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Pr Maxime da-CRUZ, Recteur de l’Université d’Abomey-Calavi sur «Sous L’Arbre à Palabre»: «Nous devons faire confiance à notre université»

Publié le jeudi 14 janvier 2021  |  L`événement Précis
Maxime
© Autre presse par DR
Maxime da-CRUZ
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Elu Recteur de l’Université d’Abomey-Calavi en 2017, le Professeur titulaire de Linguistique, enseignant au Département des Sciences du Langage et de la Communication (DSLC) de la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Communications (FLLAC), Maxime da-Cruz, purge un mandat de 3 ans auréolé de véritables actions et de distinctions. Au milieu des nombreuses avancées qui ont vu l’UAC grandir de 1970 à nos jours, le Recteur Maxime da-Cruz rêve d’une université qui fera la fierté de tous les citoyens. Ceci, au regard des nombreux défis à relever tant sur les plans de l’amélioration de la qualité des formations, des infrastructures, la valorisation des travaux de recherches et autres.

Et si on en parlait

Comment se porte aujourd’hui l’Université d’Abomey-Calavi dont on célèbre actuellement les cinquante ans d’existence ?

Comme Béninois, comme ancien étudiant et comme personne ayant eu le privilège d’assumer des responsabilités dans cette université, je dois dire que l’Université d’Abomey-Calavi se porte plutôt bien. J’ai dit qu’elle se porte plutôt bien ; cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Quand on connaît un peu l’histoire de cette institution, on peut se dire que du chemin a été parcouru. Maintenant, le défi, c’est de continuer de se battre pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui. Et je crois que, lorsqu’on on observe ces années, on se rend compte qu’aujourd’hui est différent d’hier. Et qu’hier est différent d’avant-hier. Chacun, à des époques déterminées et selon un contexte particulier, a fait ce qu’il a estimé humainement possible pour faire bouger les choses. Nous sommes dans la logique des tresseurs de corde pour continuer de tresser afin que nous ayons une corde solide. Solide pour le pays, solide pour notre système éducatif, solide pour notre développement.

Vous êtes aujourd’hui la première autorité de l’UAC après y avoir été étudiant et responsable à divers niveaux. Durant votre parcours, qu’est-ce qui a le plus marqué l’université selon vous ?
L’université est une institution dynamique. Je vous ai rappelé que j’y ai été étudiant. Pour les gens de ma génération, c’était extraordinaire d’arriver à l’université après le baccalauréat. Mais, c’est aussi la découverte d’un milieu nouveau. En effet, en venant ici, le premier choc que l’on ressent, c’est que l’environnement est différent. Vous quittez le collège et vous arrivez dans un environnement où vous avez le sentiment que personne ne s’occupe de vous. Au moment où nous étions venus, ce sentiment était fort. Aujourd’hui, vous voyez des enseignes, des plaques qui donnent des indications et qui vous orientent à l’université. Avant, il n’y en avait pratiquement pas, ou très peu. Quand quelqu’un arrive sur le campus pour la première fois, il est déboussolé. Moi j’ai été un peu responsable étudiant et je rappelle qu’à cette époque-là aussi, les luttes ont connu des moments forts. On a été responsable à l’époque du PRPB. Quand on parle de période de la révolution, on sait ce que cela rappelle. On a eu à exercer ces responsabilités dans un environnement où la délation était la règle. On n’est jamais sûr de qui vous écoute. Vous n’êtes jamais sûr de ce qu’on fait de ce que vous dites. Même dans un amphi, votre voisin peut rapporter ce que vous dites dans le sens qui lui plaît. C’était dur. Je rappelle cela pour qu’on ait une idée du chemin parcouru. Nous sommes aujourd’hui dans un environnement différent. Et malgré ces conditions de l’époque, nous avons pu étudier. Nous avons pu manifester pour nos droits. Je me rappelle le nombre de grèves pour améliorer les conditions de vie et d’études, des mouvements de grève pour demander l’augmentation du montant de la bourse. On a eu à mener des grèves pour cela. Il y a eu d’autres combats qu’on a menés et, je m’en souviens comme si c’était hier. A l’époque de la révolution, nous faisions ce qu’on appelait les activités coopératives. A l’université, le campus n’avait pas l’image qu’il affiche aujourd’hui ; il y avait beaucoup de végétation. L’une des tâches auxquelles on nous livrait était de désherber, de dessoucher. On sortait de cette activité avec beaucoup d’ampoules. La mentalité de nombre d’étudiants à l’époque, n’était pas d’aller aux champs, quand on s’inscrit à l’université. On vivait cela comme une humiliation, d’autant que cette activité était la condition à remplir pour un sésame. En effet, au terme de ces travaux de désherbage/dessouchage, on vous délivrait une attestation. Et c’est sur présentation de cette attestation qu’on vous remettait votre chèque de bourse. Si vous n’apportez pas cette attestation, votre chèque a beau être disponible, vous ne l’avez pas. Etant responsable étudiant à l’époque, nous nous sommes concertés. Une délégation de responsables est allée voir le Recteur. Sans insulter personne et sans rien casser, nous avons négocié avec le Recteur, le regretté Nathanaël MENSAH. Nous l’avons convaincu de sauter le lien qu’il y avait entre la remise de chèque et les activités coopératives. Et nous l’avons obtenu. Cette démarche pouvait être interprétée comme de l’opposition au gouvernement ou comme une action menée avec les contre-révolutionnaires. Ce qui a aussi changé aujourd’hui, ce sont les effectifs. A l’époque, dans mon département, en première année, on n’était pas 20 étudiants. Mais, j’ai eu à connaître des amphis de plusieurs centaines d’étudiants. Je me rappelle avoir encadré un cours au Département de Sociologie-Athropologie où j’ai commencé comme enseignant-vacataire. En présentiel, j’ai compté un peu plus de 300 étudiants. Pour moi, c’était un chiffre important puisque je n’avais encore jamais corrigé 300 copies pour un amphi. Lorsque j’ai reçu les enveloppes, je me suis amusé à compter le nombre de copies. C’était plus de 700 copies. C’était un choc ! J’ai laissé les enveloppes de côté pendant quelques jours, ne sachant pas comment m’en sortir. Mais, je me suis dit qu’il vaudrait mieux que je me mette à la tâche puisque les copies ne bougeront pas, tant que je ne commencerai pas les corrections. Je me suis mis à les corriger, et, à l’époque, je les corrigeais seul. Aujourd’hui, je ne peux plus le faire avec les effectifs que nous avons. Je bénéficie de l’appui de mes assistants que je remercie au passage, car, sans eux, je n’y arriverais pas. Même le titre d’assistant connaît de nouveaux contours. Quand on a commencé, les rapports entre assistants et responsables des enseignements n’étaient pas les mêmes. Aujourd’hui, cela a changé. A l’époque, on a commencé à intervenir avec une maîtrise. Aujourd’hui, des gens sont titulaires du doctorat et n’ont pas cette opportunité. Cela fait partie des défis à relever. Je rappelle tout ceci pour qu’on ait une idée du chemin parcouru. Je ne peux pas répondre à cette question sans évoquer tout ce qui s’est fait dans le sens de l’autonomisation de l’université. On a nommé les recteurs et on a commencé par élire les chefs de départements, les doyens, les directeurs et d’autres responsables. C’est une expérience qui existe depuis longtemps et on est arrivé en 2006, à élire les recteurs. Cette expérience s’est poursuivie jusqu’à présent. C’est un indicateur fort. C’est le lieu de rendre hommage à toutes les personnalités, quel que soit leur rang social, les étudiants, les enseignants, le personnel administratif, tous les acteurs de cette épopée. Les gens se sont battus, ils croyaient en ce qu’ils faisaient. Et comme toute expérience humaine, il faut oser se regarder dans la glace et se dire ce qu’il faut faire après l’évaluation.

