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Menace de désertification dans le Nord Bénin : Dr Bio Orou Nikki donne l’alerte et fait des recommandations

Publié le jeudi 18 juin 2020  |  Fraternité
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© aCotonou.com par dr
Bio OROU NIKKI, docteur en Géosciences de l’Environnement et Aménagement de l’Espace et journaliste
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La communauté internationale célèbre ce 17 juin 2020, la Journée mondiale de lutte contre la désertification. C’est une menace préoccupante dans certaines localités du septentrion et du Zou au Bénin. Bio OROU NIKKI, docteur en Géosciences de l’Environnement et Aménagement de l’Espace et journaliste explique la situation. Il met l’accent sur l’éducation des communautés.

Dr Bio Orou Nikki, le changement climatique est-il un mythe ou une réalité dans le septentrion, une zone que vous maîtrisez bien ?
Le mythe, entendu comme une construction de l’esprit qui ne repose pas sur un fond de réalité est encore compris comme une utopie, une fiction, un rêve. Par contre, la réalité est le caractère de ce qui est réel, de ce qui existe véritablement, donc tangible et probant. A partir de cette clarification liminaire, la réponse à la question : « Le changement climatique dans la région septentrionale du Bénin, un mythe ou une réalité ? » est sans équivoque au regard des éléments scientifiques disponibles attestant de la variation climatique au Bénin. En effet, le Bénin a ratifié le 30 juin 1994 la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements climatiques. Dès lors, le Bénin est astreint à satisfaire aux exigences de la Convention. Ainsi, le Bénin a élaboré une communication initiale, une deuxième puis une troisième sur le changement climatique. Le contenu de ces documents démontre clairement la variabilité climatique au Bénin et dans la partie septentrionale déjà sous l’emprise du climat soudanien. Les différentes zones agro écologiques sont fortement exposées et les activités économiques en sont impactées négativement.
Sur le plan de la recherche scientifique, les nombreuses publications, les mémoires et thèses soutenus et en cours sur la thématique dans la partie septentrionale attestent, non seulement de l’actualité du phénomène mais aussi de ses effets sur le plan environnemental et social.

Les populations sont-elles vraiment convaincues ou quelles sont leurs perceptions ?
A défaut d’informations scientifiques, les populations se fient toujours à leurs perceptions pour interpréter les causes et manifestions des changements climatiques. Ainsi, les principales perceptions relatives à la variabilité pluviométrique sont d’ordre naturel et religieux : la destruction du couvert végétal par les défriches, le recul des traditions, la dépravation des mœurs et la violation des interdits sociaux. Les populations rurales sont fortement ancrées dans les perceptions ethno climatologiques en matière d’interprétation du changement climatique et de ses effets. Toutefois, la sensibilisation nécessaire via les médias communautaires, permettra de diminuer l’impact des croyances traditionnelles qui n’influencent pas toujours positivement les différentes précautions à prendre par la population pour se prémunir un tant soit peu des conséquences du changement climatique.

Le 17 juin, c’est la journée mondiale de lutte contre la désertification. Quelle est la situation dans les communes du septentrion ?
Les communes de la partie septentrionale du Bénin se caractérisant par une forte déforestation (domaine classé et domaine protégé de l’Etat), l’érosion (éolienne et hydrique), l’exploitation forestière (bois de feu, bois d’œuvre, agriculture), la croissance démographique, l’agriculture et le surpâturage sont localisées dans : l’extrême nord regroupant deux communes (Karimama et Malanville), le (bassin cotonnier du Bénin), les départements du Borgou (les communes de Tchaourou) et dans le département de la Donga. Ces communes de la partie septentrionale du Bénin sont exposées au phénomène de dégradation des terres si des mesures préventives et soutenues ne sont pas prises à temps.

Comment faut-il réussir à changer les comportements à risque ?
Pour réussir à changer les comportements à risques, les actions de communication de proximité à travers les radios communautaires et rurales locales doivent être complémentaires ou soutenir les activités de terrains relatives à la gestion durable des terres, à la reforestation. Des campagnes de sensibilisation pour le reboisement doivent être mises en œuvre de façon participative avec la contribution des communautés locales, les autorités locales, les ONGs, tous les autres utilisateurs des terres.

Le Bénin dispose d’une loi sur les changements climatiques. Que dit-elle concrètement ?
La loi N°2018-18 du 06 août 2018 sur les changements climatiques au Bénin a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 18 juin 2018. Cette loi comprend dix titres, trente et un chapitres, quatre-vingt-dix-huit articles. L’objectif visé par cette loi est de « lutter contre les changements climatiques ainsi que leurs effets et conséquences négatifs et d’accroître la résilience des communautés vivantes. Elle permet entre autres de prendre des mesures efficaces de riposte, d’adaptation et d’atténuation en fixant des objectifs précis de développement économique et social durable, de sécurité et d’efficacité énergétiques, conformément aux dispositions spécifiques des instruments juridiques nationaux et internationaux relatifs aux changements climatiques » (article 4). En termes d’objectifs environnementaux, fixés par la loi, ils portent sur : la protection des êtres et établissements humains, des animaux et des végétaux contre les menaces globales que sont : les gaz à effet de serre, l’altération de la couche d’ozone, la perte de la diversité biologique, la gestion des espaces pastoraux et des conflits y associés, la déforestation, le déboisement, la désertification et la sécheresse ;la lutte contre la pollution de l’air, des sols, des eaux marines et continentales superficielles et souterraines ; la gestion écologiquement rationnelle des ressources non renouvelables et de tous les types de déchets, la réduction des risques de catastrophes (article 5). Le champ d’application de la loi couvre : les écosystèmes continentaux, littoraux et marins ainsi que les eaux connexes et les établissements humains relevant de la souveraineté de l’Etat ; les actions, activités, mesures et initiatives entrant dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets et conséquences négatifs (article 2) ; et les domaines d’activités tels que : l’agriculture et la gestion des terroirs ; la production de l’électricité et l’efficacité énergétique , la gestion intégrée des ressources en eau, la gestion des forêts, la gestion des écosystèmes naturels et fragiles, les transports terrestres, maritimes, fluviaux et aériens , les industries, la prévention et la lutte contre la pollution environnementale et la santé publique, la prévention et la lutte contre l’érosion côtière, la gestion durable des terres, la gestion des zones humides, des écosystèmes côtiers et des ressources marines, les risques climatiques et les catastrophes naturelles, les établissements humains et les infrastructures, les échanges commerciaux.

