Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



La Nation N° 5877 du 3/12/2013

Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Société

Sortie du juge Angelo Houssou du Bénin : Héroïsme, trahison ou cas de conscience ?
Publié le mardi 3 decembre 2013   |  La Nation




 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Après sa première tentative du 17 mai dernier, brisée par la promptitude des Forces de sécurité, le juge Angelo Houssou aurait réussi à franchir finalement les frontières nationales, pour se rendre aux Etats-Unis via le Ghana. Un épisode qui ne marque certainement pas la fin des affaires qu’il a instruites, mais qui pourrait avoir quelque impact sur leur suite, notamment en France, autant que sur l’image du Bénin dans son pays d’accueil où il aurait formulé une demande d’asile politique…

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI

Les ordonnances de non-lieu du juge Angelo Houssou en date du 17 mai 2013, relatives aux affaires dites tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat contre le président Boni Yayi l’ont rendu célèbre, et lui auront permis d’apparaître comme une victime du système. Voire un héros !
De fait, personne n’a semblé finalement lui en avoir voulu pour avoir entrepris, au soir même de la reddition de ses ordonnances, de sortir du pays. Une attitude qui peut être vue avec suspicion et qui ailleurs, à elle seule, aurait mis le juge en délicatesse à moins d’être l’illustration qu’il ne sied pas, dans le pays, de faire son travail en toute conscience.
Et c’est sans conteste la thèse que devrait porter le juge au soutien de sa demande d’asile, servi en cela par le fait que le juge d’appel a littéralement confirmé ses ordonnances. Ce qui, a priori, appelle au moins à considérer que le juge, dans l’accomplissement de son devoir, ne s’est laissé guider que par sa conscience professionnelle, son intime conviction.

Parti quand même…

Alors qu’il pouvait être fier de son professionnalisme et, avec lui, tous ceux qui rêvent d’une administration de développement, d’agents publics consciencieux, c’est aux gémonies qu’il est voué. La confirmation de ses ordonnances, en instance d’appel et donc par plus expérimentés que lui, n’y changera rien. On fit comme si l’arrêt de la Cour d’appel n’a jamais existé.
Mais avant, l’attitude du juge Angelo Houssou, au soir même de la reddition de ses ordonnances, aura contribué à cette atmosphère autour de sa personne. Tenter de partir du pays, alors même qu’il venait de rendre des ordonnances pour le moins sensibles, tant le dossier en cause a été lui-même élevé à un point de sensibilité extrême, pouvait en effet le rendre suspect aux yeux de certains.
A moins qu’il fasse savoir que durant l’instruction, il a été l’objet de pressions intenses voire de menaces de toutes sortes. Et que dès lors, pressentant que ses ordonnances ne seraient pas forcément bien accueillies par les auteurs de ces pressions et menaces, il a choisi de se soustraire à leurs vues. Toujours est-il qu’empêché de sortir par la frontière bénino-nigériane de Sèmè-Kraké, Angelo Houssou sera soumis à un régime strict. Il s’agissait d’assurer sa sécurité, se défendait le gouvernement. C’était plutôt un siège de l’intéressé et de sa maison, dénonçaient les siens (parents et collègues). Et quand bien même ce dispositif sera allégé, le juge n’aurait jamais cessé de faire l’objet de filature à en croire l’Union nationale des Magistrats du Bénin dont il est membre.
Dans ces conditions, ses déplacements devaient être surveillés. Là-dessus, la question essentielle qui se pose est de savoir comment, si un tel dispositif était toujours en place, il a réussi à le déjouer et à sortir du pays. Les uns peuvent soutenir, a postériori surtout, qu’il n’a jamais été empêché, en réalité, de voyager ; de même qu’ils ne l’ont jamais filé.
A contrario, lui, pour donner du relief à son aventure, aura beau jeu de raconter une scène digne d’un polar ; allant de comment il a semé ses gardes et suiveurs, à son arrivée aux Etats-Unis en passant par les conditions de la traversée du pays et du Togo pour se retrouver au Ghana. Un récit qui pourrait plaire et faire de lui un héros, surtout dans son pays d’accueil vanté comme un espace de liberté et d’égalité. En face, en cas de décision défavorable émanant de la Cour d’appel de Paris dès demain au sujet des demandes d’extradition, les jours prochains pourraient connaître un déferlement anti juge Houssou à travers le pays, présenté pour l’occasion en ennemi et poltron n’ayant pas le courage d’assumer ses actes. Dans tous les cas, il va sans dire que si la filature, le cas échéant, a continué jusqu’à son départ, les personnes préposées à cette tâche auraient des comptes à rendre à leur hiérarchie. Pour n’avoir pas su empêcher ce pied de nez du juge à toute l’institution sécuritaire de notre pays.