A l’évaluation, on se rend compte que l’université a formé plus de chômeurs que de personnes ayant un emploi
C’est le constat qui est fait. J’ai évoqué un exemple tout à l’heure. C’est inimaginable que des titulaires de doctorat soient sans emploi. A l’époque, lorsque vous finissez votre formation à l’université, à partir du point fait en Conseil des Ministres de ceux qui ont fini, on vous répartit dans les administrations. Socialement, c’est important ; mais on se demande ce que cela donne, économiquement. En 1986, on a eu une situation difficile. Le gouvernement de cette époque a mis un terme à ce mode de recrutement. Au début, la mission de l’université n’était pas de former les gens pour qu’ils ne soient pas chômeurs. Le colonisateur avait créé l’université parce qu’il avait besoin de cadres pour son administration. Il ne pouvait plus se contenter des citoyens de la métropole. On avait besoin de cadres pour l’administration. Mais, lorsqu’on doit relever les défis de développement, on ne peut plus se limiter à cet objectif. J’ai le sentiment que dans notre façon de fonctionner, nous ne nous sommes pas totalement départis de ce rôle de l’université. Les parents espèrent que leur enfant, après les diplômes universitaires, sera appelé quelque part pour se voir offrir un emploi. Ce n’est plus le cas.
Que faut-il faire pour inverser la tendance ?
Il faut d’abord que les formations soient davantage en adéquation avec les besoins du terrain. On ne peut plus recruter comme on le faisait. Quand on examine notre environnement professionnel ainsi que les structures qui existent dans notre société, et qui sont susceptibles d’accueillir les titulaires des diplômes, on se rend compte qu’il n’y a pas grand-chose. Si on fait le point des ressources humaines présentes dans les entreprises publiques et privées, on se rend compte que ce n’est pas grand-chose. Il faut qu’on change de paradigme. Et les problèmes de développement sont aussi là. On a besoin par exemple de beaucoup plus de médecins, et c’est au niveau central qu’il faut régler ce problème. Il faut en recruter en nombre, surtout que nous sommes en pleine crise sanitaire. Il faut aussi amener les étudiants à réaliser que le diplôme seul ne suffit plus. Nous sommes aujourd’hui dans un environnement où ce qui compte, c’est ce que vous êtes capables de faire. Et de ce point de vue, l’une des missions essentielles de l’université, c’est de nous donner les moyens de nous battre dans la vie. Pour mettre un bémol, je dois exprimer mon désaccord avec ceux qui affirment que l’université forme des étudiants dont le profil n’est pas en adéquation avec les besoins du monde professionnel. J’ai l’impression que c’est une façon simpliste de voir les choses. Je me demande là où tous ceux qui disent cela ont été formés. Ils doivent un minimum de reconnaissance à l’institution qui les a formés. Je ne suis pas de ceux qui crachent dans la soupe. Mieux, beaucoup se présentent comme étant des spécialistes de l’institution. Les problèmes auxquels les jeunes font face sont sérieux et personne, encore moins eux, n’a encore la solution. Mais, en tant que société, nous devons prendre la mesure du défi, parce que ce que vivent ces diplômés sans emploi est un drame. Un jeune qui s’investit dans sa formation, donne le meilleur de lui-même, décroche son sésame, le dépose pour un stage bénévole et ne l’obtient pas, c’est vraiment dramatique. Et en tant que société, nous devons en faire une préoccupation. En tant que société, nous devons réfléchir sur les voies et moyens pour relever ce défi. Si on ne règle pas ce problème, nous couvons les bombes de demain : une jeunesse désespérée, qui ne peut plus s’accrocher au plus petit des rêves.

