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L’Ambassadeur Jean-Pierre Edon sur le Coronavirus : « L’homme doit être désormais au centre de tout et non le profit »

Publié le mercredi 3 juin 2020  |  L`événement Précis
Jean-Pierre
© aCotonou.com par DR
Jean-Pierre Edon, Ambassadeur à la retraite et spécialiste des questions internationales
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Dans une tribune intitulée « Gestion de la pandémie et le devenir à moyen terme de l’humanité », l’Ambassadeur, Spécialiste des questions internationales Jean-Pierre Adelui Edon fait savoir que l’avènement de cette maladie en décembre 2019 a tout bousculé et plongé l’économie mondiale dans des difficultés imprévues. Après avoir présenté les politiques mises en place par les grandes nations pour l’endiguer, il a souligné que l’Afrique libre pourra amorcer son développement. Quant au sort de l’humanité, il a fait savoir que dans ce nouveau monde qui s’annonce l’homme doit être au centre de tout et non profit. A le croire, une importance particulière sera accordée à la sécurité sanitaire, la souveraineté alimentaire et surtout la sécurité humaine qui mérite une grande considération.

La pandémie du coronavirus changera certainement le monde qui ne sera plus le même qu’avant. A cause de son importance et impact sur la vie quotidienne des humains, cette crise rappelle un autre évènement majeur du passé, celui de la chute du mur de Berlin qui, il y a 30 ans, a mis fin à la bipolarisation du monde dirigé jusque-là par deux puissances : les Etats-Unis et l’Union Soviétique.
De ce fait historique de grande portée internationale, les Etats-Unis sont sortis vainqueurs en gagnant la victoire idéologique qui imposa à toutes les nations le capitalisme comme le seul modèle économique et de développement. Depuis lors le monde est pratiquement contrôlé par l’Occident à travers le dollar comme l’unique devise des échanges internationaux, le complexe militaro-industriel et même par la culture. La recherche effrénée du profit, base de l’économie de marché au détriment de l’humain, a conduit inéluctablement à la destruction de la nature (environnement et changements climatiques etc…) y compris l’homme. Elle a entrainé des guerres entre individus et entre des Etats.
Les Etats-Unis, chef de fil de l’Occident contrôlait l’économie mondiale, instaurait toutes sortes de mécanisme comme la globalisation ou mondialisation qui aujourd’hui, a montré ses limites. Pendant ce temps la Chine et la Russie, en position de stratège s’organisent calmement et énergiquement en vue de s’affirmer plus tard sur la scène internationale. Nous en sommes à cet état des lieux quand brutalement intervient la crise sanitaire.
Depuis décembre 2019, la pandémie du covid 19 est venue tout bousculer et plonger l’économie mondiale dans des difficultés imprévues. Au sein de l’Europe, des dissensions importantes sont apparues entre les pays du Nord riches et égoïstes et ceux du Sud en pleine crise. L’Union s’organise pour éviter la récession. C’est dans cette optique que Paris et Berlin ont annoncé le 18 Mai dernier un plan de relance économique d’un montant de 500 milliards d’Euros, tandis que l’Union
Européenne prévoit 750 milliards d’Euros.
En effet, selon les dernières prévisions économiques de la commission européenne, l’Europe connaitra une récession sans précédent en 2020 du fait de la pandémie de coronavirus. Un plongeon du PIB de 7,4% est possible et les pays de l’Europe méridionale en seront les plus touchés. L’Italie et l’Espagne durement affectés par la pandémie devraient subir une récession supérieure à 9%, la
France et le Royaume-Uni, environ 8% du PIB.
Quant aux Etats-Unis, son économie est globalement bonne sous l’administration TRUMP. De 2017 à
2019, son PIB a régulièrement augmenté et le taux de chômage a baissé, beaucoup d’emplois ayant été créés. Mais la crise sanitaire a tout remis en cause. L’économie américaine est désormais ébranlée au point où Monsieur Jérôme Powell, PDG de la FED (Banque Centrale Américaine), au cours de son interview à la chaine télévisuelle américaine NBC le 26 mars 2020, annonce une possible récession à court terme.
Il en est de même ailleurs comme en Chine dont il est prévu une chute de près de 6% du PIB, mais ce pays qui gère déjà l’après pandémie semble s’en sortir mieux, malgré la guerre commerciale que lui a imposée la première puissance économique mondiale.
Bien avant la crise sanitaire, la Chine s’employait déjà à conférer à sa monnaie un caractère et une valeur internationale qui feront d’elle une devise propice aux échanges commerciaux internationaux.
