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Anselme Amoussou au sujet de la Covid-19 au Bénin : « Nous devons nous interroger sur notre part de responsabilité »

Publié le lundi 22 juin 2020  |  Fraternité
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© aCotonou.com par DR
Anselme Amoussou,Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes (Csa)
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Le secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin, Anselme Amoussou s’est prononcé hier sur Grand Format de la chaîne de télévision Canal3-Bénin, sur les mesures sociales prises par le gouvernement de la rupture et la flambée de la pandémie de la Covid-19. Pour lui, les mesures sont à saluer, même si la démarche participative laisse à désirer. Aussi, pense-t-il que les responsabilités doivent être situées en ce qui concerne la montée de la pandémie.

Vous faites partie de ceux qui avaient invité le gouvernement à prendre des mesures sociales pour soutenir les populations dans la crise sanitaire qui sévit actuellement. Êtes-vous satisfait de l’annonce du gouvernement ?
Ce qui a été annoncé est à saluer, parce que nous sommes partis de zéro mesure à près de 75 milliards de Fcfa aujourd’hui. On peut considérer que le gouvernement a entendu un certain nombre de cris de détresse, a commencé par poser les pas positifs pour soulager aussi bien les entreprises que les populations. Personnellement, je ne suis pas encore satisfait à partir du moment où il y a encore des pas à faire. La mesure des 75 milliards FCFA a été prise certainement sur la base d’une étude qui été menée. Peut-être que le gouvernement gagnerait à nous sortir les budgets qui couvrent les besoins. On a besoin de ces détails pour apprécier le niveau de l’effort fourni. Néanmoins, il faut saluer l’initiative. Car, quoique l’on dise, ces 75 milliards, si le gouvernement tient parole, iront vers des gens qui en ont besoin. En tant qu’acteurs syndicaux ayant souhaité que le Gouvernement fasse ce pas, on peut être satisfait. Il ne reste qu’à aller dans le détail pour voir comment tout cela a été fait.

63, 38 milliards de Francs Cfa ont été déployés au profit des entreprises avec 70% de salaire brut des employés déclarés sur une période de 3 mois. Quelle appréciation faites-vous de ce volet du programme social ?
C’est un pas conséquent qui a été fait. Il s’agit des mesures qui vont soulager des entreprises, c’est-à-dire, les aider à payer les salaires des travailleurs. De ce point de vue, en tant que syndicat, on ne peut que se satisfaire de cette mesure. Les entreprises ont été sérieusement impactées. En tant que syndicats, nous avons rencontré, il y a quelques semaines, les deux patronats du Bénin. Nous nous sommes entendus sur un certain nombre de points à mettre dans un mémorandum en commun que nous avons adressé au gouvernement. Il suffit d’écouter les employeurs pour comprendre que la pandémie a été soudaine, désastreuse à bien d’égards. Si le gouvernement ne faisait rien, les entreprises n’étaient plus en mesure de payer les salaires. Payer une bonne partie des salaires à la place des employeurs pendant 3 mois, c’est une mesure qu’il faut saluer. Ce qu’il faut souhaiter, c’est qu’il faut que le gouvernement mette un dispositif en place. Il faut que cet argent ne serve pas de cashflow pour les entreprises. Il faut que l’argent aille effectivement vers les travailleurs qui en ont besoin. C’est dans ce suivi que le gouvernement a besoin de s’entourer d’un certain nombre de personnes ou de structures. Malheureusement, la démarche a péché. On peut faire de très bonnes choses, mais quand on ne veille pas à la démarche participative pour mettre en confiance un certain nombre d’acteurs, vous pouvez faire des choses qui ne seront pas saluées à leur juste valeur.

Le Gouvernement devrait impliquer les partenaires sociaux…
Il peut ne pas forcement nous impliquer. Mais le gouvernement s’est comporté comme ayant la science infuse. Alors que, dans la gestion de la pandémie, nous savons que tout le monde est néophyte, parce que personne n’a prévu cela. Nous n’avons aucun spécialiste de cette pandémie. Et quand vous mettez en commun les intelligences, vous faites mieux les choses. Le Gouvernement gagnerait, à la suite de la gestion de cette crise, à s’entourer de tout le monde, y compris des agents du terrain.