N’est-ce pas le rôle de l’université de mener les réflexions et de les porter vers l’Etat central ?
L’université n’a jamais arrêté de réfléchir. Le rôle de l’université au début, du moins ce qui s’est passé pendant longtemps, ce n’est pas de dire : « quand on les forme, ils deviennent quoi à un moment donné ? » Mais on doit changer ce rôle. Nous devons nous préoccuper davantage du sort de ceux et celles que nous formons. On ne peut plus rester dans l’ancien registre. Il faut s’en préoccuper. Cela veut dire qu’il faut revisiter les offres de formation pour impliquer ces paramètres, mieux préparer les gens à s’insérer professionnellement. Et comme tout le monde ne peut pas compter sur les autres pour avoir un emploi, il faut les former à entreprendre. Et entreprendre, ce sont des capacités humaines, ce sont des compétences à développer, mais ce sont aussi des moyens. Et l’université n’a pas les moyens matériels et financiers. Elle peut donner les moyens intellectuels et peut même donner les outils aux jeunes qu’elle forme pour les préparer à affronter les réalités de la vie. Mais l’université n’a pas les ressources financières, les infrastructures, les moyens pour mettre à disposition de ces jeunes, des infrastructures. Aujourd’hui, dans nos formations, nous associons les acteurs du monde professionnel. Ils interviennent dans l’élaboration des offres de formation. Ils interviennent dans les enseignements, dans l’encadrement des stages, dans l’évaluation des travaux, à travers par exemple les mémoires de fin de formation. Les professionnels sont impliqués dans tout le processus. Et cette expérience date de longtemps. Vous comprenez pourquoi j’ai réagi tout à l’heure par rapport aux donneurs de leçons. Il faut faire attention ; c’est une question très sérieuse. Quand le problème est sérieux, ceux qui veulent l’aborder ont l’obligation de faire preuve d’un minimum de sérieux. C’est un défi qui concerne la société. Nous devons tous et toutes en faire notre enjeu, et nous battre pour que les jeunes prennent davantage d’initiatives. Ils en prennent déjà beaucoup, mais, nous ne leur prêtons pas suffisamment attention. Quand vous les côtoyez, vous vous rendez compte que ces jeunes font des choses extraordinaires. En tant que société, nous devons mieux les écouter et les accompagner.

Est-ce qu’à l’université aujourd’hui, les thèses et mémoires sont versés à l’Etat central ?
Vous évoquez un problème important et là, je crois que l’université a une part de responsabilité. Quand les mémoires sont soutenus, il faut déjà faire connaître les conclusions de ces travaux-là. Il faut les partager au niveau de l’opinion. De ce point de vue, l’université doit revoir sa copie, parce que malheureusement, ces résultats de travaux dorment dans nos entités. Et justement, des manifestations comme celles-ci ont insisté sur la nécessité de partager avec l’opinion publique, ce qui se fait dans les laboratoires, par exemple, pour que les gens en soient davantage informés. On peut déjà prendre les dispositions nécessaires pour assurer leur diffusion. Je crois qu’il y a un problème de communication.

Voulez-vous dire que nos gouvernants ne connaissent pas les types de recherches qui sont faites à l’université ?

J’en doute. D’abord, il faut que nous partagions ces résultats, le contenu des travaux avec nos autorités à divers niveaux. Je viens de dire que l’université a sa part de responsabilité. Que faisons-nous pour que l’autorité soit mieux informée des résultats de recherche ? L’autorité ne va pas se mettre à faire le tour de nos laboratoires. L’autorité peut instruire pour qu’on lui communique les résultats de ces travaux. Mais de notre côté, nous devons nous organiser pour que ces résultats soient mieux connus du grand public et qu’on amène les gens à comprendre les solutions que nos chercheurs proposent à un certain nombre de problèmes. En faisant le tour des stands ce matin, en suivant l’élément vidéo qui a été projeté, on se rend compte qu’il y a des choses extraordinaires qui se font. Même par rapport au contexte de lutte contre la Covid-19, l’université a des outils, des moyens, des solutions à un certain nombre de problèmes. Donc, il faut davantage de synergie entre les décideurs quel que soit le niveau. Il faut que ce qui se fait soit connu et que dès que c’est connu, l’on travaille à le valoriser ; parce qu’il y a l’université qui produit des résultats de recherches ; mais, en ce qui concerne le volet valorisation, cela ne peut plus se faire au seul niveau de l’université. Il y a beaucoup d’acteurs qui doivent intervenir. Il y a notamment les structures en charge de la valorisation des résultats de recherche et de l’innovation, les acteurs du monde de l’entreprise qui attendent des solutions à un certain nombre de préoccupations. Il est important qu’on établisse des passerelles entre les laboratoires et ces institutions.

