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Art et Culture

Arts au Bénin: SOS, espaces culturels en difficulté !

Publié le mercredi 26 aout 2020  |  La Nation
Alexandrine
© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Alexandrine Avognon,la directrice du concept « Ma Culture mon futur » a organisé ce jeudi 12 une messe d’action de grâce suivie de distribution de kits scolaires aux élèves admis aux examens dans son centre de formation.
Cotonou, le 12 septembre 2019. Siège de formation du centre « Ma Culture mon futur » à Agblangandan. Messe d’Action de grâce célébrer par le révérend Pasteur de l’église du Christianisme Céleste de Porto- Novo Achille Koukpaki. Les élèves ayant reçu les kits scolaires sont : Adigninfoun Dimitri, Daniella Don de Dieu, Houessou Houéffa Emma, Zinsou Edgard, Kounou Gloria, tous admis au Cep puis Tayélou Grâce Emmanuella, Gnonlonfoun Brunel, admis au BEPC ). La distribution des kits scolaire aux élèves s’est fait devant les acteurs culturels béninois e Maître Alladé Koffi Adolphe, Directeur du Ballet national, Marcel Zounon, Directeur de l’ensemble artistique national et Bertrand Adjovi, le Directeur du développement du tourisme.
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Par Josué F. MEHOUENOU,

Factures, taxes, redevances, loyer, salaires… Au Bénin, les espaces culturels ploient sous le poids de nombreuses difficultés qui les écartent de leur objectif de promotion artistique. Beaucoup disparaissent dans le temps, mais certains, vacillant tel le roseau parviennent à résister. Au prix de quels sacrifices !


Un samedi après-midi comme tout autre dans la commune d’Akpro-Missérété, non loin de Porto-Novo. C’est le moment tout indiqué pour des bières fraiches, de la viande de porc bien pimentée et des boules d’akassa. Le coin en a la réputation. Les « Agor », manifestations festives grandioses à la suite de cérémonies funéraires y sont de notoriété. Le voisinage du « Siège des arts de Missérété » en donnait même la preuve en ce jour pluvieux. Loin de ce tintamarre qui pourtant lui est familier, Symphorien Zanclan, plus connu sous son nom de scène « PD Symph » s’est retranché dans son bureau de premier responsable de l’espace culturel susnommé. Ses seuls compagnons, des factures d’électricité impayées, un tas de paperasses, le point des salaires à payer à ses employés, de petites redevances en attente et inhérentes à la gestion du centre. Dépit et anxiété pouvaient se lire sur le visage pourtant toujours si souriant de cet artiste au talent singulier dont les prestations en musique traditionnelle et moderne font l’unanimité. Cette ambiance relève désormais de la routine pour l’artiste et avec la pandémie du coronavirus, son anxiété ne cesse de croitre.
« Au départ, on ne nous exigeait pas grand-chose. Une fois, ils m’ont adressé une redevance d’un montant de 157 000 F Cfa environ. J’ai écrit pour signaler au receveur des impôts qu’il s’agit d’un centre de formation artistique et culturelle et que c’est à but non lucratif. J’ai demandé à être reçu, mais il ne l’a pas encore fait et j’espère qu’il le fera très bientôt. J’attends cette année pour voir ce qu’ils vont m’adresser comme impôt ».
Ce qui frustre cet artiste altruiste qui a décidé, depuis plusieurs années, d’investir les gains que lui procure la pratique de son art dans la formation et l’érection d’un espace de promotion culturelle, ce n’est pas si tant les obligations qu’ont les promoteurs de ces espaces. C’est beaucoup plus le manque de discernement de l’administration publique qui voit ces lieux d’un regard ordinaire, juste parce qu’on y joue de la musique ou qu’on y a implanté un espace de restauration, choses indispensables pour un lieu de divertissement.
Autant de difficultés qui font comprendre à Pd Symph et à ses pairs promoteurs les raisons pour lesquelles les opérateurs économiques qui pourtant disposent d’importants moyens financiers évitent la promotion d’espaces culturels. « C’est compliqué pour les opérateurs économiques qui ne sont pas du côté culturel de se jeter dans la bataille de l’entrepreneuriat parce qu’ils se posent la question de savoir ce qu’ils vont y gagner ». Même pour les gens du secteur, ce n’est pas aisé. Il faut être
« engagé, déterminé, volontaire et animé par un fort esprit de sacrifice avant de se lancer »,
confesse un autre acteur culturel. Et à Symphorien Zanclan d’illustrer par son propre cas :
« Je me rappelle que lorsque j’ai commencé ce projet, il y a bientôt vingt ans, celui qui était chargé de verser le premier voyage de sable m’a proposé de venir acheter une ferme pour faire le palmier à huile. Je lui ai dit que ce n’est pas ce que j’envisage de faire. Je suis de la scène et j’ai besoin d’une scène pour m’exprimer ».