Dans ce cadre, Pékin ne ménage aucun effort pour acquérir et accumuler beaucoup d’or servant à garantir sa monnaie.
Moscou entreprend la même politique pour valoriser sa monnaie sur le marché international et prend soin en même temps de façon discrète, des recherches soutenues dans le domaine militaire, l’USA ne lui inspirant pas confiance. A cette allure, dans un avenir proche, le dollar américain perdrait progressivement le monopole dont il jouit depuis des lustres dans les échanges mondiaux et dont les retombées sur l’économie du pays sont énormes.
La combinaison de ces éléments avec d’autres facteurs non évoqués dans cette analyse, permet de croire à l’avènement à moyen terme d’un monde nouveau où les puissances qui ont dominé le monde jusqu’ à nos jours, perdraient progressivement leur influence et forces en faveur d’autres nations émergentes qui évolueront de façon irréversible. Le grand projet chinois de la « Nouvelle Route de la Soie » en est une preuve.
Mais ce renversement de la situation ne se fera pas sans difficultés car les anciennes puissances occidentales, notamment leur chef de fil, auront du mal à accepter ce changement de paradigme .Il n’est donc pas exclu qu’intervienne un affrontement violent entre l’ancienne et la nouvelle puissance. « La Nouvelle Route de la Soie » qui permettra à la Chine de s’en sortir victorieuse, rentre dans ce cadre, ce projet étant à la fois économique et sécuritaire dans le sens de la stratégie prospective.
Quant à l’Afrique ainsi libérée, son développement pourra réellement décoller, n’étant plus sous la domination et l’exploitation des anciennes puissances. Le pillage de ses ressources cessera, ou tout au moins, connaitra une diminution substantielle. Ses matières premières seront payées à un prix juste et équitable fixé par le vendeur, pendant que la transformation sur place de ses ressources naturelles générera des valeurs ajoutées tout en créant des emplois. Les Africains gagneraient à se débarrasser de l’aliénation culturelle constituant un frein au développement et abandonner le masque blanc sur masque noir, attitude dénoncée et déplorée en son temps par le grand visionnaire africain Kwame Nkrumah. Tout ceci contribuera à réduire considérablement la pauvreté et jeter les jalons du développement.
Toutefois, la garantie d’un développement durable en Afrique passe aussi par l’accession au pouvoir des dirigeants patriotes, visionnaires, amoureux non du Pouvoir mais du peuple, soucieux du bienêtre de la population et accordant la priorité à l’intérêt général, dans un cadre démocratique assurant la pleine jouissance des libertés individuelles et collectives avec le respect et la protection des droits humains. Ils devront être des hommes et des femmes animés de l’esprit d’abnégation et de la richesse partagée. Ces changements ne se feront pas sans difficultés car il y aura, sous toutes les formes, des tentatives de reconquête de l’Afrique à cause des richesses de ses sols et sous-sols.
S’il est certain que la crise du coronavirus a révélé l’échec de la gouvernance du monde, l’inadéquation de l’ordre mondial actuel, et souligné l’opportunité de la remise en question du modèle de développement en vigueur depuis des décennies, il va sans dire qu’un nouvel ordre international est nécessaire et finira par s’imposer.
Dans ce nouveau monde qui s’annonce, l’homme doit être au centre de tout et non le profit. Une importance particulière sera accordée à la sécurité sanitaire, la souveraineté alimentaire et surtout la sécurité humaine qui mérite une grande considération. On veillera, à des fins économiques et sociales, à assurer la production locale des biens pour la création d’emplois en général, des emplois de proximité en particulier. Ce nouvel ordre mondial sera fondé sur plus de justice sociale et de solidarité de même que la réduction des inégalités.
Contrairement à ce qui se passe de nos jours au niveau de certains pays et pas les moindres, l’humanité a intérêt à se lever comme un seul homme pour relever le défi du changement climatique dont la persistance dans le temps pourrait créer une autre crise plus grave que celle du coronavirus. Il est également souhaitable de réinventer le lien social c’est-à-dire, entre autres, reconnaitre au social son importance et utilité, travailler en conséquence pour sa consolidation.
Aussi est-il heureux de constater que des 2000 milliards de dollars (une première dans l’histoire américaine) que le congrès a approuvés en fin mars 2020 pour sauver l’économie nationale ,1200 dollars seront individuellement remis à des millions de citoyens américains adultes contre 500 dollars aux enfants. Il sera alloué 377 milliards de dollars aux petites entreprises, 500 milliards aux entreprises très touchées par la pandémie, 100 milliards pour les hôpitaux et 250 milliards aux
allocations- chômage, des millions de travailleurs américains s’étant subitement trouvés au chômage. Cette sensibilité sociale américaine jamais connue, surtout sous une Administration Républicaine qui a remis en cause tout récemment et avec fracas, le programme de Santé du
Président Obama, permettant à des millions d’Américains pauvres d’avoir une assurance-maladie, augure vraiment d’un monde nouveau après la crise sanitaire.
