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Dr Aboudou Raïmi Kpossou, en service à la Clinique Universitaire d’Hépato-Gastroentérologie du Cnhu-Hkm

Publié le mercredi 5 aout 2020  |  Fraternité
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© aCotonou.com par DR
Dr Aboudou Raïmi Kpossou, en service à la Clinique Universitaire d’Hépato-Gastroentérologie du Cnhu-Hkm
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La communauté internationale a célébré le 28 juillet dernier la Journée mondiale de lutte contre l’hépatite autour du thème : ‘’Pour un avenir sans hépatite’’. A travers cette interview, Dr Aboudou Raïmi Kpossou, en service à la Clinique Universitaire d’Hépato-Gastroentérologie du Cnhu-Hkm expose les causes et les risques et donne des conseils de prévention.

Dr Aboudou Raïmi Kpossou, qu’est-ce que l’hépatite ?
L’hépatite se définit comme une inflammation au niveau du foie. Quand on dit inflammation en médecine, ça veut dire une souffrance due à une agression. On peut distinguer essentiellement deux formes d’hépatite. Lorsqu’on vient de contracter la maladie, dans les 6 mois d’évolution, on parle de l’hépatite aiguë. Lorsque dans certains cas, la maladie persiste pour plus de 6 mois, on parle d’hépatite chronique. C’est l’hépatite chronique qui est la plus dangereuse puisqu’elle est à risque de complication que l’on appelle cirrhose et cancer de foie qui vont tuer la personne atteinte.

Quelles sont les causes de l’hépatite ?
On peut distinguer plusieurs causes d’hépatite. D’abord les hépatites virales ensuite les hépatites alcooliques liées à l’alcool et les hépatites médicamenteuses. Le principal médicament en cause est le paracétamol lorsque c’est pris à des doses importantes. Il y a aussi les hépatites dues à une surcharge en graisse, les hépatites auto-immunes et les hépatites toxiques dues à la prise de tisane et autres. On distingue 5 types d’hépatites virales. Il s’agit du virus A, du virus B, du virus C, du virus D et du virus E. Ces virus ont le terme consacré d’hépatite virale parce que quand ils entrent dans l’organisme, ils atteignent préférentiellement le foie. Il y a bien sûr d’autres virus qui peuvent donner des atteintes du foie. Par exemple, l’Ebola, la fièvre jaune et même le coronavirus qui peuvent toucher le foie mais on ne les appelle pas hépatites virales, car ils touchent tous les organes du corps y compris le foie. Mais les virus d’hépatites virales eux, ils touchent surtout le foie. Ils peuvent toucher plus rarement d’autres organes.

Quelles sont les voies de transmission de l’hépatite ?
Les voies de transmission diffèrent selon le type de virus étant donné qu’il en existe 5. Mais je vais m’appesantir sur les deux principaux virus qui sont les virus B et C parce qu’ils sont les plus préoccupantes car ils peuvent développer des cas chroniques. En ce qui concerne l’hépatite B, la transmission est d’abord de la mère à l’enfant, essentiellement lors de l’accouchement. Ce n’est pas surtout pendant la grossesse même que la transmission à lieu à travers le placenta. Ça peut arriver si la mère a beaucoup de virus mais le plus souvent la transmission se passe au moment de l’accouchement. Ensuite, la deuxième voie de transmission, c’est ce qu’on appelle la transmission horizontale, intrafamiliale et ça se passe souvent en bas âge. L’enfant par contact étroit avec d’autres enfants dus à des lésions ou des plaies sur la peau se transmet la maladie. Il y a aussi transmission sexuelle, lors des rapports sexuels non protégés ou lorsqu’on a des partenaires sexuels multiples. Il y a des risques de transmissions. La dernière voie de transmission, c’est celle sanguine par le biais des aiguilles, lames, ciseaux, les objets de manucure et de pédicure qui peuvent transmettre la maladie. Voilà les quatre modes de transmission avec en tête la transmission de la mère à l’enfant et la transmission horizontale qui sont plus préoccupantes parce que ces transmissions-là ont lieu en bas âge. Ce qui est essentiel quand on parle de virus de l’hépatite B, c’est que quand on contracte la maladie en bas âge, le plus souvent ça persiste dans l’organisme. Du coup, on a moins de chances d’éliminer le virus et ça persiste de longues années pour déterminer ensuite la cirrhose et le cancer pour le sujet. Une contamination durant l’enfance donne 90% de risque de complication. Alors que si on contracte le virus à l’âge adulte, il y a 90% de guérison. Donc, l’Hépatite B n’est pas dangereux chez les adultes. C’est chez les enfants que c’est plus dangereux. C’est pour ça que cette année, l’OMS insiste beaucoup sur la prévention de ces transmissions parce que c’est la clé pour parvenir à éradiquer l’hépatite virale.
Quand on prend l’hépatite C, la transmission est essentiellement par voie sanguine. Le risque par voie sexuelle et de la transmission mère-enfant est plus faible pour l’hépatite C. je n’ai pas parlé de transmission par la bouche ou par les aliments. Le fait de manger avec les mêmes cuillères ou d’embrasser quelqu’un ne donne pas d’Hépatite B ou C. par contre, l’hépatite E ou A dont je n’ai pas parlé peuvent se transmettre par les aliments mais ne posent pas tellement de problèmes chez nous. En ce qui concerne l’hépatite D, (D comme défectif) c’est un virus un peu particulier. C’est un virus qui en lui seul ne peut jamais survivre. Le D ne contamine que les gens qui ont déjà le B. Donc, si on prend les dispositions contre le B, on élimine aussi la D.

