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La carte diplomatique entre inconstance et incertitudes

Publié le vendredi 23 octobre 2020  |  banouto.info
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© Autre presse par DR
Le siège du ministère des affaires étrangères du Benin
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Le relevé du Conseil des ministres du mercredi 14 octobre 2020 comporte une information à la fois heureuse et malheureuse. Heureuse parce qu’il s’agit d’un rétablissement de la raison diplomatique. Malheureuse parce qu’on aurait pu éviter l’expérience du retrait qui conduit à opérer aujourd’hui un retour camouflé ; ce retour ayant été matérialisé par la simple nomination d’un nouvel ambassadeur, représentant permanent du Bénin près les Nations Unies à New-York.
Nous étions prévenus du retrait ; nous sommes surpris du retour. Nous avions reçu les arguments qui justifiaient le retrait ; nous sommes privés des arguments qui militent en faveur du retour. Pression internationale ? Prise de conscience autonome ? Prise en compte des critiques internes ? La foire aux spéculations est ouverte.
Sans preuves, nous n’entendons pas y participer. Mais ce simple retour observé, quoique salutaire, autorise quelques commentaires et observations sur la gestion de la carte diplomatique béninoise depuis quatre ans. Elle dégage inconstance et incertitudes.
L’inconstance. Elle est devenue la marque de fabrique de notre carte diplomatique. En quatre ans, plusieurs réaménagements de la carte diplomatique sont déjà observés ; d’abord en 2016, ensuite en 2017, puis en 2019, enfin en 2020. Et le dernier, entrée en vigueur le 1er août 2020, bien que critiqué, était pourtant pressenti pour nous conduire à la fin du mandat présidentiel en cours. Il matérialisait un dépérissement drastique de la carte diplomatique avec 11 ambassades (Nigeria et Maroc en Afrique, France et Russie en Europe, Etats-Unis et Cuba en Amérique, Chine, Japon, Arabie Saoudite, Qatar et Koweït en Asie et Moyen-Orient) et 1 consulat général (Lagos).
A cela, il faut ajouter un réseau de 87 consulats honoraires. Le Conseil des ministres du mercredi 14 octobre 2020 nous renseigne que cette nouvelle mouture de la carte diplomatique n’a pas tenu assez longtemps. Avant elle, celles qui l’ont précédée ont connu le même sort. La diplomatie béninoise vogue entre fermeture et réouverture d’ambassades ; se dédit du jour au lendemain.
Elle donne l’impression de cafouiller, de tâtonner. Certes, la carte diplomatique ne se dessine pas dans le marbre ; elle est évolutive, modifiable et malléable. Mais elle évolue au gré des intérêts d’un Etat, de sa politique étrangère. Et cela ne change pas du jour au lendemain ; du moins, pas tous les ans.
La fluctuation récurrente, voire permanente de la carte diplomatique n’est pas synonyme d’évolution ; elle est symptomatique d’une diplomatie vacillante. Une diplomatie qui agit sans toujours cerner toutes les conséquences de ses actions et se voit obligée ensuite de courir pour en rattraper les inconséquences.
L’inconstance de la carte diplomatique révèle soit une fluctuation permanente des priorités et intérêts du Bénin sur la scène internationale, soit une précipitation peu digne du Bénin et de son histoire diplomatique.
Les incertitudes. Nous ne sommes clairement pas au bout des tâtonnements. D’autres retours pourraient suivre. La réouverture de New-York pourrait être suivie d’autres. Car, la carte diplomatique resserrée en vigueur porte quelques incompréhensions sur lesquelles l’Etat pourrait revenir. On peut citer les représentations permanentes près l’Union européenne à Bruxelles et près l’Union africaine à Addis-Abeba désormais fermées.
En effet, Bruxelles, siège de l’Union européenne, est un centre économique important. Par ailleurs, Addis-Abeba, siège de l’Union africaine, est un centre de décision majeur. Mieux, la fermeture d’Addis-Abeba pourrait être perçue comme une renonciation à l’intégration africaine à laquelle l’attachement du Bénin est affirmé dans le préambule de notre Constitution.
A ces deux, on peut ajouter l’ambassade du Bénin à Genève, siège d’un nombre important d’institutions spécialisées des Nations Unies. Si l’on a rouvert New-York pour son importance stratégique, la conséquence logique pourrait être d’ouvrir son prolongement stratégique que constitue Genève. Ces trois cas, parmi d’autres, sont l’objet de critiques diverses qui pourraient amener le gouvernement à revenir sur sa décision. Et ce ne sera pas pour déplaire à l’opinion publique !
En vérité, l’inconstance et les incertitudes de la carte diplomatique pourraient entacher la qualité des relations du Bénin avec les autres Etats et Organisations internationales. Car, la diplomatie à tâtons du Bénin se comporte comme un enfant capricieux dont les humeurs changeantes et les caprices aléatoires propulsent ses relations internationales dans l’incertitude. A ce rythme, la diplomatie, censée être un accélérateur, peut finalement devenir un freinateur de développement.



Thierry Sèdjro BIDOUZO, Juriste
Emmanuel Odilon KOUKOUBOU, Politologue
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