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Education et biodiversité au Bénin : Le déclin du Mini Zoo de Cotonou

Publié le jeudi 30 avril 2020  |  Fraternité
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© aCotonou.com par dr
Le mini Zoo du Centre de Promotion de l’Artisanat de Cotonou
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Créé depuis près d’un quart de siècle, le mini Zoo du Centre de Promotion de l’Artisanat de Cotonou entame une période sombre. Chute de la fréquence de visiteurs, morts des animaux phares, cadre peu attrayant et peu relaxe pour la vie sauvage, charges considérables d’entretiens. Dans les coulisses d’un espace de vie qui risque de disparaître.
De loin, aucun présage de la présence de vie sauvage. Dans les dédales du Centre de Promotion de l’Artisanat, sur les orientations peu motivées de quelques usagers, le visiteur finit par tomber sur une maison au portail vétuste, couvert de divers dessins d’animaux. La porte franchie, on s’introduit dans ce qui représente depuis un quart de siècle le mini Zoo de la capitale économique du Bénin.
Assis, dans l’un de ses quelques mobiliers, Charles Sanni, responsable du Mini-Zoo conte l’histoire. « J’ai pris la gérance depuis 1998. Mais ça existait deux ans avant moi que je ne vienne. C’était une initiative de l’Ex Ministre Gatien Houngbédji qui était Président de la Chambre du Commerce. Il a vu quelque chose de semblable qu’ils appellent musée à Niamey, c’est-à-dire des artisans et des animaux ensemble. A son retour, il a proposé au Général Mathieu Kérékou qui lui a donné l’accord », commence-t-il à narrer.

« Le lion était vraiment le roi »
Cependant, les choses n’iront pas sur les chapeaux de roue comme voulue. Selon notre historien de circonstance, en relayant son prédécesseur, la ministre Marie-Elise Gbèdo est allée s’enquérir du cadre, mais elle sera vite déçue. Charles Sanni, spécialiste de fabrication d’aquarium venu faire une exposition dans le temps, donne raison à l’avocate, qui du coup à pris la défense des animaux. « Les quelques animaux qui s’y trouvaient étaient mal entretenus. Elle avait demandé au Directeur du centre de ramener les animaux dans leur milieu naturel ou de confier le site à un privé. Entre temps, j’étais appelé à Cogérer le Zoo du Président Blaise Compaoré au Burkina-Faso. C’est de là que j’ai été appelé en 1998 par le Cpa pour prendre le zoo de Cotonou en main. Avec l’amour que j’ai pour les animaux, ça a bien pris », confie Charles Sanni.
Lancé avec 2 lionceaux, 2 singes, et quelques autres espèces, cet espace reconstitué pour la faune a su par le passé drainer touristes et apprenants. Un engouement était perceptible autour de la cinquantaine d’espèce sur les lieux, les aigles, les pythons, des singes, des francolins. Bien évidemment, à ses dires, tous les honneurs revenaient au roi lion. « L’un dans l’autre, le lion était vraiment le roi. Quand les visiteurs venaient, ils ne sont pas satisfaits tant qu’ils ne l’ont pas encore vu », précise le gestionnaire du Mini-Zoo.

Des évènements bouleversants
Coup de tonnerre. La vedette du mini zoo sera abattue, il y a une décennie, dans des circonstances que le gestionnaire dit regrettables. Puis, avec la mort de la Lionne il y a quelques mois, l’engouement chute en ces lieux. Les choses évoluent en decrescendo. Et pour un zoo situé dans la ville phare du Bénin, l’atmosphère devient paysanne. « Je suis un passionné de la faune. Je viens de faire le tour. Je suis un peu satisfait par rapport à ce qu’ils ont comme espèces. Mais je suis resté sur ma faim. Je n’ai pas vu mes animaux préférés comme le Lion et le Paon », regrette Saliou Moussa, visiteur.
Mais l’absence des animaux qui attirent les amis de la faune et des apprenants est loin d’être la seule cause de la chute des statistiques de visite. D’autres évènements vont progressivement tirer cet espace de vie vers son déclin. « Nous avons pris l’initiative d’aller à la rencontre des apprenants. Mais les grèves entre temps enregistrées ne nous ont pas facilité la tâche. Aujourd’hui, c’est la pandémie du coronavirus qui fait que toutes les écoles sont fermées. Or, ce sont les écoles qui font vivre un zoo. Aussi, avant que cette épidémie ne survienne, nous avons enregistré l’année dernière une inondation sur le site qui a tué beaucoup de nos animaux. C’est la première fois que je vois ça en 23 ans ici », raconte Charles Sanni.
Et quand on sait tout le rôle qu’un Zoo est appelé à jouer dans l’éducation et la recherche scientifique, la grande métropole du Bénin devrait se battre pour en avoir de plus moderne, dans un cadre merveilleux. Avec une démarche pédagogique, les zoos peuvent être des lieux intelligents, privilégiant l’information du public.