L’appui de l’Etat se fait attendre…

S’il y a un grand besoin qu’éprouvent les espaces culturels aujourd’hui, c’est le soutien, sinon davantage, l’attention de l’Etat. La plupart de ces centres tournent uniquement sur les budgets de leurs promoteurs, ce qui en rajoute aux difficultés.
L’espace culturel Windekpe de Parakou qui fait aujourd’hui office de référence en matière d’arts et de culture dans le septentrion n’échappe pas à cette dure réalité. « Il n’a jamais bénéficié d’un seul franc de la part de l’Etat », tranche sans hésitation, Rodrigue Gbêkpoe Gotovi alias Aladji Zoro, juriste et ingénieur en management de la culture et du tourisme. Selon lui, le secteur « souffre d’un manque de volonté politique forte pour en faire un véritable levier de développement ».
D’un espace à un autre, le refrain ne varie pas et la rengaine s’enchaine sur le même tempo : le soutien attendu de l’Etat.
Michel Noudégbessi, directeur artistique du Centre des arts et loisirs de Mèdédjonou n’en dit pas le contraire. Comme bien des espaces, le sien espère toujours, tel le retour du Christ, la bienveillance de l’Etat. « Ce centre a besoin d’un regard de nos autorités », indique ce promoteur. Et des raisons d’être frustré, le patron de la troupe d’enfants Pepit’art en a à froison. Pour sa dernière participation à l’Off du Marché des arts et spectacles d’Abidjan, c’est une personne généreuse de nationalité étrangère qui a pris sur lui une bonne partie des charges, notamment les billets.
Combien de temps durera l’attente ? Difficile à dire ! Mais elle risque d’être encore plus longue, quand on observe le diagnostic qu’établissent les acteurs eux-mêmes. « Le Bénin n’a pas encore suffisamment d’espaces pour accueillir les spectacles et la formation. Peut-être, d’ici quelques années, les choses peuvent-elles s’arranger. J’ai discuté avec des acteurs récemment qui envisagent de le faire dans le Zou et les Collines et je les ai encouragés », illustre PD Symph. « Il faut encourager ceux qui ont la volonté d’investir», souligne l’artiste.
… « Si l’Etat met un financement à notre disposition pour des spectacles… Si l’Etat permet à ceux qui ont des espaces culturels de faire tourner des artistes dans ces espaces grâce à des financements, cela va faciliter l’éclosion du secteur culturel », pense-t-il.
« Si le gouvernement ne fait pas une politique qui puisse nous faciliter la tâche, ça va être compliqué de préparer une relève de qualité. Nous avons besoin du soutien de tout le monde et des organisateurs de spectacles parce qu’on pense souvent que c’est ce qui vient d’ailleurs qui est mieux »,
révèle le musicien. Selon ses explications, les artistes nationaux sont moins payés pour des spectacles, pendant qu’on paye des dizaines de millions à des artistes étrangers. « Cela ne profite pas à l’acteur ni au pays », se désole-t-il. En tout cas, Symphorien Zanclan est formel. « Le gouvernement et le ministère en charge de la Culture doivent pouvoir recenser ces centres culturels et trouver une formule pour les accompagner ».


Trouver des formules pour le financement

« C’est compliqué d’oser dans le pays où nous sommes mais je crois qu’avec la volonté du chef de l’Etat qui est de faire de la culture et du tourisme le socle du développement, les choses vont rentrer dans l’ordre d’un jour à l’autre. Le chef de l’Etat a touché une fois la guitare et il a été bassiste, et j’attends de voir ce qu’il va faire pour arranger les vrais acteurs et non des arrivistes avant de pouvoir tirer les conclusions », indique PD Symph.
… Des propositions, il en fait aussi pour aider ceux qui ont le pouvoir de décision.
« Il faut trouver des formules pour accompagner par un financement qui puisse permettre aux acteurs d’organiser des formations régulières à côté de ce qui va se faire au niveau des classes culturelles », poursuit-il. Selon les explications de l’artiste, l’Etat peut s’organiser de manière à faire une répartition conséquente des budgets. Il suggère notamment une partie pour les acteurs eux-mêmes, une autre pour le fonctionnement des espaces et une dernière pour la formation et les spectacles. « J’ai fait une proposition d’accompagnement des acteurs pour les spectacles parce que la formation, une fois terminée, se poursuit quand l’artiste est sur scène ».
« Si vous êtes musicien et vous n’allez pas sur la scène, alors vous n’en êtes pas un », illustre-t-il. « Un bon musicien doit aller sur la scène au moins deux à trois fois par mois. Quand vous ne touchez pas l’instrument, vous perdez la main », ajoute l’artiste et promoteur. Pour ce qui le concerne, « Je continue de chanter et je suis bien dedans parce que je ne laisse pas ma voix se reposer. Quand on est instrumentiste, il faut se donner à fond tous les jours de manière à ne pas perdre la main. Il faut aussi aller sur la scène régulièrement parce que la formation d’un artiste se termine sur la scène. On ne peut pas recevoir une formation sans aller sur une scène qui respecte les normes », fait-il savoir. Mais en amont, il faut des espaces aux normes, souffle-t-il. Raison pour laquelle, avant l’érection de son centre, il s’est renseigné sur les normes exigées en la matière et s’y est conformé, même si beaucoup reste encore à faire au niveau de son espace.
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