Le Bénin montré du doigt ?

Le choix des Etats-Unis, en cette affaire, n’est pas anodin. Magnifié comme le pays de la liberté, un pays où la fonction de juge ou de procureur est littéralement sanctifiée, les Etats-Unis, pour honorer leur réputation, n’aurait aucune difficulté à recevoir favorablement Angelo Houssou, pour peu que les conditions soient remplies.
Or, les tracasseries et autres vitupérations dont il a été l’objet après ses ordonnances sont autant d’éléments objectifs qui seraient pris en considération pour apprécier le dossier. Et si le juge obtient gain de cause, c’est l’image du Bénin à l’extérieur qui en prend un coup, particulièrement auprès des Etats-Unis. Le pays serait, en effet, vu comme un Etat démocratiquement déficitaire ou anémié, toute chose que le pays d’Obama abhorre.
Ce qui suppose que l’éligibilité du Bénin à certains programmes ou projets, à certains financements pourrait être compromise; de même qu’à certaines tribunes officielles, notre pays pourrait être cité comme un mauvais exemple.
En outre, la ‘’fugue’’ du juge Houssou intervient dans un voisinage tellement immédiat du délibéré de la Cour d’appel de Paris, au sujet de la demande d’extradition de Patrice Talon et Olivier Bocco, que cela ne manquera pas de susciter des réflexions au niveau du juge français. Un élément de plus pour penser que la Justice béninoise n’est pas libre ? Que les juges ne sont pas libres d’exercer leur métier et, qu’en conséquence, ils ne bénéficient pas de la sérénité nécessaire pour une bonne administration de la justice ? Pour, au total, estimer que Patrice Talon et consorts ne bénéficieraient pas d’un procès équitable au Bénin ? Rien n’est à exclure !
Et dans cette affaire, enfin, ce sont les courtisans et autres conseillers qui seraient, en amont, responsables de ces déconvenues éventuelles que connaîtrait le Bénin. Sans perdre de vue que, si la demande d’asile politique a été effectivement formulée par le juge mais qu’elle lui est refusée, il jouerait gros ; lui qui, en partant de la sorte et en ayant formulé cette demande le cas échéant, renonce sans doute implicitement à son emploi de magistrat au Bénin. Les Etats-Unis étant néanmoins le pays des possibles tant qu’on est dans la légalité, s’il est admis à y vivre longtemps, Angelo Houssou pourrait se donner une nouvelle vie, voire partager avec les Américains, en étant sollicité ici ou là, son expérience de « jeune juge intrépide » ou « voué aux gémonies pour avoir bien fait son travail ». Ce ne serait pas déjà rien pour lui à titre personnel, cette société étant demanderesse de ce genre d’histoires vécues… même si d’autres douteraient de son courage et de son patriotisme.
En tous les cas, pour les uns il serait un héros. Pour d’autres, quelqu’un qui a trahi son pays en allant l’exposer négativement. Pour d’autres enfin, il deviendrait un cas de conscience.

 Commentaires