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Communales/Refus de battre campagne sur le terrain: Atayi Guèdègbé dénonce une décision précipitée et non inclusive

Publié le vendredi 17 avril 2020  |  Matin libre
Joël
© aCotonou.com par DR
Joël Atayi Guedegbe, président de l’ONG béninoise Nouvelle éthique
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La tenue ou non des élections communales et municipales préoccupe en cette période où sévit la pandémie du coronavirus. La date du 17 mai initialement prévue pour tenir les élections est maintenue à l’issue d’une concertation des présidents des institutions du Bénin, avec une campagne électorale exclusivement médiatique compte tenu du contexte. Une décision que qualifie de précipitée et non inclusive l’acteur de la société civile, expert en gouvernance et spécialiste des questions électorales Joël Atayi Guèdègbé. C’était était hier, jeudi 16 avril 2019, dans l’émission « Actu matin » de Canal 3 Bénin. Voici le verbatim de l’entretien qui a accordé.

Tel qu’il se déroule, le processus électoral, est-ce que cela augure d’une bonne fin ?

Bien malin qui pourrait le dire, il faut le souhaiter de toute façon. Le calendrier pour l’instant se maintient cahin-caha, malgré les difficultés qu’il y a eu à l’enregistrement des partis politiques. Donc cet écueil a été franchi déjà, malheureusement pour ceux qui ont été recalés, mais la moisson est meilleure. Le processus semble de meilleure qualité que l’année dernière. C’est déjà à saluer. L’incertitude vient particulièrement de la pandémie du coronavirus, qui fait douter de la possibilité d’avoir un processus électoral dans ses phases de campagne électorale et de déroulement du scrutin qui soit semblables aux grandes messes qu’on a connues par le passé. Donc c’est toute la question qui se pose même si les présidents d’institutions dans une récente concertation ont plutôt répondu avec fermeté que la date du 17 (mai ndlr) était maintenue.

Auriez-vous souhaité qu’on reporte par exemple ces élections ?

Non on ne reporte pas pour le plaisir de reporter, vraiment on se garde effectivement d’aller au report, pour un oui ou pour un non, donc il faut réunir assez de conditions pour que le cas de force majeure impose et force à décider ainsi. Mais j’ai peur que nos présidents d’institutions soient allés trop vite en besogne, ça aurait pu être une concertation informelle et ça aurait pu s’en tenir à cela et ou la Céna (Commission électoral nationale autonome) aurait pu être plus pédagogique, mieux dans la conformité au processus, en consultant initialement les partis politiques, qui sont les premiers acteurs. Bien-sûr, il va falloir les consulter quand on envisagerait un report. La loi électorale est sans ambages là-dessus. Même le protocole additionnel de la Cedeao nous impose d’avoir le consensus le plus large dès qu’on envisage une modification du processus électoral ou d’une loi majeure, à moins de 6 mois des élections. On n’est pas dans ce cas de figure, me répondrait-on, mais, il aurait été de bon ton de la parte de la Céna, d’entretenir un dialogue plus constant avec les partis politiques qui donnent l’impression de subir.

Les partis politiques qui plus tard ont eu des rencontres avec la Céna, avec d’autres institutions de la République, n’ont pas semblé bouder, n’ont pas semblé désapprouver cette décision du maintien !

On ne va pas être plus royaliste que le roi, même si je suis citoyen et que j’ai mon opinion… mais disons que c’est assez étonnant de la part des partis politiques de se laisser conduire aussi…

Etait-ce raisonnablement envisageable, un report des communales et municipales ?