Dans l’immédiat, que proposez-vous pour remédier à cela ?
Il est essentiel que l’on fasse davantage confiance à l’université. Je crois que cela peut constituer un premier pas important. Il faut aussi initier une sorte de travail de collecte. Il faut prendre la peine de s’informer de tout ce qui est disponible comme résultat. Confier cela à des gens qui s’y connaissent. Ensuite, passer à l’étape de ce que l’on peut faire avec ces résultats. Je crois qu’il faut y aller. Nous universitaires comme je l’ai dit, devons mieux communiquer, saisir beaucoup d’opportunités pour partager avec les acteurs des différents pans de la société, ces résultats. La dame qui fait du commerce de tomates ou de mangues, et qui voit pourrir ces légumes et fruits ; même si elle ne dispose pas de moyens adéquats de conservation, qu’elle sache que de nos laboratoires sont sorties des solutions à ces problèmes. Comment peut-elle savoir que ces solutions existent si nous ne partageons pas les solutions avec la société, si elle n’a pas les moyens de découvrir cela ? Vous voyez que c’est une chaîne de responsabilités. Donc, nous devons tout faire pour que les solutions soient connues. Quand vous prenez par exemple les travaux soutenus dans les écoles, les rapports ou mémoires de fin de formation, en plus des solutions proposées, ils finissent toujours par des recommandations à l’endroit de différents acteurs. Et, dans bon nombre de cas, ces étudiants s’efforcent de porter ces recommandations à la connaissance de certains décideurs. Mais qu’est-ce qu’on en fait ? C’est la question. Et j’ai dit qu’il faut qu’on se fasse davantage confiance. Se faire confiance, c’est se dire que dans notre pays, il y a des compétences, des personnes et des institutions qui ont des solutions à nos problèmes. Et les solutions ne viennent pas forcément d’ailleurs. Les solutions que les gens proposent ailleurs sont davantage en adéquation avec leurs problèmes. Cela ne veut pas dire que nous allons nous renfermer sur nous-mêmes, tout faire « intramuros » ; mais il n’y a rien de plus anecdotique que d’aller chercher chez le voisin, les solutions que vous avez chez vous. Une anecdote pour finir avec ce volet : j’étais, il y a quelques années, en mission dans un pays de la sous-région, membre de l’UEMOA ; et dans ma chambre d’hôtel, je regardais la télévision quand j’ai vu un de nos ministres ; c’était à l’époque de la révolution. Le ministre est allé en mission dans ce pays et on a montré des images où il circulait dans les palmeraies ; et à la question de savoir ce qu’il est venu faire dans ce pays frère, le ministre a répondu qu’il est venu apprendre à cultiver du palmier à huile ; et celui-là, il était ministre en charge de l’agriculture ; c’est une insulte à l’intelligence des Béninois, parce que ce qu’il est allé voir, c’est ici que les gens sont venus l’apprendre. Que lui ministre dans un gouvernement qui se veut révolutionnaire commette une telle méprise, c’est grave. J’étais choqué et mon malheur, c’est que j’étais seul dans ma chambre, sans témoin ; j’aurais voulu avoir quelqu’un à côté de moi pour dire : « venez voir ce qu’il est venu raconter. » Parce qu’il n’a pas pris la peine de connaître l’histoire de son pays, de bien préparer la mission. Et quand on ne connaît pas l’histoire, il y a beaucoup de choses qu’on laisse de côté. Il faut connaître l’histoire quel que soit le secteur dans lequel on est ; il faut faire l’état des lieux pour savoir d’où on part. En matière de recherche aussi, il ne faut pas réinventer la roue. Je veux travailler sur un secteur, je me renseigne pour faire le point de ce qui existe.

Que peut-on retenir du renforcement des capacités du personnel administratif, technique et de service ?
Le renforcement des capacités est important pour nous tous et toutes, quelles que soient les professions que nous exerçons. Tout étant dynamique dans la vie, il ne faut pas craindre de se remettre en cause. Il faut au moins se recycler. Il faut faire des formations qui apportent une plus-value aux activités de l’institution et de ses différents acteurs. Il faut actualiser ses connaissances. Je suis par exemple dans le domaine de l’informatique, un secteur qui évolue rapidement. A un moment donné, il faut que je mette ma formation au goût du jour, et c’est valable pour tous les secteurs. Et au niveau du personnel, nous avons fait des renforcements de capacités. Il y a eu des formations dans beaucoup de domaines, au niveau central et au niveau des entités. Et l’autre aspect sur lequel nous travaillons, c’est d’avoir un plan de formation pour le personnel. Et quand on dit plan de formation, cela suppose une programmation ; ce qui signifie que les gens sortent de l’étape où chacun dit : « je veux aller faire une formation dans tel domaine. » Quand ils en font la demande, on leur donne l’avis favorable parce qu’il y a un vide. S’il y avait un plan de formation, la réponse à ce type de demande serait différente. Mais on ne peut pas continuer de la sorte parce que les formations doivent répondre aux besoins de l’institution. Le plan de formation est pratiquement prêt. Les résultats du travail sont déjà déposés. Nous avons des compétences à l’intérieur et c’est l’une de nos structures qui est en charge de travailler sur ce plan de formation. Nous allons le partager une fois encore avec l’ensemble des acteurs, les chefs d’établissements, les cadres à divers niveaux pour que le plan de formation soit validé. Quand il sera validé, on va le mettre en œuvre. C’est essentiel. Un agent qui n’évolue pas dans sa façon de travailler, qui ne découvre pas de nouvelles choses dans l’exercice de sa profession, c’est la porte ouverte à la sclérose, et la sclérose est un poison pour l’administration, pour toute institution.