Comment savoir si une personne est atteinte de l’Hépatite ?
Ce qu’il faut savoir est que la plupart des personnes qui ont l’hépatite virale sont asymptomatiques. La plupart des personnes atteintes s’ignorent. D’ailleurs dans le monde, on sait qu’à peine 10% de ceux qui ont l’hépatite B le savent. Au Bénin, c’est bien moins que ça. Quant à l’hépatite C, c’est environ 19% de ceux qui ont la maladie qui le savent. Comme c’est asymptomatique dans la plupart des cas, on conseille de faire le dépistage pour savoir si on a la maladie pour se faire prendre en charge. Dans certains cas, il y a des manifestations.
Quand ça doit se manifester à la phase aigüe, ça donne au début des signes un peu comme dans le paludisme : maux de tête, fièvres, courbatures, fatigue. Ensuite, apparaît dans certains cas la jaunisse, des yeux jaunes avec des urines foncées, et parfois le mal au ventre et le foie qui prend de volume.
A la phase chronique, le plus souvent, il n’y a pas de signes mais des fois la personne peut se plaindre d’une fatigue. Ou alors, si la maladie est déjà compliquée, au stade de cirrhose, on aura un gros foie avec des yeux jaunes ou le vendre qui augmente de volume, de l’eau qui apparaît dans le ventre. On est obligé de piquer pour la sortir et soulager la personne parce que le foie ne travaille plus bien pour pomper l’eau du ventre vers le cœur. Le sujet va avoir la fatigue extrême, l’amaigrissement, manque d’appétit. A la phase chronique, il y a la triade de Caroli qui associe arthralgie c’est-à-dire douleurs au niveau des articulations, des céphalées ou des maux de tête et urticaires. Si quelqu’un a ça, on peut penser qu’il a probablement l’hépatite B. c’est assez évocateur une triade mais ça se voit rarement. Sinon en dehors de ça, les signes ne sont pas spécifiés. Ça peut se voir dans d’autres maladies. Mais souvent quand l’ictère apparaît, on croit qu’il y a la maladie du foie et on n’y pense plus.

Existent-ils des traitements possibles contre les hépatites B et C ?
Les traitements contre les hépatites B ou C existent. Pour l’hépatite B, à la phase aiguë, en général, on ne donne pas de traitement puisque ça guérie dans 90% des cas. C’est dans les formes chroniques qu’on va évaluer le malade. On trouve qu’il y des enzymes dans le foie qui ont augmentés et on évalue le foie. On voit qu’il y a un début de fibrose. Là on se dit que cette maladie est évolutive et il faut traiter la personne. C’est un produit qu’on donne, à un comprimé par jour, pour une durée indéterminée. Pour l’hépatite C, actuellement à la phase aiguë ou chronique, on traite avec des médicaments. En général, le traitement dure 12 semaines, donc 3 mois de traitement et on est guéri définitivement. Là aussi, en général c’est un comprimé par jour pendant 12 semaines et on est définitivement guéri. Donc, l’hépatite C se guérit. L’hépatite B par contre chronique ne se guérit pas totalement mais se traite. Et le traitement de l’hépatite B est destiné à contrôler la maladie pour éviter les complications. En général, c’est un traitement à durée indéterminée un peu comme on traite le VIH ou le diabète. Il faut dire que ces traitements ont un coût.

Justement, le patient devra débourser combien ?
Le prix change d’un moment à l’autre selon le fournisseur du médicament. Pour l’hépatite B, le médicament revient en moyenne actuellement à 8. 000 Fcfa le mois. Pour l’hépatite C, le traitement coûte plus cher. Pour trois mois de traitement, c’est entre 600 000 et 1 000 000 Fcfa selon le fournisseur du médicament. Je n’ai pas parlé des hépatites A et E parce qu’en général, c’est des formes aiguë, ça se guérit tout seul, donc on ne donne pas de médicament. On donne juste des conseils comme le repos, l’éviction d’alcool… et on attend six mois pour voir si le patient est guéri spontanément. Donc, on ne donne pas de médicaments pour les formes aiguës, sauf les formes aiguës graves qui sont quand même rares.