Dans l’absolu, non. C’est vrai on peut spéculer et il y aurait autant de raisons pour, que contre, soyons honnêtes. Mais il est trop tôt de dire sans ambages, le 17 ou rien du tout. Vraiment personne n‘est aujourd’hui en mesure de dire ce que serait cette pandémie dans deux semaines, dans chacun de nos pays, la preuve, chacun des pays ajuste à peu près tous les 10, 15 jours les mesures qui sont prises pour gérer au plus près cette crise-là. Comparaison n’étant pas raison, les pays qui ont maintenu leurs élections par le passé, dans un passé récent, la Guinée Conakry, même si c’est sur fond de boycott et de violence, le Mali bientôt, la France qui a suspendu son processus électoral des communales notamment, le second tour et qui se mord un peu les mains d’avoir forcé les choses pour faire le premier tour… Donc la vérité est forcément relative ? Mais davantage sur le plan de la logistique, irions-nous que peut-être nous appréhenderions de manière plus tangible, ce qui est en jeu et la Céna doit pouvoir nous répondre pour dire en quoi est-ce qu’elle est prête ou en quoi est-ce qu’elle est réellement en mesure de tenir les délais dans le cas déjà d’une élection ordinaire, sans coronavirus je voulais dire. Et ce n’est pas une patrie de plaisir, si le législateur ou si le gouvernement en tout cas, si on a dispensé un peu la Céna de devoir faire des élections couplées, parce que ça aurait dû être communale et locale. C’est pour dire qu’on a essayé de réduire la complexité de ces élections-là. Malgré tout, les communales c’est 546 circonscriptions électorales. On a vu la difficulté pour les partis de constituer les listes et d’avoir 3630 candidats, je crois. Et même quand c’est la Céna qui distribuait les bons et les mauvais points, elle a eu sa part de difficultés à gérer cela, elle est très loin d’être sortie d’affaires, rien que de ce côté-là. Alors, en rajouter à la difficulté, à la complexité, à l’anxiété du moment, par le maintien de cette date me paraît un peu curieux. Ça pourrait se justifier tout au plus par la nécessité, mais point n’était besoin d’avoir les présidents d’institutions au dos. La Céna est une institution autonome, il faut le rappeler. Le décret convoquant le corps électoral été pris à bonne date par le chef de l’Etat, il faut l’en féliciter, mais une fois que c’est fait, la Céna a mission d’organiser. Elle a proposé un calendrier, dans l’ensemble ça tient la route. Elle a su faire preuve de flexibilité notamment dans l’enregistrement des partis politiques, on l’a vue et c’est un peu cet effort de dialogue pour coller à la réalité, qu’on demande. Mais c’est à la Céna d’informer au fur et à mesure de l’évolution de sa préparation, de nous informer réellement.

Traditionnellement, la Céna, lorsqu’il est question d’évoquer les délais ou de déplacer une date, me semble-t-il fait une démarche vers la cour constitutionnelle, avant de procéder ainsi…

Oui pour le report, mais à l’intérieur du calendrier, c’est absolument de la prérogative de la Céna.

Donc elle aurait pu par exemple décider d’un report ou pas ?

Non elle peut que présenter l’état des lieux de sa préparation, pour dire si oui ou non elle est en mesure de tenir dans les délais. Et je l’ai dit on ne déplace pas la date d’une élection, pour le plaisir de le faire. On a la chance que ce soit les communales qui sont un peu régies juste par une loi et non par la constitution. Maintenant, il y a un lien évident entre ces communales et la présidentielle parce qu’elles décident du parrainage pour les présidentielles et autres et que ça pourrait signaler un processus électoral plus ouvert. Je peux comprendre tout ça et surtout en termes de mobilisation, d’optimisation dans la préparation logistique, il est certainement de bon ton que la Céna dise à ses agents, qu’il n’est pas question de report. Donc on fait le maximum.

L’un des responsables de la Céna était sur ce plateau hier, la Céna se dit prête et continue de dérouler son calendrier électoral. Mais selon vous, c’est vrai, la décision est prise, nous allons aux élections le 17 mai, qu’est-ce que ça peut impliquer en relation avec le contexte de la pandémie du Covi-19 en terme logistique pour la Céna, quels changement cela peut induire ?

C’est un peu ce que nous voyons partout, il faut pouvoir assurer le dispositif de lavage des mains, c’est le minimum et s’il y 15000 bureaux de vote en moyenne, il faudra que la Céna nous assure qu’elle va disposer de ce matériel, qu’elle va y disposer également un agent pour aider les gens à se laver les mains correctement.

