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Fermeture des frontières bénino-nigérianes: Un an après, le Bénin marque sa résilience

Publié le jeudi 20 aout 2020  |  La Nation
Frontière
© aCotonou.com par DR
Frontière de Sèmè-Kraké, le TEC de la CEDEAO
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Par Josué F. MEHOUENOU,

Douze mois sont déjà passés depuis la fermeture par le Nigeria de ses frontières terrestres d’avec le Bénin. Doit-on s’essayer à un bilan ou tout simplement se réjouir de voir encore le Bénin tenir ? Une chose est certaine, l’apocalypse annoncée n’a pas eu lieu.

“Nous dépendons trop du Nigeria… Mais un grand n’existe pas sans un petit”. Comme bien de Béninois exerçant dans le même domaine d’activité que lui, Henry Assogba, un des responsables de l’Association nationale des revendeurs d’essence, se demande comment il a pu passer les douze derniers mois sans sombrer. A la fermeture mi-août 2019 des frontières nigérianes, cet homme de 45 ans qui s’est fait un nom à travers le commerce de l’essence de contrebande en provenance du Nigeria « voyait le ciel lui tomber sur la tête ». Douze mois après, il en parle avec sourire. Ce qui fascine Henry Assogba, c’est « la tenacité des dirigeants béninois qui apprennent à leurs compatriotes à vivre sans plus trop compter sur le Nigeria ». Il ne nie pas que la situation a été difficile mais reconnait que « le Bénin venait de franchir un grand pas ». Comme bien d’autres acteurs de son segment d’activité, Henry dit s’être reconverti dans l’agriculture, « ne voyant plus d’issue », et a investi ses économies dans d’autres activités. Serait-il le seul à s’être reconverti ? Visiblement Non. Comme lui, ils sont des centaines de Béninois à vivre du commerce transfrontalier avec le géant voisin qui depuis un an, a coupé les ponts avec le Bénin.

Résilience !

Résilience ! C’est un mot qui se lie intimement à la gestion par le Bénin des conséquences de la fermeture de la frontière du côté du Nigeria. Après les premières négociations infructueuses avec le président Muhammadu Buhari pour lui faire rapporter sa décision, le Bénin s’est résolu, non pas à subir, mais plutôt à trouver les moyens de faire face à la situation. Plusieurs membres du gouvernement, notamment le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération n’avaient de cesse de rappeler à diverses occasions que le pays ferait preuve de résilience et trouverait les moyens de puiser à l’interne les ressources pour tenir. Il n’était pas question de briser les liens de bon voisinage et d’amitié entre les deux pays, mais le Bénin entendait prouver à son géant voisin qu’il vivait à l’heure de la Rupture.
Les produits pétroliers, le riz, l’huile, les produits agricoles… Beaucoup présagaient du pire pour le pays. L’impact de la fermeture des frontières avec le Nigeria s’est également fait sentir sur les périmètres maraichers. Les producteurs de tomate de la commune de Grand-Popo ont vu pendant des mois leurs productions leur peser sur les bras sans preneurs. Situation qui a très tôt obligé le gouvernement à initier à leur endroit une série de rencontres et d’échanges pour leur trouver des solutions à court et à long termes.
Les multiples séances de travail des ministres en charge de l’Agriculture et du Commerce avec les acteurs de la filière ont permis de relever les difficultés des producteurs et envisager avec eux des solutions. Le Bénin doit se trouver de nouveaux marchés pour écouler ses produits, notamment la tomate. En plus de se trouver de nouveaux débouchés, les maraichers doivent aller vers la production de variétés qui résistent à 27 degrés et plus, avait suggéré Shadiya Assouman, ministre du Commerce.
De cette situation, « il faut tirer les leçons pour grandir », exhortait de son côté Gaston Dossouhoui, ministre de l’Agriculture. Pour lui en effet, la grandeur d’un pays ne se limite pas à sa taille. D’autres membres du gouvernement et à diverses occasions tiendront le même discours. Celui de l’espoir et de l’encouragement face à une situation inédite, prédite comme celle du chaos pour l’économie du Bénin, mais qui, au finish, s’est révélée bien moins qu’une épreuve. Elle a été vécue comme une leçon, une expérience certes douloureuse, mais de laquelle il fallait tirer le meilleur pour, à l’avenir, éviter de trembler dès l’évocation de la fermeture des frontières avec le Nigeria.


