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Production de sel au Bénin: Un label Xwla

Publié le vendredi 4 decembre 2020  |  La Nation
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© Autre presse par dr
Le sel du Bénin en cours de labélisation
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Par Paul AMOUSSOU,

La production de sel au Bénin porte le label xwla, du nom du peuple qui en a la spécialité, de Djêgbadji à Gbéhoue, de Kpêko à Avlo. Cette production, artisanale, se fait selon un procédé transmis de génération en génération. La spécificité du sel xwla, le fameux xwla-djê (sel des xwla) qui en fait un ingrédient unique, prisé au Bénin et dans de nombreux pays en Afrique. Mais des sédiments de sel en pays Xwla aux casseroles des cordons bleus, que de péripéties !


La nature donne. Et la terre ne ment pas dit un adage populaire. En pays Xwla, cet adage est emblématique de la production du sel. Résultat de son altercation avec la mer, le Mono déborde et envahit les landes à Djêgbadji comme à Gbéhoue, et ne se retire pas sans s’être délaissé de son contenu salin qu’il dépose sur les terres fermes des bas-fonds de ces régions. D’où la spécialisation des autochtones dans la production d’un sel très prisé, car unique de qualité et de goût selon les témoignages et avis de personnes averties.

Mode opératoire

La production de ce sel commence par l’amassage du sable salin, le Xwla cô (sable xwla). Mais avant d’accéder à la terre nue, il faut la débarrasser des buissons qui la recouvre, tâche ardue confiée à des spécialistes et de plus en plus onéreuse aujourd’hui car en sus de la difficulté ou de ce fait même, les spécialistes se font rares, et ceux disponibles vendent cher leur main d’œuvre. Selon Félicien Houngbo, chef du village Gbéhoué Zogbédji, producteur, pour débroussailler un périmètre de six brassées, selon la norme indiciaire en pratique, il faut débourser au minimum 6 000 F Cfa. Et l’on peut, selon sa capacité financière, avoir autant de terres possibles exploitables à des fins de saliculture. Le filon est largement disponible, mais le fond, pour une plus grande exploitation, est ce qui manque le plus, déplorent toutefois les producteurs.
C’est sur cette terre, débarrassée de ces plantes ligneuses et buissons ardus, que le sédiment de sel mélangé à la terre est prélevé, grâce à une petite houe dédiée à cette tâche.
A en croire, toutefois, les producteurs, ils ne s’adonnent pas à cette activité du fait d’un interdit qui le proscrit, le jour du marché d’Adjaha qui se tient à quelques kilomètres pourtant des sites de production. A quoi tient un tel interdit ? Superstition ?
Toujours est-il que les producteurs l’observent scrupuleusement, quand bien même ils ne sauraient en expliquer le sens et la portée, encore moins les déconvenues pour celui qui braverait cet interdit.
Un travail rudimentaire en somme, dont la pénibilité est soulignée par les acteurs. Cela est dû aux conditions d’exercice et aux instruments y dédiés. Pénibilité, lorsqu’il s’agit de moissonner le sel dans un champ boueux, de l’assembler dans des mottes faites en matériaux précaires. Et plus encore de pénibilité, pour convoyer le précieux liquide issu de l’essorage du sable salin.


Alternative énergétique

En effet, avant de procéder à la cuisson du sel, il faut disposer le sédiment recueilli dans des mottes, puis y verser une certaine quantité d’eau afin d’en extraire le sel ainsi contenu dans l’eau infiltrée. Une fois ce processus abouti, les producteurs doivent transporter le précieux liquide, parfois à des kilomètres du lieu de prélèvement, pour la mise en feu d’où sera issu le sel. La pénibilité de cette tâche amène certains d’entre eux à faire la cuisson in situ c’est-à-dire sur la place même où ils ont prélevé le sédiment de sel. Dame Hounsiafa, qui exerce à Djêgbadji dans la commune de Ouidah, ajoute que leurs peines sont énormes. Sa consœur Doogbo précise que la mobilisation du bois est devenue un chemin de croix, depuis que l’exploitation des mangroves à des fins de bois de chauffe est interdite. Il leur faut parcourir des kilomètres pour se procurer du bois qu’ils doivent désormais acheter alors que les mangroves étaient naguère à portée de main et gratuites.

La préservation de l’écosystème en dépend !

