic, encore moins la détermination du gouvernement d’y mettre fin n’auront ébranlé les convoyeurs de l’essence communément appelée ‘’Kpayo’’.

Par Paul AMOUSSOU

Site de débarquement de cargaisons d’essence frelatée à Mènontin, environ 10 km de route du centre-ville. De bonne heure déjà, ce versant des bords de la Lagune de Cotonou grouille de monde.
En ces lieux insalubres, Eldorado des trafiquants de l’essence frelatée où la loi du silence s’impose en règle d’or, de nombreuses personnes attendent impatiemment un nouvel arrivage du produit de contrebande. A l’abri d’un hangar de fortune construit non loin de la berge, des hommes donnent de la voix. Un enfant s’amuse à jeter, à bord des deux pirogues arrimées sur la lagune, des bidons de cinquante litres vides. Mathias G. alias Escroc tout comme certains de ses camarades prend son petit déjeuner à la sauvette, par peur d’être surpris par l’arrivée des barques tant attendues, confie-t-il entre deux cuillerées.
Bienvenue dans l’univers des convoyeurs de bidons d’essence frelatée de Mènontin ! Pour eux, cette journée ressemble à tant d’autres.
Leurs motos de diverses fabriques, garées sur un parking de fortune, malgré leur vétusté, sont prêtes à reprendre la route du convoi d’essence au profit des revendeurs chez qui vont s’approvisionner les clients en ville.
Autour de cette lagune comme sur d’autres sites de débarquement et d’embarquement, le but est identique. «C’est ici que nous venons chercher notre pitance, l’argent pour nourrir nos familles», lance Mathias G. Maître couturier dans une fonction précédente ; il avoue avoir rangé ciseaux et fils pour se consacrer depuis 1992 au transport de bidons d’essence frelatée, à défaut d’autres perspectives d’emploi. «Mon métier de couturier ne me procurait plus rien.
Grâce au transport du ‘’Kpayo’’ je satisfais aux besoins de ma famille», justifie-t-il fièrement. «Je connais des bandits de grand chemin qui se sont reconvertis dans cette activité. C’est par rejet du vol que nous l’avons embrassée», éclaire ce quadragénaire aux scarifications ethniques.

Rentables ?

Plus de deux cent personnes, selon les témoignages des responsables d’un groupe de tontine de cette ‘’corporation’’, sont actifs dans cette activité rien qu’à Mènontin; et se retrouvent chaque jour à l’essencerie informelle de cette localité pour s’approvisionner et pourvoir le circuit de ce commerce en hydrocarbures de contrebande à Cotonou et ailleurs.
Mettant à rude épreuve la charge à l’essieu de leur engin, chaque convoyeur y dispose en moyenne sept à dix bidons de 50 litres par voyage. Un bidon d’essence transporté revenant à 200 CFA, il leur arrive de faire en une journée quinze voyages.
Avec à la clé, une marge bénéficiaire journalière variant de 3 000 à 5 000 F CFA.
A l’instar de Mathias G., Omer A. a fermé son garage de mécanique auto pour s’adonner depuis huit ans au transport de bidons d’essence. Il se réjouit de ce que, grâce à cette activité, ces quatre enfants ne manquent de rien. «Si le Nigeria ne nous donnait pas cette opportunité, nous serions méprisables. C’est grâce à l’essence ‘’Kpayo’’ que nous conservons notre dignité d’homme», s’explique-t-il. Mais à quel prix ?
Bombes ambulantes

Au péril de leur vie et celles des usagers de la route qu’ils côtoient avec leur produit hautement inflammable, les convoyeurs du ‘’Kpayo’’ banalisent, semble-t-il, les risques encourus. «L’accident de travail est inhérent à tout métier», fait observer l’un. «Beaucoup de conducteurs de taxi-moto se font écraser par des camions», argumente l’autre. «De quelle autre alternative disposerons-nous si nous n’exercions cette activité ?», plaide un troisième.
«Il est difficile de décrocher un job décent et bien rémunéré dans notre pays», renchérit ce dernier, accusant par ailleurs l’Etat de se cantonner à des déclarations sans suite à propos de la reconversion des zémidjans comme des vendeurs du ‘’kpayo’’.
Ce que semble corroborer l’artiste plasticien Romuald Hazoumè qui a consacré une œuvre photographique au commerce du ‘’kpayo’’ : sans cette activité «le pays irait droit dans le mur», à ses dires.
Droit comme un ‘’I’’ sur sa vespa hybride (sur)chargée par devant et derrière de bidons de 50 litres, le sieur Avocètien vient d’arriver à son point de livraison. Pari tenu. Il vient de passer tous les cordons de sécurité sans avoir été inquièté sur son trajet.
«Quelques fois les policiers nous enquiquinent. Mais le plus insupportable reste les insultes des usagers de la route», admet-il. De nombreux cas d’accidents aux images horrifiantes de cadavres pétrifiés, leur sont imputables, a notamment déploré le colonel Jean-Marie Ahodi alors commandant du Groupement national des sapeurs-pompiers.
En dépit de la multiplicité des drames enregistrés à cause de cette activité, ses acteurs n’entendent pas changer de fusil d’épaule. «La nécessité de satisfaire des besoins primaires contraint tout homme à prendre des risques», explique Pr Albert Tingbé-Azalou, socio-anthropologue.
«Tout repose sur la pauvreté qui fragilise la conscience citoyenne. On se dit que tant que l’accident n’est pas arrivé on peut continuer», éclaire-t-il.
Né dans les années 80 tout comme le taxi-moto à la suite d’une mauvaise conjoncture économique, ce trafic s’est installé comme une véritable industrie au cœur des cités urbaines avec plus de 300.000 litres journaliers d’hydrocarbures issus de la contrebande importés du Nigeria vers le Bénin. Des études récentes du ministère du Commerce attribuent à ce trafic le contrôle de plus de 80% du marché de distribution du produit.
Avec une recette annuelle évaluée à 550 milliards F CFA représentant pas moins de 250 milliards de perte pour le secteur formel. Sous la houlette de plus de 50 mille trafiquants et revendeurs dont des jeunes trouvant un salut précaire dans cette activité répréhensible qui provoque régulièrement des sinistres....

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