Voyez, la durée du vote c’est 9 heures de vote, même si c’était 10 heures de vote pour des bureaux qui font en moyenne 500 électeurs, ça ferait 50 électeurs/heure, on ne pourra pas tenir. Parce que se laver les mains, 30 seconde au moins, même si c’est 20 secondes, prendre le bulletin, avec des gens qui seraient les plus éloignés les uns des autres, ça va allonger tout. Ou alors, on n’optimise pas le taux de participation, on s’en va vers un taux plutôt faible et ce sera extraordinaire qu’on aille au-delà de 35, 40%, parce qu’il y a la part d’anxiété également des électeurs qui ne sont pas forcément rassurés et puis il y a une contradiction, les dispositions actuelles disent qu’on ne serait à plus de 10 quelque part et on aurait une file de 10m de long au minimum. Dans une cour d’école, ça va commencer à coincer. Et puis ceux qui auraient fait le déplacement et auquel on demanderait de rester au-delà, ça va créer un attroupement, ça va créer des incompréhensions. On n’a déjà pas assez de force l’ordre, il va falloir en déployer dans tout le pays, le même jour, au même instant. C’est un gros défi logistique, donc même si le matériel on en dispose, même si le personnel supplémentaire, la Céna pourrait le recruter, il y a le comportement des électeurs et ce n’est pas gagné. Vous voyez, les partis politiques n’ont pas été amenés par exemple à travailler sur le logiciel d’enregistrement des candidatures. Normalement, il faut des répétions dans un processus électoral, dans la préparation. On n’aura pas cela. Dans la formation des agents électoraux qui sont au moins 45000, déjà la Céna avait du mal à former moins de 50 personnes à la fois, c’est ce qui est indiqué pédagogiquement. Avant ce sont des classe de 200 apprenants et qu’est-ce qu’on va faire cette fois-ci ? Est-ce qu’on va avoir plusieurs séances ? C’est cela le défi logistique. Il faut que le calendrier… ce n’est pas possible. Dans l’ancien calendrier tout est déjà fixé. Là il faut allonger le calendrier pour des séquences plus petites.

A deux semaines de la campagne électorale, … la campagne électorale elle sera plutôt médiatique, comment vous appréciez cette donne ?

En partie on l’a toujours fait, mais actuellement elle est appelée à suppléer la campagne sur le terrain, donc c’est assez inédit, ça va demander plus de médias. C’est vrai on a moins de partis en jeu, ça c’est une chance, mais il faut imaginer un format qui permette d’expliciter l’offre électorale que l’électeur qui reste à la maison y trouve son compte. Les radios de proximité étaient plus ou moins tenues hors de la campagne médiatique avant. Donc il faut les réintégrer, les former davantage aux exigences déontologiques en temps de campagne, en temps d’élection, donc la Haac même en temps normal avait déjà du mal à faire ce travail. Donc elle en rajoute et il faut maintenant de la créativité pour avoir des débats dignes ce nom-là. Ça pourrait être le petit plus que la Haac amènerait, imaginer et créer des débats thématiques où les uns et les autres en arrivent à nous situer sur ce qu’ils proposent pour le développement local chez eux. Il est dommage qu’on force un peu les choses. On a quelques mois pour maîtriser la pandémie du coronavirus, on est manifestement sur bonne voie au Bénin, mais il faut consolider tout cela. Chacun sait que la levée de confinement ou des mesures peut créer un autre pique, enfin, je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure. Mais faisons des choses une parure, c’est venu s’imposer à nous et nous aurions eu un bon test avec la rentrée des classes fixée pour le 10. Dieu seul sait si nous pourrons tenir ces calendriers-là. Peut-être que après le mois d’août, on aurait pu envisager ces élections peut-être que en novembre, décembre encore on peut les faire sans que ça vienne bousculer la présidentielle. Mais wait and see. Espérons que tout le monde va s’y mettre et avec beaucoup de civisme, que les autorités seront davantage à l’écoute, les partis politiques à l’écoute de toute contribution qui pourra aider.

Peut-être qu’il ne faut pas non plus trop être alarmiste, par rapport au coronavirus parce qu’on voit des pays actuellement en train de déconfiner, ça veut dire qu’il y a quand-même de l’espoir.

On déconfine quand on a pu tester à grande échelle pour mesurer, enfin on n’ira pas sur ce terrain-là, mais espérons que notre pays se donne effectivement les moyens de mieux maitriser la pandémie et ensuite les autres tâches et je suis d’avis avec le président de la République, que l’après Covid-19 doit nous préoccuper donc c’est tout cela qu’il faut intégrer. Il est juste regrettable que quelques présidents d’institutions soient allés s’enfermer pour décider aussi brutalement et unilatéralement que ce serait le 17. Bon il n’y que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

On aura peut-être fait un referendum, pour décider ?

Non, je disais tantôt que la Céna devait sérieusement nous informer de son état de préparation et que les partis politiques, premiers concernés réellement auraient pu être mis à contribution en amont, avant d’en arriver là. J’ai eu comme l’impression qu’on a mis la charrue avant les bœufs et …, bon je ne voudrais pas qu’on se dédise, et puis qu’on prive les citoyens, les électeurs d’une possibilité d’interaction avec les partis politiques, c’est quand-même de développement local qu’il s’agit, des élections de proximité qu’on n’aura pas en réalité.



On va avoir des maires médiatiques produits des médias !

On aura tout vu

Transcription

Thomas AZANMASSO
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