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Conférence nationale des forces vives de la nation: Retour sur un métier sorti glorieux des assises

Publié le mercredi 10 mars 2021  |  La Nation
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Conférence nationale des forces vives de la nation (Image archive)
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Par Isidore Alexis GOZO (gozoalexis6@gmail.com),

La presse béninoise dans son ensemble a joué un rôle de premier plan au cours de la Conférence nationale des forces vives de la nation de février 1990 qui a accouché de la démocratie. En amont et en aval de tout le processus, il a fallu des hommes de la plume et du micro. Un succès à leur actif.


Du 19 au 28 février 1990, s’est tenue à l’hôtel Plm Aledjo de Cotonou, l’historique Conférence nationale des forces vives de la nation. Durant dix jours, tous les regards étaient braqués sur cet évènement qui déterminera l’avenir de la patrie. Politiques, hommes de la Société civile et religieux ont apporté leurs contributions pour le succès de ces assises. Outre ceux-ci, l’on peut remarquer la présence des hommes des médias qui ont oeuvré contre vents et marées pour apporter l’information aux citoyens. Calepins, stylos, micros et caméras en main, ils ont été d’un grand appui pour la réussite de cette conférence qui a débouché sur la démocratie, le multipartisme intégral et le libéralisme économique.
Témoin de ces assises, ancien journaliste et ancien directeur général de l’Office national d’édition de presse et d’imprimerie (Onepi), aujourd’hui à la retraite, Noël Allagbada évoque les temps forts de cette conférence et l’important rôle qu’a joué la presse tant publique que privée dans la réussite de ces assises. Il fait savoir que d’une façon générale, la presse a été un acteur déterminant dans le succès de la Conférence nationale des forces vives de la nation de février 1990. Il note qu’en ce moment, il y avait la presse d’Etat à savoir l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin, le quotidien national «Ehuzu » sans oublier l’Agence Bénin presse ; et aux côtés de ces médias publics, quelques journaux privés : La Gazette du Golfe, Tam-Tam Express. Des médias qui ont vu le jour, rappelle le témoin de ce grand moment historique, grâce à l’ouverture qui s’est dessinée en 1987.

Tous ces journaux privés, précise Noël Allagbada, ont été créés par de jeunes Béninois qui, à partir de la naissance de la Gazette du Golfe, ont compris que le cadre législatif d’exercice des médias au Bénin était un cadre déclaratif et non d’autorisation ; ce qui signifie dès lors que, n’importe quel citoyen pouvait créer un organe de presse sans une quelconque autorisation d’une instance étatique. Cependant, précise-t-il, ce moment a été également d’une grande utilité pour certains professionnels des médias et intellectuels qui ont su mettre au service de la nation leurs compétences en créant des journaux. On peut citer, La Recarde du doyen Thomas Mègnassan, l’un des fondateurs de l’Onepi, L’Opinion du professeur Paulin Hountondji et le périodique «Echo Magazine» de Léandre Djagoué.

Acte politique majeur…

Solennellement décidé par les hautes instances politiques du Bénin, le processus organisationnel de cette grand-messe de réflexion a connu son épilogue en décembre 1989 grâce à l’approbation des membres de l’Assemblée nationale sur une proposition du gouvernement et surtout sur l’autorisation du parti unique, le Parti de la Révolution populaire du Bénin (Prpb). Ces derniers ont alors décidé qu’il est temps que les Béninois se retrouvent pour discuter et trouver des solutions aux problèmes qui minaient la nation. L’ancien directeur général de l’Onepi souligne que les organes de presse de service public ont été fortement impliqués dans la préparation de ces moments d’union de tous les fils du pays autour de la jarre Bénin.

« Une fois que le Comité préparatoire a été mis sur pied en décembre 1989, en tant que directeur général de l’Onépi en ce moment, je me rappelle avoir assisté à quelques réunions au ministère du Plan dirigé par le ministre Robert Dossou qui était en même temps le président du Comité préparatoire. Nous avons assisté à des réunions où nous donnons aussi nos avis sur certains aspects. Je me rappelle aussi qu’on nous avait demandé en tant que journalistes si nous connaissions les noms de certains cadres béninois qui étaient à l’extérieur ou qui avaient fui à un moment donné du pays ». Et il poursuit : « Lorsque la conférence a commencé, je n’ai pas été sur les lieux personnellement parce que je gérais une situation de difficultés socio-économiques au sein de l’office ».

… Une presse engagée malgré la tension

« Je me rappelle que le premier jour où la conférence a commencé, la rédaction était en grève mais cela n’a pas empêché la direction d’envoyer une équipe sur le terrain. Concernant ‘’Ehuzu’’ et les journalistes, on ne pouvait pas arrêter le journal même si on a des difficultés pour la publication. Cela ne nous a pas empêché de couvrir l’information», ajoute Noël Allagbada. Il fait savoir que du côté de l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin, la situation était pareille. Suite à la décision imposée de les voir assurer la retransmission en direct des assises, des remous ont été notés de même que des résistances pour marquer toujours le mécontentement.