Toujours par rapport aux entreprises, il y aura le remboursement de crédit de la TVA. Quel va être l’impact sur la relance économique des entreprises ?
C’est une manière d’encourager les gens à la consommation. Car, si on ne le faisait pas, les entreprises vont faire de la surenchère. Cette mesure va être utile pour le consommateur.

De l’autre côté, on parle également de l’exonération de la taxe sur le véhicule à moteur pour ceux qui ne l’ont pas payée en 2020 et la conversion en crédit pour ceux qui l’ont déjà fait. C’est sans doute une bouffée d’oxygène…
C’est une très bonne bouffée d’oxygène pour les citoyens. Vous et moi savons que ce n’est pas toujours facile de payer ces taxes qui varient de 30.000 Fcfa et plus. C’est autant d’argent que le consommateur peut utiliser pour prendre en charge d’autres besoins. Toutes les actions qui vont au profit du citoyen sont à saluer. Et cette mesure me paraît assez réfléchie.

La prise en charge de loyers commerciaux au profit des agences de voyage est prévu dans ce lot. Quelle appréciation faites-vous de ce volet ?
Je dirai d’abord que c’est bon, parce que la mesure va au profit des entreprises. Mais je suis assez surpris que l’on circonscrive cette mesure aux agences de voyage. Combien sont encore ces agences de voyage, surtout avec l’avènement de la Cellule des voyages officiels ? Il n’y a pratiquement plus de prestation des agences de voyage. Cette mesure a-t-elle été vraiment réfléchie pour aller vers le plus grand nombre. Il ne me semble pas que les agences de voyage soient les plus touchées par cette pandémie. Que dit-on des écoles privées. Elles ont été fortement impactées. Il y a des écoles qui ont déjà mis au chômage des enseignants. Quand nous parlons de la poursuite de l’année scolaire, nous parlons de la préparation des examens. Quand on sait l’impact de l’école privée sur notre système éducatif, je pense que le gouvernement gagnerait à étendre un autre type de mesure vers les écoles privées. Il me semble qu’elles font partie des structures qui ont été oubliées dans cette batterie de mesures engagées.

Les artisans ont aussi retrouvé le sourire. Le gouvernement a mis à la disposition de 55 000 artisans une somme de 4,98 milliards de francs Cfa. C’est sans doute une bonne nouvelle.
C’est un gros montant, mais faites le calcul et vous verrez que c’est insignifiant. C’est un gros effort du gouvernement pour une caisse commune, mais au final, ce n’est pas un effort si significatif pour les artisans. Cet argent va vers les artisans qui se sont fait enregistrer. Le reproche global qu’on peut faire pour les mesures annoncées, c’est qu’on a fait la part belle à tout ce qui est entreprise formelle ou enregistrée. Alors qu’on sait très bien que notre économie est à plus de 80% informelle. Qu’a-t-on fait pour le secteur informel. Quand on veut prendre des mesures, il faut tenir compte de l’environnement. On ne peut pas faire les choses comme les autres. J’ai été assez heureux que le gouvernement ait pris le temps de faire toutes les investigations pour savoir que faire. Au finish, j’ai le sentiment que ces 74 milliards iront vers des entreprises qui en ont moins besoin que vers des gens qui sont à la recherche de leur gagne-pain. Que fait-on pour ces personnes-là. J’ai appris que le gouvernement poursuit l’enregistrement des extrêmement pauvres. Or, il me semble que ce sont les extrêmement pauvres qui ont le plus besoin de ce soutien. Comment a-t-on pris 2 ou 3 mois pour analyser la situation et annoncer qu’il faut poursuivre l’enregistrement des extrêmement pauvres ? Le gouvernement sais très bien comment l’économie fonctionne, comment les gens vivent difficilement, nous vivons la précarité et quel a été l’impact de la pandémie sur la précarité. Je pense que le Gouvernement doit atteindre les extrêmement pauvres et aller vite.

