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Instabilité au Mali: Quels enseignements pour la gouvernance au Bénin et en Afrique ?

Publié le lundi 24 aout 2020  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Capitale Malienne
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Par LANATION,

Le coup d’État perpétré par les forces armées maliennes le 18 août 2020 montre que la gouvernance a un impact négatif important sur la stabilité sociopolitique. En effet, élu en 2013 et réélu en 2018 à la tête du Mali, le président Ibrahim Boubacar Keita (Ibk) n’est pas allé au bout de son rêve.


L’élection qui l’a porté au pouvoir, suivie des élections législatives, marque le retour du Mali à l’ordre constitutionnel après le coup d’Etat de mars 2012. Néanmoins, le président fait face à des critiques aux plans national et international de différents ordres. Tout d’abord, les groupes armés installés dans le nord du pays continuent de remettre en cause la souveraineté de l’État malien sur les territoires qu’ils revendiquent depuis début 2012. Ensuite, l’opposition parlementaire, menée par Soumaila Cissé, candidat malheureux du second tour de l’élection présidentielle, fait de multiples critiques sur la gestion financière et sécuritaire du pays. Puis, les autorités françaises ont reproché au pouvoir d’Ibk une certaine lenteur dans les négociations de paix relatives au conflit au nord. Enfin, Le Fmi, quant à lui, a décrié la gestion du budget de l’Etat. La pression de cette institution financière a expliqué le report du déblocage des fonds attribués à l’aide budgétaire par les principaux partenaires techniques et financiers du Mali. Dans la même lignée, elle a obligé le gouvernement à procéder à la révision des comptes publics, des marchés et des lois relatives à la passation de marchés publics. La pauvreté et le sentiment d’abandon de l’Etat ont été aggravés par la crise sanitaire de la pandémie de Covid-19. Ce climat fait de soupçons, de critiques et de précarité a persisté sans que les arguments de campagne n’aient pu changer le cours de l’histoire. En 2019, le pouvoir a été confronté à l’affaire des contrats d’armement surfacturés, comme celle de l’acquisition de l’avion présidentiel. Pourtant, le second mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta a été placé sous le sceau de la lutte contre la corruption et l’impunité.


Trois décennies après la transition démocratique dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, la gouvernance pose toujours problème. Bien que certains auteurs évoquent comme cause la socialisation des citoyens sous des régimes autoritaires, d’autres font allusion à la faiblesse de l’engagement citoyen qui ne permet pas de construire une société plus démocratique. Au-delà de ces postures théoriques, le contraste est saisissant entre la très vaste littérature traitant de la « gouvernance» et le très petit nombre d’études empiriques consacrées à son fonctionnement, « réel », au quotidien. La notion de gouvernance est désormais l’un des concepts de sciences sociales les plus fréquemment utilisés dans le monde. Ce corpus diversifié de travaux ne se base pas sur une théorie unique, mais plutôt sur des théories multiples avec des objectifs et des perspectives différents. La plupart des travaux se sont concentrés sur la quête inlassable de l’essence de la bonne gouvernance, en délaissant l’analyse concrète de la gouvernance en tant que processus social complexe. Or, pour gouverner une société de plus en plus complexe, fragmentée, dynamique et imprévisible, il importe de se donner les moyens d’appréhender la réalité concrète de la gouvernance telle qu’elle est vécue quotidiennement par toutes les parties prenantes. L’objectif ici n’est pas de combler entièrement ce déficit en connaissance empirique. De plus, ce terme n’est surtout pas pris dans un sens moraliste et normatif. Loin des seuls gouvernements et grands commis de l’État, la gouvernance est l’ensemble des processus de traitement et de délivrance de biens et services publics, par les appareils d’État officiels certes, mais aussi par d’autres opérateurs, tels que les institutions de développement, les philanthropes ou le monde associatif. Prise sous ce prisme, la gouvernance peut paraître problématique dès lors que la production des biens et services publics met en lumière des dysfonctionnements et manquements. Bien qu’il existe un ensemble de caractéristiques communes qui structurent assez largement les Etats francophones d’Afrique, il y a des particularités qu’on ne saurait nier. Le propos ne consiste pas à comparer la situation malienne, bout en bout, à d’autres contextes africains. Néanmoins, il importe d’en tirer les enseignements pour encourager ce qui se fait de bien déjà et corriger le cas échéant, ce qui mérite de l’être.


Au-delà du cas malien, plusieurs configurations sociales peuvent provoquer le délitement sociopolitique. Primo, le décalage entre les normes prescrites et les pratiques des acteurs sur le terrain atteint impunément une certaine proportion sans qu’aucune action ne soit menée ni pour situer les responsabilités ni pour corriger le tir. Secundo, les pouvoirs publics font de la sourde oreille aux voix discordantes venant soit de la société civile et/ou de l’opposition politique. Tertio, le gouvernement tente via des mécanismes de légitimation du pouvoir politique de ne pas donner écho favorable aux griefs, pourtant fondés, de l’une ou de l’autre des parties prenantes de la gouvernance. L’inventaire des cas de figures que nous proposons ici, est loin d’être exhaustif. Mais, il nous semble significatif pour fournir aux administrateurs publics un cadre pour comprendre, comment dans le quotidien d’une gestion peu transparente, arbitraire et irresponsable des affaires publiques, se forgent, s’entrelacent et s’enchevêtrent des facteurs de déstabilisation de l’Etat. Accroître l’engagement des citoyens locaux et construire une société plus démocratique à travers la poursuite des principes de bonne gouvernance permettront d’entretenir une harmonie entre les acteurs étatiques et non-étatiques malgré les rivalités partisanes. Ces dernières devraient se fonder sur des idéologies et des visions claires pour la préservation des intérêts communs plutôt que sur des querelles de personnes encore moins sur des luttes de classes sociales. La performance des politiques mises en œuvre, les perceptions des citoyens quant à leur efficience et leur engagement civique à participer à la construction du destin commun semblent constituer le rempart contre l’instabilité politique.
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