En Côte d’Ivoire des actions sociales ont été aussi entreprises, malgré les prévisions des institutions du Breton Wood selon lesquelles la croissance qui était évaluée à 7% avant la pandémie, devrait descendre à 3 ou 4%. Aussi est-il accordé parmi tant d’autres mesures, une allocation de 36.000 FCFA pendant trois mois aux ménages ivoiriens vulnérables les plus pauvres. Un plan de soutien économique, social et humanitaire doté d’un fonds de 3 milliards de dollars, soit 5% du PIB ivoirien a été mis en place. Ailleurs c’est l’exonération du paiement des factures d’eau et d’électricité pendant
2 à 3 mois selon les pays.
En France, au Gabon et dans d’autres pays, le Gouvernement a décidé d’allouer une prime au personnel soignant des hôpitaux. Cette prime est l’expression de la reconnaissance de la qualité du travail énorme accompli, ainsi que des risques encourus par les agents de la santé. C’est aussi une manière de créditer le social à sa juste valeur, d’encourager et motiver davantage les travailleurs.
Partout en Afrique, de gros efforts financiers ont été déployés malgré les difficultés économiques.
Dans son intervention le 19 Mai dernier à la conférence organisée par « New York Forum Institute », le Président Alassane OUATTARA, illustrant ces efforts louables que complète le « Fonds d’urgence contre la pandémie » mis en place par l’Union Africaine, a déclaré que « les pays africains ont consacré entre 5% et 7% de leur PIB pour faire face à la pandémie ». Il a même plaidé en faveur de l’Aide Publique au Développement devant être alimentée par 0,7% du PIB des nations développées.
Ces pays en ont la capacité pour peu qu’il existe la volonté politique. La preuve en est l’énorme volume d’argent qu’ils ont pu mobiliser en peu de temps pour lutter contre la pandémie. Toute la dette africaine, a souligné le Président ivoirien, ne représente que 2% de ces fonds.
Il découle de ce qui précède que les mesures sociales sont nécessaires dans un contexte de crise, même en période de paix. Il revient à l’Etat de le faire dans le cadre de son rôle régalien. Cette crise a du reste, révélé partout l’importance et l’utilité de l’Etat, le secteur privé ayant montré, comme il fallait s’y attendre, ses limites. Il est donc imprudent de dépouiller l’Etat de ses attributions en faveur du privé sous prétexte de rentabilité, de profit maximal, ou de reformes. La différence fondamentale entre l’Etat (Administration publique) et le secteur privé réside en ce que celui-ci est à la recherche du profit, tandis que l’autre, travaille pour la satisfaction des besoins et des services de ses administrés, donc de toute la population. L’Etat est différent d’une entreprise privée, leurs raisons d’être n’étant pas les mêmes.
Le nouveau monde à venir après cette pandémie saura certainement mettre l’homme au centre de toute action. L’orgueil, l’imposture, l’injustice, les inégalités sociales seront sans doute moindres.
Une attention soutenue sera accordée à la santé, ce qui permettra de pouvoir lutter efficacement contre toute autre crise sanitaire à l’avenir.
En effet, cette pandémie a mis à nu l’échec des différentes politiques sanitaires et des réformes entreprises dans le secteur médical partout dans le monde, notamment au niveau des pays nantis.
Faisant passer la rentabilité économique avant la santé considérée comme du pur social, on n’hésite pas à réduire d’année en année son budget et celui des recherches scientifiques dans le domaine médical. Par cette pratique, on semble oublier que l’homme est la plus grande richesse et que sa contribution à l’expansion économique dépend avant tout, de son état de santé.
Aussi nourrissons-nous l’espoir que tirant des enseignements de cette crise qui a tant secoué le monde avec 373.883 morts enregistrés à la date du 1er Juin 2020 selon les statistiques de l’OMS (chiffre en augmentation tous les jours), les erreurs du passé seront corrigées dans tous les domaines. Il est bien entendu que cette correction ou régularisation des actes de tout genre se fera au profit de l’être humain évoluant dans un monde nouveau que nous souhaitons meilleur, caractérisé, entre autres, par un nouvel ordre économique et la démocratisation du système des
Nations-Unies, un facteur important des relations internationales.
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