Quelles sont les méthodes de prévention disponibles ?
La prévention est très importante pour les hépatites virales, B ou C. L’hépatite B a un vaccin mais l’hépatite C n’a pas de vaccin. Donc l’hépatite B peut être prévenue essentiellement par la vaccination. Et cette vaccination s’adresse d’abord et avant tout aux nouveau-nés dans le cadre de la prévention de la transmission mère-enfant. Ce qui est recommandé par l’OMS à cet effet est qu’on vaccine tous les nouveau-nés dès les 24 premières heures de la naissance. Actuellement, on vaccine tous les nouveau-nés. Mais ça commence à 6 semaines dans le cadre du programme élargi de vaccination. Dans cet intervalle de temps après la naissance, l’enfant peut être contaminé. Ce qui fait que ce programme n’est pas efficace. Ce que l’Oms recommande, c’est qu’on fasse déjà une première dose du vaccin dès la naissance et ensuite continuer avec deux ou trois autres doses du vaccin à partir de 6 semaines. Mais tous les pays ne le font pas encore.
La prévention passe aussi par le dépistage de toutes les femmes enceintes. Si la maman a la maladie, elle risque de transmettre au nouveau-né. Donc il faut faire une évaluation pour voir le degré de la quantité de virus qu’elle a et si la quantité de virus est très élevée. Il faut commencer par la vacciner contre l’hépatite B pour éviter que le nouveau-né ne soit contaminé. Et ensuite, vacciner le nouveau-né dès la naissance. Le dépistage s’adresse aussi à tout le monde pour connaître son statut parce que nous sommes dans un milieu à endémicité élevée. Donc chacun de nous doit faire le test et si on fait le test et que c’est négatif, on doit faire la vaccination pour être protégé. En dehors des femmes enceintes, ce dépistage s’adresse particulièrement à des personnes à risque telle que les usagers de drogue par voie injectable, les travailleuses de sexes, les personnes privées de liberté, les personnes vivant avec des personnes atteintes d’hépatite et autres. Ce sont des personnes qui doivent prioritairement bénéficier du dépistage. Les autres mesures de prévention, c’est la prévention de la transmission par voie sexuelle notamment par l’usage du préservatif lorsqu’on a des partenaires sexuels multiples ou quand on a un nouveau partenaire dont on ne connaît pas le statut et il faut aussi le dépistage prénuptial avant de se marier. Il faut même dire avant tout premier rapport sexuel avec un nouveau partenaire. Il y a aussi la prévention de la transmission par voie sanguine en évitant le partage des objets de toilette comme les lames, les aiguilles. Il faut désormais utiliser des objets à usage unique pour les injections, les soins dentaires et autres.

Laquelle des hépatites B et C est la plus nuisible ?
Si j’avais à choisir une hépatite, je choisirais peut-être la C parce que je sais que je peux être guéri dans les 3 mois de traitement, même si le traitement est cher. Donc, actuellement l’hépatite C se guérit plus facilement que l’hépatite B. Toutefois, il faut dire que l’hépatite B n’est pas dangereuse si on la contracte à l’âge adulte puisque on a 90 % de chance de guérir même sans traitement. C’est chez l’enfant que l’hépatite B est dangereuse. C’est chez les moins de 5 ans que le risque est plus important. Il faut dire que l’hépatite B est 100 fois plus contagieuse que le VIH et l’hépatite C 10 fois plus contagieux que le VIH.

Quelles sont les mesures prises par le gouvernement béninois pour venir en aide aux personnes atteintes ?
En tant que praticien, soignant des cas d’hépatite, je sais qu’il y a eu une loi votée qui encadre la prise en charge des hépatites virales. A la suite de cette loi, il y a un programme de lutte contre l’hépatite virale qui a été créé. Ce programme fonctionne mais avec peu de moyens. Ce qui fait que son existence n’est pas encore ressentie par les personnes qui sont dans le besoin. La principale action que le programme a pu faire et qui a eu des retombées directes sur les malades, c’est le traitement gratuit de 150 cas d’hépatite C. Ce qui n’est pas rien puisque le traitement coûte cher. A part ça, le programme a élaboré des documents politiques sur les normes et procédures pour encadrer la prise en charge et un document de surveillance épidémiologique. Mais il n’y a pas eu encore de formation professionnelle du personnel de santé pour que tous adoptent les mêmes comportements dans la prise en charge des hépatites virales. Le programme envisage aussi la vaccination gratuite de tous les nouveaux-nés dès leur naissance. Parce que c’est la famille qui paye actuellement les doses appliquées. Ce qui fait que tous les nouveau-nés n’en bénéficient pas. Donc, quand ce sera gratuit, ça va couvrir tous les nouveaux-nés et c’est l’idéal pour pouvoir éradiquer l’hépatite B tel que souhaité par l’OMS pour qu’à l’horizon 2030, on arrive à éliminer l’hépatite, donc comme le thème de l’année l’énonce ‘’Pour un avenir sans hépatite’’.
Propos recueillis par Fanelle SOTOMEY et Gaston AMOUSSOU (Stags.)
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