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Mathias Hounkpè à propos de la présidentielle: « C’est du Talon contre Talon »

Publié le vendredi 26 mars 2021  |  Matin libre
Mathias
© aCotonou.com par DR
Mathias Hounkpe, Politologue béninois,administrateur du programme de Gouvernance politique à OSIWA (Open Society Initiative for West Africa).
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Reçu sur Rfi hier, jeudi 25 mars 2021, le politologue béninois Mathias Hounkpè s’est prononcé sur les contours de la présidentielle du 11 avril au Bénin. Une interview au cours de laquelle, l’administrateur du Programme de gouvernance d’Osiwa a expliqué toute sa stupéfaction quant à la non crédibilité de cette joute électorale.

Rfi: Bonjour Mathias Hounkpè. Trois duos de candidats vont se disputer les suffrages pour la campagne qui doit commencer au Bénin. On est à vrai dire dans une configuration qui ne sera pas vraiment représentative dans la diversité de la scène politique béninoise. Est-ce que c’est selon vous une élection pour rien ? Talon contre Talon comme le disent certains opposants ?

Mathias Hounkpè : Oui. Je suis de ceux qui pensent que ces élections sont vraiment du Talon contre Talon parce que comme vous le savez, l’un des critères de validation de candidature à la présidentielle au Bénin, c’est le fait d’être sponsorisé par au 16 moins parrains. Et les parrains dans la quasi-totalité sont détenus par deux partis politiques soutenant le chef de l’État. Ça veut dire que ces deux autres duos auxquels vus faites allusion n’ont été candidats que parce que les partis politiques qui soutiennent le chef de l’État l’ont voulu. Donc, de mon point de vue, on ne peut pas de façon rationnelle aller soutenir des candidats qu’on considère comme crédibles et ayant véritablement des chances de gagner des élections contre soi-même. Donc pour moi, ces élections ne sont pas ouvertes et ne sont pas inclusives.

Donc cela conduit à une absence de l’opposition à des élections. Comment est-ce cette absence est vécue sur le terrain ?

Je pense que ça créé beaucoup de tensions sur le terrain. Même s’il est vrai qu’habituellement on déploie les forces de sécurité pour la sécurisation de tous nos processus électoraux, cette fois-ci tout le monde voit que c’est différent. Qu’il y a comme le souci de prévenir des tensions.

Vous pensez qu’on a les mêmes risques de violence que ceux qu’on a connus lors des législatives de 2019 ?

C’est difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a beaucoup de forces qui menacent de commencer des manifestations même à partir du 6 avril, parce qu’il y a une autre question qui est source de tensions politiques au Bénin aujourd’hui, c’est le fait qu’on a dû rallonger la durée du mandat du président de 47 jours. Il y a des gens qui pensent qu’à partir du 6 avril, le chef de l’État ne devrait plus être président de la République et ils vont commencer des manifestations. Vous savez comme moi qu’on ne sait jamais ce sur quoi de telles initiatives peuvent déboucher.

Certains au sein de l’opposition craignent que Patrice Talon finisse par vouloir modifier la Constitution alors que l’article 42, qui est issu de la réforme de 2019, précise bien que ‘’En aucun cas, nul ne peut exercer de sa vie plus de deux mandats de président de la République’’.

Est-ce que c’est une crainte que vous partagez ?

Disons que cette crainte peut se justifier par deux raisons. La première raison, le chef de l’État en venant avait promis, à plusieurs occasions, qu’il ne voulait faire qu’un seul mandat. Après il est revenu dire « Maintenant, je veux faire un deuxième mandat ». Cela veut dire que par rapport au souci de faire le troisième mandat ou non, sa parole seule ne peut plus suffire. La deuxième raison est qu’étant donné qu’il contrôle 100% des députés au Parlement, s’il décide demain de modifier encore la Constitution -comme certains de ses pairs ont commencé à le faire dans la sous-région-, pour enlever l’article dont vous parlez, je ne sais pas qui peut l’arrêter. Et donc, de ce point de vue, ceux qui soupçonnent ce genre de choses ont des raisons de le faire.

Comment peut-on décrisper le climat politique aujourd’hui ?

Il faudrait revoir le Code électoral pour que des dispositions, qui peuvent être utilisées pour exclure la participation des partis politiques aux législatives soient corrigées, pour que l’on ne se retrouve pas en 2023 avec la situation qu’on a connue en 2019 où seulement quelques partis politiques sélectionnés pourraient participer aux élections. Et c’est à ce moment-là que la démocratie béninoise se trouverait devant un autre danger peut-être plus grave.



Si on élargit le regard à d’autres pays de la sous-région, on a le sentiment que la justice s’abat de plus en plus sur les opposants. Ce qui, de fait, conduit à un appauvrissement de l’offre électorale dans beaucoup de pays. Où est le problème, selon vous ?

Je pense que nous sommes peut-être en train de payer le prix de quelques avancées qu’on a eues en matière de gestion des élections. Cela devient de plus en plus difficile de tricher le jour des élections dans nos pays, parce que si vous êtes sûrs de pouvoir tricher le jour des élections, vous pouvez laisser n’importe quel candidat aller aux élections contre vous, parce vous êtes sûr de contrôler le résultat. Mais si vous n’êtes pas sûr, il vaut mieux prendre des mesures en amont. Et donc, ce que nous observons de plus en plus dans nos pays maintenant, c’est que les présidents s’assurent avant les élections que les candidats crédibles soient éliminés, que les listes électorales soient manipulées, que les commissions électorales soient contrôlées, que le juge du contentieux électoral soit contrôlé. Et donc, en amont, on crée les conditions pour garantir les chances de victoires.

Vous diriez donc que, régulièrement, on assiste à une instrumentalisation de la justice ?

Exactement, on élimine déjà les candidats avant de permettre aux citoyens de donner leur point de vue.

Transcription : J.G
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