Conditions déplorables de garde des animaux
Aujourd’hui, le mini zoo passe des jours sobres, après ses années de gloire. Le cri des oiseaux semble être étouffé par les bruits de proximité. Sur ce site de demi-hectare, les animaux se retrouvent dans des loges peu adéquates, bien que le gestionnaire dit se battre pour améliorer l’existant. « Je continue de me battre mais c’est une question de moyens », dit-il. Mais ce n’est pas une excuse valable pour les défenseurs des droits des animaux. Pour certains, le mini zoo de Cotonou n’est plus loin de ressembler à un vulgaire enclos.
Maître de Conférence des Universités, chercheur au Laboratoire d’Ecologie Appliquée de l’Université d’Abomey-Calavi, Etotépé Aïkpémi Sogbohossou n’approuve pas la situation du mini zoo de Cotonou. « Les animaux sont dans de petites cages. Ça ce n’est pas un zoo. D’ailleurs, les défenseurs des droits des animaux ne seront pas contents de voir ça. Si on veut vraiment avoir un Zoo, on doit mettre les animaux dans des conditions qui sont proches de celles naturelles. Comment voulez-vous montrer aux gens dans quelles conditions vit l’animal si vous le mettez juste dans une cage et quelqu’un vient visiter. Sur le campus d’Abomey-Calavi, vous avez au Jardin Botanique et Zoologique quelques animaux mais ce qui est recherché ce n’est pas de mettre les animaux en captivité », fustige-t-elle.
Cependant, quoi qu’on dise le zoo est d’une importance capitale. Si ailleurs, des pays en sont arrivés à emprunter des animaux pour faire vivre leur Zoo, c’est que ces espaces sont d’une grande utilité pour l’éducation environnementale et la recherche. « C’est un espace où l’on peut se mettre rapidement en contact avec la nature et apprendre sur le rôle de la biodiversité dans la vie de l’Homme. Mais c’est beaucoup plus qu’un rôle éducatif. C’est aussi un rôle scientifique. Dans les pays développés, le zoo est surtout d’intérêt scientifique. Ensuite, les zoos jouent un très grand rôle dans la préservation des espaces menacées », martèle la spécialiste de la faune.

Un zoo à « délocaliser »
Sombrer ou rayonner. Le mini zoo de Cotonou est au carrefour de son propre avenir. Le gestionnaire continue de garder espoir pour la rénovation et la modernisation du site. Heureusement, sans tambours ni trompette, le Chef de l’Etat, Patrice Talon s’est intéressé, il y a peu, à la situation. « Nous étions allés dans une école à Porto-Novo avec les animaux quand on nous a annoncé que le Chef de l’Etat vient au Zoo. Nous nous sommes dépêchés pour revenir à Cotonou pour le rencontrer. Il a jeté un coup d’œil et a trouvé que c’était trop petit. Il a parlé de délocalisation pour le bonheur des populations béninoises et des touristes. Il a dit que si je veux il y aura délocalisation et qu’on pourra toujours me laisser. J’avais accepté avec deux mains, parce que mes animaux sont mal logés », confie Charles Sanni.
Un espace plus vaste aux environs de Cotonou, des infrastructures modernes et une augmentation du nombre d’espèces sont nécessaires pour rendre plus attrayante la vie sauvage pour ceux qui ont envie de découvrir le Lion, la Panthère, l’Elephant, les oiseaux, ou encore les tortues au-delà des livres et de la télévision. « Je ne pense pas que ça soit encore possible à Cotonou. On peut trouver de l’espace dans les environs de la ville. Il faut beaucoup de moyens. L’Etat est le mieux placé pour faire ça. Il y a des privés qui essaient. Mais un zoo, ce n’est pas seulement nourrir un animal. Encore que nourrir n’est pas facile. Un privé doit avoir beaucoup de moyens pour pouvoir se l’offrir. En plus, il y a les soins », insiste Etotépé Aïkpémi Sogbohossou. Une chose est sûre, il est temps d’agir, même si ce n’est pas les zoos qui vont résoudre la crise de la biodiversité.

Fulbert ADJIMEHOSSOU

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