On parle également de la prise en charge de 3 mois d’électricité et d’eau. Êtes-vous également satisfait de cette mesure ?
Non, au contraire. C’est là où j’accuse la démarche du gouvernement. Il suffit de discuter avec les partenaires sociaux et ils lui auraient fait comprendre que cette mesure n’a pas besoin d’être annoncée. A la limite, on peut appeler cela comme une sorte d’insulte. Parce que le gouvernement dit : « Je dois faire une augmentation des factures depuis quelques semaines. Compte tenu de la situation, j’ai différé l’augmentation et je comptabilise cela comme étant de l’argent donné à la population ». Ça n’a aucun sens. Ils savent que nous déplorons depuis des années la qualité des prestations en énergie électrique. On sait que tout le pays n’est pas couvert en matière d’électrification. Le gouvernement aujourd’hui fait des efforts qui ne sont pas à la hauteur des besoins de nos populations en matière d’électrification. Qu’on vienne annoncer cela comme faisant partie des mesures sociales, je trouve que c’est assez limite.

Certains pensent que le gouvernement vient leur payer 3 mois de factures d’électricité et d’eau, quand on parle de prise en charge intégrale…
Oui, c’est la compréhension de tout le monde sur ce type de prise en charge. Donc, le gouvernement a intérêt à communiquer suffisamment sur cette partie de la mesure. Mais il faut que le gouvernement arrête de citer cela comme une bonne mesure. Pour un citoyen qui subit les désagréments de la SBEE tous les jours, c’est une mauvaise communication de parler de cette mesure.

Depuis quelques jours, les cas de contamination au coronavirus ont augmenté, avec de nouveaux cas de décès. Sommes-nous dans la gravité de la situation ?
Je pense qu’on était déjà dans la gravité de la situation. La maladie existait chez nous. A mon avis, elle n’était pas encore une pandémie. Car, elle n’avait pas atteint une certaine proportion, comme c’est le cas dans d’autres pays. Mais aujourd’hui, le rythme s’est accéléré. Nous sommes à 90% au moins de contamination en communauté. Ce n’est plus les étrangers ou les Béninois résident à l’étranger qui nous apportent la maladie. Je pense que nous devons nous interroger individuellement et collectivement sur notre part de responsabilité. Au départ, on a eu le sentiment de fierté face à la gestion de la pandémie. C’était assez rationnel et intelligent. On a tout de suite commencé à afficher un certain triomphalisme qui a conduit à prendre des décisions qui, de mon point de vue, n’étaient pas bien pensées. Malheureusement, nous sommes en train de subir les conséquences de ces décisions. Il faut agir et mieux communiquer. La communication du gouvernement a complètement changé. On sent moins de transparence. On a besoin de savoir de quoi les gens sont morts. Même si le ministre dit qu’il y a des maladies opportunistes qui ont eu raison des personnes, on a besoin d’avoir une autre communication sur la pandémie. Le Gouvernement peut choisir de faire une communication alarmiste, parce que nous avons besoin de cela pour faire attention à nos faits et gestes. Cette communication nous a fait croire que le pire était derrière nous et que nous pouvons faire comme bon nous semble. Ça a contribué à nous conduire à là où nous en sommes aujourd’hui. Vous avez vu la reprise des classes. C’était sans aucun dialogue avec les partenaires sociaux.

Est-ce que ça craint dans le rang des apprenants ?
Ça craint beaucoup. Le gouvernement a annoncé qu’il y aura le dépistage progressif des enseignants. A ce jour, il n’y a eu aucun dépistage de ces acteurs, ni des enseignants, ni des élèves. Pourtant, ils sont en classe tous les jours ensemble. On a pris, au secondaire, une mesure suicidaire où on a fait reprendre les classes à tous les enfants. Du coup, on n’a pas permis aux chefs d’établissements d’avoir les conditions pour faire respecter les mesures barrières. Aujourd’hui, dans les classes à effectifs pléthoriques, on se demande si les cas de contamination ne viennent pas aussi de cette manière d’effectuer la reprise des classes.
Transcription : Patrice SOKEGBE




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