Quels sont les mécanismes que vous avez mis en place pour mettre le corps enseignant au travail ?
Les collègues s’investissent déjà du mieux qu’ils peuvent dans leur travail. Le défi à relever, c’est comment faire pour que ce travail soit de meilleure qualité. Le travail de l’enseignant du supérieur est particulier quand on le compare aux travailleurs d’autres sous-secteurs. L’enseignant du supérieur a essentiellement trois missions : l’enseignement, la recherche et le service à la communauté. Ce sont trois pôles de notre mission qu’on ne peut pas ignorer. Ils sont pris en compte dans l’évaluation des dossiers au CAMES ; ainsi, si ces paramètres ne sont pas présents, le dossier du candidat ne passera pas. La quête de la qualité et le besoin d’équité supposent que tout le monde soit au même niveau d’information et d’exigence. Il faut cependant reconnaître que, comme c’est malheureusement le cas dans toutes les administrations, nous avons aussi des brebis galeuses. Si je suis dans un département et que je me contente d’aller assurer mes cours, il y a quelque chose qui ne va pas. Si je me contente d’être dans mon laboratoire et que je ne contribue pas au fonctionnement de mon entité, il y a problème. La plupart des collègues s’investissent dans ces activités ; mais d’autres ne le font pas. Il faut donc corriger cela et mieux accompagner ceux et celles qui s’acquittent convenablement de leurs missions. Il y a quelque chose d’extraordinaire que nous avons pu réaliser depuis quelques années. La formation à la pédagogie universitaire des acteurs de notre institution. Le défi est là depuis bien des années ; la formation à la pédagogie universitaire et la quête de la qualité préoccupent les responsables de l’UAC depuis des décennies ; plusieurs initiatives ont été prises, il y a longtemps. Ainsi, dans le cadre de la coopération interuniversitaire, notamment avec la Belgique et les Pays-Bas, des collègues ont suivi des formations dans ce domaine. De ce point de vue, on peut estimer qu’il s’agit véritablement d’un changement de paramètre. Les premiers enseignants de l’université venaient avec leurs compétences disciplinaires. Quelqu’un descend avec sa thèse, on le recrute et il assume ses enseignements. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Dès qu’on recrute un assistant, avant qu’il ne puisse aller interagir avec les étudiants, il doit suivre une formation en pédagogie universitaire ; Il doit apprendre à enseigner. Il a beau être un bon spécialiste dans sa discipline, il doit savoir que l’enseignement est un métier qui s’apprend. On ne s’improvise pas enseignant. Des gens peuvent avoir des prédispositions, mais il faut que tout cela soit formalisé. De ce point de vue donc, le travail des enseignants se fait dans de meilleures conditions ; ils sont mieux préparés à assumer leurs responsabilités d’enseignants. Il est important que, notamment, tout le personnel enseignant s’implique davantage dans l’accomplissement de ces trois missions : l’enseignement, la recherche et le service à la communauté.

A la date d’aujourd’hui il y a combien d’enseignants à l’université d’Abomey Calavi ?
A cette question, je pourrais répondre que, selon les données fournies par le Service des Statistiques de l’UAC, nous étions 911 enseignants-chercheurs en 2017-2018 ; à ce chiffre, il faut ajouter le nombre de collaborateurs extérieurs intervenant dans les entités.

Pour être opérationnel, l’université a besoin de combien ?
L’université a besoin de plusieurs milliers d’enseignants. Aujourd’hui, si nous considérons que nous avons près de quatre-vingt mille étudiants, mille enseignants, ce n’est pas suffisant. Il y a un certain nombre d’indicateurs. A titre d’exemple, idéalement, un enseignant doit pouvoir encadrer une trentaine d’étudiants au plus. Quand vous avez des amphis de trois mille étudiants, vous êtes en dehors des normes.

Mais face à ce manque criard d’enseignant, quelle solution avez-vous ?
Il faut former. Le problème de la formation est en partie réglé. Il y a beaucoup de docteurs qui sont sortis de nos universités et des autres universités. Il faut leur donner l’occasion de mettre leurs compétences au service de l’université. L’initiative des recrutements relève des compétences de nos autorités hiérarchiques ; les démarches sont en cours pour doter les universités de plus de ressources humaines de qualité. Compte tenu de l’important gap à combler dans nos universités, j’estime que, avec les ambitions que l’on nourrit pour le Bénin, il faut que ce problème soit résolu dans les meilleurs délais. Il est d’autant plus important de le régler qu’avec les départs à la retraite, le gap se creuse, et chaque année c’est plusieurs dizaines d’enseignants qui vont à la retraite. Déjà que cela ne suffit pas en termes d’effectif, en termes de qualité de l’encadrement, il faut déjà procéder au remplacement systématiquement des collègues admis à la retraite ; mais, même le remplacement systématique ne suffit pas. Il faut donc aller au-delà des remplacements systématiques. Je voudrais souligner que les exemples de certains pays peuvent nous inspirer. Il est arrivé, dans un pays de la sous-région que, pour la seule faculté de médecine, l’on ait recruté pendant une année cent enseignants. Pour en arriver là, je crois que ce que l’on peut faire est une politique volontariste. Le déficit est criard, il est très préoccupant. Alors, après l’évaluation des besoins, on fait l’effort d’un recrutement massif. L’évaluation doit se faire dans certaines conditions pour que l’impact recherché soit atteint. Si vous êtes enseignant et que l’on doit attendre votre départ à la retraite avant de recruter un autre enseignant pour vous remplacer, il y a un problème de préparation de la relève. Il faut que celui-là arrive suffisamment tôt, qu’il s’imprègne des réalités de l’environnement dans lequel il va vivre. S’il ne s’en imprègne pas, comment va-t-il agir dans le sens d’une relève de qualité ?

Qu’est-ce que l’équipe rectorale a fait dans ce sens ?
Nous informons régulièrement les autorités de nos besoins ; il faut communiquer davantage pour faire mieux comprendre la pertinence et l’urgence de ces besoins. Il y a un effort d’amélioration à faire dans ce sens. Les données existent, mais les priorités sont nombreuses aussi.