Echanges entre Talon et Buhari au Japon

En quête de solution pour une réouverture de la frontière, les chefs d’Etat béninois et nigérian vont profiter de leur participation à la Ticad à Tokyo pour échanger. « La réouverture (de la frontière Ndrl) dans un avenir pas trop éloigné ». C’est l’une des promesses faites par le président nigérian Muhammadu Buhari au chef de l’Etat béninois. « La fermeture limitée de la frontière occidentale du pays était destinée à permettre aux forces de sécurité nigérianes d’élaborer une stratégie visant à enrayer… les activités massives de contrebande notamment de riz », avait indiqué le dirigeant nigérian, selon une note de presse. Côté béninois, le président Patrice Talon a surtout mis en exergue « de graves conséquences de la fermeture de la frontière nigériane sur son peuple ». Beaucoup voient à travers ces échanges une « réouverture imminente des frontières». Mais il n’en sera rien. Pour preuve, douze mois après, l’axe Lagos-Cotonou n’est toujours pas rétabli. Fort heureusement, le Bénin ne pleure plus sur le lait renversé. Le pays est parvenu à trouver les moyens pour contenir cette crise, à telle enseigne qu’on ne s’interroge plus aujourd’hui sur l’agenda nigérian quant à la réouverture des voies terrestres liant les deux pays.


Attaque des magasins de commerçants béninois

Des militaires et douaniers nigérians ont défoncé, vendredi 15 novembre 2019, les grilles de sécurité des boutiques de commerçants béninois dans certaines zones frontalières, notamment à hauteur d’Adja-Ouèrè et Pobè. ‘’Ils ont emporté 350 sacs de riz de 50 kilogrammes, 850.000 Nairas (la monnaie nigériane très utilisée à la frontière), et quatre portables’’, avait déclaré l’un des commerçants victimes. D’autres magasins de riz appartenant à des Béninois à la frontière d’Ita-Egbedi ont subi le même sort, selon les autorités locales. “Ils étaient armés jusqu’aux dents et ont tenu tout le monde en respect, renseigne un autre témoin contacté. ‘’Ils ont aligné plusieurs pick-up. Ils étaient plus de 30 personnes’’, ont rapporté des témoins.
Face à cette situation, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération a dû convoquer l’ambassadeur du Nigeria près le Bénin, pour ‘’avoir des explications sur les évènements à la frontière entre les deux pays’’. Il avait notamment souhaité que ‘’les auteurs soient retrouvés et punis par le gouvernement nigérian’’.


Qu’en disent les experts ?

La proximité entre les deux pays n’est pas toujours vue comme un avantage pour le Bénin. Les fermetures répétitives de frontières et la toute dernière qui dure depuis douze mois ont fini par convaincre certains experts sur le « danger » et de moins en moins l’opportunité que représente ce voisin. « Cette proximité entre les deux pays n’est pourtant pas sans conséquence, en dépit de l’opportunité qu’elle représente. Le Bénin qui, proximité oblige, entretient d’importantes relations commerciales avec le Nigeria, subit de plein fouet les effets de la dévaluation du Naira, notamment en ce qui concerne l’exportation et la réexportation vers ce pays », explique Jean Yves Sinzogan, expert en développement industriel dans un document sur les rapports économiques entre les deux pays.
Concernant les conséquences de la dévaluation de la monnaie nigériane sur l’économie béninoise, celui-ci insiste sur la part de responsabilité de l’Etat béninois dont il met en lumière le rôle important. Il sagit, indique-t-il, de se doter d’une capacité d’information, d’analyse et de prévision qui lui permette d’anticiper de telles situations et d’élaborer les réponses appropriées en temps opportun. La seconde mesure, selon lui, « est de mettre en place un fonds permanent d’appui aux entreprises en difficulté afin de disposer en temps réel des moyens de faire face aux situations d’urgence ».
Au cours des douze derniers mois, le gouvernement béninois a su, à sa manière, identifier les leviers à actionner pour faire face aux conséquences que lui impose cette fermeture de frontières. Tout n’aura donc pas été noir et le Bénin en profite pour se préparer pour des rapports économiques plus sains et moins informels avec son voisin, tel que recommandé par le rapport d’une mission d’évaluation de la compétitivité des produits béninois sur le marché nigérian réalisé en 2016.

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