« Nous ployons sous la pénibilité de ce travail », avance dame Houndjohounkon, quinquagénaire selon ses dires mais dont les traits tirés augurent d’un âge plus avancé. A l’en croire, depuis son Avlo natal, elle doit se lever de bonne heure pour un voyage de trois heures sur l’eau avant d’accéder au site où elle va exploiter son filon de sel. « C’est un parcours du combattant », déplore-t-elle, autant pour le prélèvement du sédiment salin que pour la cuisson du sel, du fait du bois, difficile désormais d’accès.
Dans le but de leur offrir une alternative à l’usage du bois qui défie l’écologie et perturbe l’écosystème, le Pnud a, depuis quelques années, œuvré pour mettre à disposition des producteurs des cuiseurs alimentés à base de l’énergie solaire ou de biomasse, qui ont également vocation à accroître leur production et améliorer la qualité du sel produit. Ce dispositif moderne de cuisson du sel a la vertu de contribuer à la sauvegarde de la mangrove et des autres ressources forestières ordinairement utilisées comme sources d’énergie. La technique couramment utilisée consiste en une concentration de la saumure de lixiviation (solution aqueuse de sel), dans un cuiseur sur feu de bois. Elle serait très efficace selon les producteurs, puisque permettant d’extraire 84% de sel de la saumure en quelques heures.
La méthode guérandaise, saliculture sur bâche consistant à extraire le sel d’une lame de saumure répandue sur une bâche par l’énergie solaire, promue dans les années 90, n’a pas prospéré au Bénin. Idem pour la méthode du distillateur solaire, qui consiste en une enceinte surmontée d’un écran spécialisé qui capte et emprisonne l’énergie solaire. La saliculture basée sur l’énergie du feu qui donne un rendement meilleur, est restée pérenne, bien que plus pénible.

Des hommes et du sel

Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes s’investissent dans la production du sel à défaut d’autres activités génératrices de revenus. Dans ces régions où la pêche était l’activité de prédilection des hommes, du fait de la rareté du poisson dans les eaux, ceux-ci, à moins d’immigrer comme beaucoup d’entre eux le font de plus en plus, dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Congo ou le Cameroun dont les eaux sont plus poissonneuses, n’ont pas d’autres choix que de produire du sel. A l’instar de Félicien Houngbo, Jean Luc Tossou, en dépit d’une licence en Géographie s’y investit depuis plusieurs années pour pouvoir subvenir à ses besoins. A l’en croire, ce n’est pas une dynamique nouvelle, car comme lui, la plupart des jeunes issus de ces régions, sans appui, produisent du sel pour financer leurs études et subvenir à leurs besoins.
Selon ce trentenaire, au nombre des difficultés inhérentes à la saliculture artisanale, il faut ajouter la commercialisation du sel. « Le tout n’est pas de produire le sel, il faut pouvoir le transporter au marché », indique-t-il. De ses explications, il ressort que le moyen de transport disponible à savoir la motocyclette n’est pas le plus idoine. Aussi, les femmes transportent-elles le sel à même leur tête et à pied. Faisant 8 à 15 kilomètres de marche, selon leur lieu de résidence. A Avlo, difficile d’accès, la plupart préfèrent, face à la pénibilité, vendre sur place, les intéressés devant se déplacer pour s’approvisionner.


Le sel nourrit-il son producteur ?

Vendu le panier avoisinant les 10-12 kg, 1000 à 2500 F Cfa voire davantage selon les saisons, ce prix augmente du fait de la surenchère en période de pluie, saison pendant laquelle la production du sel est quasi impossible. Seuls les producteurs qui ont conservé le sédiment recueilli en sécheresse y arrivent, certains préférant du reste produire en temps de pluie pour pouvoir spéculer et tirer meilleur profit de leur production. Les revendeuses du marché de Comé écoulent les productions faites dans les localités de Gbéhoué et environs situées 8 kilomètres dudit marché très animé dans le Mono. Ceux de Djêgbadji vendent sur place ou aux revendeuses des marchés de proximité, de Cotonou ou d’ailleurs.

Le grain manquant ?

Qu’il soit de table, alimentaire ou de cuisine, le sel est, selon les experts, nécessaire au fonctionnement de l’organisme en raison des minéraux qu’il contient, essentiellement du chlorure de sodium. Mais pour qu’il remplisse sa fonction essentielle, l’Organisation mondiale de la Santé recommande la consommation de sel enrichi en iode (sel iodé), de façon à prévenir tout déficit ou carence y liés.
Oligoélément indispensable à la fabrication des hormones thyroïdiennes, l’iode serait important à maints égards : au stade du fœtus (formation du système nerveux), lors de la puberté, et d’une manière générale tout au long du cycle de vie humaine. Les hormones thyroïdiennes jouent en effet un rôle au niveau de la régulation de la température corporelle, du métabolisme de base, de la reproduction, de la croissance, de la production de cellules sanguines ainsi qu’au niveau du développement du système nerveux et du fonctionnement des muscles.
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