Entre 2017 et maintenant vous avez recruté combien d’enseignants ?
Entre 2017 et maintenant, nous avons bénéficié du recrutement de plusieurs dizaines d’assistants. Parce qu’il y en avait qui avaient été recrutés du temps du précédent Cabinet ministériel pour les universités publiques. Ils étaient au nombre de cent ; et nous avons d’abord régularisé la situation de ceux-là, parce qu’il y avait des cas de contentieux. Mais le processus est en cours pour que nous rattrapions les recrutements de 2018 et 2019. Nos autorités de tutelle et les universités y travaillent de façon assez sérieuse. Nous espérons donc que, dans un délai relativement court, ces ressources humaines seront mises à la disposition de nos universités. Le besoin est là et les compétences sont disponibles. Il y a beaucoup de titulaires de doctorat ; et certains d’entre eux, même s’ils sont frappés par le critère d’âge, continuent, malgré cette situation difficile, de mettre leurs compétences au service de l’Université.

A la date d’aujourd’hui, combien de docteurs sont à l’université et qui attendent le recrutement ?
Ils sont plusieurs dizaines. Il y a un nombre assez important. Et ce nombre, dans beaucoup de filières, ne suffit même pas pour couvrir les besoins actuels. On ne peut pas dire que c’est le cas dans toutes les filières. Il est déjà arrivé dans certaines filières que l’on détermine les profils et qu’on ne trouve pas, à l’instant, les personnes qui en remplissent les critères.

M. Le recteur, vous avez évoqué en filigrane la Covid-19. Cette pandémie sans précédent qui a ébranlé le monde entier et même les pays les plus industrialisés. Nous savons tous que l’Université d’Abomey-Calavi aussi a vécu cette crise. Dès l’annonce des mesures prises par le gouvernement en vue de lutter contre la propagation de cette pandémie à l’Université d’Abomey-Calavi, comment avez-vous traversé cette période ?
Effectivement, cette crise qui continue de nous compliquer la vie, bouleverse complètement nos interactions sociales et remet en cause nos pratiques sociales. C’est dur. Vous l’avez souligné à juste titre ; même les pays qui sont plus avancés que nous en font les frais, dans des conditions pires que les nôtres, et il faut de ce point de vue, rendre grâce à Dieu. Il y a eu des oiseaux de mauvais augure qui ont prédit l’hécatombe ; heureusement qu’ils ont eu tort et ils auront toujours tort.
Cela dit, le gouvernement a pris la décision de fermer les établissements de formation pour des raisons que tout le monde peut comprendre. Il fallait intervenir pour que la situation ne soit pas plus dramatique. Nous avons dû observer une halte de 45 jours. Et 45 jours, c’est important dans une année universitaire. Et ce qui a été proposé et qui était déjà en application dans certaines entités, c’est la mise en ligne des cours, les interactions avec les étudiants à travers le numérique. Et le gouvernement a pris une décision qu’il faut saluer ; la mise à disposition d’une plateforme pour les cours en ligne. Je le dis toujours, c’est un bien, quelque chose d’extraordinaire dans un contexte de crise. On peut dire que la lutte contre la Covid-19 a donné ça. Parce que c’est un besoin qui date de longtemps. Le e-learning pour moi, c’est un outil qu’il faut développer. Maintenant, c’est une première expérience. Ce n’est pas étonnant qu’il y ait quelques difficultés. Le gouvernement s’est investi dans la mise en place de cette plateforme. Le gouvernement nous a aidés au plan du renforcement de la bande passante. On est passé de 6 à 100 Mbits sur la bande passante. C’est un appui important. Mais ce n’est pas encore suffisant. Nous continuons de faire le plaidoyer pour que des efforts additionnels soient faits. Il faut qu’on y aille. On ne peut pas tourner le dos au e-learning.

Est-ce que ça a été vraiment bénéfique, profitable pour les étudiants. Est-ce que le e-learning est toujours d’actualité à l’université d’Abomey-Calavi ?
Moi je vous comprends. J’ai dit tout à l’heure que comme c’est une expérience nouvelle, qu’il y ait des difficultés, ce n’est pas étonnant. Mais je me demanderais plutôt quoi faire pour que tout le monde puisse en profiter. Si je pose la question « est-ce qu’on en a vraiment profité ? » ; celui qui répond NON est dans la logique du verre à moitié vide. Moi, j’opte pour le verre à moitié plein. C’est un besoin. Il n’est pas encore complètement en adéquation avec ce que nous avons envie de faire. Mais il faut continuer de travailler, de le renforcer pour qu’il réponde mieux aux besoins. Sinon, on va marcher à contre-courant. C’est incontournable.