Mais grâce à l’esprit de négociation du ministre de l’Information d’alors, la situation a été sous contrôle et le devoir a prévalu sur le droit. Il affirme que l’aspect « retransmission en direct » a contribué à faire de la conférence, un succès. « Une radio dont tout le contenu est au service du gouvernement, c’est à cette même radio qu’on a demandé de diffuser intégralement la Conférence nationale. Ce qui veut dire que dès l’ouverture de la conférence à 8 heures jusqu’à sa fermeture, afin que tous les citoyens de ce pays suivent ce qui se passe », précise-t-il. Noël Allagbada poursuit que c’est à ces journalistes qui, pour l’opinion, passaient pour être des serviteurs zélés parfois même inconscients au service du gouvernement, qu’est revenue la lourde charge de porter l’information de ces assises de tous les risques aux citoyens. C’est à eux donc qu’est revenu l’honneur de dire à chaque citoyen ce qu’il doit lire, voir, écouter et penser.

Le professionnalisme a prévalu sur les émotions, de toute manière, et c’est à l’honneur de ces journalistes. « Si on pouvait retrouver aujourd’hui des images des rues de Cotonou, de Porto-Novo où la radio était captée, je pense que ç’aurait été un témoignage efficace pour ceux qui ignorent comment le peuple est resté accroché à tout ce qui a été dit pendant ces dix jours », note-t-il. Ces journalistes béninois d’alors ont pu assumer leur rôle de couloir de transmission entre des acteurs de la conférence et le peuple qui voulait l’information. En cette période, la retransmission en direct a permis aux citoyens d’avoir des informations brutes où chacun pouvait faire son analyse à son niveau. L’ancien directeur général de l’Onepi explique qu’au niveau de la presse privée qui était essentiellement faite des journaux, le travail a été fait avec quelquefois des moments de tension. Mais avec les moyens de bord, chacun rendait compte et chacun se faisait le relai des déclarations et des points de vue des participants. « Des journalistes comme Akuété Assévi, Léon Brathier et autres se relayaient et chaque jour, chacun produisait un papier», informe-t-il.

Et le débat imposa la prorogation

Initialement prévue pour se dérouler du 19 au 24 février, la conférence ne put prendre fin dans le délai et c’est justement le 25 février 1990, qu’elle connût son moment le plus palpitant. En effet, raconte le témoin de l’événement, ce 25 février a été une journée déterminante, la journée de la souveraineté nationale. Selon lui, les gens se demandaient ce que vont devenir les décisions qui seront issues de cette conférence. Ensuite, un débat s’est installé sur le
caractère souverain et exécutoire des décisions qui seront issues de la conférence. Ce débat, d’après Noël Allagbada, qui avait commencé 48 heures plus tôt a été clos le 25 février 1990 où le caractère souverain de la conférence a été reconnu et la force exécutoire de ses décisions a été posée. Les journalistes qui étaient sur les lieux ont rendu compte fidèlement de ces débats et permis aux citoyens de suivre en temps réel ce qui se disait. Par rapport à cela, les principaux acteurs qui n’étaient pas connus des populations ont pu être entendus. 30 ans après les indépendances dans ce pays qui a connu beaucoup de coups d’Etat, le peuple, surtout la jeune génération, pouvait entendre, écouter de nouveau les anciens présidents de la République à l’exception de Sourou Migan Apiti décédé au mois de novembre 1989. Ils étaient tous là, assis à la même table que ceux qui les ont combattus pendant des années et les ont contraints à l’exil, à savoir, les militaires qui ont fait des coups d’Etat contre eux et les intellectuels qui ont été toujours leurs adversaires politiques. C’est surtout cette union qui a fait la force de la conférence. Si on comprend tout ça, on peut se dire qu’en politique, rien n’est plus précieux que le dialogue franc et sincère.


L’ancien directeur général de l’Onepi avoue que la presse a été à la hauteur de sa mission, vu la conjoncture économique qui prévalait à l’époque parce que du 19 au 28 février 1990, le journal « Ehuzu » dont il était le patron a publié tous les articles sur la Conférence nationale. Il affirme qu’entre-temps, le gouvernement a fait un effort pour que les journalistes aient quelque chose grâce à la sensibilisation de Mgr Isidore de Souza, et la conférence a évoqué le cas du journal ‘’Ehuzu’’ devenu plus tard « La Nation ». Il rappelle qu’au lendemain de la Conférence nationale, le journal a sorti une plaquette spéciale regroupant tous les éléments de la conférence et qui a été édicté à près de 10 mille exemplaires. La retransmission en direct par l’Ortb de la Conférence nationale a été enregistrée par certains pays, ce qui a permis aux politiques, à ceux qui sont au pouvoir et à leurs opposants de préparer à leur tour leurs propres assises politiques de renaissance.
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