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Art et Culture

Le Slameur Amagbégnon au sujet de son art: «Le Slam se veut être un puissant outil de diplomatie culturelle»

Publié le mercredi 15 avril 2020  |  Matin libre
Eklou
© aCotonou.com par dr
Eklou Amagbégnon alias ‘’Le pouvoir du verbe. Diplômé en psychologie sociale et de la vie professionnelle à l’Université d’Abomey-Calavi, le jeune artiste se distingue par son slam spécialement dédié à l’entité Vodoun.
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Le projecteur tourne vers l’un des jeunes talents les plus prisés dans le monde du slam au Bénin: Eklou Amagbégnon alias ‘’Le pouvoir du verbe. Diplômé en psychologie sociale et de la vie professionnelle à l’Université d’Abomey-Calavi, le jeune artiste se distingue par son slam spécialement dédié à l’entité Vodoun. Découvrez par le truchement de cet entretien, ses débuts dans l’exercice de son art et les traces de son engagement dans la carrière.



A quel moment remonte votre entrée dans la sphère du Slam béninois ?

Amagbégnon : Concrètement, je porte mes goûts et mes couleurs, mes peines et mes joies sur la scène slam depuis 2013.

Et comment aviez-vous pu nouer cette alliance avec ce genre musical ? Un don, un apprentissage … ?

A la vérité, je me dois de dire que c’est pour impacter toutes les couches de la société que le jeune rappeur que j’étais s’est fait une place dans le salon du Slam. En effet, c’est à la faveur des journées culturelles du Ceg le Méridien, que je me suis autorisé à prendre la parole en public pour la première fois en 2006. C’était avec mon groupe de Rap le TRIPL6, collectif que j’ai formé avec cinq frères dont l’artiste chanteur et rappeur, beatmakeur et ingénieur de son, Credo qu’on ne présente plus dans la musique urbaine africaine. Avec le temps, j’ai senti le besoin de réinventer ma démarche artistique et de raconter à travers mes textes ; mon vécu d’orphelin, mes douleurs muettes et mes rêves de succès en lieu et place du narcissisme ridicule que portaient mes morceaux écrits à l’encre du mimétisme stupide. A ma volonté de partager mon quotidien avec un large public, s’est opposé le regard que les parents portent sur le Hip-Hop dans notre pays ; de cette confrontation est née la nécessité d’adopter une musique acoustique à même de rendre mon Rap existentiel, accessible aussi bien aux parents, aux jeunes qu’aux enfants. C’est bien plus tard qu’Unik, un autre membre du collectif m’a fait savoir que le fait que je rappe sur des notes de piano et de balafon ressemble plus à ce que Sergent Markus fait, le slam. Une fois à l’Université, chaque fois que j’en avais l’occasion, je participais aux scènes libres de slam organisées ci et là. En 2013, j’ai participé au Concours national, Bénin Slam organisé par Kmal Radji et Thibaut Adotanou en partenariat avec l’Institut français de Cotonou. Cette compétition, m’a consacrée Révélation Slam de l’année. A partir de ce moment, le slameur Voodoo est né !

C’est plus qu’un secret de polichinelle, votre amour pour le Vodoun. Est-ce une innovation, une spécialisation, ou juste un goût ?

Le Slam Vodoun est une spécialisation que j’ai développée dans l’industrie du slam pour porter les aspirations culturelles et historiques de l’Afrique et des peuples dont l’histoire personnelle est marquée par les affres de l’esclavage. De ce fait, le Slam Voodoo se veut être un puissant outil de diplomatie culturelle basée sur une connaissance patrimoniale avérée et une conscience historique honorable.

Est-ce parce que l’artiste est un adepte que ce choix est vite fait et bien fait ?