Vous l’avez expliqué aux étudiants qui sont en grève ?
Oui. En fait, on n’a jamais cessé d’expliquer cela à nos chers étudiants. Maintenant, les étudiants se plaignent de la situation. Il faut aussi écouter les difficultés qu’ils rencontrent au niveau de la connexion. Le fait qu’ils communiquent les difficultés auxquelles ils sont confrontés participe de la recherche de solutions. Il faut avoir une oreille attentive à ce niveau. Ils vivent probablement plus que nous les difficultés liées au système. Il faut qu’ils nous expliquent leur situation afin qu’on puisse leur proposer des solutions. Mais des solutions sont aussi à leur niveau. Parce qu’il y a des étudiants de chez nous qui font des choses extraordinaires. Chez vous, au boulot comme au domicile, quels sont vos experts en utilisation de votre Androïde ? Ce sont les jeunes. Ce sont eux qui nous indiquent comment faire ceci ou cela. Et si on leur fait confiance et qu’on les met à la tâche, ils vont nous aider à régler aussi nos problèmes. Mais si on les regarde de haut, nous ne règlerons pas ces problèmes. Tout le monde mérite de la considération. Associons-les davantage à ce qui les concerne, et ils vont nous aider à trouver des solutions. Mais il ne faut pas qu’eux aussi regardent le processus comme une chose extérieure à eux, qu’ils adoptent une posture de spectateurs. Ce n’est pas une bonne attitude ; ils devraient se dire que ce qui est proposé est pour eux. Comment font-ils pour se l’approprier ? Qu’est-ce qu’ils font pour que cela fonctionne de façon optimale. Je crois que c’est ensemble qu’on va trouver des solutions.
Pour récapituler, j’estime qu’on ne peut pas faire marche arrière. Maintenant, comment allons-nous nous organiser pour que le dispositif soit en adéquation avec les besoins pour lesquels il a été mis en place ? Il faut travailler à cela. Le e-learning doit aider les étudiants à bénéficier d’une formation de qualité. Associons-les pour qu’ensemble nous puissions trouver des solutions. Il faut qu’ils cherchent les moyens pour s’approprier ce qu’on leur propose afin que le processus puisse fonctionner de façon optimale.

Vous avez dirigé une équipe qui a massivement construit sur le campus, êtes-vous satisfait de ces infrastructures ?
Nous devons avoir l’honnêteté de reconnaître que des efforts ont été fournis dans ce sens ; mais on aurait voulu faire encore davantage s’il y avait plus de moyens. Parce que malgré tout ce qui a été fait, les besoins sont loin d’être couverts. Il faut donc continuer de se battre. Ce que vous observez aujourd’hui, c’est un travail de plusieurs générations. Toutes les équipes qui sont passées à la tête de notre université ont joué leur partition ; c’est un travail à la chaîne. Et chacun doit s’investir en se disant qu’il est un maillon de la chaîne, même si nous ne sommes pas de la même institution universitaire, nous sommes quand même des Béninois.

Comment appréhendez-vous les mouvements liés aux 8 semestres ?
La question des 8 semestres est une préoccupation pour les étudiants, parce que malheureusement certains d’entre eux ont épuisé leurs années de formation. Un étudiant qui a un parcours normal finit son programme de Licence après 6 semestres. Les textes ont donc prévu la possibilité d’une année d’échec. Ce qui fait que l’étudiant dispose au maximum de 8 semestres pour finir sa licence. Malheureusement, il se trouve que certains étudiants ont épuisé les 8 semestres, mais n’ont pas encore rempli toutes les conditions nécessaires pour le diplôme. Ils n’ont pas validé toutes les unités d’enseignement. On vient à l’Université pour réussir et pour réussir on n’a qu’une seule chose à faire, c’est de travailler. Maintenant, l’institution universitaire à travers le processus des délibérations connaît la tradition qui consiste à se prononcer sur ces cas. Quand on parle de validation, quand on fait le point normal de ceux qui remplissent les conditions de validation, on échange autour des cas problématiques et on leur donne un certain nombre de moyens. Ils ont une deuxième chance de rattrapage, en termes d’autres moyens traditionnels d’accompagnement dans ce processus de validation de l’ensemble des unités d’enseignement. Par rapport au règlement de cette problème, nous avons entrepris des démarches ; nous leur avons demandé de faire des propositions. Nous avons mis en place une commission qui doit d’ailleurs faire le point et nous allons partager les propositions de cette commission avec les responsables étudiants. Quand on rentre dans une formation, on signe un contrat, et dans le contrat il y a un règlement pédagogique dans lequel figurent les conditions d’étude, les conditions dans lesquelles on travaille. On ne peut pas signer un contrat et après remettre en cause des clauses du contrat. Cela ne se fait pas. Nous sommes sensibles à cette difficulté ; nous allons réfléchir aux solutions, mais il faut que chacun reste dans les limites requises pour ne pas mélanger les choses.

Beaucoup de choses ont été faites de 1970 à 2020 à l’Université d’Abomey-Calavi. Quels sont aujourd’hui les défis qu’il faut relever pour pouvoir hisser l’Université au rang des meilleures universités sur le plan international ?
Il est important de construire des amphis, mais cela ne suffit pas ; il faut mettre à disposition aussi d’autres outils, notamment les matériels pédagogiques, les équipements de laboratoire. Quand on a parlé de e-learning, on a pensé à améliorer la fluidité de l’Internet ; l’étudiant peut travailler grâce à une meilleure connexion. Il y a beaucoup d’expériences à l’Université où les étudiants suivent les cours via Internet et arrivent à valider toutes les unités d’enseignement. Il y a quelques années, à l’UAC, on a même dû faire diffuser les cours via la radio ; en effet, du temps de l’équipe du Recteur Brice A. SINSIN, le Rectorat a équipé Radio Univers et une salle à partir de laquelle les cours sont enregistrés et diffusés. Donc, l’étudiant n’était pas obligé de se présenter en salle avant de suivre les cours. Les solutions existent et tout cela ne peut se faire qu’à partir d’une bonne connexion. Mais malheureusement, l’arsenal dont nous disposons aujourd’hui n’est pas encore à la hauteur de ce défi. Les autorités y travaillent sérieusement, mais il y a des efforts à fournir. J’ai parlé d’infrastructures tout à l’heure, mais il faut beaucoup de ressources. Vous avez beau disposer du personnel formé à l’utilisation de ces moyens techniques, pour prendre en compte les réalités d’aujourd’hui, il faut recruter les ressources humaines en quantité et en qualité. Il faut équiper les laboratoires, ce qui représente un coût ; et c’est autant de choses à faire pour améliorer la qualité du dispositif, parce que la recherche est un ingrédient essentiel pour l’actualisation, l’amélioration de l’enseignement. Si vous ne faites pas de recherche, vous allez passer à côté de l’essentiel.