Quelqu’un a dit, une loi non appliquée est comme une barre de fer soumise à la rouille. Comment peut-on rendre cet outil efficace ?
Pour une application efficace de la loi, deux conditions préalables sont à remplir : la prise des décrets d’application et la vulgarisation. Avant de nous focaliser sur l’application de cette loi, il faudrait avant tout que celle-ci soit complétée par des décrets comme le soulignent les articles ci-après :
Article 41 alinéa 2 : Un décret pris en Conseil des ministres fixe les conditions et modalités de culture, d’achat et de collecte de biomasse en vue de la production de biocarburant, la transformation de la biomasse en biocarburant, le mélange des biocarburants à des hydrocarbures fossiles raffinés, l’importation et l’exportation des biocarburants non mélangés.
Article 42 alinéa 3 : Un décret pris en Conseil des ministres fixe les catégories d’équipements nécessaires et leur répartition sur le territoire national.
Article 47 alinéa 4 : Un décret pris en Conseil des ministres fixe les caractéristiques techniques de véhicules motorisés pouvant être admis à circuler sur le territoire national.
Article 67 : Un décret pris en Conseil des ministres fixe les règles de performance énergétique portant sur l’orientation, l’éclairage, l’isolation, les flux thermiques, l’utilisation des énergies nouvelles et renouvelables et des matériaux locaux en matière de construction.
Article 80 : La composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Commission de modélisation économique des impacts du climat et d’intégration des changements climatiques au budget général de l’Etat sont fixés par décret pris en Conseil des ministres.
Ensuite, la loi et ses décrets d’application doivent faire l’objet d’une large vulgarisation aux fins d’en faciliter l’appropriation par les différentes couches sociales. En nous référant aux dispositions de l’Article 17 alinéa 6 de la loi, il est important que « l’adoption et l’exécution des programmes d’écocitoyenneté ainsi que des programmes de formation adaptés à l’utilisation des sources d’énergie de substitution, en particulier des sources d’énergies renouvelables, et en fournissant les technologies adéquates afin de réduire, voire éliminer, la dépendance à l’égard du bois de feu et du charbon de bois ». En outre, suivant les dispositions de l’Article 24 alinéa 1 : qui énonce : « L’Etat veille à l’information, à la sensibilisation, à l’éducation du public et au renforcement des capacités des acteurs en vue d’une participation de toute personne résidant sur le territoire national à la résolution des problèmes environnementaux et d’une prise de conscience des menaces et risques liés aux effets négatifs des changements climatiques », l’organisation des campagnes de sensibilisation est d’une utilité pour une meilleure compréhension de la loi.
De même, l’intégration de l’éducation relative aux changements climatiques, à l’environnement et à la réduction des risques climatiques et des catastrophes naturelles dans les programmes et curricula de formation de toutes les institutions d’enseignement et de formation, de la maternelle à l’université (Article 25 alinéa 1) doit être une réalité. Il en est de même de l’intégration de la gestion rationnelle des ressources en eau dans les programmes d’enseignement, de formation et de recherche de tous les ordres d’enseignement formels et non formels (Article 25 alinéa 2). Par ailleurs, l’effectivité de l’organisation des campagnes de sensibilisation, d’information, de communication et de formation au profit des populations sur la menace et les dangers de l’élévation du niveau de la mer (Article 31 alinéa 3) constitue des mesures anticipatives à mettre en œuvre. En vue de réduire la pression sur les ressources naturelles en l’occurrence le bois-énergie, la promotion de foyers améliorés et des appareils de cuisson à base d’énergies nouvelles et renouvelables est à encourager (Article 56).

Il n’est pas superflu de rappeler que c’est aussi une loi qui réprime. Pouvez-vous rappeler quelques sanctions prévues ?
Sur le plan de la répression, par exemple, la lutte contre les feux de végétation tardif est une action à intensifier. Ainsi, l’application de l’article 89 de la loi doit être de mise.
Article 89 : Est punie d’une peine d’emprisonnement d’un (01 ) an à deux (02) ans et d’une amende de cinq cent mille (500.000) francs CFA à Un million (l .000.000) de francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui commet un délit écologique en provoquant un feu de végétation tardif sur un terrain lui appartenant ou non.
L’application de l’article 90 de la loi devrait permettre de responsabiliser davantage les élus politiques à prendre en compte les changements climatiques dans les politiques de développement.
Article 90 alinéa 3 : Est punie d’une peine d’emprisonnement de cinq (05) ans à vingt (20) ans de travaux forcés et d’une amende de cinq millions (5.000.000) à cent millions (100.000.000) de francs CFA, « toute personne qui omet ou néglige de protéger la collectivité contre les risques sévères et persistants résultant des changements climatiques ou liés à leurs effets et conséquences négatifs ».

Fulbert ADJIMEHOSSOU
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