Oui je suis un vodounsi du patriotisme. J’ai senti l’urgence de slamer le Vodoun à la suite de deux chocs : le premier porte la signature de l’un de mes professeurs d’université qui s’appliquait à nous convaincre que la voie du salut africain a un seul nom Jésus ; le second choc a émergé la nuit du 9 au 10 Janvier 2015, nuit où les adeptes d’une branche du christianisme ont mis feu à un Vodun à Tindji Adjokan, commune de Zakpota. J’ai senti l’urgence de slamer le Vodoun, pour raconter au monde l’universalité de ses valeurs fondamentales afin de contribuer à l’effectivité du dialogue interreligieux et interculturel, pour une culture de paix durable au Bénin. J’ai senti l’urgence de slamer le Vodoun pour rappeler à l’Africain que c’est grâce aux savoirs Vodoun que les esclaves de Saint-Domingue ont vaincu l’armée française le 18 novembre 1803 et aboli l’esclavage légalisé par l’Eglise catholique (cf. Romanus pontifex 1454 et code noir, 1685) pour nous rendre la liberté dont ils étaient privés. J’ai senti l’urgence de slamer le Vodoun pour réconcilier l’Africain avec lui-même, sa culture, son histoire et les afro-descendants pour un développement effectif de l’Afrique à l’horizon 2045.

En magnifiant le Vodoun, est-ce un culte que vous valorisez ou une identité que vous défendez (ou les deux) ?

Le culte vodoun n’a besoin d’aucun Homme pour le défendre, il était, il est, et il sera. Il est l’énergie qui continuera de se moquer du temps, de l’espace et des frontières. La culture Vodoun par contre a toujours été victime d’une guerre de l’image et de la communication depuis l’arrivée de la première soutane et du premier coran en Afrique. Il est temps de mettre fin à cette guerre de l’image qui fait qu’aujourd’hui, d’aucuns pensent à tort que le Vodoun est synonyme de sorcellerie, d’obscurantisme et de la magie en le réduisant à la poupée. C’est à cette urgente nécessité que mon Slam Voodoo tente de répondre à travers les Festivals, les conférences, les projets et mon album en cours d’enregistrement.

Vos textes sont-ils bien accueillis dans ce contexte où nombre de béninois rejettent leur propre réalité?

Il est vrai qu’après quatre siècles d’esclavage et un siècle de colonisation, l’Africain en général et le Béninois en particulier vit dans le reniement de ses origines, le déni de sa grandeur ; il n’en demeure pas moins vrai que le Vodun étant le sang dans nos veines, les Béninois accueillent généralement bien mes textes écrits en langues Fon, Mina et Français à l’encre de la sagesse du Fa et de l’énergie Vodun.

En public beaucoup me stigmatisent mais me soutiennent à l’abri de tous regards. Nous vivons dans une hypocrisie collective. Nombreux sont ceux qui ont essayé de me bloquer dans les médias, au cours des programmations de certains évènements, dans le seul but d’étouffer mon message qui dérange le modèle économique qui va avec les religions du livre. Et pourtant, si ma démarche artistique devait avoir une ambition ce serait celle qui invite le chrétien, le musulman, le vodouisant à une compréhension mutuelle afin de faire du Bénin une nation, condition sine qua non pour construire le Bénin de nos vœux, l’Afrique de nos espoirs.

Votre première prestation, vos beaux souvenirs, des prix gagnés grâce au slam, etc.

L’un des plus beaux souvenirs que j’ai eus sur le chemin du slam, c’est ma première véritable prestation le 13 mars 2013 à la finale du Bénin Slam. Venu avec 5 amis pour me soutenir, je suis parti de là avec la sensation d’avoir conquis tout le Bénin, tellement le public m’a porté, je ne cesserai jamais de remercier tous ceux qui ont fait de ce moment un instant privilégié. En dehors du Bénin où j’ai eu la chance d’avoir participé à plusieurs grands événements comme par exemple la campagne Tolérance Zéro au Mariage des enfants organisée par l’Unicef, la tournée dans les prisons du projet Carit’art, j’ai eu la grâce de porter le Slam Voodoo à l’international avec pour moment inoubliable, ma participation à la saison 2 de l’émission panafricaine « l’Afrique à un incroyable talent ». Comme distinction, je puis m’autoriser à citer, le prix de la révélation Slam du Bénin en 2013, la coupe du mot de Slam en 2015, le prix du meilleur ambassadeur du Slam béninois en 2017 et le titre de premier slameur du Bénin selon Littér’acteur Mag en 2017.

Marié, ou cœur à prendre ? Plat préféré…

Sourire. A la complice de mes instants de doutes, d’épreuves, de victoires et de joies ; celle avec qui j’aime préparer mon plat de Dakoin préféré ; je n’ai pas encore juré fidélité devant les Hommes, Dieu et les mânes immuables de nos ancêtres.

Propos recueillis : S. B. A(Coll.)
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