Vos collègues enseignants revendiquaient de ne plus payer les frais d’inscription, comment appréciez-vous cela ?
Les enseignants ne payaient pas les frais d’inscription les années antérieures ; maintenant, les règles ont changé et les enseignants réclament le retour aux anciennes pratiques où le paiement de ces frais était à la charge du budget national. Je voudrais saisir cette occasion pour prier nos autorités de poursuivre les efforts de prise en charge de ces frais, dans le sens de ce qui a partiellement repris avec les concours d’agrégation. C’est un effort louable, et nous souhaitons leur accompagnement dans la résolution de ce problème. En effet, l’une des conséquences de cette décision est qu’elle dissuade certains collègues de franchir le cap de leur inscription sur les listes d’aptitude du CAMES. En effet, l’inscription sur l’une de ces listes, c’est la reconnaissance des qualités de nos enseignants-chercheurs ; mais c’est aussi la garantie d’amélioration de la qualité des formations et des recherches. Il faut donc aller au-delà des avantages matériels liés à cette performance d’évaluation au plan international. C’est davantage de possibilités d’interactions avec d’autres collègues et institutions ; davantage de visibilité pour l’institution et le pays. En effet, si un collègue sort un résultat de recherche, on parle de lui en tant que Béninois et ainsi notre pays sera honoré.

Votre mot de la fin
Je vais finir en disant que l’université appartient à la nation et comme citoyen/citoyenne, nous devons faire confiance à notre université, nous devons la porter haut, nous devons l’aider à avoir les moyens de réussir ses missions et à être à la hauteur des défis qu’elle doit relever. Un pays développé, c’est une université développée et la recherche est l’intrant essentiel dans tout ce processus. Ce sont les résultats des recherches qui permettent d’actualiser le contenu des enseignements, de relever les niveaux d’études ; et c’est grâce aux résultats des recherches qu’on peut apporter des solutions aux préoccupations des citoyens et citoyennes. Pour cela, il faut renforcer les activités de recherche, il faut les accompagner d’une certaine façon ; et, en le faisant, on améliore le système d’enseignement, les conditions de travail. Il est important que l’on poursuive les réformes au niveau du E-learning et que la plateforme continue de connaître des améliorations afin que les étudiants s’y sentent davantage à l’aise. Que cette plateforme leur permette d’avoir des enseignements de qualité et qu’ils n’hésitent pas à jouer leur partition en termes de contribution pour que ce dispositif soit davantage en adéquation avec les besoins, les raisons pour lesquelles il a été mis en place. Moi j’ai confiance et je rêve d’une université dont les citoyens et les citoyennes sont fiers parce que ce qui en sort leur fait plaisir, les honore et ils sont convaincus qu’avec ce qui se fait à l’université, ils ont des solutions à leurs problèmes afin que le pays puisse aller de l’avant.

Carte d’identité: Attaché à la recherche

Maxime da Cruz naît le 28 novembre 1955 à Ouidah. Il fait ses études primaires et secondaires à Porto-Novo, respectivement à l’Ecole catholique St Joseph, et au Cours secondaire Notre Dame de Lourdes. Après un Bac série A4 en poche en 1976, il s’inscrit à l’Université nationale du Bénin. Il soutient son mémoire de maîtrise de Linguistique en 1983. Recruté en décembre 1983 comme attaché de recherche ; avant son recrutement, il a servi comme Exploitant pédagogique au CEBELAE, dont le premier Directeur est aussi son maître de mémoire, le Professeur Georges A. G. GUEDOU. Mis à la disposition de la Commission nationale de Linguistique (CNL) devenue un an plus tard, le Centre national de Linguistique appliquée (CENALA), actuel INALA, il a eu le bonheur et le privilège de travailler aux côtés de son premier Directeur, le Professeur Marc Laurent HAZOUME. Il se rappelle les avancées remarquables qui ont été réalisées avec le temps, avec des enseignants locaux mais aussi ceux venant de l’extérieur. Il fait sa thèse de PhD. au Canada, à l’Université du Québec à Montréal, après des séjours de formation à l’Université de Montréal. Une fois revenu du Canada, il renoue avec l’enseignement et assume des responsabilités à divers postes jusqu’en 2011 où il a été élu Vice-Recteur dans l’équipe du Recteur Brice Augustin SINSIN, avant d’être élu à son tour Recteur en 2017. Maxime da CRUZ est Professeur titulaire de Linguistique, enseignant au Département des Sciences du Langage et de la Communication (DSLC) de la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Communications (FLLAC.

Intimité: Monogame convaincu

Père de trois enfants dont une fille et deux garçons, Maxime da CRUZ est monogame. Pour être son ami, il faut priser par-dessus tout, la sincérité, la bonne foi. A table, le Professeur da CRUZ apprécie plutôt les mets locaux. « Pour votre honneur aussi, si quelqu’un vient chez vous, offrez-lui d’abord et surtout les mets locaux ; ainsi, comme boisson, proposez-lui du sodabi, du choucoutou, offrez-lui du chakpalo », dit-il. Mais, l’eau reste sa boisson préférée, même s’il aime bien prendre, de temps en temps, du bon vin et de la bière avec les amis. Pour maintenir la forme, il fait de la marche.
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